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Rubrique : internautes / le droit pour tous
Mots clés : droit, international, pénal, cyberespace
Citation : Lionel THOUMYRE, "Zone de non droit : au-delà du mythe", Juriscom.net, novembre 1997
Première publication : Planète Internet, n°24, novembre 1997, p. 32


Zone de non droit : au-delà du mythe

A l’inverse des eaux internationales, le cyberespace reste soumis aux lois des rivages...

Lionel Thoumyre


Flash back. Au cours des années soixante, une dizaine de stations radio s’installent au large des côtes anglaises. Violant le monopole des radios officielles, les émissions clandestines provoquent de grave interférences sur les ondes régulières des Etats voisins. Sans tarder, les autorités britanniques décident d’aborder la première station pirate située à bord du navire Caroline. Mais les arguments du capitaine prennent le dessus. Son bateau se trouvant dans les " eaux internationales ", aucune autorité ne peut l’appréhender. Imparable ! En effet, la Convention sur la haute mer de 1958 définit une aire de liberté exceptionnelle au-delà des eaux territoriales des Etats côtiers. La haute mer étant ouverte à tous, " aucun Etat ne peut légitimement prétendre en soumettre une partie quelconque à sa souveraineté ". Plusieurs années durant, les stations émettrices situées dans cette zone qualifiée de " non droit " échappèrent au courroux de   multiples nations. L’épopée ne s’achèvera qu’en 1982 avec la Convention de Montégo Bay, retirant aux stations clandestines le bénéfice du statut protecteur de la haute mer.

Ouvert à l’ensemble des nations connectées, l’on a cru un temps que le vent du large soufflerait dans le cyberespace. Naviguer sur le web, surfer sur Internet... Peu importe la pertinence des métaphores. A la différence des radios pirates, l’origine d’un message disséminé sur l’Internet ne se situe pas en zone internationale. Au contraire, la source de l’information sera localisée sur un territoire précis. A moins d’être virtuel, le diffuseur d’une information ne peut se réfugier dans l’étendue du cyberespace. Le mythe effacé, les difficultés ne font que commencer !

Tout serait plus simple si seul le droit de l’Etat d’où provient l’information devait s’appliquer. Mais l’ensemble des pays " récepteurs " ont parfois leur mot à dire. Simple exemple : au regard de l’article 113-2 de notre Code pénal, le juge est fondé à faire jouer la loi pénale française dès lors qu’un message illicite est reçu sur le territoire de la République. L’efficacité d’une décision judiciaire dépend alors de l’assentiment des autorités étrangères. Or, obtenir la coopération de nations protégeant des valeurs différentes des nôtres n’est pas chose aisée. Dans le cas contraire, la diffusion des messages négationnistes à partir de serveurs Américains ou Canadiens aurait sans doute cessé. Quoiqu’il en soit, il est impossible de forcer le respect des normes pénales d’environ 200 pays différents. Il serait peut-être temps que les concertations internationales aboutissent. Car, en réalité, l’Internet souffre tout à la fois d’un trop plein juridique et d’un vide politique.

L.T.

Liens :

Dispositions du Code Pénal Français

Histoire de Radio Caroline
(en anglais)

 

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