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Rubrique : internautes / le droit pour tous
Mots clés : Napster, MP3, auteur, oeuvre, musical, musique
Citation : Nicolas VERMEYS, "La saga Napster", Juriscom.net, 11 octobre 2000
Première publication : Juriscom.net


La Saga Napster

Le conflit juridique opposant la société Napster inc. et l’industrie musicale américaine dure depuis près d’un an.  Les parties au litige continuent à défendre leurs points de vue respectifs alors que plusieurs observateurs questionnent leur raisonnement.

Nicolas Vermeys,
Étudiant à la Faculté de droit de l'Université de Montréal


Malgré son adoption récente, la Digital Millenium Copyright Act, qui encadre les questions de droits d’auteurs relatifs à l’internet aux États-Unis, est déjà au centre de plusieurs dossiers juridiques américains autrefois difficiles à plaider. Parmi ces batailles judiciaires, peu ont fait couler autant d’encre que le combat opposant la société Napster inc. et la Recording Industry Association of America (RIAA), combat qui, le 2 octobre dernier, connu son tout dernier épisode.

Napster, ce n’est pas MP3

La confusion entre Napster inc. et MP3.com est désormais classique. Deux sociétés connexes, toutes deux sujets de poursuites par la RIAA, mais qui sont en fait distinctes. Les MP3 sont des fichiers musicaux de taille réduite lorsqu’on les compare aux fichiers sur les disques compacts conventionnels, mais dont la qualité sonore est presque équivalente. Les fichiers MP3 ne sont pas interdits, sauf s’il reproduisent des œuvres protégées. Napster.com est un site Internet qui permet à ses usagers d’entrer en contact avec d’autres internautes qui sont à la recherche de tels fichiers. Ainsi, Napster.com ne possède pas de fichiers MP3 sur son site, il ne fait qu’en faciliter l’échange entre ses utilisateurs. C’est cette distinction qui rend le conflit actuel si difficile à trancher, puisqu’à première vue Napster ne fait rien d’illégal.

L’affaire d’une année

> Décembre 1999, la RIAA poursuit Napster inc. pour la violation de droits d’auteurs.

> Le 13 avril 2000, le groupe de musique « Metallica » intente la première poursuite fédérale contre Napster inc. La violation des droits d’auteurs est encore une fois en cause, mais Napster inc. fait maintenant face à des accusations de racket.

> Le 25 avril 2000, l’artiste « Dr. Dre », ainsi que sa maison de disques Aftermath Records imite « Metallica » et accuse Napster de piraterie et de violation de ses droits d’auteur.

> Le 3 mai 2000, « Metallica » dépose aux quartiers généraux de Napster inc. à San Mateo une liste de noms de 317 377 usagers qui distribuent illégalement leurs œuvres via Napster.com, en demandant que Napster inc. interdise l’accès au site à ces usagers. Napster accède à la demande, mais précise que si « Metallica » n’intente pas de poursuites juridiques contre ces individus dans les dix jours, l’accès sera rétabli pour tous ces utilisateurs.

> Le 5 mai 2000, la juge Marilyn Hall Patel de la U.S. District Court de San Francisco établit que Napster inc. n’est pas protégé par l’exception accordée pour la distribution en ligne de la Digital Millenium Copyright Act, puisque cette section ne vise que les fournisseurs d’accès Internet. L’avocat de Napster inc., Laurence Pulgram prétendait pouvoir utiliser cette exception pour éviter un procès avec la RIAA.  

> Le 17 mai, c’est au tour de « Dr Dre » de soumettre aux dirigeants de Napster inc. une liste de 935 500 utilisateurs qui distribuent illégalement ses œuvres grâce à leur réseau. Napster inc. applique la même politique qu’avec « Metallica ».

> Le 11 juillet 2000, Lars Ulrich, le batteur du groupe « Metallica », témoigne devant le congrès américain. Selon ses dires, Napster vole les artistes en permettant à ses clients de se procurer gratuitement certaines œuvres protégées.

> Le 26 juillet 2000, la juge Marilyn Hall Patel de la « U.S. District Court » de San Francisco accorde une injonction à la RIAA contre Napster inc. Cette injonction prendra effet dès trois heures le 29 juillet et obligera la société à cesser ses activités jusqu’à la date du procès à moins qu’une instance supérieure ne retarde l’injonction.

> Le 27 juillet 2000, Napster inc. en appelle de la décision de la juge Patel.

> Le 28 juillet 2000, la 9th U.S. Circuit Court of Appeals suspend l’injonction de la juge Patel jusqu'à une date ultérieure.

> Le 11 août 2000, la juge Patel publie les détails de sa décision du 26 juillet. La technologie de Napster serait, selon elle, employée à des usages commerciaux et non personnels, ce qui implique que le site serait illégal.

> Le 18 août 2000, Napster inc. dépose un bref devant la 9th U.S. Circuit Court of Appeals dans lequel il critique la décision de la juge Patel en soulignant la légitimité du site.

> Le 8 septembre 2000, le gouvernement fédéral américain se rallie à la position de la RIAA. Dans un document déposé devant la cour d’appel fédérale par le département de la justice, le gouvernement prétend que la loi employée par Napster inc. pour sa défense ne peut le protéger contre des accusations de violation de droits d’auteur.

> Le 2 octobre 2000, suite à l’audition des parties, la 9th U.S. Circuit Court of Appeals maintient la suspension de l’injonction prise contre Napster inc. et ce jusqu’au procès dont la date n’est toujours pas déterminée.

Arguties et arguments

Selon David Boies, avocat de la défenderesse, l’entreprise ne fait que faciliter l’échange de fichiers entre tiers, ce qui est permis en soi. Napster admet qu’il est possible que ces tiers se transmettent des fichiers dont le contenu est protégé par droits d’auteurs, mais le site ne peut surveiller toutes les transmissions effectués via ses canaux. La société ajoute d’emblée que l’appropriation d’œuvres protégées n’est pas illégale, c’est la commercialisation de ces œuvres qui est interdite, comme en témoigne la jurisprudence de Sony Corp of America v. Universal City Studios Inc. Dans cette affaire, la cour a établi que l’usage d’un magnétoscope n’est pas illégal tant que l’enregistrement effectué n’a pas pour but d’être redistribué et vendu au grand public.

L’argumentation des avocats de Napster inc. n’impressionnent pas la RIAA dont la position est on ne peut plus simple : la distribution gratuite et non autorisée des œuvres de ses membres via les canaux du site de la défenderesse les prive de redevances auxquelles ils ont droit. Selon Howard King, avocat de « Metallica », à chaque minute, partout dans le monde, des milliers d’individus entrent dans les magasins et volent des disques compacts, c’est ce qu’ils font virtuellement avec Napster.

Ironiquement, l’industrie du disque connaît une année exceptionnelle, les ventes ayant augmenté de 6% dans la première moitié de l’an 2000. Or, selon un sondage de la firme Jupiter Communication, cette augmentation serait probablement due à Napster et aux autres sites distribuant des MP3. De plus, Napster permet à plusieurs artistes d’être découverts par le public, sans compter que l’entreprise a déboursé près de deux millions de dollars pour subventionner une série de concerts gratuits donnés par le groupe « Limp Bizkit ». Connaissant ce contexte, le conflit juridique entre ces deux industries connexes serait probablement mieux résolu par une union visant une exploitation commune des différents médias, c’est, du moins, ce que plusieurs prétendent. Après tout, l’élimination de Napster mettra-t-elle réellement fin à la distribution de MP3 illégaux ? 

N.V.

Liens :

Dossier Napster sur Multimédium,  mis à jour le 3 octobre 2000,
<http://www.mmedium.com/cgi-bin/nouvelles.cgi?Id=4360> ;

Jean-François Codère, « Napster fait des petits », Multimédium, 3 octobre 2000,
<http://www.mmedium.com/cgi-bin/nouvelles.cgi?Id=4361> ;

Guillaume Bonjean, « Le sort se joue à San Francisco », ZDnet France, 3 octobre 2000,
<http://www.zdnet.fr/actu/inte/a0016152.html> ;

Jérôme Thorel, « 5 dollars par mois pour que Napster survive », ZDnet France, 4 octobre 2000,
<http://www.zdnet.fr/actu/soci/a0016164.html>.

 

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