La SA GALERIES LAFAYETTE exploite un ensemble de grands
magasins et de magasins populaires et, en particulier, le grand magasin mondialement connu
GALERIES LAFAYETTE sis Boulevard Haussmann à Paris.
Le Groupe GALERIES LAFAYETTE au
travers de ses filiales dont LaSer qui est en charge du développement au sein du groupe,
des activités liées aux nouvelles technologies et du GIE Recherche Haussmann, sa cellule
de veille technologique, développe une politique dinvestissement sur le réseau
INTERNET aussi bien pour promouvoir ses activités que pour vendre ses produits et
services sur le réseau.
La SA GALERIES LAFAYETTE a
réalisé et développé un site WEB quelle exploite et a par ailleurs participé au
travers de ses diverses enseignes à des opérations de commerce électronique sur
INTERNET.
Elle a envisagé de créer des
sites WEB marchands et a souhaité enregistrer les noms de domaine suivants : GLPARIS.COM,
GALERIESLAFAYETTE.COM et GALERIELAFAYETTE.COM.
Elle a, alors, constaté que le
nom de domaine GALERIESLAFAYETTE.COM était déjà enregistré par un tiers auprès
dINTERNIC.
Elle a fait procéder à un
constat de cet enregistrement par Maître DENIS, huissier de Justice à Paris, le 23
février 1998.
Il ressort de celui-ci que
lenregistrement a été réalisé le 26 janvier 1998 auprès de lINTERNIC par
Madame Y. F. G. pour le compte de lassociation EXCELLENCE
FRANCAIS, association loi de 1901.
EXCELLENCE FRANCAISE est une
association à but non lucratif déclarée à la préfecture de Paris, le 18 décembre
1996 dont les cofondateurs sont Madame Y. F. G. et Monsieur Georges de G. et dont les statuts prévoient quelle a pour but de promouvoir
" lexcellence du patrimoine français, ses richesses culturelles dans tous
les domaines ".
La société GALERIES LAFAYETTE
ayant constaté que lenregistrement ainsi obtenu lempêchait dexploiter
un site INTERNET sous ce nom ou de renvoyer les internautes sur son site principal qui est
" GLPARIS.COM ", a fait assigner lassociation EXCELLENCE
FRANCAISE, Madame F. G. et Monsieur De G. devant le juge des
référés afin dobtenir linterdiction de cet enregistrement, des dommages et
intérêts et la publication de la décision.
Par deux ordonnances en date du
20 mai 1998, le juge des référés a :
- donné acte à la société
GALERIES LAFAYETTE ce quelle renonçait à ses demandes à lencontre de
Monsieur De G. ;
- ordonné le transfert sous
astreinte par lassociation EXCELLENCE FRANCAISE et Madame F. G. du nom de domaine GALERIES-LAFAYETTE.COM à la société GALERIES LAFAYETTE.
- interdit à ces mêmes
défendeurs tout nouvel enregistrement de nom de domaine comportant la mention GALERIES
LAFAYETTE ou toute mention prêtant à confusion ;
- rejeté les demandes de
dommages et intérêts, celles-ci relevant des juges du fond eu égard aux contestations
sérieuses élevées en défense les concernant ;
- condamné lassociation
EXCELLENCE FRANCAISE et Madame F. G. au paiement des frais irrépétibles.
Parallèlement, la société
GALERIES LAFAYETTE a fait assigner les mêmes parties devant le Tribunal de Grande
Instance de Paris aux termes dexploits en date du 24 mars 1998.
Se fondant sur les mêmes
agissements, elle sollicite du Tribunal, sous le bénéfice de lexécution
provisoire, quil constats la contrefaçon de sa marque GALERIES LAFAYETTE
enregistrée sous le n° 1.502.755 sur le fondement des articles L 713-1 et suivants du
Code de la Propriété Intellectuelle, les atteintes à sa dénomination sociale et à son
nom commercial ainsi que les faits de parasitisme commis par les défendeurs.
Elle réclame, outre des mesures
dinterdiction et de publications, lallocation des sommes suivantes :
- 300.000 francs de dommages et
intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de marque ;
- 150.000 francs de dommages et
intérêts en réparation du préjudice subi du fait de lusurpation de dénomination
sociale et de nom commercial ;
- 8.466.000 francs de dommages et
intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements de parasitisme ;
- 50.0000 francs sur le fondement
de larticle 700 du NCPC.
Les défendeurs concluent à la
nullité de lassignation qui ne précise pas le nom du représentant légal de la
demanderesse ce qui ne serait pas conforme aux dispositions de larticle 648 du NCPC.
Monsieur De G. sollicite
sa mise hors de cause déclarant navoir aucune connaissance des faits incriminés.
Madame F. G. et lassociation EXCELLENCE FRANCAISE contestent la contrefaçon indiquant
navoir fait que réserver que le nom de domaine et ne pas lavoir
définitivement enregistré. Ils considèrent que le procès verbal de Maître DENIS
contient des erreurs qui enlèvent tout caractère probant à celui-ci.
Par ailleurs, elles indiquent
navoir eu aucune intention frauduleuse en choisissant ce nom de domaine et exposent
quelles voulaient simplement éviter quun tiers malfaisant nadopte un
tel nom et le monnaie auprès de la société GALERIES LAFAYETTE. Elles estiment que ce
nom est un élément du patrimoine français et quà ce titre, sa protection entre
dans lobjet de lassociation.
Enfin, elles dénient tout
préjudice à la demanderesse soulignant quelle disposait de trois autres sites
INTERNET qui lui permettaient deffectuer ses opérations de promotion et de vente.
Elles rappellent que le site a
été transféré dès le 1er avril 1998 et quil na pas été exploité.
Elles entendent obtenir la
condamnation de leur adversaire au règlement dune somme de 20.000 francs au titre
des frais irrépétibles.
Par des conclusions du 30
novembre 1998, la société des GALERIES LAFAYETTE renonce aux demandes quelle a
formées à lencontre de Monsieur De G..
Elle indique que le nom de son
représentant légal, Monsieur MEYER, est connu des défenderesses, Madame FARGEAS lui
ayant adressé un courrier le 14 avril 1998.
Elle précise que le fait que le
procès verbal de son huissier contienne des inexactitudes nempêche pas que le
matérialité des faits reprochés aux défenderesses soit établie.
Elle sollicite la condamnation de
ces dernières à adresser un communiqué de presse à trente médias à leurs frais
relatif à la décision à intervenir motivant cette demande par le fait quelles
auraient réservé plus de sept cents sites avec des noms de grandes institutions, de
villes ou de grandes sociétés ce qui établirait leur intention frauduleuse.
Elle porte sa demande au titre
des frais irrépétibles, à la somme de 90.000 francs.
Madame F. G. et lassociation maintiennent leurs dénégations et leur bonne foi sopposant
formellement à la demande additionnelle de publication dun communiqué de presse
présentée par la société GALERIES LAFAYETTE.
Elles réclament la condamnation
de celle-ci de leur verser une somme sur le fondement de larticle 700 du NCPC
quelle fixe désormais à 40.000 francs.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité de
lassignation :
Attendu que larticle 648 du
NCPC énonce que si le requérant est une personne morale, lassignation doit
contenir sa forme, sa dénomination, son siège social et lorgane qui la représente
légalement ;
Attendu que lacte
introductif dinstance délivré à linitiative de la société anonyme des
GALERIES LAFAYETTE prise en la personne de son représentant légal précise que son
siège sociale est situé 40 bd Haussmann à Paris 75009 et que son immatriculation au RCS
est B 542 094 065 ;
Attendu que celui-ci respecte les
prescriptions de larticle précité; que la demanderesse est parfaitement
identifiée et identifiable par les parties défenderesses ; quau surplus, la
société des GALERIES LAFAYETTE a ajouté des conclusions postérieures que le
représentant légal était son Président Directeur Général eu égard à sa forme ;
Attendu que ce texte
nimplique, en aucun cas, que le nom de ce dirigeant soit mentionné dans
lassignation ; quau demeurant, il ressort des pièces versées aux débats que
Madame FARGEAS, le connaissait lui ayant envoyé une lettre du 14 avril 1998 soit peu
après le début de linstance ;
Attendu que les mentions exigées
par le texte figurant sur lexploit dhuissier et aucun grief nétant subi
par les défenderesses, le moyen est rejeté ;
Sur la mise hors de cause de
Monsieur De G. :
Attendu que la société des
GALERIES LAFAYETTE renonce à ses prétentions à lencontre de cette partie ;
quil convient de lui en donner acte et de mettre hors de cause Monsieur De
G. ;
Sur la contrefaçon de marque :
Attendu que larticle L
713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que :
Sont interdits, sauf autorisation
du propriétaire :
a) la reproduction, lusage
ou lapposition dune marque, même avec ladjonction de mots tels que
" formule, façon, système, imitation, genre, méthode " ainsi que
lusage dune marque reproduite pour des produits et services identiques à ceux
désignées dans lenregistrement ....
Attendu que la société des
GALERIES LAFAYETTE est titulaire de la marque dénominative GALERIES LAFAYETTE déposée
le 16 octobre 1979, renouvelée le 9 décembre 1988 dont il nest pas contesté
quelle ait été lobjet dun renouvellement à son échéance en 1998,
enregistrée sous le n° 1.502.755 pour désigner des produits et services des classes 1
à 42 notamment les communications ;
Attendu que Madame F. G.
et lassociation EXCELLENCE FRANCAISE reconnaissent dans leurs
écritures avoir le 26 janvier 1998 choisi un nom de domaine GALERIES-LAFAYETTE.COM et
avoir effectué toutes les formalités nécessaires afin denregistrer celui-ci
auprès de lINTERNIC, que cet organisme a ouvert un site Web dénommé ainsi dont il
ressort que Madame F. G. était le contact ;
Attendu que les pièces versées
aux débats établissent et notamment le procès verbal de Maître DENIS que ce site
existait sous ce nom même si la consultation ne faisant quapparaître quun
écran noir ; quen conséquence, il avait bien été enregistré par INTERNIC ; que
la discussion engagée par les défenderesses sur le fait quelles nauraient
que réserver le site et ne lauraient pas fait enregistrer est sans intérêt ;
Attendu que le Tribunal ne
saurait écarter les constatations de lhuissier qui même si elles présentent des
inexactitudes, ne peuvent pas supprimer le fait que les défenderesses aient expressément
reconnu le choix et lenregistrement du nom de domaine GALERIES-LAFAYETTE.COM ;
Attendu que la responsabilité de
Madame F. G. et lassociation EXCELLENCE FRANCAISE est engagée ;
Quen effet, le nom de
domaine GALERIES-LAFAYETTE.COM constitue la reproduction quasi-servile de la marque
dénominative GALERIES LAFAYETTE, ladjonction du suffixe COM étant inopérante pour
donner à lensemble une distinctivité propre ;
Attendu que ce nom de domaine
pour désigner un site INTERNET intervient donc dans le domaine des communications qui
sont un des services protégées par lenregistrement de la marque en litige ;
Quen conséquence, les
faits de contrefaçon sont avérés ; que le moyen selon lequel les parties défenderesses
auraient procédé à cet enregistrement afin déviter quun tiers ne
sapproprie un tel nom de domaine est sans effet, la bonne foi étant inopérante en
matière de droit des marques ;
Sur lusurpation de
dénomination sociale et de nom commercial :
Attendu que la société des
GALERIES LAFAYETTE justifie par la production de son extrait K bis de ce que le vocable
GALERIES LAFAYETTE constitue sa dénomination sociale ; quil sagit aussi de
son nom commercial qui est mondialement connu ce que ne contestent pas les défenderesses
;
Attendu que le choix de la
dénomination GALERIES-LAFAYETTE.COM par Madame F. G. et
lassociation EXCELLENCE FRANCAISE pour désigner un site INTERNET constitue une
atteinte à la dénomination et au nom commercial mondialement connu de la société
requérante ,
Sur le grief de parasitisme :
Attendu que la société des
GALERIES-LAFAYETTE.COM narticule pas de grief distinct de parasitisme distinct de
ceux de contrefaçon et dusurpation de dénomination sociale et de nom commercial ;
Attendu que, dans la mesure où
le site na pas été exploité, les défenderesses nont pu profiter des
investissements faits par la demanderesse et ne se sont pas placées dans son sillage pour
détourner une clientèle potentielle ;
Que la société des GALERIES
LAFAYETTE doit être déboutée ce chef ;
Sur les mesures réparatrices :
Attendu quil convient de
faire droit aux mesures dinterdiction sollicitées; que la demande de transfert du
nom de domaine GALERIESLAFAYETTE.COM au profit de la société des GALERIES LAFAYETTE est
devenue sans objet, celui-ci étant intervenu au cours de la procédure de référé ainsi
que cela ressort des documents versés aux débats ;
Attendu que les éléments du
dossier permettent de constater que le site a été ouvert pendant la période écoulée
entre le 26 janvier 1998 et le 1er avril 1998 soit durant à peine trois mois ; que durant
celle-ci, il na pas été exploité, lhuissier ayant pu noté dans son procès
verbal que lappel de ce nom de domaine laissait apparaître un écran noir ;
Attendu que, par ailleurs, le
Tribunal, relève que la société demanderesse disposait de trois sites INTERNET,
GLPARIS.COM, GALERIESLAFAYETTE.COM et GALERIELAFAYETTE.COM ; quainsi, les
internautes pouvaient se connecter sur ces autres sites ; quil en résulte que le
préjudice commercial de la société des GALERIES LAFAYETTE a nécessairement été
limité même si le site adverse a pu générer une gêne pour elle et
limpossibilité de nommer ainsi un nouveau site ;
Quen conséquence, le
Tribunal évalue à la somme de 50.000 francs le préjudice subi par la société des
GALERIES LAFAYETTE au titre de la contrefaçon de marque et à une somme identique celui
résultant de lusurpation de dénomination sociale et nom commercial ; que les
défenderesses sont condamnées à payer ces sommes à la société demanderesse ;
Attendu que le Tribunal ordonne
la publication du jugement dans les conditions visées au dispositif de la présente
décision à titre de dommages et intérêts complémentaires ; quil rejette la
demande dinsertion dun communiqué dans les médias considérant celle-ci sans
rapport avec le préjudice subi ;
Attendu que lexécution
provisoire est ordonnée, les faits reprochés aux défenderesses nétant pas
sérieusement contestables ;
Attendu que léquité
commande de faire droit à la demande présentée par la société des GALERIES LAFAYETTE
sur le fondement de larticle 700 du NCPC ; que Madame F. G. et
lassociation EXCELLENCE FRANCAISE sont condamnées à verser à celle-ci la somme de
12.000 francs à ce titre ;
Attendu que, succombant, elles
doivent supporter les dépens de linstance ;
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant
publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;
- Rejette le moyen de nullité de
lassignation soulevée par Madame F. G., Monsieur De G. et lassociation EXCELLENCE FRANCAISE ;
- Donne acte à la société des
GALERIES LAFAYETTE ce quelle renonce aux demandes formées à lencontre de
Monsieur De G. et met, en conséquence, celui-ci hors de cause ;
- Dit que Madame F. G.
et lassociation EXCELLENCE FRANCAISE en enregistrant auprès
dINTERNIC, la dénomination GALERIES-LAFAYETTE.COM à titre de nom de domaine et en
ayant un site à ce nom sur NTERNET ont commis des actes de contrefaçon par reproduction
de la marque GALERIES LAFAYETTE n° 1.502.755 dont est titulaire la société des GALERIES
LAFAYETTE et des actes dusurpation de dénomination sociale et de nom commercial au
préjudice de cette même société ;
- Condamne Madame F. G.
et lassociation EXCELLENCE FRANCAISE à payer à la société des
GALERIES LAFAYETTE les sommes suivantes :
- 50 000 francs en réparation du
préjudice subi du fait de la contrefaçon de marque ;
- 50 000 francs en réparation du
préjudice subi du fait de lusurpation de dénomination sociale et de nom commercial
;
- Autorise la société des
GALERIES LAFAYETTE à faire publier tout ou partie du dispositif du présent jugement dans
trois journaux ou revues de son choix aux frais des défenderesses, sans que le coût
total dinsertion dépasse la somme de 60.000 francs HT ;
- Déboute la société des
GALERIES LAFAYETTE du surplus de ces demandes ;
- Prononce lexécution
provisoire du jugement ;
- Condamne Madame F. G.
et lassociation EXCELLENCE FRANCAISE à verser à la société des
GALERIES LAFAYETTE la somme de 12.000 francs sur le fondement de larticle 700 du
NCPC ;
- Les condamne aux dépens de linstance qui
seront recouvrés par la SCP BITOUN et Associés, avocat, conformément aux dispositions
de larticle 699 du NCPC.