Par acte d'assignation délivré le 2 mars 1999 par
    Maître Rignault, huissier de justice à Argenteuil, la société P. F.
    DERMO-COSMETIQUES a fait assigner Monsieur ALAINB.
    La demande tend à voir : 
    
      * ordonner la cessation, sous astreinte de 2 000 francs par jour de retard, de toute
      commercialisation au moyen du site Internet "paraformeplus.com" des gammes de
      produits Klorane, A-Derma, Ducray et Avène, contrevenant à l'existence du réseau de
      distribution sélective et constitutive d'un acte de concurrence déloyale et parasitaire,
      
    
    
      * ordonner, sous astreinte de 2 000 francs par jour de retard, la publication sur le
      serveur de la décision à intervenir, pendant un délai de six mois à compter du
      prononcé, 
    
    
      * faire interdiction à Monsieur ALAIN B., sous astreinte de 2 000 francs par
      infraction constatée, d'implanter les gammes de produits considérés sur un site ou un
      serveur tiers, en faisant injonction à Monsieur ALAIN B. de supprimer toutes références
      et tous liens avec tous autres sites renvoyant à son serveur sous la même astreinte, 
    
    
      * nommer tel huissier au constat et au contrôle des mesures ordonnées, 
    
    
      * condamner Monsieur ALAIN B.à payer à la société P. F. DERMO-COSMETIQUES la
      somme de 30 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
      ainsi que les dépens. 
    
    La société P. F. DERMO-COSMETIQUES a développé les motifs
    contenus dans son acte d'assignation, exposant notamment qu'elle a constitué un
    réseau de distribution sélective de produits DERMO-COSMETIQUES de luxe sous les marques
    Klorane, A-Derma, Ducray, Avène, Galénic et Elancyl. 
    Elle explique que Monsieur ALAIN B. propose, au mépris de ce réseau
    de distribution sélective, la vente, sur le site Internet qu'il a créé, de ces produits
    et en particulier Klorane et A-Derma, en dépit d'une mise en demeure du 24 novembre 1998.
    
    Elle soutient que la commercialisation, dans de telles conditions, des
    produits en cause et dont la matérialité n'est pas contestée, constitue un trouble
    manifestement illicite qu'il importe de faire cesser. 
    Monsieur ALAIN B. répond qu'il est pharmacien, qu'il a signé avec la
    société P. F. DERMO-COSMETIQUES trois contrats types rédigés de façon
    identique régissant leurs relations commerciales, l'un le 3 avril 1998 concernant le
    département Avène, les deux autres les 14 octobre 1988 et 2 juin 1989 avec le
    département Klorane, l'autorisant à distribuer les produits Avène, Klorane ainsi que
    Ducray et A-Derma. 
    Il explique qu'aux termes des contrats, il s'engageait à "tout
    faire pour développer les ventes" et que c'est dans ces conditions qu'il a
    constitué un catalogue électronique, qu'il a mis en ligne sur un serveur Internet en
    janvier 1998. 
    Monsieur ALAIN B. conclut à l'absence de trouble manifestement
    illicite ; que rien dans le contrat ne lui interdit de mettre les produits en ligne sur un
    site Internet; que les conditions générales de ventes versées aux débats par la
    société P. F. DERMO-COSMETIQUES ne sont ni datées, ni signées et ne font pas
    partie des contrats, ni de leurs annexes, ni même d'un avenant; que, de plus, elles sont
    différentes de celles annexées au bon de commande. 
    Monsieur ALAIN B. expose que les demandes de la société
    P. F.
    DERMO-COSMETIQUES constituent un comportement déloyal à l'égard d'un confrère
    cocontractant et qu'elles auraient dû être, préalablement soumises à l'Ordre des
    pharmaciens. Il rappelle qu'est illicite tout contrat de distribution sélective ayant
    pour objet ou pour effet d'exclure a priori une forme quelconque de distribution ; que la
    société P. F. DERMO-COSMETIQUES ne saurait dès lors exiger que la distribution
    de ses produits reste confinée à la seule distribution en officine. 
    Monsieur ALAIN B. demande, en conséquence, que la société
    P. F. DERMO-COSMETIQUES soit déboutée de toutes ses demandes et condamnée à lui payer
    la somme de 40 000 francs au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de
    procédure civile, ainsi qu'aux dépens. 
    Attendu qu'il est constant et non contesté que la société
    P. F. DERMO-COSMETIQUES distribue certaines de ses fabrications DERMO-COSMETIQUES, sous
    différentes marques commerciales, dans le cadre d'un réseau de distribution sélective
    dont l'appréciation du caractère licite, contesté par Monsieur ALAIN B., excède
    manifestement les pouvoirs du juge des référés.
    Attendu que dans le cadre de ce réseau, la société P.
    F. DERMO-COSMETIQUES et Monsieur ALAIN B. ont conclu trois contrats dits de
    "coopération commerciale" définissant de manière semblable les obligations du
    distributeur, mais relatifs à des marques distinctes, respectivement : "Klorane
    gammes bébé et soins corporels" le 14 octobre 1988, "Klorane gammes
    capillaires et soins hommes" le 2 juin 1989, Avène le 3 avril 1998.
    Attendu que la société P. F. DERMO-COSMETIQUES se fonde sur
    une clause commune et ainsi libellée "Il est expressément précisé que les
    obligations stipulées au présent contrat ainsi qu'aux conditions générales de
    distribution et de vente Klorane (Avène), constituent des clauses essentielles dudit
    contrat de coopération commerciale sans lesquelles Klorane (Avène) et le distributeur
    n'auraient pas contracté" pour considérer que la vente des produits concernés sur
    le réseau Internet est contraire aux dispositions contractuelles et génère, par
    conséquent, un trouble manifestement illicite.
    Attendu que le principe supra national, constitutionnel et légal de
    libre concurrence et de liberté de circulation des marchandises constitue la distribution
    sélective en exception dont les conditions et les effets doivent s'apprécier
    strictement.
    Attendu, de plus, que chacun des trois contrats stipule, en son article
    2 : "le distributeur s'engage
 2.2 à tout faire pour développer les ventes des
    produits
".
    Attendu qu'il appartient dès lors à la société P. F.
    DERMO-COSMETIQUES d'apporter la démonstration que la commercialisation au moyen d'un site
    Internet contrevient expressément aux obligations souscrites par Monsieur ALAIN B.
    Attendu que l'élément unique sur lequel s'appuie la société
    P. F. DERMO-COSMETIQUES pour effectuer cette démonstration est un document établi par
    "Laboratoires Klorane" et intitulé "conditions générales de distribution
    et de vente" qui ne saurait, comme tente de le faire croire Monsieur ALAIN B., être
    confondu avec les conditions générales de vente figurant sur les bons de commande des
    marchandises achetées par Monsieur ALAIN B. dans le cadre du contrat de distribution.
    Mais attendu que ces "conditions générales de distribution et de
    vente", dont il n'est pas démontré qu'elles concernent également les produits
    Avène, sont exposées sur un document pré-imprimé, ni daté, ni signé, dont le
    caractère contractuel n'est, en conséquence, pas établi.
    Attendu, de plus, que ce document ne fait aucune référence aux
    modalités, probablement trop récentes, de commercialisation par un serveur en ligne des
    produits concernés ; qu'en l'espèce ce moyen Internet immatériel s'ajoute aux
    modalités traditionnelles mises en place par Monsieur ALAIN B. dans son officine et
    conformes aux exigences de la société P. F. DERMO-COSMETIQUES relatives à la
    matérialité du lieu de vente.
    Attendu en conséquence que la société P. F. DERMO-COSMETIQUES
    ne pourra qu'être déboutée de toutes ses demandes devant Nous, juge des référés,
    juge de l'évidence, et renvoyée à mieux se pourvoir. 
    
      Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile : 
    
    Attendu que Monsieur ALAIN B. a été dans l'obligation, pour
    assurer sa défense, d'exposer des frais, non compris dans les dépens, qu'il serait
    inéquitable de laisser à sa charge.
    Qu'il convient de condamner la société P. F. DERMO-COSMETIQUES
    à payer à Monsieur ALAIN B. la somme de 4 000 francs, par application des dispositions
    de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
    Attendu, en revanche, que la société P. F. DERMO-COSMETIQUES
    qui échoue doit supporter la charge des frais irrépétibles par elle exposés, et doit,
    en conséquence, être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du
    nouveau code de procédure civile. 
    
      Sur les dépens : 
    
    Attendu qu'il convient de laisser à la société P. F.
    DERMO-COSMETIQUES qui échoue la charge des dépens. 
  PAR CES MOTIFS
    La renvoyons à mieux se pourvoir ;
    Condamnons la société P. F. DERMO-COSMETIQUES à payer à
    Monsieur ALAIN B. la somme de 4 000 francs, par application des dispositions de
    l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
      Déboutons la société P. F. DERMO-COSMETIQUES de sa demande en
    paiement sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure
    civile ;
    Condamnons la société P. F. DERMO-COSMETIQUES aux dépens. 
    SELARL MORVILLIERS SENTENAC GIVRY WALLAERT / MAITRE HAAS