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Rubrique : professionnels / volume 1

Videosurveillance

21 mars 1999


 

Souriez, vous êtes filmés…
La videosurveillance en Belgique

Par Maîtres Bernard Magrez et Hélène Vanoverschelde
Avocats au barreau de Bruxelles
De Wolf & Associés


A. La notion de la vie privée

B. Le régime particulier de la loi du 8 décembre 1992

C. La directive 95/46/CE du 24 octobre 1995

D. Le régime général imposé par le droit au respoect de la vie privée

F. La videosurveillance et le cadre contractuel d'emploi

G. La convention collective de travail n° 68 du 16 juin 1998 relative à la protection de la vie privée des travailleurs à l'égard de la surveillance par caméras sur le lieu de travail


A. La notion de la vie privée

1. Les composantes de la vie privée

Le concept de la vie privée rassemble trois composantes, dont la totalité ne se laisse pas enfermer en une définition unique.
(J. VELU, "La convention européenne des droits de l’homme et le droit au respect de la vie privée, du domicile et des communications", Vie privée et droits de l’homme, Bruxelles, 1973, p. 59)

Le premier aspect est celui de l’intégrité physique de l’individu : c’est cet aspect de la vie privée que mettent en cause, par exemple, l’agression sexuelle ou l’intervention chirurgicale à laquelle aucun consentement n’a été donné. Le deuxième aspect est celui de la confidentialité de certaines informations à caractère personnel, dont l’individu peut refuser la révélation publique : le secret de son état de santé, de ses opinions politiques ou de ses convictions philosophiques ou religieuses, des amitiés qu’il noue, relèvent de la vie privée étendu en ce second sens. Enfin, un troisième aspect du concept de vie privée émerge lorsqu’on affirme, non seulement le droit de chacun à ne pas subir une atteinte à son intégrité physique ou morale, mais aussi son droit )à un libre épanouissement de sa personnalité : lorsque sa vie privée est considérée sous cet angle, l’individu est considéré non pas isolément, mais dans les relations qu’il noue avec autrui, et à travers lesquelles il se développe en retour.

2. Le rapport de la vidéosurveillance sur la vie privée

La surveillance des individus par le moyen d’appareils visant à capter leur image, puis éventuellement à la fixer ou à l’enregistrer, met en cause la vie privée de ces individus (Fr. LAGASSE et M. MILDE, "Protection de la personne et vie privée du travailleur. Investigation et contrôle sur les lieux de travail", Orientations, 1992, pp. 149-164; P. DE HERT et S. GURWITH, "Controletechnieken op de werkplaats : een herbeschouwing in het licht van het persoonsgegevensbeschermingsrecht", Oriëntatie, 1993, pp. 93-109 et 125-14).

L’intérêt de la distinction proposée entre les trois aspects que recouvre le concept de la vie privée est qu’elle permet d’apercevoir que c’est sous deux angles différents, en fonction des circonstances, que la surveillance par caméras menace la vie privée :

  • Lorsque cette surveillance s’opère de manière secrète, elle conduit à soustraire des informations, consistant en certains comportements ou attitudes, que l’intéressé aurait pu ne pas souhaiter divulguer.
  • Lorsqu’elle est connue de ses destinataires, la surveillance les oblige à l’adoption de certains comportements ou attitudes, plus ou moins éloignés des comportements ou attitudes qu’ils adopteraient en l’absence de la surveillance.

3. La vidéosurveillance au regard du droit belge

Le droit belge ne comprend aucune disposition générale réglementant explicitement l’emploi de caméras vidéo de surveillance.

Seuls les articles 5 de la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé (Aux termes duquel : "Il est interdit au détective privé d’espionner ou de faire espionner ou de prendre ou de faire prendre intentionnellement à l’aide d’un appareil quelconque des vues de personnes qui se trouvent dans des lieux non accessibles au public sans que le gestionnaire du lieu où les personnes concernées aient donné leur consentement à cette fin. Il est interdit au détective privé d’installer, de faire installer ou de mettre à la disposition du client ou de tiers un appareil quelconque dans l’intention de commettre un des actes décrits au premier et deuxième alinéas." ) et l’article 35 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police (Aux termes duquel : "Les fonctionnaires de police administrative ou judiciaire ne peuvent, sans nécessité, exposer à la curiosité publique les personnes arrêtées, détenues ou retenues. Ils ne peuvent soumettre ou laisser soumettre ces personnes, sans leur accord, aux questions de journalistes ou de tiers étrangers à leur cas, ni à des prises de vue autres que celles destinées à leur identification ou à d’autres fins décidées par l’autorité judiciaire compétente." ) ainsi que l’article 62 des lois coordonnées relatives à la police de la circulation routière, envisagent l’hypothèse de façon expresse, dans des champs chaque fois très limités.

Que seules ces situations soient envisagées expressément par le législateur, cela ne signifie naturellement pas que le droit tolère, dans les autres circonstances où elle est pratiquée, la surveillance par caméras. La Constitution du 17 février 1994, à l’article 22 (Dont l’alinéa 1er énonce : "Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixées par la loi." ), ainsi que les articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantissent le droit au respect de la vie privée. Par ailleurs, la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personne, qui vise à traduire dans le droit interne les exigences de la Convention n° 108 conclue sur cette question au sein du Conseil de l’Europe, en dépit du champ d’application limité qui est le sien, pourrait être applicable à certaines hypothèses de captation d’images de la personne par voie de caméras.

B. Le régime particluier de la loi du 8 décembre 1992

1. Le champ d’application de la loi du 8 décembre 1992

1.1. Le principe

La loi du 8 décembre 1992 s’applique, d’une part, à tout ensemble d’opérations réalisées en tout ou en partie à l’aide de procédés automatiques et relatif à l’enregistrement et la conservation de données à caractère personnel, ainsi qu’à la modification, l’effacement, la consultation ou la diffusion de ces données (ce qu’elle appelle ‘traitement automatisé’), d’autre part, à l’enregistrement, la conservation, la modification, l’effacement, la consultation ou la diffusion de données à caractère personnel sou forme d’un fichier sur support non automatisé (ce qu’elle appelle ‘tenue d’un fichier manuel’) (Voy. Les articles 1er §§ 3 et 4 et 3 § 1er de la loi ).

Les données sont considérées comme étant "à caractère personnel" lorsqu’elle sont "relatives à une personne physique identifiée ou identifiable" (Article 1er § 5 de la loi).

Cela ne suppose pas que l’information soit nominative, c’est à.dire qu’elle permette de repérer par son nom propre la personne qu’elle concerne. Pour qu’elle puisse être qualifiée de "donnée à caractère personnel", il suffit que la recherche de l’individu concerné, au départ de l’information dont on dispose, ne soit pas exagérément difficile ou coûteuse (M.-H. BOULANGER, C. DE TERWANGNE et TH. LEONARD, "La protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel", op. cit., n° 3 à 6).

1.2. L'applicabilité de la vidéo-surveillance

Par les attitudes qu’il adopte devant l’œil d’une caméra qui l’espionne, l’individu communique des informations à celui qui reçoit l’image, et qui peut les enregistrer ou les ordonner afin de les consulter ultérieurement. Ces informations forment des données à caractère personnel, soit parce que l’individu qui les fournit est identifiable sur l’image, comme celle du manifestant filmé dans la foule, soit parce que la caméra suit un individu particulier, dont la position est connue, comme dans l’agence de banque où elle est orientée vers un employé spécifique.

C’est la raison pour laquelle la doctrine (P. DE HERT et S. GURWIRTH, "Camera’s tussen contrôle en privacy-bescherming", Journal des Procès, n° 257, 18 mars 1994, pp. 24-25; M.-H. BOULANGER, C. DE TERWANGE et Th. LEONARD, "La protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel", op. cit., n° 10; P. DE HERT et S. GURWIRTH, "Camera’s en de noodzakelijke ontgroening van de privacywet", R.W., 1994-95, op. cit., pp. 107-108, citant également en ce sens P. LEMMENS, "De verwerking van persoonsgegevens door politiediensten en de eerbiediging van de persoonlijke levenssfeer", Liger amicorum J. D’Haenens, Antwerpen, Kluwer, 1993, p. 215) considère la loi du 8 décembre 1992 applicable aux systèmes de surveillance par vidéo.

Tel est également l’avis formulé par la Commission de la protection de la vie privée, même si elle subordonne l’applicabilité de la législation dont elle assure la mise en œuvre (Voy. Sur les missions de la Commission de la protection de la vie privée les articles 29 à 31 de la loi du 8 décembre 1992 précitée) à l’existence d’un élément subjectif, celui d’une utilisation systématique des images visuelles "pour identifier des personnes" (Commission de la protection de la vie privée, avis n° 14.95 du 7 juin 1995, n° 2 : la Commission en déduit que la loi ne s’applique pas pour les images de passants filmés par hasard en même temps que des bâtiments ou des événements publics. Il en va tout autrement lorsque ces images sont spécifiquement prises afin de pouvoir identifier les personnes filmées, par exemple, dans le cadre du maintien de la sécurité).

Cela vaut sous deux réserves importantes :

Tandis que cette législation s’applique au traitement automatisé des donnés à caractère personnel, ainsi qu’à la tenue d’un fichier manuel regroupant de manière systématique ces données, elle ne concerne pars les "dossiers". le "dossier" se distingue du fichier par cela que les données qu’il contient ne peuvent faire l’objet d’une consultation systématique, en raison de ce que l’information y est moins structurée : pour rechercher telle ou telle donnée dans un dossier, une consultation de l’ensemble du dossier est requise, en raison de ce que les données qui y figurent ne sont pas classées en ordre logique (O. DE SCHUTTER, "La vidéosurveillance et le droit au respect de la vie privée", I, dans Journal des Procès, 1996, n° 296, pp. 10-14) .

Les termes de la loi semblent imposer de faire une distinction entre les systèmes de surveillance par caméras, suivant qu’ils permettent ou non d’enregistrer les données visuelles dont ils assurent la collecte et la transmission, et d’en conserver la trace. Lorsque le système de surveillance ne comprend pas l’enregistrement des images rassemblées, mais vise uniquement la surveillance instantanée de certains lieux ou activités par tir d’un point qui s’en trouve géographiquement éloigné, aucune conservation des données n’a lieu : il ne paraît pas que la loi puisse s’appliquer dans cette hypothèse (Selon un membre de la Commission de la protection de la vie privée appelé à se prononcer sur l’applicabilité de la loi du 8 décembre 1992 à la prise d’images, cette applicabilité supposerait ‘une numérisation du matériel visuel et un environnement logiciel permettant de systématiser ce type de matériel visuel et d’en extraire de l’information’; selon un autre membre, ‘les données visuelles aussi bien que les données sonores sont effectivement des données se rapportant à une personne et pouvant faire l’objet d’une consultation’, ce qui pourrait justifier l’application de la loi). En revanche, lorsque es images filmées sont enregistrées sur bande, par exemple afin de servir en cas de procédure judiciaire, ou bien lorsque les informations transmises par caméra de surveillance sont traitées de façon systématique, par exemple par des notations attribuées à la productivité au travail des employés que la caméra espionne ou par des indications relatives aux attitudes observées, le traitement des données personnelles en cause relève de la législation du 8 décembre 1992 (Y. POULLET et Th. LEONARD, "Les libertés comme fondement de la protection des donnés nominatives", in Fr. RIGAUX, La vie privée).

2. La commission de la protection de la vie privée

(K. VAN BULCK, "La Commission de la protection de la vie privée et le Comité de surveillance institué auprès de la Banque Carrefour : répartition des tâches relatives au secteur de la sécurité sociale", Rev. B. séc. Soc., 1993, pp. 327-339)

La Commission de la protection de la vie privée visée au chapitre VII de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel a une important mission de contrôle et d’interprétation des règles relatives à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel. Ces règles sont fixées dans la Loi du 8 décembre 1992 et dans un certain nombre de lois particulières relatives au Registre National, au crédit à la consommation et à la Banque Carrefour.

La Commission de la protection de la vie privée peut, soit d’initiative, soit sur demande du Gouvernement, des Chambres législatives, des Exécutifs communautaires ou régionaux, des Conseils de Communauté ou régionaux ou d’un Comité de surveillance particulier, émettre des avis ou des recommandations sur toute question relative à l’application des principes fondamentaux de la protection de la vie privée dans le cadre de la loi du 8 décembre 1992 ainsi que des lois contenant des dispositions relatives à la protection de la vie privée, à l’égard des traitements de données à caractère personnel (Article 29 et 30 de la L.P.V.P).

La Commission de la protection de la vie privée reçoit les déclarations que doivent effectuer les maîtres de fichier au sujet de traitements automatisés de données et peut exiger des informations complémentaires quant à ces traitements (Article 17 L.P.V.P.) La Commission inscrit les déclarations qui lui sont faites dans un registre public (Article 18 L.P.V.P).

La Commission de la protection de la vie privée doit en principe dénoncer au Parquet toute infraction dont elle a connaissance et peut soumettre au tribunal de première instance tout litige se rapportant à l’application de la loi du 8 décembre 1992 et de ses arrêtés d’exécution (Article 32, § 2, alinéa 1er et § 3 L.P.V.P).

Le droit d’accès ou de rectification relatif à des traitements gérés par les services de la Sûreté ou par la police judiciaire ou administrative est exercé par l’intermédiaire de la commission de la protection de la vie privée (Article 13 L.P.V.P.).

La Commission de la protection de la vie privée examine les plaintes se rapportant à la violation du droit à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données (Article 31 L.P.V.P).

La Commission de protection de la vie privée communique chaque année au Parlement un rapport sur ses activités (Article 32, § 2 L.P.V.P ) .

3. Les conséquences en matière de vidéo-surveillance

3.1. Principes directeurs de la loi du 8 décembre 1992

Aux termes de l’article 5 de la loi : "les données à caractère personnel ne peuvent faire l’objet d’un traitement que pour les finalités déterminées et légitimes et ne peuvent pas être utilisées de manière incompatible avec ces finalités; elles doivent être adéquates, pertinentes et non excessives par rapport à ces finalités".

Cette disposition exige que l’objectif poursuivi par le traitement soit légitime (principe de la légitimité).

Elle impose aussi que le traitement ne doit pas détourné des fins en vue desquelles il est effectué (principe de l’utilisation conforme).

Enfin, elle requiert que les données ne peuvent faire l’objet d’un traitement que dans la mesure nécessaire à la réalisation de la fin poursuivie (principe de la proportionnalité).

La première composante contient d’abord une exigence formelle, celle que la finalité poursuivie par le traitement soit déclarée avec une précision suffisante.

Cette première composante contient aussi une exigence substantielle, celle que la finalité poursuivie soit admissible mais aussi qu’elle présente un intérêt suffisant au regard de la restriction apportée à la vie privée, laquelle doit être mise en balance.

Il s’agit de vérifier si la mise en place du système de traitement lui-même, en tant qu’il apporte une restriction au droit au respect de la vie privée des individus qu’il concerne, peut être justifié par l’intérêt qu’il poursuit.

3.2. Application des principes directeurs en matière de video-surveillance

Pour se conformer à la législation, le responsable d’un système de surveillance – qualifié au termes de la loi de ‘maître du fichier’ – doit, non seulement déclarer sa mise en place à la Commission de protection de la vie privée, mais aussi respecter un certain nombre de prescrits dans les modalités de l’installation elle-même. Tout enregistrement secret de données visuelles doit être considéré comme interdit. Ce n’est pas seulement que la caméra doit être visible; c’est aussi que la personne dont l’image est enregistrée doit connaître l’identité du maître du fichier, ainsi que la finalité poursuivie par l’enregistrement. A cette fin s’impose l’annonce, par voie d’affichage, qu’un système de surveillance par caméras est installé et qu’il vise à rencontrer tel ou tel souci.

Le principe de légitimité suppose aussi qu’il ne soit recouru à un tel système de surveillance qu’à défaut pour le responsable de sa mise en place de pouvoir rencontrer ses objectifs par des moyens moins restrictifs : il suffit d’installer, à la sortie des magasins ou entreprises, des détecteurs anti-vol afin de prévenir que soient emportées des marchandises ou des objets appartenant à l’entreprise, une telle technique de surveillance doit être préférée. Le principe de l’utilisation conforme suppose que les données visuelles enregistrées soient utilisées que pour les fins annoncées d’avance : la caméra vise-t-elle à prévenir les vols à l’étalage, elle ne pourra servir à établir une infraction aux bonnes mœurs- en dépit du principe de la preuve libre en matière pénale, si l’infraction devait être prouvée par des moyens de preuves recueillies de manière illicite, cette preuve devrait être rejetée. Le principe de proportionnalité dans la collecte de l’utilisation des donnerez suppose que les données visuelles ne soient conservées que pendant le temps nécessaire à la finalité poursuivie : les images recueillies afin de prévenir les troubles à l’ordre public devront être détruites lorsque aucun désordre n’a pu être constaté.

C. La directive 95/46/CE du 24 octobre 1995

La directive vise à garantir un niveau minimal de protection des droits et libertés des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel. Cette harmonisation est motivée par la nécessité d’éliminer les obstacles à la circulation de ces données d’Etat membre à Etat membre, qui résulteraient de l’existence de législations nationales dans l’Etat de départ, que l’Etat d’arrivé estimerait insuffisamment protectrices.

Il appartient aux Etats membres, destinataires de la directive, d’adopter les mesures requises pour la transposition des directives, dans un délai qui est en principe de trois ans.

Dans sont arrêt Marleasing du 13 novembre 1990, la Cour de Justice des Communautés européennes avait cependant décidé qu’en appliquant le droit national, qu’il s’agisse de dispositions antérieures ou postérieures à la directive, la juridiction national appelée à interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l’article 189, al. 3 du traité (C.J.C.E., 13 novembre 1990, Marleasing SA c. Commercial Internacional de Alimentacion SA, C-106/89, Rec., p. I-4135).

Il est intéressant d’indiquer en quoi la prise en considération de la directive communautaire pourra conduire les autorités chargées de la surveillance et de l’application de la loi du 8 décembre 199 – Commission de protection de la vie privée et juridictions de l’ordre judiciaire – à modifier leur interprétation de cette législation.

C’est sur le plan des "principes relatifs à la légitimation des traitements de données", auxquels elle consacre un article 7 unique, que la directive communautaire apparaît la plus contestable. Aux termes de cet article :

"Les Etats membres prévoient que le traitement de données à caractère personnel ne peut être effectué que si :

La personne concernée a indubitablement donné son consentement ou

Il est nécessaire à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie ou à l’exécution de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ou

Il est nécessaire au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis ou

Il est nécessaire à la sauvegarde de l’intérêt vital de la personne concernée ou

Il est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique, dont est investi le responsable du traitement ou le tiers auquel les données sont communiquées ou

Il est nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiquées, à condition que ne prévalent pas l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée (et notamment son droit à la vie privée)."

Observations :

Le traitement est légitime dès l’instant où la personne concernée a indubitablement donné son consentement. Ainsi, la directive ne rencontre-t-elle pas l’hypothèse d’un consentement qui serait nul parce que contraire à l’ordre public.

Pour des raisons similaires, la légitimité du traitement qui est nécessaire à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie ou à l’exécution de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci est contestable. Il ne paraît pas justifié de présumer le consentement de la personne entrant dans les liens d’une relation contractuelle à subir une restriction à sa vie privée.

L’hypothèse du traitement nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiquées, à condition que ne prévalent pas l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée, qui appellent une protection au regard de la vie privée. L’hypothèse de l’article 7, f) de la directive ne fait qu’exprimer l’exigence générale de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (O. DE SCHUTTER, "La vidéosurveillance et le droit au respect de la vie privée", II, dans Journal des Procès, 1996, n° 297, pp. 10-13).

D. Le régime général imposé par le droit au respect de la vie privée

Dans les hypothèses où la loi du 8 décembre 1992 n’est pas applicable, la surveillance par caméras vidéo relève du régime général qui découle de la protection reconnue au droit au respect de la vie privée, par la Constitution et par les instruments internationaux directement applicables dans l’ordre juridique interne. Ces textes admettent certaines restrictions au droit au respect de la vie privée, pourvu que ces restrictions soient prévues par la loi et poursuivent des buts légitimes, et qu’elles puissent être considérées comme nécessaires à la réalisation de l’objectif poursuivi.

1. Les exigences de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme

Si elle n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur la question de a surveillance par caméras, la Cour européenne des droits de l’homme a cependant rendu plusieurs arrêts dans une matière voisine, celle de la surveillance des communications téléphoniques, dont on peut tirer des enseignements utiles.

En constatant l’existence d’une ingérence non seulement dans l’hypothèse de l’interception de communications téléphoniques, mais également dans celle du ‘comptage", c’est à dire. de l’identification des numéros appelés depuis l’appareil placé sous surveillance, la Cour a fourni une interprétation large des informations relevant de la vie privée. Sont considérées telles, non seulement les messages communiqués par la volonté de l’individu vers l’extérieur mais également les indications qui peuvent être tirées de ses comportements, et dont le sens requiert une interprétation de la part de l’observateur. C’est en ce sens qu’on peut déduire, du droit au respect de la vie privée de l’individu, un droit à la maîtrise sur l’image de son corps.

2. La traduction des exigences de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme à la video-surveillance

Il existe un lien entre le régime mis en place par la législation du 8 décembre 1992 et celui imposé, cette fois dans toute hypothèse d’ingérence dans la vie privée par voie de vidéosurveillance, par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme :

A l’exigence de transparence, qui suppose que la finalité du traitement de données soit déclarée et définie avec une précision suffisante et qui se traduit par une obligation d’information dans le chef du responsable du fichier correspond à l’exigence du caractère suffisamment accessible de la loi réglementant les conditions de l’ingérence, condition de légalité de celle-ci aux termes de l’article 8, §2. A la différence cependant de cette dernière disposition, qui est compatible avec des mesures secrètes de surveillance à condition que les modalités suivant lesquelles elles peuvent être décidées soient précisées et que des circonstance tout à fait exceptionnelles le justifient, la loi du 8 décembre 1992, pour le traitement des données qu’elle régit, exclut en principe le secret.

Dans l’arrêt Olsson c. Suède du 24 mars 1988, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que ‘la notion de nécessité implique une ingérence fondée sur un besoin social impérieux et notamment proportionnée au but légitime recherché’. De la même façon que le principe de la finalité inscrit à l’article 5 de la loi du 8 décembre 1992 exige, non seulement que la finalité poursuivie par le traitement de données personnelles en cause soit la réalisation d’un objectif suffisamment important au regard de la restriction à la vie privée qu’il implique, mais aussi que cette restriction soit limitée au minimum, l’article 8, § 2 de la Convention suppose, non seulement le caractère ‘impérieux‘ de l’objectif poursuivi, mais aussi le respect d’une relation de proportionnalité stricte entre cet objectif et la restriction apportée à la vie privée.

E. La videosurveillance et le cadre contractuel d'emploi

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme s’impose aux particuliers, et notamment aux employeurs, comme aux autorités publiques. L’employeur qui voudrait poursuivre l’exécution en justice d’un contrat comprenant une clause constitutive d’une violation du droit au respect de la vie privée verra cette clause annulée ou, si elle est essentielle à l’accord, le contrat lui-même déclaré nul (Voy. Par ex. Liège, 22 septembre 1988, J.T., 1989, p. 655 rejetant une instruction accomplie au départ d’éléments apportés au moyen d’écoutes téléphoniques réalisés dans l’entreprise ).

De même, seront écartés les moyens de preuve recueillis en violation du droit au respect de la vie privée, par exemple par des moyens de surveillance électronique (Dans une affaire récente concernant l’enregistrement de conversations téléphoniques, alors que l’enregistrement avait été effectué à l’initiative d’un particulier en collaboration avec un commissaire de police, la Cour européenne des droits de l’homme écarta l’argument du gouvernement défendeur suivant lequel les autorités publiques ne seraient pas responsables de la violation notant que, de toute manière "l’enregistrement constituait une ingérence contre laquelle la requérante avait droit à la protection de l’ordre juridique français" (Cour eur.dr.h., arrêt A. c. France du 23 novembre 1993, Série A, n° 277-B, § 36) .

En tant qu’organe de l’Etat, le juge qui ne respecterait pas l’obligation qui lui est faite d’appliquer l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme engage la responsabilité internationale de la Belgique (Liège (Ch. mis. Acc.), 22 septembre 1988).

La seule question propre à la relation contractuelle entre deux particuliers, en tant que cette relation serait distincte du rapport entre l’Etat et le particulier qui se trouve placé sous sa juridiction, concerne la valeur du consentement qui, dans la première hypothèse, s’exprime par le fait d’entrer dans la relation contractuelle. La valeur du consentement à faire l’objet d’une surveillance par caméras pendant l’exécution du contrat de travail doit être appréciée avec prudence.

1. L’exigence du consentement

Dans une affaire, la chambre des mises en accusations de la Cour d’Appel de Liège a écarté l’élément de preuve consistant en l’enregistrement de communications téléphoniques privées réalisées dans l’entreprise, à l’insu des intéressés, au motif principal "qu’il ne résulte pas des éléments du dossier que l’enregistrement des communications téléphoniques destinées à la société constituait une règle qui y était habituellement appliquée et connue de ses préposés."

Le consentement que le travailleur exprime en s’inscrivant dans la relation contractuelle peut s’étendre à certaines restrictions apportées à sa vie privée. Ce consentement cependant doit être exprès. Car, si les éléments de droit positif qui permettent d’éclairer la situation en cause sont rares, ils suggèrent néanmoins une interdiction de principe d’une restriction à la vie privée, par exemple sous la forme de surveillance par caméras : dans ce contexte, on ne peut présumer que le travailleur, qui s’inscrit dans la relation contractuelle, y a consenti.

Les indications suivantes suffisent à illustrer le sens de la présomption :

L’article 16 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, qui énonce des parties qu’elles se doivent un égard mutuel (En ce sens, voy. Trav. Bruxelles, 26 mars 1990, qui estime cependant justifié le licenciement pour motif grave d’un travailleur ayant détruit les systèmes de surveillance par caméra vidéo et les appareils d’enregistrement des conversations téléphoniques, au motif qu’on ne peut se faire justice à soi-même. Le même jugement affirme que le contrôle par vidéo-caméra "een inbreuk uitmaakt op de privacy waarop een werknemer - ook tijdens zijn werkuren - recht heeft, aangezien niet enkel contrôle wordt uitgeoefend op hun prestaties en rendement, maar dat tevens hun privé-gesprekken kunnen afgeluisterd worden"), peut être interprété comme excluant un tel type de contrôle (R. DELARUE, "Bescherming van de privacy in de onderneming en de begrenzing van de patronale prerogatieven", Chr. D.S., 1992, pp. 133-141), comme pourrait l’être également la règle suivant laquelle les conventions doivent être exécutées avec bonne foi (Article 1134, alinéa 3 c.c).

Les principes énoncés dans la Recommandation n° R(89)2 adoptée le 18 janvier 1989 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, portant sur la protection des données à caractère personnel utilisées à fin d’emploi, affirment la nécessité de respecter la vie privée et la dignité humaine de l’emploi, en particulier la possibilité de relations sociales et individuelles sur le lieu de travail (Article 15b du Statut du Conseil de l’Europe ), et ils prévoient explicitement l’hypothèse où certains procédés techniques destinés à contrôler les mouvements ou la productivité des employés porteraient atteinte au droit au respect de la vie privée et de la dignité humaine des employés (Pour une dénonciation de la théorie du consentement tacite comme "fiction juridique" dans le contexte de la présence d’un sujet connu dans un lieu public, qui par sa seule présence consent à la divulgation de son image, voy. J. RAVANAS, La protection des personnes contre la réalisation et la publication de leur image, op. cit., pp. 163-172) : émanant d’un organe du Conseil de l’Europe, ces principes constituent, non seulement un guide utile à l’interprétation des réglementations nationales en cause, mais aussi des instruments adoptés au sein du Conseil de l’Europe, et notamment de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’exigence que toute ingérence soit "nécessaire dans une société démocratique", à la poursuite d’un but légitime : elle suppose non seulement l’existence d’un but social impérieux, mais aussi que la mesure d’ingérence soit strictement proportionnée au but légitime poursuivi. Or, exceptionnelles seront les hypothèses où l’installation de caméras vidéo apparaîtra comme le seul moyen apte à réaliser adéquatement la surveillance requise : tel pourra être le cas dans l’espace d’une agence de banque qui est ouvert au public pendant les heures d’ouverture; tel ne pourra être le cas dans un atelier ou, a fortiori, dans un lieu de détente des travailleurs.

La légalité de l’installation d’un système de surveillance par vidéo-caméras dépendra en définitive d’une évaluation des intérêts en présence dans la mise en place d’un tel régime : intérêt de l’employeur à préserver la sécurité des locaux et à décourager les vols commis dans l’entreprise ou encore à évaluer la productivité des personnes qu’il emploie, d’une part; l’intérêt des travailleurs à ne pas faire l’objet d’un espionnage systématique, constituant une restriction importante à la vie privée qui doit leur être reconnue, y compris sur les lieux de travail et dans le cadre de l’accomplissement de leurs prestations, d’autre part. Il ressort des indications précitées que le consentement du travailleur, en tout état de cause, ne saurait être présumé au départ de la seule circonstance que, par la conclusion du contrat de travail, il s’inscrit dans un lien de subordination vis-à-vis de l’employeur : ainsi, même lorsque l’installation d’un système de vidéo-surveillance peut être considérée comme légale au regard non seulement du doit du travail, mais aussi de la loi du 8 décembre 1992 lorsqu’elle trouve à l’appliquer ou, dans tous les cas, de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, le consentement du travailleur à faire l’objet d’une telle surveillance doit être recueilli (Voy. Les articles 6, 2° et 5° de la loi du 8 avril 1965 instituant les règlements de travail, prévoyant l’indication dans le règlement de travail des "modes de mesurage et de contrôle du travail en vue de déterminer la rémunération""ainsi que des "droits et obligations du personnel de surveillance", Voy. P. DE HERT, "Oude en nieuwe wetgeving op controletechnieken in bedrijven", op. cit., n° 16).

2. La forme du consentement

La mise en place d’un système de surveillance par caméras vidéos, surtout si elle sert à mesurer la productivité dont dépend la rémunération, doit être indiquée dans le règlement de travail de l’entreprise. Celui-ci est établi ou modifié par le conseil d’entreprise ou, en l’absence d’un conseil d’entreprise, à travers le processus de consultation des travailleurs et de conciliation que la loi prévoit.

Il est important que les juridictions du travail devant lesquelles pourront être contestées, en raison de leur non-conformité à la Convention européenne des droits de l’homme ou à la loi du 8 décembre 192, les conventions collectives de travail ne respectant pas ces instruments, ne prennent pas prétexte de ce que, par la conclusion de son contrat de travail, l’individu aurait accepté certaines restrictions à sa vie privée, pour conclure à la légalité des conventions collectives de travail prévoyant ces restrictions. Une telle attitude de la part des juridictions du travail placerait le travailleur face à une alternative inacceptable : ou bien il occupe le poste de travail proposé, et fait alors le sacrifice d’un de ses droits fondamentaux, ou bien il refus de l’occuper, et alors il paie d’un prix excessif l’exercice d’un droit qui lui est reconnu.

Le contrat de travail individuel peut déroger au règlement de travail, mais c’est "sans préjudice des dispositions légales et réglementaires" : il doit par conséquent être en conformité avec les conventions collectives de travail existant dans le secteur en cause, ainsi qu’avec les autres prescriptions légales.

S’agissant plus particulièrement de la mise en place d’un système de vidéosurveillance dans l’entreprise, la difficulté que pose cette superposition des normes applicables à la relation de travail est la suivante. D’un côté, en raison du respect dû à la vie privée du travailleur, la convention collective du travail ne peut apporter de restrictions à ce doit qui excèdent le critère de proportionnalité, une telle prévision devant être considérée comme étant illégale. Mais d’un autre côté, dans la négociation de son contrat de travail individuel, l’individu est particulièrement démuni face aux propositions de l’employeur : c’est bien sûr seulement par les revendications communes qu’ils formulent, et non lorsqu’ils procèdent sur une base individuelle, que les travailleurs peuvent constituer des partenaires égaux dans la négociation. La seule manière de résoudre cette difficulté est que la convention collective de travail réglemente efficacement les conditions de l’utilisation de caméras de surveillance mais en adoptant pour seuil minimum de protection la vie privée à laquelle a droit le travailleur, sur les lieux même où il effectue sa prestation. A défaut pour la convention collective de travail d’offrir une solution efficace à la question de la surveillance par caméras vidéos, la restriction qu’il lui est interdit d’apporter au droit au respect de la vie privée des travailleurs risquerait d’être consentie par chacun d’eux individuellement, sur une base contractuelle (O. DE SCHUTTER, "La vidéosurveillance et le droit au respect de la vie privée", dans Journal des Procès, 1996, n° 298, pp. 10-16).

F. Convention collective de travail n° 68du 16 juin 1998 relative à la protection de la vie privée des travailleurs à l'égard de la surveillance par caméras sur le lieu de travail

1. Contexte

Instruments :

La convention n° 108 du Conseil de l’Europe du 28 janvier 1981 pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, ratifiée par la Belgique par la loi du 17 juin 1991;

La recommandation n° R (89) 2 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur la protection des données à caractère personnel utilisées à des fins d’emploi, qui précise les principes énoncés dans la convention susvisée sous l’angle du droit du travail;

Les textes suivants ont été adoptés :

La directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données;

Le recueil de directives pratiques sur la protection des données personnelles des travailleurs, que le Conseil d’administration de l’O.I.T. a adopté lors de sa 267ème session en novembre 1996 et auquel le Conseil national du Travail a apporté sa contribution dès la phase préparatoire en émettant l’avis n° 1.160 du 23 juillet 1996.

Il est à noter que :

Sur le plan des droits fondamentaux de l’individu, le droit au respect de la vie privée a été inscrit explicitement dans l’article 22 de la Constitution belge lors de la révision de celle-ci en 1993;

Sur le plan du droit du travail, le principe veut que la relation entre travailleur et employeur soit empreinte d’un respect mutuel. Ce principe est exprimé dans l’article 16, alinéa 1er de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, lequel stipule que l’employeur et le travailleur se doivent le respect et des égards mutuels.

La CCT n° 68 du 16 juin 1998 définit ce qu’il faut entendre par surveillance par caméras sur le lieu de travail, dans quelles conditions cette surveillance est autorisée et quelles prescriptions il y a lieu de respecter en la matière.

La convention collective de travail n° 68 concrétise les principes consacrés dans la loi du 8 décembre 1992, notamment le principe de finalité, le principe de proportionnalité et l’obligation d’information, par rapport au lieu de travail.

Etant donné que ces principes sont considérés comme des garanties pouvant être jugées essentielles pour la protection de la vie privée, la convention n° 68 les introduit également pour les cas de surveillance par caméras qui à l’heure actuelle ne relèvent pas du champ d’application de la loi du 8 décembre 1992. De cette manière, la convention transpose le directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, en droit belge pour ce qui concerne la surveillance par caméras sur le lieu de travail.

2. Définition

Article 2

Il y a lieu d’entendre par surveillance par caméras, tout système de surveillance comportant une ou plusieurs caméras visant à surveiller certains endroits ou certaines activités sur le lieu de travail à partir d’un point qui s’en trouve géographiquement éloigné dans le but ou non de conserver les images dont il assure la collecte et la transmission.

3. Modalités d’application

Article 3

La surveillance par caméras sur le lieu de travail avec ou sans conservation des images n’est autorisée que pour autant qu’il soit satisfait aux conditions fixées aux articles 4 à 11 inclus.

Finalité :

Article 4

§ 1er La surveillance par caméras sur le lieu de travail n’est autorisée que lorsque l’une des finalités suivantes est poursuivie :

la sécurité et la santé;

la protection des biens de l’entreprise;

le contrôle du processus de production (si le contrôle porte uniquement sur les machines, il a pour but d’en vérifier le bon fonctionnement, s’il porte sur les travailleurs, il a pour but l’évaluation et l’amélioration de l’organisation du travail);

le contrôle des prestations de travail du travailleur et plus particulièrement le mesurage et le contrôle en vue de déterminer la rémunération (cfr. Art. 9, § 2).

§ 2 L’employeur doit définir clairement et de manière explicite la finalité de la surveillance par caméras.

N.B. : En cas de surveillance secrète par caméras, les dispositions du Code pénal s’appliquent.

Article 6

§ 1er

§ 2 La surveillance par caméras peut être permanente ou temporaire lorsque l’une des finalités suivantes est poursuivie :

la sécurité et la santé;

la protection des biens de l’entreprise;

le contrôle du processus de production qui porte uniquement sur les machines.

§ 3 La surveillance par caméras ne peut être que temporaire lorsque l’une des finalités suivantes est poursuivie :

le contrôle du processus de production qui porte sur les travailleurs;

le contrôle du travail du travailleur.

N.B. : La surveillance par caméras permanente du travailleur n’est pas autorisée. La surveillance par caméras permanente des machines n’est autorisée que dans la mesure où le but n’est pas de viser le travailleur.

Proportionnalité :

Article 7

L’employeur ne peut utiliser la surveillance par caméras d’une manière incompatible avec la finalité expressément décrite.

Article 8

En principe, la surveillance par caméras ne peut entraîner une ingérence dans la vie privée du travailleur. Si toutefois il y a ingérence, celle-ci doit être réduite à un minimum. A cet effet, il y aura lieu de respecter la procédure fixée aux articles 10 et 11.

Information :

Article 9

§ 1er Préalablement et lors de la mise en œuvre de la surveillance par caméras, l’employeur doit informer le conseil d’entreprise sur tous les aspects de la surveillance par caméras visés au § 4.

A défaut de conseil d’entreprise, cette information est fournie au comité pour la prévention et la protection au travail ou, à défaut d’un tel comité, àla délégation syndicale ou, à défaut, aux travailleurs.

§ 2 Lorsque la surveillance par caméras a pour objet le contrôle des prestations de travail, et plus particulièrement le mesurage et le contrôle en vue de déterminer la rémunération ou a des implications sur les droits et obligations du personnel de surveillance, l’employeur fournit cette information dans le cadre de la procédure fixée à l’article 11 et suivants de la loi du 8 avril1965 instituant les règlements de travail.

§ 3 Lors de la mise en œuvre de la surveillance par caméras, l’employeur doit informer les travailleurs concernés sur tous les aspects de la surveillance par caméras visés au § 4.

§ 4 L’information à fournir en vertu du présent article porte au moins sur les aspects suivants de la surveillance par caméras :

la finalité poursuivie;

le fait que des images sont ou non conservées;

le nombre de caméras et l’emplacement de la ou des caméras;

la ou les périodes concernées pendant lesquelles la ou les caméras fonctionnent.

Consultation :

Article 10

§ 1er Si, à l’occasion de l’information visée à l’article 9, il apparaît que la surveillance par caméras peut avoir des implications sur la vie privée d’un ou de plusieurs travailleurs, le conseil d’entreprise ou, à défaut, le comité pour la prévention et la protection au travail examine les mesures qu’il y a lieur de prendre pour réduire l’ingérence dans la vie privée à un minimum.

§ 2 …

Article 11

Le conseil d’entreprise ou, à défaut, le comité pour la prévention et la protection au travail doit en outre évaluer régulièrement les systèmes de surveillance utilisés et faire des propositions en vue de les revoir en fonction des développements technologiques.

Article 13

§ 1er L’employeur doit traiter les images collectées de bonne foi et en conformité avec la finalité décrite.

§ 2 Si les images collectées sont utilisées à des finalités autres que celle pour laquelle la surveillance par caméras a été introduite,l’employeur doit s’assurer que cet usage est compatible avec la finalité initiale et prendre toutes les mesures pour éviter, vu le contexte, les erreurs d’interprétation.

Article 14

Les travailleurs peuvent à tout moment invoquer les dispositions des articles 10, 12 et 13 de la loi du 8 décembre 1992.

Pour exercer ces droits, ils ont le droit de se faire assister par leur délégué syndical.

B. M. et H. V.

 

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