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Rubrique : professionnels / volume 1

Produits déféctueux

Juin 1998


 

Commentaires sur la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité des produits défectueux

Alexandre Menais, Juriste spécialisé en droit de l'informatique

 



INTRODUCTION

 

Le Parlement Français (Loi n°98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité des produits défectueux, JORF du 21.05.1998 p.7744 et s.) vient de transposer dans notre droit interne la directive 85/374/CEE du Conseil des Communautés Européennes du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité des produits défectueux (Markovits LGDJ " la directive du 27 mai 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux " 1990).

Pour mémoire nous rappellerons, que cette directive obligeait les Etats membres de la CEE devenue Union Européenne, à établir une telle réglementation avant le 30 juillet 1998…

Nous ne reviendrons pas sur les atermoiements des différentes majorités parlementaires (ex : proposition de loi de N. Catala juillet 1993 Doc.Ass.Nat n°469) et des gouvernements successifs.

Simplement, à titre liminaire, une interrogation nous anime. La transposition de cette directive a-t-elle été vraiment conditionnée par les impératifs de délai ?

La question n’est pas mineure dans la mesure où dans d’autres domaines nos gouvernants ne prennent pas autant de précautions. La France a certes été à plusieurs reprises condamnée par la CJCE pour non transposition de cette directive (CJCE 15.01.1993).

Mais, la récente évolution des tribunaux français face aux directives communautaires (voir nos remarques sur le sujet in " Les aspects juridiques du passage à l’an 2000 ", Juriscom, mai 1998) laisse à penser que cette soudaine hâte, constitue un outil peu ou prou opportuniste, pour réguler notre droit interne.

Ces interrogations n’enlèvent rien au fait que dorénavant sous le titre IV bis du Code Civil Français, existent les articles 1386-1 à 1386-18 qui posent un nouveau principe de responsabilité dans notre droit français.

La rédaction de l’article 1386-1 laisse à penser qu’il existe un principe d’application générale qui dès lors repousse la distinction classique des responsabilités contractuelle et délictuelle.

Or, c’est bien en ce sens que les nombreux projets ou propositions antérieurs avaient orienté leurs réflexions. Mais, à sa lecture, ce régime ne peut être regardé comme exclusif.

Pour illustrer notre propos, il nous suffit de lire attentivement, l’article 1386-18 du Code civil qui précise bien que la victime conserve le droit de se prévaloir, des règles de responsabilité contractuelle ou extra contractuelle ou d’un régime spécial de responsabilité, qu’elle serait en droit d’invoquer.

Dans le même sens, l’alinéa 2 de ce même article dispose que " le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond ".

De sorte que, contrairement à ce que pouvaient prévoir les projets antérieurs, les autres mécanismes de responsabilité ne supportent aucune restriction.

Quoiqu’il en soit, cette loi bouleverse notre ordonnancement juridique, à plusieurs égards. Ainsi, à l’instar de la législation américaine, cette nouvelle réglementation augmente considérablement les risques de mise en jeu de la responsabilité des entreprises, pour cause de défaillance d’un produit.

Aussi, parce que la mise sur le marché d’un produit défectueux a des conséquences très préjudiciables pour l’entreprise, mais qu’elle représente également un moyen de défense fondamental pour ses clients, nous proposons de faire le point sur les moyens de gérer au mieux les risques en ce domaine.

Pour cela dans un premier temps, nous nous attarderons longuement sur le régime juridique de cette nouvelle responsabilité, avant d'appréhender les moyens offerts à chacun pour réagir dans une telle situation.

 

I. REGIME JURIDIQUE DU NOUVEAU PRINCIPE DE RESPONSABILITE

 

A. Incidence du principe de responsabilité du fait des produits défectueux

L’établissement d’un principe de responsabilité des producteurs, auxquels, comme nous le verrons, sont associés d’autres acteurs de l’activité économiques, pour des dommages causés par le défaut d’un de leur produits appelle plusieurs remarques.

Tout d’abord, il importe de définir avec précision le champ d’application de cette nouvelle réglementation. Fort de cette détermination, il conviendra de situer cette responsabilité par rapport aux autres régimes et par conséquent d’en apprécier les distinctions, tout ceci avant de préciser le régime juridique de cette responsabilité.

 

1. Quel champ d’application pour cette nouvelle responsabilité ?

La loi au sein de ces articles 1386-1 et suivants retient des produits mis en circulation.

Autrement dit, il faut un produit (a) et que ce dernier soit mis en circulation (b).

a) C’est l’article 1386-3 du Code civil qui définit la notion de produit. Il s’agit d’un bien meuble, ce qui exclut donc tout immeuble. Cependant on peut déjà relativiser cette exclusion des immeubles dans la mesure où la loi entend parmi les produits un meuble incorporé dans immeuble.

La loi précise que le produit n’a pas besoin d’être fini. A titre d’exemple, l’électricité constitue un produit.

A ce stade de l’exposé, il faut bien préciser que le caractère défectueux du produit n’est pas en lui même un élément de la définition du champ d’application de la loi, mais une condition de la responsabilité qu’elle organise comme nous le découvrirons ci-après.

b) La mise en circulation signifie que, suite à un acte de volonté, le producteur s’est dessaisi volontairement du produit.

Autrement dit, le fait pour le produit d’entrer dans le circuit de commercialisation correspond pour la loi à sa mise en circulation.

La loi précise néanmoins que le produit, pour devenir cause du dommage, ne devra faire l’objet que d’une seule mise en circulation (article 1386-5 al2).

La notion de producteur :

C’est l’article 1386-6 qui désigne les personnes qui ont vocation à être tenues dans les conditions que cette même loi définit :

Selon la loi, le producteur est responsable quant il agit à titre professionnel, en tant que fabricant d’un produit fini et producteur d’une matière première ou encore fabricant d’une partie composante.

L’article 1386-8 va bien plus loin, puisque il dispose que dans l’hypothèse d’un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l’incorporation, sont solidairement responsables.

Certes nous constaterons, ci-après, que le producteur de la partie composante peut, sous certaine réserve, se dégager de toute responsabilité. Cette disposition, indépendamment de la jurisprudence actuelle en la matière, aura un impact considérable sur les systèmes d’informations. Sans qu’il soit besoin de rentrer dans de longues démonstrations, un client lambda qui procède à l’intégration de différents produits défectueux, (progiciel et logiciel par exemple) dans son système informatique, pourra ainsi agir en responsabilité à la fois contre le producteur du produit, mais en sus contre la SSII qui aura réalisé l’intégration de ce produit.

Ces nouvelles dispositions font peser la responsabilité du fait des produits défectueux, sur les fournisseurs des produits, et bien entendu parmi ceux ci les vendeurs et les loueurs ! (article 1386-7). Quelle garantie accordée aux victimes ! ! !

Force est de constater que la loi organise " un choix multiple " eu égard à la pluralité de responsables que pourra assigner la victime.

Par exemple, un producteur X vend son produit à un fournisseur Z. Une SSII W vient acheter ce produit pour l’intégrer dans le système de la société SOFTY. Que de choix pour SOFTY, si cette dernière devient victime du produit défectueux !

Les juristes ne devraient peut être pas s’étonner de ces dispositions dans la mesure où la théorie des chaînes de contrat reprend cette hypothèse. Dorénavant ce n’est plus sur le fondement de principe dégagé par la jurisprudence, mais bien sur un mode autonome de responsabilité que pourront agir les victimes. Le problème du transfert de la chose (intuitu rei) ou encore celui de l’hétérogénéité du contrat dans des relations contractuelles ne perturberont plus les victimes dans leur action.

Pour, les contrats de sous-traitance, les nouvelles dispositions du Code civil vont assainir et figer en quelque sorte les divergences profondes de jurisprudence aux interprétation de la loi du 31.12.1975 relative à la sous-traitance.

Il sera impératif de gérer convenablement pour les fournisseurs ou producteurs leurs relations avec les sous-traitants, et notamment par des clauses dégageant ou limitant leur responsabilité.

Certes, l’alinéa 2 de l’article 1386-7 prévoit que le fournisseur déclaré responsable bénéficie d’un recours contre le producteur concerné. Il apparaît que ce recours sera soumis aux mêmes conditions de demande que la victime. A la différence près, que le délai pour agir est distinct, puisque l’action récursoire, qui sera exercée par le fournisseur, devra avoir lieu dans l’année de sa propre citation en justice.

Quant aux victimes, c’est à dire les demandeurs en responsabilité :

La loi semble très silencieuse sur ces derniers. Que faut-il en déduire ?

Pour mémoire, les rédacteurs de la directive s’étaient attachés à ne pas distinguer les consommateurs des professionnels. Cette absence de différence et d’énumération demeure une très bonne chose dans un texte législatif. Le législateur a fait siennes les réflexions communautaires. Si différence il peut y avoir, celle-ci sera identique à la distinction classique et de principe qui existe entre les deux catégories (diligence, information…).

 

2. Portée du principe de responsabilité

  • Ces nouvelles dispositions échappent à la liberté contractuelle des parties. En effet comme le dispose l’article 1386-15 du Code civil, les clauses qui viseraient à écarter ou à limiter la responsabilité du fait de produit défectueux sont interdites et réputées non écrites. Cette disposition semble limitée la sanction à la seule clause et donc ne pas étendre la nullité à l’intégralité de la convention. Mais en jurisprudence les tribunaux acceptent dans certaines hypothèses une position inverse, à savoir l’imprescriptibilité de la nullité qui affecte la clause illicite (Civ.3e, 9 mars 1988, D 89,143).

Toutefois, ce principe énoncé par l’article 1386-15 connaît en son alinéa 2, une véritable exception, concernant les seuls professionnels. La nouvelle loi admet de telles clauses qui sont exclusives ou limitatives de responsabilité pour les dommages causés aux biens et dans la mesure où ces derniers ne sont pas utilisés par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privée.

L’article 1386-15 restreint l’espace de liberté contractuelle aux seuls dommages qui touchent les biens à destination et plus particulièrement professionnelle.

Indépendamment de ces nouvelles dispositions, la loi assigne une limite de principe absolue : à savoir dans le cadre des clauses dites abusives (voir les différents commentaires sur ces clauses, le juge malgré ces nouvelles dispositions, face à un tel constat, sera habilité néanmoins à prononcer la nullité de la clause).

 

  • La grande originalité de cette responsabilité, est d’être en quelque sorte, même si le terme peut paraître impropre, temporaire.

L’article 1386-16 dispose que, sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci est éteinte 10 ans après la mise en circulation du produit qui a causé le dommage.

En premier lieu, ce temps d’application du régime distinct de la prescription de l’action en responsabilité, que la victime peut tirer du régime des produits défectueux, sera étudié ci-après.

D’ailleurs, dans le cas d’un produit composite, ce phénomène d’extinction sera relatif puisque il affectera, les droits de la victime, d’une part vis-à-vis du producteur d’éléments composants (uniquement en fonction de la date de leur mise en circulation respective) et d’autre part, vis à vis du producteur ayant réalisé l’incorporation, dix ans après la mise en circulation de ce produit composite.

La Commission Européenne a pu déjà se prononcer sur l’applicabilité de cette disposition (article 11 de la directive), au logiciel. (réponse du 15/11/1988 in JOCE du 08/05/1989 n° L 144/42). Cette position a été confirmée par le rapporteur de l'assemblée nationale qui précisait que le régime vise les biens corporels et incorporels (voir également une réponse ministérielle de 1991).

Dès lors, il nous est permis d’affirmer qu'il existe dans les règles de notre droit une obligation de maintenance du logiciel pendant 10 ans à la charge exclusive du fournisseur ou producteur. Ce qui n’est pas sans bouleverser le droit des systèmes d’information…

Remarque : cette extension aux logiciels pourrait également impliquer que le nouveau régime de responsabilité s'applique aux données, bases de données et à l'information en général. La future loi sur les bases de données ne nous donnera, semble-t-il, aucun élément de réponse...  dans le même sens il peut être avancé qu'une distinction va s'opérer à plus long terme entre le logiciel standard livré avec un système informatique (soumis donc à la loi) et un logiciel spécifique (auquel la loi ne s'appliquerait pas).

La directive instaurait une certaine précarité, dans la mesure où le régime cessait d’être applicable lorsque le producteur informé, dans le délai des 10 ans, d’un défaut ou d’un danger affectant le produit, prenait les dispositions propres à prévenir les conséquences dommageables, notamment par l’information du public. Le législateur n’a pas jugé opportun de reprendre ces dispositions (voir : remarques N.Catala précitées article 1386-13).

Nous verrons qu’en pratique, on peut envisager de nombreuses solutions en matière d’incitation à la prévention.

Quoiqu’il en soit, le droit d’agir de la victime reste soumis à des conditions particulières :

Comme il a été expliqué précédemment, la victime devra engager son action dans les 10 ans suivant la mise en circulation du produit, objet du dommage.

Il incombera à la victime d'établir la preuve de la faute qui aurait été commise par le producteur.

Cette action, comme nous l’évoquions précédemment, est soumise à un régime spécial de prescription, puisque au terme de l’article 1386-17, il apparaît que l’action est prescrite par un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur. Ces derniers éléments étant cumulatifs.

 

3. Conditions de mise en jeu de la responsabilité des produits défectueux

La victime supporte la charge de la preuve du défaut, du dommage et du lien de causalité entre le défaut et le dommage (article 1386-9).

 

  • La notion de défaut de produit

Pour l’article 1386-4, le produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.

Cette notion demeure quelque peu floue. C’est pourquoi, le texte apporte à l’alinéa 2 des indications permettant de préciser les modes d’appréciation.

L’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut être raisonnablement attendu et du moment de sa mise circulation ".

L’alinéa 3 de ce même article, spécifie qu’un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu’un autre plus perfectionné, ait été mis postérieurement en circulation.

L’appréciation devra se faire en considération des données de l’époque de mise en circulation du produit.

Nous verrons ensuite que la loi va beaucoup plus loin dans ce souci de modernité, si l’on peut dire, puisque l’article 1386-10 alinéa 1 représente un complément des dispositions précédentes, puisque le législateur précise que le respect des règles de l’art et des normes existantes n’est pas une cause d’irresponsabilité du producteur.

 

  • La notion de dommage

L’article 1386-2 dispose que la victime devra établir qu’elle souffre d’un dommage qui peut résulter indifféremment d’une atteinte à la personne ou d’une atteinte à ses biens.

Par conséquent, tous les dommages ont vocation à être pris en considération :

Mais la loi organise deux exceptions :

  1. L’article 1386-2 réserve le dommage affectant le produit défectueux,
  2. L’autre concerne les dispositions évoquées supra à l’article 1386-15 alinéa 2.

 

  • Le lien de causalité entre le défaut et le dommage

On ne relève aucune différence pour cet élément avec ceux connus en matière de responsabilité.

Simplement, l’article 1386-9 précise bien que c’est le lien, c’est à dire , une relation entre le défaut et le dommage. En d’autres termes le dommage doit être la conséquence du défaut qui affecte la chose.

 

B. Les causes exonératoires de responsabilité

Force est de constater que la loi a néanmoins, comme dans tous les domaines de responsabilité, admis des possibilités d’exonération de responsabilité du producteur.

Ce régime est bien dérogatoire et c’est la raison pour laquelle, la loi a procédé, par exclusion, en précisant l’indifférence de certaines circonstances à l’égard du principe de responsabilité.

Au terme de l’article 1386-10, le producteur peut être responsable alors même que le produit a été fabriqué " dans le respect des règles de l’art ou de normes existantes ou qu’il a fait l’objet d’une autorisation administrative".

La conformité du produit aux règles en usage à l’époque de sa fabrication ne constitue pas en elle seule, une cause d’irresponsabilité.

Par conséquent, si la régularité du produit est établie l’absence de faute, ne contredit aucunement l’idée de risque pris dans la mise en circulation du produit.

Dans le même esprit, on remarque l’absence totale d’effet exonératoire du fait d’un tiers (article 1386-14). Le fait d’un tiers est neutre par rapport au risque créé. Aussi, si il y a un défaut du produit, la responsabilité du producteur se trouve normalement engagée sauf le recours dont il peut bénéficier, le cas échéant, contre le tiers considéré.

 

1. Les causes d’exonérations totales

L’article 1386-11 vise cinq causes d’exonération totale de responsabilité la charge de la preuve des circonstances qui les constituent incombant au producteur :

1. Le producteur ne s’est pas dessaisi volontairement du produit pour le mettre sur le marché.

2. Le défaut ne sera pas non plus le fait du producteur dans la mesure où il n’existait pas au moment de la mise en circulation du produit ou que le défaut est né postérieurement.

3. Le produit n’est pas destiné à la vente ou à tout autre forme de distribution.

4. L’état des connaissances scientifiques et techniques au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut. Cette cause d’exonération, a pour ambition d’éviter que le producteur soit une victime du progrès. On peut sans aucun doute imaginer les garanties que couvrent cette disposition dans le systèmes d’information (sous réserve de l’exception invoquée au point 5).

Ce point connaît néanmoins une exception prévue, à l’article 1386-12 alinéa 1, lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci.

5. La cinquième cause d’exonération, vise le cas du fait du prince (défaut dû à la non conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législatif ou réglementaire).

Seule exception, à ces dispositions, ainsi que celles du point 4, le producteur ne pourra invoquer ces clauses d’exonération, si en présence d’un délai de 10 ans après la mise en circulation du produit, il n’a pas pris les dispositions propres à en prévenir les conséquences dommageables (article 1386-12 alinéa 2).

Cette disposition de l’article 1386-12 alinéa 2 risque de faire couler beaucoup d’encre car elle est un formidable moyen de faire supporter par le producteur l’usure normale d’un produit !

Ainsi,  dans les systèmes d’informations, pour un problème qui nous est cher, le bogue de l’an 2000, la maintenance évolutive du produit ne pourra - t - elle pas être prise en compte dans le cadre des obligations imposées par cette loi au producteur ?  

Enfin, l’alinéa 2 du point 5, prévoit une cause exceptionnelle mais un peu marginale, puisque le producteur de la partie composante n’est pas non plus responsable si il est établit que le défaut devient imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit.

La preuve dans cette hypothèse est faite que le risque réalisé est autre que celui que supportait le producteur du fait de la mise en circulation du produit.

 

2. Les causes d’exonération totales ou partielles

L’article 1386-13 du code civil dispose que la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte - tenu de toutes circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et la faute de la victime ou d’une personne dont la victime est responsable.

Dans les nombreuses propositions envisagées, il avait été proposé de retenir le fait de la victime, quand celui correspondait à une utilisation du produit dans des conditions anormales qui n’étaient pas raisonnablement prévisibles par le producteur.

Mais, la nouvelle rédaction demeure beaucoup plus restrictive. La responsabilité de l’auteur du dommage, ne sera retenue que si et seulement si, le dommage est causé conjointement. Ce qui signifie qu’il faudra deux conditions cumulatives :

  • d’une part un défaut du produit,
  • d’autre part, une faute de la victime ou d’une personne dont la victime est responsable.

Il incombera au juge de d’apprécier, selon les circonstances s’il y a lieu à exonérer totalement ou non le producteur.

En théorie, il n’y a rien à redire sur cette disposition. Mais en pratique on reste un peu pantois, dans la mesure où par hypothèse, le défaut du produit est pourtant bien établi, aussi comment alors s’exonérer de sa responsabilité quant on est l’auteur du dommage !

L’un des sujets qui suscita le plus de discussions portait sur l’application dans le temps de ces nouvelles dispositions. Sur la rétroactivité de cette loi, les principes du droit français ne le permettaient pas. Par contre, la loi aurait pu considérer l’applicabilité au contrat déjà signé pour les produits non encore mise ne circulation.

L’article 21 a tranché, seul les produits mis en circulation après la date d’entrée en vigueur de la loi pourront bénéficier des nouvelles dispositions du Code Civil.

Aussi, pour la question des difficultés liés au passage de l’an 2000, ce texte risque d’être malheureusement peu utilisé…

Après l’analyse de ces nouvelles dispositions, nous devons nous attarder sur ces conséquences pratiques et plus précisément en direction des entreprises.

 

 

 II. COMMENT APPREHENDER UNE TELLE SITUATION ?

 

Dans un premier temps, il convient de rappeler qu’indépendamment de ces dispositions, de nombreuses autres règles perdurent et coexistent avec la nouvelle loi en vigueur. Il s'agit notamment des enquêtes diligentées par la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).

Les agents de cette administration effectuent de nombreux contrôles qui nécessitent la mise en place d'une véritable situation de crise dans l’entreprise. Car une entreprise productrice ou importatrice d’un produit dangereux ou défectueux se verra presque sans distinction entraîner dans un processus long de poursuites et d’enquêtes qui aboutit invariablement à un " passage " devant les tribunaux répressifs.

Or, le droit pénal des affaires français dans sa nouvelle conception engage la responsabilité de la responsabilité des personnes morales, et donc de son représentant légal à savoir le ou les dirigeants sociaux de l’entreprise.

Il importera de prévenir cette gestion du risque, en saisissant pour avis la DGGCCRF pour un importateur, ou encore la Commission de sécurité des consommateurs.

L’attribution d’une norme même européenne, ne garantit en rien la diligence des services français !

Nous évoquions les sanctions pénales, celles - ci sont en effet nombreuses, délit de mise en danger (C pénal L223-1), homicide involontaire, ou encore violation des articles du code de la Consommation L 213 et L 216.

Certes, les juges d’instruction voient leur procédure régulièrement annulées par les Chambres d’Accusation, dans la mesure où celles-ci sont pour la plupart entachées de vices (problèmes liés aux scellés, non reconnaissance du produit...), (par exemple violation des articles 97 et 163 du code de Procédure Pénal).

Quoiqu’il en soit la gestion et la prévention du risque demeurent indispensable, que l’entreprise soit exportatrice ou importatrice. Pour cela l’entreprise productrice, doit s’attacher à informer aux mieux l’utilisateur du produit, et ceci tout en restant attractif...

Aussi, c’est dans la négociation contractuelle que l’entreprise cliente devra faire part des éléments déterminants son consentement. Le producteur devra quant à lui informer le client sur les propriétés de son produit mis en circulation.

Ainsi, il conviendra de faire apparaître cette échange dans le corps du contrat, en préambule ou dans une annexe spécifique ou bien au sein d’un cahier des charges le plus précis possible.

Il importera de distinguer dans le respect des règles d’ordre public les autorités ou expert autorisés à apprécier la conformité du produit.

Au sein du contrat, la détermination des obligations de chacune des parties sera déterminante, de sorte que plus l’étendue des obligations imposée au fournisseur sera importante plus les risques de voir sa responsabilité engagée pesant sur ce dernier.

Un producteur dans son contrat de distribution, de vente ou encore pour un contrat de licence d’utilisation devra autant que faire se peut limiter sa garantie contractuelle au profit d’une maintenance moyennant redevance.

Enfin, pour plus de sécurité, il conviendra d’auditer et d’améliorer sa couverture d’assurance Rc produits.

A. M.

 

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