Commerce électronique : une poudrière
juridique
Gérard HAAS
Docteur en droit
Avocat à la Cour
Le commerce électronique
sentend de lutilisation conjointe et combinée de tous les vecteurs et de tous
les supports mis à la disposition part les télécommunications, en vue de développer le
commerce de lentreprise, aux niveaux national et international.
Incontestablement, les avantages dune ouverture dun site
commercial Internet sont dégaliser les chances des petites entreprises face aux
grandes et de favoriser la naissance de produits et de transactions encore impensables
hier.
A titre dexemple citons lexpérience de galeries marchandes
on line " Surf and Buy " dIBM réalisées par IBM en partenariat
avec 57 marques entre le 15 octobre 1997 et 16 janvier 1998. Il en ressort que se site
aurait attiré 185 000 visiteurs dont 1410 ont acheté des produits pour un panier moyen
de 600 francs (1) et un chiffre daffaires total de 800 000 francs.
Le profil type de lacheteur est le suivant : il sagit
dun homme (80%) de moins de quarante ans et se connecte sur le site à partir de son
lieu de travail, les produits alimentaires sont les plus achetés (30% des ventes).
Sur le plan juridique, et contrairement à ce qui a pu être soutenu,
Internet n'est pas une zone de non droit mais à notre avis une véritable poudrière
juridique.
La première opération de désamorçage juridique consiste à
déterminer la loi applicable, puis à qualifier juridique lopération pour en
déduire les conséquences pour les parties. Il faut également résoudre l'inévitable
problème de la preuve de la réalité des opérations et s'attarder sur les moyens de
paiements spécifiques aux opérations ayant lieu sur le site. Ces questions seront
considérées ultérieurement, voyons dabord :
Quelle est la loi applicable aux opérations de vente
sur Internet ?
Le problème de la loi applicable ne se pose, par définition, qu'en
cas de contrat ou de situation internationale. Or, le propre du réseau Internet est
d'être international. Le problème de la loi applicable se posera donc dans la plupart
des contrats conclus par le biais du Web.
L'entreprise qui offre sur son site Web des produits ou services est
potentiellement en contact avec le monde entier, et c'est d'ailleurs bien souvent ce
qu'elle recherche. Par conséquent, les contrats qui pourront être conclus sont à
vocation internationale, il convient donc de déterminer quelle est la loi applicable à
ce type de situation.
Selon les principes du droit international privé français, la loi
applicable à un contrat est déterminée par référence aux règles "conflits de
loi". A défaut de convention internationale, la jurisprudence a fixé quelques
règles élémentaires en la matière.
Ces principes sont les suivants :
- les parties peuvent déterminer dans leur contrat de façon claire la loi qu'elles
entendent voir appliquer à leur contrat, dans ce cas cette loi sera appliquée par les
juridictions compétentes ou par les juridictions désignées par les parties, c'est le
principe de l'autonomie de la volonté ;
- à défaut d'indication du contrat sur ce point, il sera fait application de la
loi avec laquelle le contrat en cause présente le plus de liens de rattachement.
Les critères permettant de rattacher un contrat à une loi sont
notamment :
- la nationalité des parties, mais le plus souvent sur Internet les nationalités
seront différentes et ne pourront donc pas fournir un critère utile ;
- le lieu de conclusion ou d'exécution du contrat. Le lieu de conclusion pose
également problème en matière de contrat conclu en ligne.Lle lieu de l'exécution sera
donc le plus souvent retenu.
La Convention de Vienne, en date du 11 avril 1980,
concerne uniquement la vente internationale de marchandises et non la fourniture de
services, elle a été signée par 38 pays dont la France et les Etats-Unis. Cette
convention ne sera cependant que peu appliquée aux ventes sur Internet car elle exclut de
son champ d'application les ventes aux consommateurs.
Nous citerons ici pour mémoire la Convention de La Haye, en
date du 15 juin 1955, concernant la vente des objets mobiliers corporels, mais celle-ci a
été ratifiée par très peu de pays (2).
La convention de Rome, en date du 19 juin 1980, est
applicable à tous les pays européens et à tous les contrats quel que soit leur objet
(3). Cette convention reprend le principe de la liberté de choix des parties, et à
défaut définit plus précisément la loi applicable comme étant celle du lieu du
domicile de la partie devant fournir la prestation caractéristique.
En matière d'offre de produits ou de services sur le Web, la
loi applicable au contrat, à défaut de détermination différente, sera la loi du
domicile du vendeur ou du prestataire de service, donc pour une entreprise française la
loi française.
Cependant, ce principe est atténué par l'article 5 de la convention
de Rome qui prévoit que les consommateurs ne peuvent pas être privés des protections
particulières que leur accorderait leur législation nationale. La loi française
s'applique donc à défaut de choix des parties et à défaut de législation étrangère
plus protectrice des intérêts des consommateurs.
La loi applicable en vertu de la convention de Rome détermine
également les conditions de forme et de preuve gouvernant le contrat, ces aspects seront
vus au point 6.
Aussi bien en vertu de la jurisprudence française qu'en vertu de la
convention de Rome, la loi applicable à une entreprise française offrant ses produits ou
services sur le Web est la loi française, à défaut de choix d'une loi différente.
La détermination d'une loi différente ne peut se faire que de façon
très apparente pour le consommateur, c'est-à-dire que l'entreprise devra faire figurer
sur son site une mention selon laquelle elle entend se soumettre à une autre loi
précisée. Par ailleurs, cette autre loi ne peut pas avoir pour effet de diminuer la
protection due aux consommateurs, ni constituer une fraude à la loi ou violer une loi
d'ordre public.
Dans la plupart des cas la loi applicable sera donc la loi française.
Conclusion
Dans la mesure où les offres de produits ou services sur Internet sont
notamment destinés à des consommateurs privés, le droit français de la consommation
sera applicable.
Dores et déjà, on peut constater que si les stratégies que les
PMI/PME envisagent de poursuivre en terme de commerce électronique sont assez variées,
la plupart doivent considérer quune part de production des richesses sera
étroitement liée à leur capacité respective dopérer dans un environnement de
commerce électronique.
La première opération de désamorçage ayant été effectuée, dans
un prochain article, nous traiterons de la vente à distance.
Cabinet Gérard HAAS, Paris
Notes
1. Stratégie n°1044 20/2/1998 page 20 " ACTUALITE
MULTIMEDIA ".
2. Faites le point sur la réglementation informatique et ses
conséquences sur l'Internet.
3. La convention de Rome ne s'applique cependant pas à quelques opérations
particulières telles que les testaments ou les contrats de mariage.
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