Le trouble des affaires Queneau
Attention ! Les droits d'auteurs s'appliquent dans le
cyberespace. La numérisation d'une oeuvre littéraire et sa mise en ligne ne peuvent se
faire impunément.
Lionel
Thoumyre
Pour éviter la contrefaçon, les propriétaires de sites web doivent recevoir
l'assentiment du titulaire du droit de divulgation. Ou du moins, en principe, si l'on se
réfère aux affaires Brel et Sardou en 1996 et, plus récemment, à la première affaire
Queneau jugée le 5 mai 1997. Mais depuis le 10 juin dernier tout n'est plus si clair !
Voici qu'une Ordonnance du Tribunal de Grande
Instance de Paris vient jeter le trouble. L'héritier du célèbre écrivain Raymond
Queneau, certain du paiement de dommages et intérêts pour la diffusion de l'oeuvre de
son père sur lInternet, fut quelque peu surpris. D'autant plus qu'il avait
précédemment gagné un procès lopposant à Christian L. et au serveur Mygale. En
effet, dans un jugement du 10 juin 1997, le tribunal a cette fois-ci conclu à
"l'absence de contrefaçon" ! Est-ce à dire que les droits d'auteurs seraient
désormais bannis du cyberespace ? N'allons pas trop vite... Ce qui est réprimé dans
lacte de contrefaçon, est le fait de donner la possibilité au public de prendre
connaissance de luvre reproduite.
N'allons pas
trop vite... Ce qui est réprimé dans lacte de contrefaçon, est le fait de donner
la possibilité au public de prendre connaissance de luvre reproduite. En
revanche, lusage privé des reproductions est toléré. Ainsi, dès l'instant où le
propriétaire d'un site web, consacré à son auteur favori, ouvre les portes de son
"domicile virtuel" à la communauté des internautes, il risque de se mettre
dans une situation illégale. C'est un peu comme si l'on inscrivait à l'entrée de sa
maison : "Venez lire les oeuvres de mon poète préféré" en laissant la clé
sur la porte. Dans ce cas, il y a bien contrefaçon.
Ce fût le verdict de la première affaire Queneau et
la raison de la méprise de son héritier . Il n'avait pas apprécié la subtile
différence entre les deux affaires. A nouveau, des reproductions numérisées des "
Cent Mille Milliards de Poèmes " étaient mises à la disposition des internautes.
Mais cétait bien malgré la volonté du propriétaire des fichiers en cause,
Jérôme B. En théorie, les copies de luvre ne pouvaient être consultées
hors du réseau privé du Laboratoire dAnalyse des Systèmes du CNRS. Cependant, une défaillance du système
de protection à permis à un agent de l'APP (Agence pour la Protection des Programmes)
den prendre connaissance via lInternet. Malchance ? Mystères de
linformatique ? Toujours est-il que les juges ont voulu tenir compte de la bonne foi
de M. Jérôme B., lequel navait envisagé quun simple usage privé des
reproductions de loeuvre. La demande en réparation de Jean-Marie Queneau fût donc
rejetée. A situation exceptionnelle, décision exceptionnelle.
Nen déplaise à nombre de cybernautes, les
droits d'auteurs conserveront leur entière vigueur sur Internet, il ny a pas
revirement de jurisprudence ! Néanmoins, nous saurons que les juges tiennent compte des
caprices de linformatique.
L.T.
Lien :
Ordonnance
du TGI de Paris