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Rubrique : professionnels / volume 1

Archivage / preuve électronique

Février 1999


 

L’archivage électronique : oui, mais pas n’importe comment !

Explications

Alexandre Menais, Juriste spécialisé en droit de l'informatique

 


Vers l'annexe


Dématérialisation, numérisation, scanérisation... A l’heure du tout informatique ces mots sont de plus en plus répandus et employés par les utilisateurs des outils informatiques mais surtout dans les grands systèmes d’information.

Leur signification n’a finalement que peu d’intérêt. Il en est autrement de la finalité qu’ils servent qui ne saurait nous laisser indifférents par ses conséquences. Ce sont des moyens qui permettent de mettre en oeuvre la gestion électronique de documents, plus communément appelé archivage électronique.

A ce jour, nous constatons que la définition de l’archivage électronique connaît une profonde mutation. On considérait que sa mission première était de collecter et conserver de façon ordonnée, des données sur un support informatique afin de réduire les volumes papier et les coûts associés. Dorénavant, la pratique démontre qu’au-delà de la simple opération technique, l’archivage électronique devient un instrument de preuve favorisant la reconstitution historique des événements.

Illustration de cette mutation et de l’accroissement de la place de l’archivage électronique notamment dans l’entreprise, les administrateurs de réseaux se plaignent de voir les " HOST " littéralement exploser ! On entend fréquemment parler des fameuses " sauvegardes poubelles " !

Il est vrai que la multiplication des réseaux Intranet au sein des sociétés constitue selon nous une explication logique de cet accroissement de l’archivage électronique, même si la conservation des échanges électroniques intra-entreprise entre les salariés dépasse le simple cadre de la preuve juridique...

Pour autant, c’est bien dans le domaine de la preuve et plus précisément dans la valorisation des engagements de l’entreprise que la dématérialisation des écrits provoque une véritable révolution.

Quand bien même juridiquement, les documents archivés électroniquement n’ont pas à ce jour de valeur probante, il n’en demeure pas moins que notre droit positif admet des dérogations aux règles traditionnelles de l’écrit sur support papier, au sein desquelles l’archivage électronique peut trouver toute sa place.

C’est pourquoi les pouvoirs publics se sont penchés sur le problème et ont mis en place depuis peu une norme AFNOR publiée le 12.02.1999 (AFNOR Z42-013 élaborée par la Commission de normalisation AFNOR CG171 " Imagerie documentaire " du Ministère de la Culture et de la Communication) (recommandation relatives à la conception et à la l’exploitation de systèmes informatiques en vue d’assurer la conservation et l’intégrité des documents stockées dans ces systèmes).

L’objectif affiché de la normalisation de l’archivage électronique est de mettre en adéquation les supports numériques et le droit de la preuve et de permettre de développer les moyens électroniques d’archivage (" l’archivage électronique va disposer d’une norme ", par Isabelle POTTIER et Jean-Louis PASCON, Les ECHOS 28/05/1998).

Organiser et réglementer la normalisation de l’archivage électronique était un préalable obligatoire avant de déterminer le régime juridique des documents électroniques. C’est ce qu’il convient d’étudier.

 

  • Une normalisation de l’archivage électronique

La nouvelle norme AFNOR offre à l’entreprise la possibilité d’organiser son archivage en considération de ses priorités (preuve, base de données,...) et/ou de sa politique de gestion des risques dans ce domaine. Le choix sera établi sur sept options techniques différentes dans la mesure où les systèmes d’information ne comportent pas des équipements de stockage permettant d’être " delete " ou d’être modifier a posteriori.

Des critères techniques de durabilité et de fidélité des systèmes utilisant des disques optiques de types Worm (Write only read many) ont été définis.

Option A (marquage des supports) et option B (chaînage des supports) qui seront recommandées pour des objectifs probatoires.

Option C (pour les opérations de saisie et de stockage des documents); Option D (utilisation d’outils de cryptologie pour chiffrer tout ou partie des informations stockées) ; Option E (carte à microprocesseur pour la connexion au système ; Option F (réalisation d’audit interne) ; Option H {recours à un tiers " archiveurs ", qui s’ajoutent aux fournisseurs de solutions pour la gestion électronique et aux entreprises d’archivage. Le Tiers " archiveurs " va désormais pouvoir offrir une pluralité de service (datages des documents ou des échanges de documents, cryptage, gestion des EDI...)}.

A coté de ces considérations très techniques, il apparaît que ces options auront un impact sur la complexité du système de stockage de l’entreprise et dès lors sur son coût !

Il va de soit que cette normalisation n’aura d’efficacité que par une sécurité technique absolue ce qui sous-entend une sensibilisation des utilisateurs et une remise en cause organisationnelle importante. (en ce sens Guy FERMON " l’Intranet documentaire nouvel outil pour gérer les documents de références bancaires " Banque & Informatique Février 99 n°109 p.42).

Autrement dit, si sur le plan technique la communication peut s’avérer aisée (un " password " supplémentaire parmi une pléthore !) il conviendra d’expliquer avant toute chose ce qu’il faut archiver...

 

  • Des règles de droit applicables

Nous avons déjà précisé que, sur le plan juridique, l’archivage électronique ne connaît pas de reconnaissance légale au titre de la preuve.

Pour autant, il existe au titre de la conservation des documents en tant que mode de preuve, des dérogations manifestes.

Tout d’abord les dérogations du Code civil qui énumèrent les modes preuves recevables, par opposition à la preuve écrite et signée, tels que les commencements de preuves par écrits (article 1347 du Code civil), les impossibilités matérielles de se procurer un écrit (article 1348 al1 du Code civil), les conventions de preuve (en ce sens les contrats porteurs de cartes bancaires) et enfin les présentations d’une copie fidèle et durable (article 1348 al2 du Code civil).

Plus encore, les régimes de liberté de preuve en droit commercial et administratif démontrent que les preuves légales admises ne constituent pas dans leur ensemble un cadre rigide excluant de fait et de droit toute possibilité de reconnaissance de la valeur juridique des éléments dématérialisés.

L’archivage électronique se verrait-il alors limiter par des problèmes de conservation ?

Les règles de droit imposent une conservation calquée sur les délais de prescription que la loi détermine pour ester en justice. Le délai de droit commun est trentenaire, mais des dérogations légales sont nombreuses. A titre d’exemple, les dispositions de l’article L 102B du Livre des procédures fiscales définissent des délais de conservation distincts et prévoient des règles d’archivages spécifiques {un délai général de six ans pour tout document ou pièces auxquels l’administration a accès pour procéder à des contrôles qui pourra être conservé sur support informatique pendant trois ans (article L 169 LPF) et à l’issue de ce délai jusqu’à la 6éme année sur tous supports au choix du contribuable dans la mesure où ces derniers peuvent être reconstitués sur support papier}.

Enfin, il faut préciser que ces durées admettent les dérogations contractuelles, dans les conditions de l’article 2220 du Code civil.

Si la normalisation va permettre l’uniformisation des techniques d’archivages, sécurisant ainsi les supports de conservation, la technique n’entraîne pas la suppression de conservation de tous les originaux. Une règle pour le moment demeure, elle implique que selon la nature du document et le domaine dans lequel il est utilisé, les contraintes seront différentes.

Enfin, rappelons que les risques de sanctions (civiles et pénales) en cas de non-conservation des originaux demeurent. A cela s’ajoutent les contraintes techniques elles - mêmes, puisque si l’environnement matériel ou logiciel conservant les documents venait à être modifié l’entreprise doit être en mesure de relire et de traiter à tous moments les informations que l’on pourrait lui demander ou bien qu’elle ait transmis.

Pour résumer, avant la mise en place d’un système d’archivage électronique, un audit préalable du contenant et du contenu des documents électroniques à archiver s’avérera plus qu’indispensable.

A. M.

 


ANNEXE PRATIQUE POUR LES PARTICLULIERS

(source 30 millions de consommateurs)

 

FACTURES

  • Gaz, électricité, eau : Gaz, électricité, eau : 5 ans (article 2277 du Code civil).
  • Téléphone: Téléphone: 1 an à partir du jour de paiement (article L.146 du code des P&T).
  • Biens de consommation : 2 ans (article 2272 du Code civil). Sans limitation de durée pour les objets coûteux (justificatif vis-à-vis de l’assureur). 2 ans (article 2272 du Code civil). Sans limitation de durée pour les objets coûteux (justificatif vis-à-vis de l’assureur).

 

HONORAIRES

  • Huissiers : 1 an.
  • Avocats, avoués, médecins, chirurgiens -dentistes : 2 ans.
  • Notaires : 5 ans (articles 2272 et 2273 du Code civil).

 

BANQUE

  • Chèques : 10 ans au minimum.

Les banques et La Poste gardent les relevés de compte pendant dix ans. Mais les particuliers ont intérêt à les conserver plus longtemps. En cas de litige pécuniaire avec un tiers, talons de chèques, tickets de paiement par carte et relevés de compte constituent un commencement de preuve.

  • Crédits à la consommation : 2 ans après la dernière échéance de remboursement (article 27 de la Loi du 10 janvier 1978).
  • Crédits immobiliers : 10 ans après la dernière échéance.
  • Crédits professionnels : 10 ans après la dernière échéance.

 

SANTE

  • Carte vitale : En principe conservation durant toute la vie de l’individu toute même si un renouvellement des cartes sera opéré durant sa vie probablement. : En principe conservation durant toute la vie de l’individu toute même si un renouvellement des cartes sera opéré durant sa vie probablement.
  • Sécurité sociale : Sécurité sociale : 2 ans pour les décomptes de remboursements de soins, avis d ' arrêt de travail, certificats de grossesse, bulletins de versement d ' allocations familiales. Ordonnances et feuilles de maladie sont soumises au même délai de prescription et dés lors passé deux ans, plus de droit au remboursement des prestations auxquelles elles correspondent.
  • Dossiers médicaux : Dossiers médicaux : sans limitation de durée.

 

IMPÔTS

  • Impôt sur le revenu : 4 ans pour votre feuille d'imposition et toutes les pièces donnant droit à déduction (contrats d'assurances, justificatifs de frais de gardes, etc.). En effet, les services fiscaux peuvent réparer les omissions ou insuffisances d 'imposition jusqu'à la fin de la troisième année qui suit l'année concernée.
  • Taxes d 'habitation et foncières : 1 an pour les avis de recouvrement. (article L173 du Livre des procédures fiscales).
  • Quittance de redevance TV : 3 ans à partir de la date de mise en recouvrement (décret 91-304 du mars 1992).

 

ASSURANCE

  • Contrats et avenants : toute la période de validité.
  • Quittances : 2 ans (article L114/1 Code des assurances).
  • Dossier d'accidents corporels : sans limitation de durée.
  • Demande de résiliation : 2 ans. Gardez l'accusé de réception de la lettre adressée à votre assureur, et son double.
  • Factures des objets de valeur : sans limitation de durée. Justificatifs en cas de vol ou d'incendie.
  • Factures de garagiste : tant que vous possédez le véhicule. Mais aussi à posteriori pour prouver l'état de la voiture avant la vente.

 

MAISON

  • Titre de propriété : Titre de propriété : sans limitation de durée.
  • Copropriété : Copropriété : 10 ans pour les décomptes des charges et les correspondances avec le syndic.
  • Contrat d'architecte : Contrat d'architecte : 10 ans à compter de la date de réception des travaux pour les dommages et malfaçons.
  • Locations : pendant toute la durée du bail et cinq ans après son expiration le bailleur et le locataire doivent conserver contrat, caution, état des lieux, quittances de loyer, factures de travaux d'amélioration justificatifs des charges d'entretien, actes d'huissier…(article 2277/1 du Code civil). pendant toute la durée du bail et cinq ans après son expiration le bailleur et le locataire doivent conserver contrat, caution, état des lieux, quittances de loyer, factures de travaux d'amélioration justificatifs des charges d'entretien, actes d'huissier…(article 2277/1 du Code civil).

 

EMPLOI

  • Salariés : jusqu'à la retraite pour les contrats de travail, bulletins de salaires, avis de paiement d'allocations de chômage, notifications d'arrêts de travail et bordereaux d'indemnités de Sécurité sociale, décomptes annuels de points.
  • Non salariés : jusqu'à la retraite pour les appels à cotisation. Les pièces varient selon les professions.
  • Retraités : sans limitation de durée pour l'accusé de réception du dossier de demande de retraite, le bordereau de reconstitution de carrière et les documents d'attribution de pension.
 

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