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TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE

Ordonnance de référé

14 Septembre 2000

La Française des jeux c/ la SA Bingonet

 

DEMANDEUR

LA FRANCAISE DES JEUX

Société anonyme d'économie mixte

représentée par Maître Véronique JULLIEN, Avocat au barreau HAUTS DE SEINE PN 49

et assistée de Maître André BERTRAND, Avocat au Barreau de PARIS L 207

c/

DEFENDEUR

SOCIETE ANONYME BINGONET

réprésentée par Maître Jean-Christophe TRISTAN (Cabinet STIBBE SIMONT MONAHAN DUHOT et GIROUX)avocat au Barreau de PARIS T 09

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : Dominique ROSENTHAL-ROLLAND, Vice-Président au Tribunal de grande instance de NANTERRE, tenant l'audience publique des référés par délégation du Président du Tribunal

Greffier : Isabelle MENARD, Greffier

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort :

Nous. Juge des référés, après avoir entendu les partes présentes ou leurs conseils à l'audience du 31 Août 2000, avons mis l'affaire en délibéré à ce jour :

Le 28 juillet 2000 la société La Française des Jeux a assigné en la forme des référés la société Bingonet sur le fondement de l'article L716-6 du Code de la propriété intellectuelle afin :

  • qu'il soit constaté qu'en faisant usage de la dénomination " bananalotto ", en enregistrant les marques BANANA LOTO et BANANA LOTTO, la société Bingonet s'est rendue responsable d'actes de contrefaçon des marques LOTO.

  • qu'il lui sait interdit provisoirement d'utiliser la dénomination LOTO, sous astreinte de 25.000 francs.

  • que l'exécution provisoire soit ordonnée.

  • subsidiairement, que sait constituée une garantie de dix millions de francs destinée à assurer l'indemnisation.

 Vu les conclusions de la société Bingonet qui sollicite le débouté des demandes en raison des arguments qu'elle soulève à titre principal, quant au défaut de validité de la marque LOTO de la Française des Jeux, pour caractère nécessaire, générique, usuel et descriptif et à titre subsidiaire, quant à l'absence d'actes de contrefaçon.

Elle sollicite paiement de 250.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les conclusions en réplique. de la société La Française des Jeux.

SUR CE

Il est constant que la société La Française des Jeux est titulaire de la marque LOTO enregistrée le 22 avril 1983 pour désigner notamment des loteries.

Cette société a constaté l'existence sur le réseau Internet d'un site dénommé " bananalotto" dont l'objet consiste en une loterie.

Ce site est exploité par la société Bingonet qui a déposé en juin et juillet 2000 plusieurs marques dont BANANA LOTO et BANANA LOTTO et a enregistré auprès de l'Internic les noms de domaine : bananalotto.org, bananalotto.net, bananaloto.org., bananaloto.net, bananalotto.fr.

Aux termes de l'article L 716- du Code de la propriété Intellectuelle, lorsque le tribunal est saisi d'une action en contrefaçon, son président statuant en la forme des référés peut interdire provisoirement les actes argués de contrefaçon, si l'action au fond paraît sérieuse et a été engagée à bref délai.

La société Bingonet fait valoir que l'action au fond ne présente pas un caractère sérieux en ce que la marque LOTO ne peut être valable pour être dépourvue de caractère distinctif, être nécessaire, usuelle, générique.

La société La Française des Jeux répond que la notoriété de la marque acquise par une publicité et un usage soutenu a permis à la dénomination LOTO d'acquérir un usage distinctif ; qu'un sondage a révélé que le public associe le LOTO à un service de la Française des Jeux ; que le terme LOTO est perçu par la public non comme un jeu de loterie générique dérivé du jeu anglo-saxon, le bingo, mais comme un jeu associé à la Française des Jeux.

Cependant, les dispositions de l'article L 711-2 dernier alinéa ne sauraient s'appliquer à un terme usuel ou générique. Or, il résulte des pièces versées aux débats que le terme LOTO est usuellement employé pour désigner une espèce de jeu de loterie ; il figure dans les dictionnaires depuis le début du vingtième siècle, dans des ouvrages spécialisés ; il est cité dans la presse, dans l'affichage ; il est utilisé pour des organisations de jeux sur tout le territoire français, par les fabricants et distributeurs de jeux.

La question préalable de la validité de la marque soulevée par la société Bingonet est suffisamment grave pour empêcher, tant qu'elle n'est pas résolue, de considérer l'action au fond de la société La Française des Jeux comme sérieuse.

En conséquence, il n'y a lieu de faire application des dispositions de l'article L716-6 du Code de la propriété intellectuelle.

L'exécution provisoire n'est pas nécessaire compte tenu de la nature de la décision.

Il n'est pas inéquitable de laisser les frais irrépétibles à la charge des parties ; il n'y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et en la forme des référés.

Déboutons la société La Française des Jeux de ses demandes.

Disons n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision et à faire application des dispositons de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Laissons les dépens à la charge de la société La Française des Jeux.

Ont signé :

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

Texte communiqué par Benoît Tabaka (e-juris)


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