Note : ce texte comporte des
imperfections typographiques dues au processus de numérisation
COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
4 août 1999
Les
productions Avanti Ciné Vidéo Inc., c/ Daniel Favreau, Les productions de Favreau Inc., Groupe B.A.I. Inc.
COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTREAL
No: 500-09-004992-970
(500-05-020118-962)
CORAM:
LES HONORABLES ROTHMAN
GENDREAU, J.C.A.
BIRON, J.C.A. (ad hoc)
LES PRODUCTIONS AVANTI CINÉ VIDÉO INC.,
APPELANTE - (Demanderesse)
C.
DANIEL FAVREAU,
et
LES PRODUCTIONS DE FAVREAU INC.,
et
GROUPE B.A.I. INC.,
INTIMÉS - (Défendeurs)
OPINION DU JUGE GENDREAU
L'appelante ("Avanti") estime que l'intimé
("Favreau") a violé ses droits d'auteur en s'appropriant des parties
importantes de la populaire série télévisée "La Petite Vie" pour les
utiliser dans un film érotique intitulé "La Petite Vie - réflexologie
érotique". Elle a donc demandé à la Cour supérieure de confirmer les
conclusions de l'injonction interlocutoire émise en sa faveur et qui interdisent à
Favreau la production, la commercialisation et la distribution de son film.
L'honorable Michel Côté, de la Cour supérieure, a rejeté la demande
d'injonction permanente. Il s'est rendu au premier argument de Favreau (qui plaidait aussi
l'exception de parodie) suivant lequel les personnages de La Petite Vie ne sont pas
protégés et que la scénarisation de La Petite Vie - réflexologie érotique
emprunte peu ou pas à celle de l'uvre dont les droits appartiennent à Avanti. Il
écrit:
Les personnages de La Petite Vie, eux-mêmes des véhicules appelés
à caricaturer la vie quotidienne, comme la voit l'auteur, ne présentent pas des
caractéristiques à ce point originales qu'ils puissent, sans jeu de théâtre et sans
mot dire, être à eux seuls sujet à protection de droit d'auteur; c'est le jeu auquel
ils s'adonnent, les mots qu'ils disent, la scénarisation de leur action qui leur donnent
vie, qui les animent et leur confèrent leur caractère propre. Or du jeu, des mots, des
textes et objectifs des scénarios d'origine de La Petite Vie, La Petite Vie ne
fait peu ou pas d'emprunt, rien qu'on ne puisse qualifier d'important. Il n'y a pas lieu
de confondre les uvres artistiques que constituent les personnages de bandes
dessinés et les personnages des uvres dramatiques, ces derniers n'ayant
généralement pas de vie indépendante de celle de l'uvre elle-même. La présente
affaire ne se présente pas comme une exception à cette règle.
Avanti attaque cette conclusion; elle plaide que Favreau a fait un
emprunt substantiel de l'uvre de Claude Meunier ("Meunier") , l'auteur de
La Petite Vie qui en est aussi l'un des interprètes; elle rejette aussi la
prétention de l'intime qui plaide l'exception de l'article 27(2) de la Loi sur les droits
d'auteur ("la Loi ").
La violation des droits dauteur
Les principales dispositions législatives applicables, en l'espèce,
sont les suivantes:
La définition de droit d'auteur:
Article 3.(1) pour l'application de la présente loi, "droit
d'auteur" s'entend du droit exclusif de produire ou de reproduire une uvre, ou
une partie importante de celleci, sous une forme matérielle quelconque, d'exécuter ou de
représenter ou, s'il s'agit d'une conférence, de débiter, en public, et si l'uvre
n'est pas publiée, de publier l'uvre ou une partie importante de celle-ci; ce droit
s'entend, en outre, du droit exclusif:
a) de produire, reproduire, représenter ou publier une traduction de
l'uvre;
b) s'il s'agit d'une uvre dramatique, de la transformer en un
roman ou entre une autre uvre non dramatique; c) s'il s'agit d'un roman ou d'une
autre uvre non dramatique, ou d'une uvre artistique, de transformer cette
uvre en uvre dramatique, par voie de représentation publique ou autrement;
d) s'il s'agit d'une uvre littéraire, dramatique ou musicale, de
confectionner toute empreinte, tout rouleau perforé, film cinématographique ou autres
organes quelconques, à ~l'aide des.9~els l'uvre pourra être exécutée ou
représentée ou débitée mécaniquement;
e) s'il s'agit d'une uvre littéraire, dramatique, musicale ou
artistique, de reproduire, d'adapter et de présenter publiquement l'uvre par
cinématographie;
f) de communiquer au public, par télécommunication, une uvre
littéraire, dramatique, musicale ou artistique;
g) de présenter au public lors d'une exposition, à des fins autres
que la vente ou la location une uvre artistique autre qu'une carte géographique ou
marine, un plan ou un graphique - créée après le 7 juin 1988;
h) louer un programme d'ordinateur qui peut être reproduit dans le
cadre normal de son utilisation, sauf la reproduction effectuée pendant son exécution
avec un ordinateur ou autre machine ou appareil.
[...]
Est inclu dans la présente définition le droit exclusif d'autoriser
ces actes.
La définition d'uvre dramatique:
Article 2. "uvre dramatique" Y sont assimilées les
pièces pouvant être récitées, les uvres chorégraphiques ou les pantomimes dont
l'arrangement scénique ou la mise en scène est fixé par écrit ou autrement, les
uvres cinématographiques et les compilations d'uvres dramatiques.
L'atteinte au droit d'auteur:
Article 27.(1) [Atteintes au droit d'auteur] Est considéré comme
ayant porté atteinte au droit d'auteur sur une uvre quiconque, sans le consentement
du titulaire de ce droit, exécute un acte qu'en vertu de la présente loi seul le
titulaire a la faculté d'exécuter.
(2) [Actes ne constituant aucune violation du droit d'auteur] Ne
constituent aucune violation du droit d'auteur :
[...]
a.1) l'utilisation équitable d'une uvre à des fins de critique,
de compte rendu ou de préparation d'un résumé destiné aux journaux, a condition qu'il
soit fait mention de la source et du nom de l'auteur, s'il figure dans la source; [...]
Ce n'est que par le seul effet de la Loi qu'une uvre originale,
qu'elle soit enregistrée ou pas, est protégée(A. CARLSEN, Canada, dans "Copyright
Infringment", Comparative Law Year of International Business, Édition spéciale
1997, Kluwer Law International, Londres, 1998, p.45). Pour définir l'étendue de cette
protection, le législateur a créé des catégories qui doivent, à mon sens, être
interprétées de manière à donner plein effet à l'objectif législatif: la protection
de la production intellectuelle c'est-à-dire l'uvre originale qui résulte de la
combinaison du talent, de l'imagination et de l'effort de l'auteur (I.B.M. c. Ordinateurs
Spirales, 80 C.P.R. (2d) 187 (C.F. première instance). Le juge Sedgwick, exprimant
l'opinion de la Cour divisionnaire de lOntario, écrivait dans Allen c. Toronto Star
Newpapers Ltd: NewslDapers Ltd ((1997), 36 O.R. (3d) 201):
In the law of copyright, the statutory requirement of originality
does not imply inventive or fmality. It is enough that the work is the production of
something in a new form as a result of the skill, labour and judgment of the author.
Il y a donc atteinte au droit d'un auteur d'une protégée si une
personne la reproduit en totalité ou une "partie importante" au sens de
l'article 3 de la Loi.
La notion de "partie importante" aussi dite "partie
substantielle" d'une uvre originale est au coeur de la plupart des débats sur
le droit d'auteur. Cette notion, souvent étudiée, fait plus largement appel à la
qualité qu'à la quantité. RICHARD et CARRIÈRE écrivent:
There is no infringement unless the matter produced or reproduced
constitutes a substantial part of the infringed work. What constitues a osubstantial. part
is a question of fact. In this respect, the Courts have. considered that quantity matters
less than quality: see Editions Hurtubise H.M.H. Ltie c. Cegep Andri-Laurendeau, [1989]
R.J.Q. 1003 (Qui. Sup. Ct.) Tessier J. at p. 1017. The relative importance and value of
the plagiarized elements to the whole work must be taken into account.
Ce critère de qualité dans l'examen de la notion de partie
substantielle de l'uvre fut, encore récemment, mis en évidence dans l'arrêt Allen
(Précité) qui prend appui sur la décision Slumber-Maqic Adiustable Bed Co ((1984), 3
C.P.R. (3d) 81, [19851 1 W.W.R. 112 (C.S.B.-C.)). Sleep-Kinq Adiustable Bed Cos. Dans ces
affaires, la question était celle de savoir si une uvre découlant de la
compilation d'éléments séparés pour lesquels l'auteur détient les droits peut être
protégée parce qu'originale. Les deux Cours ont répondu affirmativement. Le juge
Sedgwick écrit:
Copyright may subsist separatly in a compilation of elements which
themselves individually be the subject of copyright. The issue of ownership of copyright
in the compilation was considered by McLachlin J (as she then was) in Slumber-Magic
Adjustable Bed Co. c. Sleep-King Adjustable Bed Co. (1984), 3 C.P.R. (3d) 81, [19851 1
W.W.R. 112 (C.S.B.-Q)].
In that case, the issue was whether copyright subsisted in the
plaintiff's advertising even though a number of the element of the brochure (including
photographs) were similar to those found in the brochures of competitors (the defendants).
The court held that it did. McLachlin J. concluded (p. 85) :
... the fact that elements of [the plaintiff's] brochure were similar
to elements of other brochures, does not negate the fact that it has copyright in the
arrangement of ideas, original or otherwise, which was solely the product of its own work,
skill and judgment.
She explained (pp. 84-85) :
The question is whether the plaintiff had copyright in the brochure? In
my opinion, it did. The defendants suggest that there is no copyright in the brochure
because it used ideas and elements which are also found in the brochures of other
competitors. That, however, does not defeat a claim for copyright. It is well established
that compilations of material 'produced by others may be protected by copyright, provided
that the arrangement of the elements taken from other sources is the product of the
plaintiff 's thought, selection and work. It is not the several components that are the
subject of the copyright, but the over-all arrangement of them which the plaintiff through
his industry has produced. The basis of copyright is the originality of the work in
question. So long as work, taste and discretion have entered into the composition, that
originality is established. In the case of a compilation, the originality requisite to
copyright is a matter of degree depending on the amount of skill, judgment or labour that
has been involved in making the compilation: Ladbroke (Football), Ltd. v. William Hill
(Football), Ltd., [19641 1 All E.R. 465 (H.L.). Where copyright is claimed in a
compilation it is not the correct approach to dissect the work in fragments and, if the
fragments are not entitled to copyright, then deduce that the whole compilation is not so
entitled; rather, the court should canvas the degree of industry, skill or judgment which
has gone into the overall arrangement:, Ladbroke, supra. See also T.J. Moore Co. Ltd. v.
Accessoires de Bureau de Quebec Inc. (1973), 14 [page851 C.P.C. (2d) 113 (Fed. Ct. T.D.);
Jarrold v. Houlston (1857), 3 K & J. 708, 69 E.R. 1294 (Ch.Div.); MacMillan & Co.,
Ltd. v. Cooper (1923), 40 T.L.R. 186 (P.C.).
The proposition that arrangements of common ideas may be copyright is
subject to certain limitations. First, it appears that the compiler can claim no copyright
unless he or she had a right to use the materials constituting his compilation: T.J. Moore
Co. Ltd. v. Accessoires de Bureau de Quebec Inc., supra, at p. 116. Secondly, in so far as
component ideas may be in the public domain, they themselves may be copied with impunity,
without breaching the compiler's copyright, which rests not in the components, but in the
over-all arrangement: Fox, The Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, 2nd
ed.(1967), p. 118.
Deux éléments particuliers de la citation du jugement du juge
McLachlin sont intéressants pour la solution de notre affaire. D'abord, à l'occasion de
la qualification de l'uvre, une tâche essentielle et exigeante, le tribunal doit
utiliser une approche globale pour déterminer si l'uvre produite est nouvelle et
originale et ne résulte pas d'un simple collage de morceaux épars. Ainsi, la définition
de ce qui constitue une partie essentielle et importante de l'uvre pourra plus
facilement être dégagée. En second lieu, cette qualification doit être faite en
étudiant l'uvre sous l'angle de l'intervention du labeur et de la créativité de
l'auteur. Ainsi, sera une partie substantielle d'une uvre celle qui occupe une place
importante dans l'ensemble et qui résulte du travail de l'artiste, de l'écrivain, du
cinéaste, du dramaturge, etc.
Il est acquis que si l'uvre est ou peut être protégée, ses
parties peuvent aussi être sujettes aux droits d'auteur; la musique d'un film, par
exemple, est sujette au droit d'auteur. Un autre exemple concret est celui de l'arrêt
Allen, précité, où les droits de l'artiste sur les photographies incluses à
l'uvre objet du débat étaient reconnus et non contestés.
En 1espèce, La Petite Vie est une uvre définie à
1article 3 (10) de la Loi et elle est enregistrée. Elle est donc protégée. Qu'il
y ait eu des emprunts de la part de Favreau est par ailleurs incontestable. La question
centrale est donc celle de savoir ce qui constitue un élément important d'une uvre
dramatique ou cinématographique et si Favreau s'est approprié d'une telle partie
substantielle de l'uvre de Meunier.
TAMARO écrit que " dire qu'un droit d'auteur porte sur une
partie importante d'une uvre revient à dire qu'un droit d'auteur porte sur l'une
des multiples parties originales d'une uvre. Et, c'est en recourant à la notion
d'originalité que l'on détermine ce qui est une partie importante d'une uvre "
(N. TAMARO, Le droit d'auteur : Fondements et principes, Les presses de l'Univers de
Montréal, Montréal, 1994, p. 66 et 67). Il propose donc les instruments de mesure
suivants: d'une part, l'apport personnel de travail, d'habileté et d'expérience de
l'auteur en l'absence d'invitation déguisée, et d'autre part, le caractère distinctif,
caractéristique, particulier et typique de l'uvre, de son titre, son intrigue ou de
ses personnages fictifs. Sur la place des personnages dans l'uvre, TAMARO précise
(Ibid, p. 69 à 79):
À côté des personnages originaux, dont le seul nom fait surgir en
nous des références directes aux uvres dont ils forment une partie importante, et
d'autres personnages plus circonstanciels, dont le seul objet est de "meubler"
une uvre, on trouve éga1~rnent des personnages qui, sans atteindre la renommée de
personnages largement diffusés, n'en constituent pas moins des parties importantes d'une
uvre. Il importe donc de distinguer entre différents personnages ceux dont il est
possible de dire qu'ils constituent une partie importante d'une uvre. Encore une
fois, c'est l'ensemble des circonstances qui permet de discriminer entre différents
personnages, afin de voir quels sont ceux sur lesquels peut ou non porter un droit
d'auteur.
Dans leur tâche qui est d'apprécier si un pf rsonnage constitue
une partie importante d'une uvre. les tribunaux canadiens ont développé certains
critères qui ne s'excluent pas les uns les autres. On pgut les résumer ainsi: Rlus un
personnage est particularisé. Rlus grandes sont les changes de le voir considéré Rartie
impprtante d'une uvre.
Par exemple, on apprécie Pimportance que le personnage prend dans
l'intrigue de l'uvre originale. On cherche à savoir si le personnage dépasse le
stade de l'idée, donc s'il est doté de caractéristiques originales et distinctives qui
permettent au public de l'attribuer spécifiquement à telle ou telle uvre. Dans le
même sens, on se demande si le fait de sortir le personnage de son environnement original
empêche le public de le reconnaître. Il s'ensuit que plus un personnage est célèbre et
largement popularisé, plus grande sera la propension à considérer qu'il forme une
partie importante d'une uvre. Un exemple précis a été donné par un tribunal
canadien qui souligne que le personnage "Bécassine" est original et doté de
caractéristiques le distinguant nettement des autres personnages. Le tribunal devait
conclure en l'occurrence à une contrefaçon, puisque la personnification sonore de ce
personnage à la radio ne pouvait tromper les auditeurs québécois qui le connaissaient
bien.
Somme toute. on peut résumer la jurisprudence portant sur les
personnages fictifs en reprenant l'idée émise par un juge américain: moins un Ursonnage
est développé, plus la chance de son auteur de revendiquer un droit d'auteur est
limitée. Un auteur est ainsi pénalisé. pour ne pas avoi
suffisamment caractérisé un personnage fictif.
[Soulignements ajoutés]
En somme, à partir du principe que l'expression d'une idée est
protégée et non l'idée elle-même, la tâche des tribunaux consiste à évaluer
l'uvre, à la qualifier pour déterminer si la partie copiée, si copie il y a, est
importante c'est-à-dire est originale et émane effectivement de l'auteur, comme le dit
TAMARO (Ibid, p. 68). À ce propos, je retiens cette affirmation du juge Tessier"
(Editions Hurtubise H.M.H. Ltée c. Cegep André-Laurendeau, [1989] R.J.Q. 1003 (Qué.
Sup. Ct.)) qui prend appui l'arrêt Cramp & Sons Ltd c. Frank Smythson Ltd ((1944) 2
ALL E.R. 92, 1944 a.c. 329):
L'originalité de l'uvre est une question de fait et de
degré:
Whether enough work, labour and skill is involved and what its value is
must be a question of degree. [...] The line may be a narrow one.
La question est donc, en l'espèce, celle de savoir si les emprunts de
Favreau dans La Petite Vie à l'uvre de Meunier, propriété d'Avanti, car il
y a indubitablement des copies, sont une partie substantielle de La Petite vie.
D'abord qu'est La Petite Vie? Une uvre dramatique, bien
sûr, mais très caractéristique, collée à la réalité québécoise et donc
difficilement exportable, comme le dossier le fait voir au regard de l'expérience Suisse.
La description ou définition de cette télésérie est difficile à cause de son
originalité; toutefois, habituellement, on décrit La Petite Vie à partir des
deux personnages principaux. Comme on pourra le constater plus loin, c'est ainsi que des
critiques de télévision ont procédé.
La Petite Vie n'est pas apparue instantanément dans le décor
télévisuel québécois, comme la plupart des téléséries. Elle a été précédée par
les présentations que Claude Meunier et Serge Thériault ont faites des personnages d'un
couple, "Pôpa" et "Môman", imaginés par Meunier. À l'époque,
Meunier et Thériault avaient créé le groupe Ding & Dong qui faisait les beaux soirs
du Club Soda, à Montréal, avec leurs sketchs d'humour absurde. "Pôpa" et
"Môman" s'intégraient donc au spectacle de Ding & Dong. Le couple
imaginaire caricaturait des situations familières de la vie quotidienne et faisait appel
à des inventions cocasses de mise en scène, comme, par exemple, le lit vertical, une
idée qui sera reprise dans la télésérie. Cette création connut du succès et les
meilleures pièces furent offertes au public de la télévision dans le cadre d'une
émission de variété.
Mais Meunier voulut élargir le concept. Pendant trois ans, i1 explora
son idée initiale; c'est ainsi que fut créée la série "La Petite Vie".
L'uvre présentée à la télévision de Radio-Canada connut un succès
exceptionnel: 4 millions de téléspectateurs, soit 80% de l'auditoire, du jamais vu au
Québec et ailleurs, même le Academy Awards ou le Super Bowl n'atteignent
pas de tel sommet, écrit le commentateur Mike Boone du journal The Gazette (12 m.a. 220,
P-27). Généralement qualifiée de sitcom, La Petite Vie est l'uvre d'un
auteur dont on dit qu'il fut, entre autres, influencé par le Britcom (m.a. p. 220, P-27)
et les American Sitcom (m.a. p. 321). Le succès et l'originalité de la télésérie
n'ont pas manqué d'intéresser les experts des universités McGill, Laval et U.Q.A.M.
La Petite Vie est une uvre drôle, originale et unique en
son genre au Québec. Elle met en scène des personnages qui, tout au moins pour les deux
plus importants, n'ont pas de comparable dans la vie courante. Ils se meuvent dans un
décor caractéristique qui s'ajuste à l'absurdité du texte lui-même.
La Petite Vie se veut une caricature d'une famille -de banlieue
affublée de tous les travers: la mère, "Môman", dont le rôle est
manifestement tenu par un homme, est habillée d'une longue robe fleurie, sans coupe,
décorée de dentelle au cou et aux poignets; elle est coiffée d'un bonnet de nuit comme
ceux portés au siècle dernier. Le père, "Pôpa", porte une longue et large
barbe clairement fausse, il est coiffé d'une casquette de cuirette brune, des lunettes de
plastique noires achèvent de faire disparaître le visage de Meunier au profit de celui
de son personnage. Les autres membres de '-a famille, à peine moins transformés par le
maquillage ou le costume, sont également caractérisés. Les décors sont à l'avenant.
Ces personnages sont aussi typés par leurs manies, leurs tics et les expressions de
langage. Le texte défend une intrigue souvent saugrenue, quelquefois absurde, mais
toujours drôle. Les meilleures descriptions de La Petite Vie me semblent celles
que des critiques de télévision ont faites à l'intention d'un public autre que
francophone. Les lecteurs du Globe and Mail ont, par exemple, eu droit aux textes
descriptifs suivants:
- de Ray Conlogue:
Once a week for the past three years, a peculiar television couple
who refer to each other only as KPbpa. and wMomanv have been quietly extending their grip
on the Quebec viewing public.
Moman, played by an obviously male actor (Serge Theriault) in a
shapeless granny dress, lives for P6pa (played by series creator Claude Meunier) a
hopeless geek in brown polyester pants whose slab of a beard is as obviously fake as
Moman's gender. In their strange comic world, which goes by the name La Petite vie
(meaning a banal or suburban life), Moman and P6pa sleep standing up in a bed propped
against a wall. Their fifties kitchen table is a masterpiece of arborite with chrome
medallions bearing images of beavers and maple leaves. Their living room walls, for no
special reason, are covered with huge wave-like plaster swirls while flocks of carved
ducks take wing on the bloodcurdling green tartan wallpaper in the front hall.
- d'André Picard:
There had never been a cultural phenomenon like La Petite vie.
Last night, between 7:30 and 8, two out of every three French-speaking
Quebeckers - almost four million people were turned in to state television (Radio-Canada)
watching the show starring Claude Meunier and Serge Thiriault, alias pêpa et mêman
Paré.
In the rest of Canada, population 20 million, the networks get giddy if
a show tops one million viewers. But despite its unprecedented success, few viewers
outside Quebec watch La Petite vie.
Describing the premise and the characters of La Petite vie gives new
meaning to the expression "something is lost in the translation % But, here goes ...
La Petite vie, loosely translated, means The Peay Life, a disparaging
description of suburban existence that is characterized by lifestyle of "métro,
boulot, dodo " (subway, work, bed).
Mr. Meunier, the show's principal writer, plays Pbpa patriarch of the
suburban Pari family. He wears an obviously false beard, polyester pants, a check shirt
and a hat.
Mr. Thiriault plays m6man, the wife, forever dressed in bathrobe and
flowered bonnet and also quite obviously played by a man. The couple has two sons, Rinald
and Rod, and two daughters, Thirise and Caro, the king of people who work as caisse
populaire (credit union) managers and hairdressers and are perpetually unlucky at love.
Most of the action, and there is not much, takes place in the formica
and chrome kitchen, or with mbman and pbpa lying in bed yakking.
A typical plot can consist of Thérèse losing her sweater at the mall,
pôpa taking out the garbage, or môman taking a driving lesson in an old wreck up on
blocks in the back yard (In fact, that was three plots).
Je retiens donc du dossier que Meunier a littéralement conçu des
personnages autonomes, parfaitement caractérisés tant par leur allure extérieure que
par leur tics, leur conduite et leur langage et à qui il a confié un texte absurde et
drôle. Ce qui définit l'uvre, c'est à la fois l'individualité des composantes
parfaitemenc identifiables et leur intégration dans un tout. Il est incontestable qu'au
Québec, les personnages de La Petite Vie sont aussi singularisés que ceux de Tintin,
d'Astérix le Gaulois ou de Garfield. C'est d'ailleurs pour cela qu'Avanti
fut sollicitée par des sociétés privées et publiques comme des municipalités, pour
"prêter" certains personnages dont "Pôpa" et "Môman" de
La Petite Vie à des campagnes publicitaires ou pour la commercialisation de
certains produits.
Aussi, avec les plus grands égards pour son opinion, je ne peux
m'accorder avec le juge de la Cour supérieure lorsqu'il affirme que les personnages
"ne présentent pas des caractéristiques à ce point originales qu'ils puissent,
sans jeu de théâtre et sans mot dire, être à eux seuls sujets à la protection de
droit d'auteur".
En effet, j'estime que l'uvre de Meunier forme un tout original,
cohérent et intégré. La mise en scène est essentielle au texte comme d'ailleurs les
décors et les personnages. L'un ne va pas sans l'autre. Chacune des parties est une
création en elle-même et le fruit de l'imagination de l'auteur. Aucune similitude n'est
possible entre les personnages en quelque sorte dessinés de La Petite Vie et ceux
d'une autre uvre dramatique. "Pôpa" est plus que le père de deux filles
et deux garçons et l'archétype du banlieusard joué par Claude Meunier et qu'un autre
réalisateur pourrait présenter différemment suivant sa lecture de l'uvre, il est
ce personnage fictif et unique comme l'Obélix joué à l'écran par Gérard Depardieu
sauf que dans ce cas, la bande dessinée a précédé la mise en scène par un comédien.
D'avis que les personnages eux-mêmes sont une création, une partie
substantielle de l'uvre, dont Avanti détient les droits d'auteur, ce qui n'est pas
contesté, toute utilisation non autorisée devient illégale au sens de la Loi.
Or, le film 3X de Favreau a non seulement manifestement utilisé les
personnages de La Petite Vie, parfaitement reconnaissables dans leurs costumes et
leurs manies, mais il s'est aussi approprié tout l'aspect visuel de l'uvre de
meunier. Cela inclut le thème musical, les décors, les présentations d'ouverture voire
la calligraphie du texte du générique. En somme, Favreau a copié toute l'uvre de
Meunier sauf les dialogues proprement dits et encore, son semblant de scénario a
conservé tous les tics de langage et les expressions caractéristiques. Les quelques
maladroites déformations, comme le nom des personnages, ne sont même pas convaincantes.
Bien que Favreau tente, à l'occasion de son témoignage hors Cour et
au procès, de limiter la portée et l'étendue de ses copies, il est incontestable
qu'elles sont réelles et importantes. D'ailleurs, il n'a jamais publiquement démenti les
paroles qu'on lui prête à l'occasion d'interviews à la presse où il affirme avoir
voulu être "le plus authentique possible" (15 m.a. p. 443). Certes,
Favreau a-t-il tenté d'atténuer ses propos en soulignant qu'il n'avait d'une part aucun
contrôle sur les journalistes interviewers et que, d'autre part, il cherchait à faire
une parodie. Toutefois, il n'y a de parodie que s'il y a copie puisque cette défense se
veut la justification de l'emprunt fait à une uvre.
Je ne doute donc pas que Favreau a contrefait La Petite Vie, une
uvre protégée, et plus spécialement ses personnages qui rencontrent à mon sens
les caractéristiques dl individualité dont TAMARO fait état.
Les défenses d'usage éguitable
Malgré ma conclusion de violation des droits d'auteur de l'appelante,
l'intimé nous invite à rejeter l'appel au m otif que l'uvre reproduite
constituerait une véritable parodie, entraînant l'application de l'exception
d'"utilisation équiLable" contenue dans la Loi sur les droits d'auteur.
L'intimé nous renvoie principalement au droit américain, qui prévoit
une défense de "fair use" suffisamment large pour inclure la parodie.
L'article 107 du Copyright Act stipule:
107. Limitations on exclusive rights: fair use
Nothwithstanding the provisions of section 106, the fair use of a
copyright work, including such use by reproduction in copies or phonerecords or by any
other means specified by that section, for purposes such as criticism, comment, news
reporting, teaching, (including multiple copies for class room use), scholarship, or
research, is not an infringement of copyright. In determining whether the use made of a
work in any particular case is a fair use, the factors to be considered shall include:
(1) the purpose and character of the use, including whether such use is
of a commercial nature or is for nonprofit educational purposes;
(2) the nature of the copyright work;
(3) the amount and substantiality of the portion used in relation to
the copyrighted work as a whole; and the effect of the use upon the potential market for
or value of the copyright work.
La Cour suprême des États-Unis a reconnu que la parodie s'apparentait
à la critique et pouvait donc constituer un "fair use" au sens de
l'article 11 du Copyriqht Act. C'est l'affaire Acuff-Rose (Cambell c.
Acuff-Rose Music Inc., 114 S.Ct. 1164 (1994) (Cour suprême des États-Unis)).
Dans cet arrêt, la Cour, à l'occasion de l'examen du premier facteur
de l'article 107 de la loi américaine "The purpose and character of the use",
a exprimé l'avis que le tribunal devait examiner "The nature and objects of the
selections made" dans le but de savoir si "The new work merely
supersede(s) the objects" of the original creation (...) or different or
instead adds something new, with a further purpose character, altering the first with new
expression, meaning, or message; ( ... ) in other words, whether and to what extend the
new work is "transformative" (Campbell c. Acuff-Rose Music Inc., précité,
p. 1171). Or, selon la Cour, la parodie a une évidente valeur de transformation. C'est
pourquoi, elle ajoute:
For the purpose of copyright law, the nub of the definitions, and
the heart of any parodist's claim to quote from existing material, is the use. of some
elements of a prior author's composition to create a new one that, at least in part,
comments on that author's work.
[...]
If, on the contrary, the commentary has no critical bearing on the
substance or style of the original composition, which the alleged infringer merely uses to
get attention or to avoid the drudgery in working up something fresh, the claim to fair
ness in borrowing from another's work diminishes accordingly (if it does not vanish), and
other factors, like the extent of its commerciality, loom larger! (Campbell c. Acuff-Rose
Music Inc., précité, page 1172)
Dans d'autres États, on a prévu une véritable exception pour la
parodie. Ainsi, en France, l'article 122-5 al.4 du Code de la propriété intellectuelle
(Loi du 1er juillet 1992 relative au Code de la propriété intellectuelle,
L.F. No 92-597 du 1er juillet 1992), prévoit expressément l'exception de
"la parodie, le pastiche et: la caricature, compte tenu des lois du genre".
Frédéric Pollaud-Dulian écrit que "l'auteur ne peut empêcher la parodie, ni
exiger une rémunération pour les emprunts faits à son uvre à cette occasion,
même si la parodie s'apparente à une uvre dérivée" (JURIS-CLASSEUR,
Civil Annexes, "Propriété littéraire et artistique", Fasc. 1246 "Droits
patrimoniaux. Droit de reproduction", par F. Pollaud-Dulian 1995, no 76. p. 19).
Toutefois, tout emprunt n'est pas parodié et l'auteur précise et détaille ainsi les
quatre conditions de la parodie permise:
a) la parodie doit avoir une intention et un effet humoristique
sinon il y a contrefaçon [...];
b) la parodie ne doit créer aucun risque de confusion avec les
uvres de l'auteur parodié [...];
c) la parodie a généralement pour but de faire rire aux dépens de
l'uvre ou de l'auteur parodié, il arrive aussi que la pastiche soit animée d'une
intention différente: rendre hommage à l'uvre ou à l'auteur parodié [...];
d)la parodie ne doit pas viser à nuire [...] (Ibid paragraphe 78)
Depuis 1994, la Belgique possède une disposition similaire dans ces
lois (Loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins, article 22 al.
6), et également l'Espagne (Real decreto legislativo, 12 april 1996, Num. 1/1996,
Propriedad intellectual, art. 39. L'exemption persiste à condition qu'il n'y ait pas
risque de confusion ou de porter atteinte à l'uvre originale ou à son auteur).
En droit canadien, la seule exemption se rapprochant de ces notions est
celle de l'"utilisation équi table" prévue dans la Loi sur les
droits d'auteur. Ne constitueront pas une violation du droit d'auteur la reproduction
et l'utilisation sans autorisation d'une uvre ou d'une partie importante de celle-ci
à des fins privées ou de recherche, ou encore, à des fins de critique, de compte rendu
ou de préparation destinée aux Journaux. La reproduction pour des fins de critique ou de
compte rendu est possible pour tous les types d'uvre, si l'utilisation est
raisonnable et conforme au but et si la source et le nom de l'auteur sont indiqués. C'est
ce qu'édicte l'article 27(2) (aujourd'hui 29) de la Loi qui se lit ainsi:
27.(1) [Atteintes au droit d'auteur] Est considéré comme ayant
porté atteinte au droit d'auteur sur une uvre quiconque, sans le consentement du
titulaire de ce droit, exécute un acte quen vertu de la présente loi seul le titulaire
à la faculté d'exécuter.
(2) [Actes ne constituant aucune violation du droit d'auteur] Ne
constituent aucune violation du droit d'auteur:
[...]
a.1) l'utilisation équitable d'une uvre à des fins de critique,
de compte rendu ou de préparation d'un résumé destiné aux journaux, à condition qu'il
soit fait mention de la source et du nom de l'auteur, s'il figure dans la source;
[...]
Ce texte qui prévalait au moment du dépôt de la requête fut, à la
suite des modifications substantielles apportées à la Loi en 1997, changé pour y
ajouter deux exceptions "d'utilisation équitable"; il se lit désormais ainsi:
29. [Étude privée ou recherche] L'utilisation équitable d'une
uvre ou de tout autre objet du droit d'auteur aux fins d'étude privée ou de
recherche ne constitue pas une violation du droit d'auteur.
29.1 [Critique et compte rendu] L'utilisation équitable d'une
uvre ou de tout autre objet du droit d'auteur aux fins de critique ou de compte
rendu ne constitue pas une violation du droit d'auteur à la condition que soient
mentionnés :
a) d'une part, la source;
b) d'autre part, si ces renseignements figurent dans la
source:
(i) dans le cas d'une uvre, le nom de l'auteur,
(ii) dans le cas d'une prestation, le nom de Partisteinterprète,
(iii) dans le cas d'un enregistrement sonore, le nom du producteur,
(iv) dans le cas d'un signal de communication, le nom du
radiodiffuseur.
29.2 [Communication des nouvelles] L'utilisation équitabte d'une
uvre ou de tout autre objet du droit d'auteur pour la communication des nouvelles ne
constitue pas une violation du droit d'auteur à la condition que soient mentionnés:
a) d'une part, la source;
b) d'autre part, si ces renseignements figurent dans la source:
(i) dans le cas d'une uvre, le nom de l'auteur,
(ii) dans le cas d'une prestation, le nom de Partisteinterprète,
(iii) dans le cas d'un enregistrement sonore, le nom du producteur,
(iv) dans le cas d'un signal de communication, le nom du
radiodiffuseur.
La version anglaise de cette disposition stipule:
29. [Research or private study] Fair dealing for the purpose of
research or private study does not infringe copyright.
29.1 [Criticism or review] Fair dealing for the purpose of criticism or
review does not infringe copyright if the following are mentioned: [...]
29.2 [News reporting] Fair dealing for the purpose of news reporting
does not infringe copyright if the following are mentioned:
Plusieurs rapprochements peuvent être faits avec la loi anglaise Copyright
Designs and Pacents Act 1988, qui prévoit une défense similaire de fair dealing pour
des fins de recherche, de critique, de revue, de rapport sur les événements quotidiens
et d'éducation, à la condition que l'uvre soit accompagnée "reconnaissance
suffisance" de l'auteur de l'uvre originale (Copyright Designs and Patents
Act 1988, articles 29 et 30).
La jurisprudence n'a pas réellement clarifié l'étendue de
l'exemption d"utilisation équitable" jusqu'à maintenant (Les
tribunaux ont cependant déterminé par le passé que ne constituaient pas "utilisation
équitable", la reproduction d'une portion abrégée d'une uvre (R. c.
James Lorimer & Co., [1984] 1 C.F. 1065 (C.A.)), ou encore la reproduction d'une
uvre avec quelques paragraphes de critique (Zamacois c. Douville (1943) 3 Fox Pat.
C. 44 (C. Echiquier)). On peut toutefois dès à présent faire ressortir le caractère
exhaustif des fins admises comme pouvant justifier la reproduction d'une uvre
originale: le but poursuivi par celui qui reproduit une uvre occupe une place
centrale dans l'analyse de l'utilisation équitable consacrée à 29 et 29.1 de la Loi
et seuls certains buts biens identifiés sont retenus à titre d'utilisation équitable.
Dans l'affaire Zamacois c. Douville and Marchand
([1943] 3 Fox Pat. C. 44 (C. Échiquier), p. 68 et 69), la première décision traitant de
la défense d'utilisation équitable au Canada, le juge a édicté deux étapes d'analyse:
"[i]f a substancial part of a work is taken therefore, the defendant must show
that it: was Lake!for one of the purposes indicated in the proviso. Even this will not be
sufficient if the dealing is not fair. Usually, however, these two questions will be
intermingled since a publication under the guise of criticism or summary may be found
really to be unfair caking che complete work for a competitive purpose".
Ainsi, si les buts poursuivis et motivations de celui qui reproduit ne
sont pas des éléments pertinents au stade de la détermination d'une violation des
droits d'auteur (Voir Bishop c. Stevens, [1990] 2 R.C.S. 467, 479 à 481, les propos du
juge McLachlin; H. G. RICHARD ET L. CARRIÈRE, Canadian Copyright Act Arnnotated, vol. 1,
Scarborough, Carswell, 1997, no 5.2.8, p. 27-11), ces éléments deviennent très
importants à l'étape de l'utilisation équitable.
Dans 1affaire Allen c. Toronto Star Newspapers Ltd
([1997] 36 O.R. (3d) 201, Ont. Div. Ct.), le juge Sedgwick, au nom de la Cour
divisionnaire, déf init clairement ce critère: "the test of fair dealing is
essentially purposive. it is not simply a mechanical test of measurement of the extent of
copying involved".
Dans une affaire actuellement en appel, la Cour fédérale, division de
procès, a défini le concept d'"équité" retrouvé en deuxième étape
de l'analyse, en référant au dictionnaire Collins, "free from discrimination,
dishonesty, etc. just; impartial", et en suggérant: "Whether the
treatment of the original is in good faith is a question of degree and impression looking
at the quality and the quantity of the original worked used" (Cie générale des
établissements Michel Michelin & Cie c. C.A.W. Canada (1996) 71 C.P.R. (3d)
348 (C.F.) (en appel), 382).
Dans le même sens, lord Denning, dans l'affaire Hubbard c. Vosper
([1972] 1 ALL E.R. 1023, [1972] 2 Q.B. 84 (C.A.)), a commenté la notion de fair
dealing:
It is impossible to define what is -fair dealing,,. It must be a
question of degree. You must consider first the number and extend of the quotations and
extracts. Are they altogether too many and too long to be fair? Then you must consider the
use made by them. If they are used as a basis for comment, criticism or review, the may be
fair dealing. If they are used to convey the same information as the author, for a rival
purpose, that may be unfair. Next, you must consider the proportions. To take long
extracts and attach short comments may be unfair. But, short extracts and long comments
may be fair. Other considerations may come to mind also. But, fater all is said and done,
it must be a matter of impression.
Dans quelle mesure la parodie pourrait-elle constituer une utilisation
équitable d'une uvre et aussi constituer une exception à la protection du document
original?
Les auteurs nous en fournissent les définitions suivantes:
- L.R. YANKWICH:
While the terms are often used interchangeably, differences in their
meanings can be illustrated by giving the definitions of the two terms in their historical
settings from the Shorter Oxford English Dictionnary, Parody is there deflined:
1. A composition in which the characteristic turns of thought and
phrase of an author are mimicked and made to appear ridiculous, espacially by applying
them to ludicrously inappropriate subjects. Also applied to a burlesque of a musical work.
Burksque is defined in the same work in this manner:
1. The species of composition which excites laughter by caricature of
serious works, or by ludicrous treatment of their subjects; a literary or dramatic work of
this kind. Also attrib. 1667.
2. Grotesque caricature; concr. An action or performance which casts
ridicule on that which it imitates, or is itself a ridiculous attempt at something
serious; a mockery 1753.
Webster's New - international Dictionary (2nd edition) recognizes in
its definition of the word the emergence in the nineteenth century of dramatic burlesque
as a distinct American form of entainment:
3. A type of theatrical entertainment, developed in the United States
in the late nineteenth century, characterized by broad humor and splastick presentation,
at first consisting of a musical travesty, but later of short turns, as song, ballet,
dancing, and caricatures of well-known actors or plays.
Burlesque is thus sheer travesty or distorsion, while in parody the
very substance and style of the author is followed closely but is used to apply lofty
words of characterization to lowly or inconsequential things.
In essence, both parody and burlesque are criticisms by ridiculous of
the persons or the work to which they are directed". (Leon R. YANKWICH,
Parody and Burlesque in the Law of Copyright [1955] 33 C. B. R. 1130, p. 1130-1131).
- W. BRAITHWAITE:
A parody has been defined as the exaggerated imitation of a work of
art or the imitation of the substance and style of a particular work of an author
transferred to a trivial or nonsensical subject. A burlesque, while similar to a parody in
that it shares the common goal of ridicule, is "an imitation distorsing or mocking
the original work by comic extremes". Of the two, the parody is often considered the
more noble or more sophisticated form (W. BRAITHWAITE, "From Revolution to
Constitution : Copyright, Compulsory Licences and the Parodied Song" (1984) 18 U.B.C.
L. J. 35).
- M. SPENCE, pour sa part, distingue les différents types de parodie:
Some parody, often called "specific" parodies, are built
upon a particular texts; other called "general" parodies, are built upon whole
artistic traditions, styles or genres. Some parodies, often called "target"
parodies, seek to comment upon the text or its creator; others, often called
"weapon" parodies, involve the use of that text to comment upon something quite
different. Some parodies merely hint at the text, assuming their audience to be familiar
with it; others parodies both present the text and comment upon it at the same time. Some
parodies exploit the disjunction between the parody and the text to comic effect, others
do not (M. SPENCE, "intellectual Property and the Problem of Parody", [1998]
114 L.Q.R. 594, 595).
Ces définitions sont manifestement utiles mais, en réalité, les
tribunaux se sont généralement référés au texte législatif et c'est sans doute pour
cela qu'ils n'ont généralement pas reconnu la défense de parodie (MCA Canada Ltd. c.
Gillberry & Hawke Advertising Agency Ltd. (1976), 28 C.P.R(2d) 52 (C.F.); Rôtisserie
St-Hubert c. Le Syndicat des travailleurs de la Rôtisserie St Hubert de Drummondville
(CSN) (1986), 17 C.P.R. (3d) 461 (C.S.Q.)). Plusieurs auteurs ont, par ailleurs, exprimé
l'avis que les tribunaux canadiens ont refusé la défense de parodie au motif que
l'uvre attaquée reproduisait une partie substanuiel-e de celle protégée; certains
ont laissé entendre qu'ils pourraients'inspirer de la jurisprudence américaine (RICHARDS
& CARRIÈRE, op. cit. note 27, p. 27-11; Robert T. HUGUES et Susan J. PEACOCK, Hupes
on Copyright and Industrial Desig, Toronto, 8 Butterworths, 1998, p. 543-3 et 581. W.J.
BRAITHWAITE, loc. cit. note 13, p. 62; G.F. HENDERSON, Copyright and Confidential
Information Law of Canada, Toronto. Carswell, 1994, p. 262. Certains auteurs proposent que
l'on s'inspire du droit américain pour introduire l'exception de parodie, ou de favoriser
la liberté d'expression par le biais de la parodie: J. ZEGERS, "Parody and Fair Use
in Canada after Campbell c. AcuffRose Music Inc.", (1994-1995) 11 C.I.P.R. 209)).
En Angleterre, la Cour du Banc de la Reine, dans 1affaire Joy
Music Ltd (Joy Music Ltd. c. Sunday Pictorial Newspapers, [1960] All. E. L. R. 703,
708 (Q. B. Div.)), a repris le test énoncé par le juge Younger dans l'arrêt Glvn (Glyn
c. Weston Feature Film Co., [1916] 1 Ch. 261, 263) concernant la parodie: "whether
the defendant had bestowed such a mental labour on what he has taken and subjected it to
such revision and alteration as to produce and original work". En d'autres
termes, suivant le juge McNair, dans Joy Music, si la parodie constitue une uvre
entièrement nouvelle, elle ne violerait pas les droits de l'auteur de l'uvre
parodiée.
W. BRAITHWAITE mentionne que ce test n'a pas été accepté au Canada
mais reconnaît par ailleurs que cela soulève de très sérieuses questions. Il écrit:
Although it is possible that some parodies may be protected in
Canada through a finding of non-infringement rather specific exemption, it is important to
recognize that the copyright infringement test applied in Joy Music Ltd is not the
infringement test generally adopted. Under copyright law a work can substantially
reproduce an earlier work and thereby infringe the copyright in the earlier work while at
the same time to be the product of sufficient independant skill and effort to qualify as
an original work protected with its own copyright
For example, a musical arrangement of an earlier score may infringe the
copyright in the earlier score but also be an original work. McNair Lls test relies on the
contrary assumption that if the later work qualifies as an original work, that in itself
negates infringement of the earlier work. The infringement test he adopts for parodies
casts them in a more favourable light than other acts of copying and in result parallels
the approach often adopted in the United States. Both British and American courts thus
seem to view parodies as a special class of artistic activity which is to he encouraged.
Given this attitude, should section 19 be interpreted in a manner which will permit the
recording of parodied lyrics?
The answer to this question inevitably necessitates a balancing of the
relative interests of the public and those of the author or the parodied work. This
tension between the public interest in having greater access to a work and the private
interest of the creator in controlling the use of his work, is at the heart of copyright
law. In the case of a parody, the interests of the original creator should, on balance, be
treated as paramount. Even though it would seem to be a logical implication of this
philosophy in Joy Music Ltd. of encouraging parodies, to allow a parodist to invoke the
compulsory licence provision would significantly extend the scope of the decision in that
case. Joy Music LAd. addressed the issue of whether or not the parodied lyrics
substantially reproduce the lyrics parodied. Indeed, it is Joy Music Ltd. which the
defendants in A TV Music would, and probably could, rely upon in order to establish that
the lyrics of "Constitution" do not substantially reproduce the lyrics of
"Revolution". but to allow the defendants to record their lyrics to the
plaintiffs tune even where they are willing to pay to do so goes one step further. In
doing so, the law is not merely refusing to intervene in order to prohibit the parody;
rather, it is clothing his conduct in propriety by granting the parodist a positive
licence to proceed. The choice then is between licensing parody and protectiong the
composer's ritht to protect his creation. The balance, it is submitted, is in favour of
the proposed view of subsection 19(2)(a). The need for this approach, evident in a case
like ATV Music, is even more striking in the case of someone trying to record a tune, not
with parodies, but simply altered lyrics Recording varied lyrics, which also would be
prohibited under subsection 19(2)(a), finds no justification in the policy of supporting
parodies (W. BRAITHWAITE, loc. cit., note 32, p. 64).
Cette approche fut critiquée et les tribunaux ont affirmé que
l'importance de l'apport en travail et en originalité ne constitue pas une défense, le
seul test valide demeurant celui de l'appropriation d'une partie importante de
l'uvre originale (Williamson Music c. Pearson Partnership, [1987] F.S.R. 97;
Schweppes Ltd. c. Wellington Ltd, [1984] F.S.R. 210. Voir RICHARD et CARRIERE, loc. cit.
note 27). G. DWORKIN écrit, pour sa part:
[...] it has been argued that because parody and satire are
deserving of substantial freedom, both as entertainment and as a form of social and
litterary criticism; and as a parody necessarily must use, or at least conjure up, the
earlier work to achieve its objection, more lenient rules relating to copyright
infringment than is ordinarily the case should apply. This arguement has been rejected.
The parodist may certainly take the idea of a work and create something new; he may also
parody within the terms of 'Tair dealing for the purpose of criticism or review".
Nevertheless, the general rule test whether the defendant's parody reproduce a substantial
part of the plaintiffs work should applies (G. DWORKIN, "United Kingdom", dans
S. M. STEWART, International Copyright and Neighbouring Rights, 2e éd.,
Butterworths, Londres, 1989, No 18.40).
Pourtant, dès 1955, L.R. YANKWICH signalait que la parodie était un
genre en soi qui requérait une approche différente, basée sur les objectifs poursuivis
et non pas sur la portion appropriée de l'uvre originale:
The controlling question should be, not whether the parody or
burlesque contains the skeleton or outline of the play o~ story it criticizes or
ridicules, but whether it is true parody or a mere subterfuge for appropriating another
person's intellectual creation. "Fair use" thus becomes determinable in the
light of all the valid judicially established criteria, including the result to be
achieved, and in consonance with literary reality. For parody, under accepted definitions,
is a type of composition which (1) seeks, in good faith, to criticize, caricature, mock,
ridicule and distort the intellectual product of another, and (2) not to imitate or
reproduce it as written, and (3) which, despite its own originality or merit, lacks the
artistic and literary quality of the original. And, if a particular parody or burlesque
achieves this, the fact that it is executed within the frame or around the outline of a
serious work - the fact that there is (as there must be in any parody or burlesque) casual
imitation - should not deprive it of standing as an independant literary or artistic
creation in our courts. Parallelism stemming from similarity of "order of
events" is not of universal application and is not a conclusive test in all copyright
cases.
[...]
It follows that a rigid formula which would apply to parody and
burlesque the sole test of substantiality of copying to be determined by similarity of
sequence or "orders of events" in story development, and which would disregard
all the others, find no support in the literary history of the English-speaking world.
More, the use of such a formula would destroy the comic art, so important and rare, of
which parody and burlesque are part (L.R. YANKWICH, loc. cit. note31, p. 1152 à
1154).
Inversement, W. BRAITHWAITE, écrivait que "Presumablv a parody
whose primary objective is criticism would qualify for an exemption, but the parody
intented only to amused would not" (W. BRAITHWAITE, loc. cit. note 32, p. 63).
Quelle conclusion peut-on dégager de tout cela? Il semble bien que la
parodie peut être vue sous deux aspects: une exception à l'atteinte aux droits d'auteur
selon l'article 27(l) (maintenant 29) de la Loi ou une uvre originale en soi. Dans
la première situation, il est clair que la Loi est restrictive et que l'exception ne
trouve d'application que dans les cas qu'elle définit, nommément les fins de critique.
Or, on le sait, la critique d'une uvre intellectuelle ou artistique n'est pas que
sérieuse ou savante; elle peut aussi être humoristique ou dr8le grâce a une opération
d'amplification, de déformation ou d'exagération de l'uvre visée, en un mot, elle
emprunte les voies de la caricature; elle en sera souvent que plus mordante. En ce sens,
elle pourrait constituer une exemption pourvu que les exigences de la Loi soient
satisfaites. Mais ce n'est généralement pas à cette situation que l'on réfère mais à
la seconde suivant laquelle la parodie est vue comme une uvre en soi, originale,
distincte et indépendante de l'uvre parodiée et dont 'La création nécessite
labeur, imagination, talent, ce qui la distingue de l'imitation trompeuse. Les auteurs,
BRAITHWAITE spécialement, sont disposés à reconnaÎtre que cette création
intellectuelle que constitue la véritable parodie confère à son auteur une véritable
reconnaissance mais ne sont pas prêts à conclure que les droits de l'auteur parodié ne
sont pas violés, un pas que l'on a franchi en Angleterre dans l'affaire Joy Music Ltd.
L'absence de décision formelle sur ce point au Canada, du moins
suivant mes recherches et celles des parties, découle peutêtre du fait qu'en réalité,
cette vision des choses est celle communément acceptée et que la véritable parodie est
reconnue. Cela signifie que si un créateur produit une authentique parodie créant ainsi
une uvre nouvelle qui pastiche ou ridiculise une autre uvre ou qui prend appui
sur une autre uvre pour se moquer ou critiquer un événement social ou politique
-c'était la situation dans Joy Music Ltd., où on avait utilisé la chanson
Rock-a-Billy pour caricaturer le prince Philip- il n'y aura pas lieu à violation des
droits d'auteur. À mon sens, deux critères sont rencontrés: la finalité de l'emprunt
à l'autre uvre et l'originalité de l'uvre nouvelle. On peut discuter de la
situation du "Target: parocly" ou celle du "Weapon parody" mais la
véritable question est et demeure la suivante: Quelle est l'uvre produite? La
parodie et le burlesque sont des genres littéraires et dramatiques. Leur objet est de
critiquer par le ridicule une uvre, une situation ou des personnes. Dès lors que
l'uvre est qualifiée ainsi, elle a sa vie propre. Toutefois, la parodie ne doit pas
être un paravent pour éviter le travail intellectuel et bénéficier de la renommée de
l'uvre parodiée.
Quoi qu'il en soit, en l'espèce, que l'on retienne le strict critère
de l'article 27 (maintenant 29) de l'utilisation équitable aux fins de critique ou une
notion plus large, je suis d'avis que Favreau ne peut réussir. Comme la Cour
divisionnaire de l'Ontario le soulignait, là règle de "fair dealing"
renvoie à un test de finalité (purposive); la Loi, par ailleurs, exige que l'objet de
l'appropriation doit être la critique ou le compte rendu. À l'évidence, La Petite
Vie, dont Favreau prévoit la production de 100,000 copies (ce chiffre fut,
semble-t-il, déterminé en relation avec la réussite populaire de La Petite Vie)
, n'a pas été conçue, ne vise pas et n'est pas une critique ou un compte rendu de
luvre de Meunier. Les emprunts importants à La Petite Vie, tant en
quantité qu'en substance, avaient pour seul objectif de donner un maximum de visibilité
à un vidéo qui n'en aurait pas eu autrement, tout en évitant l'incontournable labeur de
toute création littéraire et artistique. Il n'y a non plus aucune recherche ou fait de
création. Ce qui constituerait l'originalité de La Petite Vie est une vile copie
de parties importantes de luvre de Meunier.
Je ne peux non plus me convaincre que la finalité de Favreau était de
ridiculiser l'uvre d'Avanti.
En un mot, Favreau a recouru au maximum de ce qu'il pouvait prendre
dans La Petite Vie (les décors, les personnages, les tics, les expressions, etc.),
pour ensuite l'intégrer dans son film. Il ne s'agit manifestement pas d'une parodie ou
d'une critique; les emprunts ne sont ni subtils ni trompeurs mais le plus accentués
possible. Aussi, à mon avis, l'intimé a violé les droits de l'appelante.
Pour tous ces motifs, je propose d'accueillir le pourvoi avec les
dépens suivant le tarif des avocats. Avanti requiert en effet les frais sur la base
avocat-client. À mon avis, si elle estime que Favreau a abusé de ses droits, elle devra
suivre la procédure prévue à la loi.
L'arrêt de la Cour devrait comporter les ordo d'injonction suivantes:
ORDONNE aux défendeurs, leurs officiers, administrateurs,
actionnaires, mandataires, employés, grossistes, distributeurs et détaillants, et tous
ceux sous leur contrôle ainsi que toute personne ayant connaissance de l'ordonnance à
être rendue (ci-après désignés collectivement comme étant les
"défendeurs"), de cesser, directement ou indirectement, la reproduction, la
manufacture, la location, la production, le transport, le transfert, la mise en marché,
la distribution, la vente, ou autrement commercialiser le filin "La Petite Vie"
ou "La Petite Vie -réflexologie érotique" ou tout film ou produit
violant les droits de la demanderesse dans la Série télévisée "La Petite Vie",
ses personnages, costumes et décors;
ORDONNE aux défendeurs de cesser de produire ou de reproduire,
directement ou indirectement, la Série télévisée "La Petite Vie" ou
toute partie de celle-ci, ou toute copie non autorisée, de quelque façon que ce soit et
sous quelque forme que ce soit, et de cesser toute autre violation des droits exclusifs de
la demanderesse en produisant, manufacturant, distribuant, vendant ou offrant en vente des
exemplaires contrefaits, dont le film "La Petite Vie" ou "La Petite
Vie - réflexologie érotique" ou tout autre produit incorporant, en
partie ou en totalité, la Série télévisée ~,La Petite Vie", ses
personnages, décors et costumes;
ORDONNE aux défendeurs de cesser, directement ou indirectement, de
produire, reproduire, manufacturer, vendre, distribuer à des f ins commerciales, exposer
commercialement en public, offrir en vente, importer au Canada, à des fins commerciales,
transférer, transporter, louer, mettre en circulation, soit dans un but commercial, soit
de façon à porter préjudice aux droits de la demanderesse, ou autrement commercialiser
le film "La Petite Vie" ou "La Petite Vie - réflexologie
érotique" ou qui reproduit une partie substantielle de la Série télévisée
"La Petite Vie";
ORDONNE aux défendeurs, par la personne qui paraît être en charge de
leurs établissements, ou leurs officiers, administrateurs, actionnaires, mandataires,
employés, grossistes, distributeurs et détaillants de remettre, sur signification de
l'ordonnance à être rendue, à la demanderesse, ses procureurs, ses agents ou huissiers,
tous exemplaires du film "La Petite Vie" ou "La Petite Vie - réflexologie
érotique", ou toutes parties importantes de ceux-ci, tout matériel publicitaire
et emballage ainsi que toutes planches, matrices ("master"), empreintes, rubans
magnétiques, photographies, négatifs, cassettes, cassettes-vidéo, vidéo-disques qui
ont servi ou sont destinés à la confection d'exemplaires du film "La Petite Vie"
ou "La Petite Vie - réflexologie érotique" en leur possession ou
sous leur garde ou contrôle;
ORDONNE aux défendeurs, par la personne qui paraît être en charge de
leurs établissements, ou leurs officiers, administrateurs, actionnaires, mandataires,
employés, grossistes, distributeurs et détaillants de fournir à la demanderesse, ses
procureurs, ses agents ou huissiers, la liste des noms et adresses de toutes personnes qui
ont reçu mandat ou doivent reproduire ou monter ou éditer le film "La Petite Vie"
ou "La Petite Vie - réflexologie érotique".
ORDONNE aux défendeurs, par la personne qui paraît être en charge de
leurs établissements, leurs officiers, administrateurs, actionnaires, mandataires,
employés, grossistes, distributeurs et détaillants de fournir à la demanderesse, ses
procureurs, ses agents ou huissiers, la liste des noms et adresses de toutes personnes qui
ont demandé ou obtenu copie de la cassette ou autre reproduction du film "La Petite
Vie" ou "La Petite Vie - réflexologie érotique" ou de
remettre tout autre écrit permettant de retracer la provenance ou la destination des
exemplaires du film "La Petite Vie" ou "La Petite Vie - réflexologie
érotique";
ORDONNE que tous exemplaires du film "La Petite Vie "
ou "La Petite Vie - réflexologie érotique" ou toutes parties
importantes de ceux-ci, tout matériel publicitaire et emballage ainsi que toutes
planches, matrices ("master"), empreintes, rubans magnétiques, photographies,
négatifs, cassettes, cassettes-vidéo, vidéo-disques qui ont servi ou sont destinés à
la confection d'exemplaires du film "La Petite Vie" ou "La Petite
Vie - réflexologie érotique" soient entreposés, aux frais de la demanderesse,
au 2101-B, rue Nobel, à SteJulie, à lentrepôt de Déménagement Ste-Julie, sous les
soins de Daniel Grisé, jusqu'à ce que la Cour en décide autrement;
ENJOINT aux défendeurs, leurs officiers, administrateurs,
actionnaires, mandataires, employés, grossistes, distributeurs et détaillants de ne pas
révéler l'existence ou lobjet des présentes procédures, ou l'intérêt de la
demanderesse dans les présentes, sauf aux fins d'obtenir une opinion légale à tout
moment dans le cadre des présentes procédures, de ne pas informer ou avertir toute
tierce personne, directement ou indirectement, que la demanderesse pourrait instituer des
procédures contre telle tierce personne et ce, pendant toute la durée de la présente
ordonnance ou son (ses) renouvellement(s);
ENJOINT aux défendeurs, leurs officiers, administrateurs,
actionnaires, mandataires, employés, grossistes, distributeurs et détaillants de
s'abstenir de disposer de la possession, de la garde, ou du contrôle ou de cacher,
mutiler, effacer, détruire tout document relatif à la production, la confection, la
reproduction, la représentation, le transport, l'importation, l'exportation, la
distribution, l'entreposage ou la vente de tous exemplaires du film "La Petite Vie"
ou "La Petite Vie - réflexologie érotique", ou toutes parties
importantes de ceux-ci, tout matériel publicitaire et emballage ainsi que toutes
planches, matrices ("master"), empreintes, rubans magnétiques, photographies,
négatifs, cassettes, cassettes-vidéo, vidéo-disques qui ont servi ou sont destinés à
la confection d'exemplaires du film "La Petite Vie" ou "La Petite
Vie - réflexologie érotique".
PAUL-ARTHUR GENDREAU, J.C.A.
Texte communiqué par Pierre-Emmanuel Moyse
|