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Rubrique : chroniques francophones / volume 1

10 juillet 1998


 

Commerce électronique : une poudrière juridique

Gérard HAAS
Docteur en droit
Avocat à la Cour

 

Le commerce électronique s’entend de l’utilisation conjointe et combinée de tous les vecteurs et de tous les supports mis à la disposition part les télécommunications, en vue de développer le commerce de l’entreprise, aux niveaux national et international.

Incontestablement, les avantages d’une ouverture d’un site commercial Internet sont d’égaliser les chances des petites entreprises face aux grandes et de favoriser la naissance de produits et de transactions encore impensables hier.

A titre d’exemple citons l’expérience de galeries marchandes on line " Surf and Buy " d’IBM réalisées par IBM en partenariat avec 57 marques entre le 15 octobre 1997 et 16 janvier 1998. Il en ressort que se site aurait attiré 185 000 visiteurs dont 1410 ont acheté des produits pour un panier moyen de 600 francs (1) et un chiffre d’affaires total de 800 000 francs.

Le profil type de l’acheteur est le suivant :  il s’agit d’un homme (80%) de moins de quarante ans et se connecte sur le site à partir de son lieu de travail, les produits alimentaires sont les plus achetés (30% des ventes).

Sur le plan juridique, et contrairement à ce qui a pu être soutenu, Internet n'est pas une zone de non droit mais à notre avis une véritable poudrière juridique.

La première opération de désamorçage juridique consiste à déterminer la loi applicable, puis à qualifier juridique l’opération pour en déduire les conséquences pour les parties. Il faut également résoudre l'inévitable problème de la preuve de la réalité des opérations et s'attarder sur les moyens de paiements spécifiques aux opérations ayant lieu sur le site. Ces questions seront considérées ultérieurement, voyons d’abord :

Quelle est la loi applicable aux opérations de vente sur Internet ?

Le problème de la loi applicable ne se pose, par définition, qu'en cas de contrat ou de situation internationale. Or, le propre du réseau Internet est d'être international. Le problème de la loi applicable se posera donc dans la plupart des contrats conclus par le biais du Web.

L'entreprise qui offre sur son site Web des produits ou services est potentiellement en contact avec le monde entier, et c'est d'ailleurs bien souvent ce qu'elle recherche. Par conséquent, les contrats qui pourront être conclus sont à vocation internationale, il convient donc de déterminer quelle est la loi applicable à ce type de situation.

Selon les principes du droit international privé français, la loi applicable à un contrat est déterminée par référence aux règles "conflits de loi". A défaut de convention internationale, la jurisprudence a fixé quelques règles élémentaires en la matière.

Ces principes sont les suivants :

- les parties peuvent déterminer dans leur contrat de façon claire la loi qu'elles entendent voir appliquer à leur contrat, dans ce cas cette loi sera appliquée par les juridictions compétentes ou par les juridictions désignées par les parties, c'est le principe de l'autonomie de la volonté ;

- à défaut d'indication du contrat sur ce point, il sera fait application de la loi avec laquelle le contrat en cause présente le plus de liens de rattachement.

Les critères permettant de rattacher un contrat à une loi sont notamment :

- la nationalité des parties, mais le plus souvent sur Internet les nationalités seront différentes et ne pourront donc pas fournir un critère utile ;

- le lieu de conclusion ou d'exécution du contrat. Le lieu de conclusion pose également problème en matière de contrat conclu en ligne.Lle lieu de l'exécution sera donc le plus souvent retenu.

La Convention de Vienne, en date du 11 avril 1980, concerne uniquement la vente internationale de marchandises et non la fourniture de services, elle a été signée par 38 pays dont la France et les Etats-Unis. Cette convention ne sera cependant que peu appliquée aux ventes sur Internet car elle exclut de son champ d'application les ventes aux consommateurs.

Nous citerons ici pour mémoire la Convention de La Haye, en date du 15 juin 1955, concernant la vente des objets mobiliers corporels, mais celle-ci a été ratifiée par très peu de pays (2).

La convention de Rome, en date du 19 juin 1980, est applicable à tous les pays européens et à tous les contrats quel que soit leur objet (3). Cette convention reprend le principe de la liberté de choix des parties, et à défaut définit plus précisément la loi applicable comme étant celle du lieu du domicile de la partie devant fournir la prestation caractéristique.

En matière d'offre de produits ou de services sur le Web, la loi applicable au contrat, à défaut de détermination différente, sera la loi du domicile du vendeur ou du prestataire de service, donc pour une entreprise française la loi française.

Cependant, ce principe est atténué par l'article 5 de la convention de Rome qui prévoit que les consommateurs ne peuvent pas être privés des protections particulières que leur accorderait leur législation nationale. La loi française s'applique donc à défaut de choix des parties et à défaut de législation étrangère plus protectrice des intérêts des consommateurs.

La loi applicable en vertu de la convention de Rome détermine également les conditions de forme et de preuve gouvernant le contrat, ces aspects seront vus au point 6.

Aussi bien en vertu de la jurisprudence française qu'en vertu de la convention de Rome, la loi applicable à une entreprise française offrant ses produits ou services sur le Web est la loi française, à défaut de choix d'une loi différente.

La détermination d'une loi différente ne peut se faire que de façon très apparente pour le consommateur, c'est-à-dire que l'entreprise devra faire figurer sur son site une mention selon laquelle elle entend se soumettre à une autre loi précisée. Par ailleurs, cette autre loi ne peut pas avoir pour effet de diminuer la protection due aux consommateurs, ni constituer une fraude à la loi ou violer une loi d'ordre public.

Dans la plupart des cas la loi applicable sera donc la loi française.

 

Conclusion

Dans la mesure où les offres de produits ou services sur Internet sont notamment destinés à des consommateurs privés, le droit français de la consommation sera applicable.

D’ores et déjà, on peut constater que si les stratégies que les PMI/PME envisagent de poursuivre en terme de commerce électronique sont assez variées, la plupart doivent considérer qu’une part de production des richesses sera étroitement liée à leur capacité respective d’opérer dans un environnement de commerce électronique.

La première opération de désamorçage ayant été effectuée, dans un prochain article, nous traiterons de la vente à distance.

 

Cabinet Gérard HAAS, Paris


Notes

 

1. Stratégie n°1044 20/2/1998 page 20 " ACTUALITE MULTIMEDIA ".

2. Faites le point sur la réglementation informatique et ses conséquences sur l'Internet.

3. La convention de Rome ne s'applique cependant pas à quelques opérations particulières telles que les testaments ou les contrats de mariage.

 

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