RAPPEL DES FAITS
Par contrat, Monsieur F.
S. a
fourni à la société DIGISOFT MUSIC des phonogrammes informatiques, dont il était
l'auteur. Aux termes de cet accord, la société DIGISOFT MUSIC s'engageait à rémunérer
le producteur à raison de 5F HT la séquence vendue.
Après s'être exécutée durant
un certain temps, la société DIGISOFT MUSIC a cessé tout paiement.
D'où est né le présent litige.
Suite à une procédure de
référé un expert a été commis et a rendu son rapport le 31/3/98.
PROCEDURE
Par acte d'huissier du 27/5/98
(remis à personne), Monsieur F. S. a assigné la société DIGISOFT MUSIC demandant au
tribunal de :
- Juger la demande de Monsieur
F.S. recevable ;
- Homologuer le rapport du
31/3/98 déposé par l'expert judiciaire Madame PENINON ;
En conséquence,
- Juger que Monsieur
F.S. est
propriétaire légitime et exclusif des droits sur les phonogrammes informatiques musicaux
confiés à la Sté DIGISOFT conformément au contrat du 6/9/91 ;
- Juger que la Sté DIGISOFT est redevable envers Monsieur F. S. du prix contractuel de
5 F. HT par phonogramme vendu ;
- Juger que la Sté DIGISOFT a
dissimulé les ventes de phonogrammes de Monsieur F. S. depuis le mois de mai
1994 ;
- Juger que la Sté DIGISOFT a
frauduleusement effacé les mentions de propriété sur les phono de Monsieur F.
S. pour y apposer C DIGISOFT MUSIC.
Sur le préjudice
matériel :
Condamner la société DIGISOFT
MUSIC à payer à Monsieur F. S. :
- la somme de 252.630 F. HT au
titre de son préjudice pour la commercialisation de ses phono au cours de la période de
Mai 1996 à Décembre 1996,
- la somme de 686.400 F. HT au
titre du préjudice de Monsieur F. S. pour la commercialisation des phono sur CD-ROM au
cours de la période de mai 1994 à mai 1996 ;
- la somme de 200.000 F. en
réparation de son préjudice au titre de la commercialisation de ses phono sur des
disquettes non codées à partir de la borne mise en place par la société DIGISOFT MUSIC
;
Sur le préjudice moral :
- Condamner la société DIGISOFT
MUSIC à payer la somme de 200.000 F. en réparation du préjudice moral subi par Monsieur
F.S..
- Vu l'article 515 du NCPC,
ordonner l'exécution provisoire
- Vu l'article 700 du NCPC,
condamner la société DIGISOFT MUSIC au paiement de la somme de 50.000 F. au titre des
frais irrépétibles d'instance exposé par Monsieur F.S..
- Vu l'article 699 du NCPC,
condamner la société DIGISOFT MUSIC aux entiers dépens.
A l'audience collégiale du
22/9/98, la société DIGISOFT MUSIC a déposé des conclusions demandant au tribunal de :
- Déclarer nul et de nul effet
le contrat conclut le 6/9/91 entre Monsieur F.S. et la société DIGISOFT MUSIC.
- Déclarer, en conséquence,
Monsieur F.S. irrecevable en l'ensemble de ses demandes.
- Le condamner aux entiers dépens ainsi qu'à payer à la société DIGISOFT MUSIC une
somme de 50.000 F. au titre de l'article 700 du NCPC.
Subsidiairement :
- Donner acte à la société
DIGISOFT MUSIC de ce qu'elle reconnaît devoir la somme de 252.630 F. HT
- Débouter Monsieur F. S. de l'ensemble de ses autres demandes.
A l'audience collégiale du
20/10/98, Monsieur F. S. a déposé des conclusions en réponse, demandant au tribunal
de :
- Recevoir Monsieur F.
S. en
ses conclusions,
- Juger que le contrat du 6/9/91
est fondé sur une cause licite,
- Débouter la société DIGISOFT
MUSIC des fins de ses moyens,
- Adjuger à Monsieur F.
S. le
bénéfice de ses précédentes écritures.
A l'audience collégiale du
17/11/98, la société DIGISOFT MUSIC a déposé des conclusions en réplique, demandant
au tribunal de recevoir la société DIGISOFT MUSIC en ses conclusions, lui donner acte de
ce qu'elle se réfère également à ses précédentes conclusions.
A cette même audience, l'affaire
a été envoyée à un juge rapporteur pour audition des parties.
A l'audience du juge rapporteur du 15/12/98, le juge rapporteur a clos les débats, mis le
jugement en délibéré et dit qu'il serait prononcé le 16/2/99.
Il sera statué par un jugement
contradictoire en premier ressort.
Toutes conclusions reprises.
MOYENS ET MOTIFS DE LA
DECISION
Monsieur F. S. qui exerce
l'activité de producteur de phonogramme sous l'enseigne MIDI SERVICE, déclare avoir
conclu le 6/9/91 un contrat avec la société DIGISOFT MUSIC. Aux termes de ce contrat,
Monsieur F. S., s'engageait à livrer à la société DIGISOFT MUSIC, dont le gérant
est Monsieur AKRICHE, 220 masters de séquences MIDIFILES répondant à un usage
informatique ; ce contrat prévoyait la rémunération par la société DIGISOFT MUSIC à
Monsieur F. S. de 5 F. par séquence vendue, en fonction d'un relevé des ventes que
devait lui fournir la société DIGISOFT MUSIC.
Monsieur F. S. présente ce
contrat et dit que les relevés lui ont été envoyés et réglés du 1/12/91 au 15/6/92,
qu'après cette date il n'a plus rien perçu. Il ajoute qu'il a découvert que la
société DIGISOFT MUSIC poursuivait à son insu la commercialisation de ses phonogrammes
selon deux modes :
- sur CD ROM reprenant ses 220
séquences,
- sur CD ROM reprenant 12 à 14
de ses titres.
Il présente également aux
débats, lettre RAR de mise en demeure du 17/12/96 adressée par son conseil à la
société DIGISOFT MUSIC et la réponse de celle-ci en date du 20/12/96 n'ayant toujours
pas pu obtenir ni règlement, ni relevé, il a saisi le juge des référés du tribunal de
céans, qui, par décision du 5/3/97 a nommé un expert.
Il présente aux débats
l'ordonnance de référé rendue le 5/3/97 par ce tribunal, et sa signification à la
société DIGISOFT MUSIC en date du 26/3/97.
Egalement une attestation datée
du 20/6/97 du SPPI (Syndicat des Producteurs de Phonogrammes Informatiques, certifiant
qu'il exerce sa profession depuis sa déclaration à la SACEM/ SDMR, et que, le SPPI
négocie avec la SACEM/SDMR la redevance à percevoir sur les phonogrammes numériques.
Il présente aux débats les conclusions de l'expertise et déclare qu'il a pu faire
constater dans un magasin de Grenoble, que des disquettes non formatées pouvaient être
éventuellement utilisées et que la société DIGISOFT MUSIC avait fait disparaître
toute référence à son uvre.
La société DIGISOFT MUSIC
invoque la nullité du contrat au motif que Monsieur F.S. n'était pas titulaire des
droits sur les cours qu'il utilise, et, subsidiairement conteste les chiffres de Monsieur
F. S., encore plus subsidiairement elle reconnaît devoir la somme de 252.630 F.
Elle déclare qu'après avoir
répondu à la mise en demeure de Monsieur F.S., elle a fait procéder à une analyse
juridique du dossier. Elle apporte aux débats, un certain nombre de courriers qu'elle a
reçu suite à une lettre circulaire qu'elle a envoyé le 2/6/98, ainsi qu'une
jurisprudence qu'elle estime favorable à sa cause.
SUR CE LE TRIBUNAL
Attendu que par jugement du
5/3/97, Madame D'ESCLAIBE a été nommée expert, que suite à son empêchement, Madame
Annick PENINON a été nommée en remplacement, avec mission dont les termes sont repris
dans le jugement du 5/3/97, auquel il convient de se référer.
Attendu que l'expert a fait appel
à un sachant, Monsieur KOMERVOSKY.
Attendu que l'expert a rendu son
rapport le 31/3/98, qu'il convient de s'y reporter pour rappeler les faits qui opposent
les parties en citant certains extraits au fur et à mesure des débats.
La défenderesse soulève la
nullité du contrat au motif que Monsieur F.S. n'est pas titulaire des droits de
producteur de phonogrammes sur les uvres qu'il utilise, objet de la cession des
masters de séquence musicales.
La demanderesse répond qu'il y a
confusion entre les droits conférés aux cessionnaires des droits d'auteur exercés en
accord avec la SACEM (Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique) et les
droits conférés aux producteurs de phonogrammes, ce qu'est Monsieur F.S..
Qu'il convient également de
noter la présentation de l'activité de Monsieur F.S..
Sur le plan technique Monsieur
F.S. crée un fichier informatique norme MIDI (Musical Interface for Digital
instrument) - (à ne pas rapprocher de MIDI SERVICE, enseigne de Monsieur F.S.. Note du
tribunal), sur un fichier descriptif des instruments de musique, des sons, des partitions,
adapté aux capacités de lecture d'un ordinateur.
La partie artistique, créative
du travail de Monsieur F.S. est de rechercher les sons utilisables par l'ordinateur,
d'adapter les instruments aux contraintes techniques en se rapprochant le plus possible
des partitions originales. Il s'agit là d'une prestation intellectuelle créatrice
puisqu'il utilise son " oreille " pour adapter.
Il a crée ainsi 220 séquences
musicales et est devenu producteur de phonogrammes. Il pouvait alors soit, distribuer
directement ces séquences, soit signer un contrat de distribution, ce qu'il a fait en
septembre 1991 avec la société DIGISOFT MUSIC.
Attendu qu'après avoir cessé
tout paiement après le 15/6/92, la société DIGISOFT MUSIC ne semble s'être interrogée
sur la licité de ce contrat qu'après avoir reçu une lettre de mise en demeure de la
part de Monsieur F.S., que de surplus après la réception de cette lettre il
répondait le 20/12/96.
Attendu que le contrat conclu
entre les parties le 6/9/91 n'est pas contesté dans son existence.
Attendu qu'aux termes de ce
contrat, outre la rémunération de 5 F. par séquence, la société DIGISOFT MUSIC
s'engageait sur chaque produit à mentionner " REALISATION MIDI SERVICE ".
Attendu que par lettre du
17/12/96, le conseil de Monsieur F.S. mettait en demeure la société DIGISOFT MUSIC de
lui fournir le décompte détaillé des séquences vendues depuis le dernier relevé du
15/6/92 et de lui payer les sommes dues.
Attendu que par lettre du
20/12/96, adressée au conseil de Monsieur F.S., la société DIGISOFT MUSIC ne
contestait pas les faits déclarant notamment " Afin de pouvoir vous fournir au plus
vite le détail des ventes effectuées, je vous prie de bien vouloir me communiquer la
liste des 220 titres " et, plus loin, " Sachez qu'en aucun cas nous n'avons
voulu léser votre client ".
Attendu que le rapport de
l'expert cite le rapport du sachant, où celui-ci écrit "La SACEM / SDMR (Société
pour l'administration de Droit de Reproduction Mécanique des Auteurs Compositeurs et
Editeurs) négocie actuellement avec les Chambres Syndicales... Dans cette période
intérimaire la SACEM/SDMR ne licite pas expressément ces exploitations numériques, mais
ne les interdit pas non plus, afin de ne pas entraver leur commercialisation.
Attendu que Monsieur
F.S. a
versé à la SACEM une provision de 12.000 F dans l'attente de la solution de ce
problème, ce qui démontre sa totale bonne foi dans cette affaire.
Attendu que dans son rapport,
l'expert mentionne une lettre de la société DIGISOFT MUSIC, adressée au conseil de
Monsieur F.S., dans laquelle le défendeur propose de négocier le coût du titre à 2
F au lieu de 5 F.
Attendu que la société DIGISOFT
MUSIC qui considère actuellement le contrat comme non licite, pour s'exonérer de toutes
obligations, n'en a pas moins continué à vendre ce produit et à en toucher les
bénéfices sans en reverser la quote part à Monsieur F.S..
Attendu qu'il résulte des faits
exposés ci-dessus et du rapport de l'expert que le tribunal considérera le contrat comme
licite, qu'il en découle que la société DIGISOFT MUSIC devra satisfaire à ses
obligations.
Sur la fixation des redevances
et le préjudice matériel :
Attendu que lors des réunions
contradictoires tenues en présence de l'expert il est apparu comme certain que la
société DIGISOFT MUSIC devait, au titre des éléments produits, la somme de 252.630 F.
H.T. ce que d'ailleurs ne conteste pas subsidiairement le défendeur ;
Que faute d'éléments précis,
dont la société DIGISOFT MUSIC avait la charge de lui apporter, l'expert ne pouvait
qu'extrapoler pour en arriver à trois hypothèses :
- Commercialisation sans
interruption :
hypothèse basse 46.765 F. H.T.
hypothèse haute 1.696.230 F.
H.T.
- Commercialisation interrompue
886.400 F. H.T.
En effet, la Sté DIGISOFT n'a
reconnu que les commercialisations découvertes et a laissé dans l'ignorance l'expert sur
la totalité de ses prestations, ce qui peut prêter à toutes interprêtations sur son
volume d'affaires.
Attendu que le demandeur s'appuie
sur les conclusions de l'expert favorable à une commercialisation interrompue pour
réclamer la somme de 686.400 F, que cette estimation est raisonnable, le tribunal
condamnera la société DIGISOFT MUSIC à payer à Monsieur F. S. les sommes de 252.630
+ 686.400 soit 939.030 F.
Sur l'utilisation de
disquettes non codées :
Attendu que la société DIGISOFT
MUSIC mettait à la disposition de détaillants spécialisés des bornes contenant un CD
ROM où, moyennant versement d'une certaine somme, le client pouvait reproduire sur une
disquette codée, un choix de cinq titres musicaux parmi les 350 proposés sur la borne,
qu'un constat était effectué le 15/11/97, par les agents assermentés de l'APP, auprès
d'un magasin de Grenoble, établissant, entre autre, qu'il était possible d'utiliser des
disquettes non codées pour se servir à la borne.
Attendu que Monsieur F.
S. n'apporte pas la preuve certaine que la possibilité de pouvoir utiliser des disquettes
non codées résulte d'une faute de la société DIGISOFT MUSIC, le tribunal déboutera
Monsieur F. S. de sa demande formée de ce chef.
Sur le préjudice moral et la
demande de dommages et intérêts :
Attendu que Monsieur F.
S. n'apporte pas la preuve du préjudice invoqué, le tribunal le dira mal fondé en sa
demande de dommages et intérêts et l'en déboutera.
Sur l'exécution
provisoire :
Attendu que, vu la nature de
l'affaire, le tribunal l'estime nécessaire, il ordonnera l'exécution provisoire de ce
jugement sous réserve qu'en cas d'appel, il soit fourni par le bénéficiaire une caution
bancaire égale au montant de la condamnation.
Sur l'application de l'article
700 du NCPC :
Attendu que pour faire
reconnaître ses droits, Monsieur F. S. a du exposer des frais non compris dans les
dépens qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge, il y aura lieu de condamner la
société DIGISOFT MUSIC à lui payer la somme de 8.000 F. au titre de l'article 700 du
NCPC et déboutera Monsieur F.S. du surplus de sa demande.
Attendu que la société DIGISOFT
MUSIC succombe dans l'instance, le tribunal la déboutera de sa demande formée de ce
chef.
Sur les dépens :
Attendu que les dépens qui
comprendront les frais d'expertise et les frais d'assignation, seront mis à la charge de
la société DIGISOFT MUSIC.
PAR CES MOTIFS, LE
TRIBUNAL
statuant en premier ressort par
un jugement contradictoire ;
Dit Monsieur F. S. partiellement bien fondé en sa demande principale ,
Condamne la
société DIGISOFT MUSIC à payer à Monsieur F. S. les sommes de 252.630 +
686.400 soit 939.030 F.
Déboute Monsieur F.
S. de sa
demande complémentaire formée au titre du préjudice matériel.
Dit Monsieur F. S. mal fondé
en sa demande de préjudice moral et dommages et intérêts et l'en déboute.
Ordonne l'exécution provisoire
de ce jugement sous réserve qu'en cas d'appel, il soit fourni par le bénéficiaire une
caution bancaire égale au montant de la condamnation.
Condamne la société DIGISOFT
MUSIC à payer à Monsieur F. S. la somme de 8.000 F. au titre de l'article 700 du
NCPC, la déboutant de sa propre demande, et déboute Monsieur F. S. du surplus de sa
demande.
Condamne la société DIGISOFT
MUSIC aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise et d'assignation.
Liquide les dépens à recouvrer
par le Greffe pour la somme de 299,05 F. TTC (dont 20,6 % de TVA).
Le Tribunal : M. D. BIGOT
(Président) ; J. PEUGEOT et M. POMA (Juges) ; Mme Isabelle CASTETS (Greffier).
Avocats : Mes ALTERMAN, A.GITTON,
B.SAUTELET, S.MEYER.