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TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

3ème chambre - 3ème section

25 mai 1999

Galeries Lafayette c/ Excellence Française et autres

 

La SA GALERIES LAFAYETTE exploite un ensemble de grands magasins et de magasins populaires et, en particulier, le grand magasin mondialement connu GALERIES LAFAYETTE sis Boulevard Haussmann à Paris.

Le Groupe GALERIES LAFAYETTE au travers de ses filiales dont LaSer qui est en charge du développement au sein du groupe, des activités liées aux nouvelles technologies et du GIE Recherche Haussmann, sa cellule de veille technologique, développe une politique d’investissement sur le réseau INTERNET aussi bien pour promouvoir ses activités que pour vendre ses produits et services sur le réseau.

La SA GALERIES LAFAYETTE a réalisé et développé un site WEB qu’elle exploite et a par ailleurs participé au travers de ses diverses enseignes à des opérations de commerce électronique sur INTERNET.

Elle a envisagé de créer des sites WEB marchands et a souhaité enregistrer les noms de domaine suivants : GLPARIS.COM, GALERIESLAFAYETTE.COM et GALERIELAFAYETTE.COM.

Elle a, alors, constaté que le nom de domaine GALERIESLAFAYETTE.COM était déjà enregistré par un tiers auprès d’INTERNIC.

Elle a fait procéder à un constat de cet enregistrement par Maître DENIS, huissier de Justice à Paris, le 23 février 1998.

Il ressort de celui-ci que l’enregistrement a été réalisé le 26 janvier 1998 auprès de l’INTERNIC par Madame Y. F. G. pour le compte de l’association EXCELLENCE FRANCAIS, association loi de 1901.

EXCELLENCE FRANCAISE est une association à but non lucratif déclarée à la préfecture de Paris, le 18 décembre 1996 dont les cofondateurs sont Madame Y. F. G. et Monsieur Georges de G. et dont les statuts prévoient qu’elle a pour but de promouvoir " l’excellence du patrimoine français, ses richesses culturelles dans tous les domaines ".

La société GALERIES LAFAYETTE ayant constaté que l’enregistrement ainsi obtenu l’empêchait d’exploiter un site INTERNET sous ce nom ou de renvoyer les internautes sur son site principal qui est " GLPARIS.COM ", a fait assigner l’association EXCELLENCE FRANCAISE, Madame F. G. et Monsieur De G. devant le juge des référés afin d’obtenir l’interdiction de cet enregistrement, des dommages et intérêts et la publication de la décision.

Par deux ordonnances en date du 20 mai 1998, le juge des référés a :

- donné acte à la société GALERIES LAFAYETTE ce qu’elle renonçait à ses demandes à l’encontre de Monsieur De G. ;

- ordonné le transfert sous astreinte par l’association EXCELLENCE FRANCAISE et Madame F. G. du nom de domaine GALERIES-LAFAYETTE.COM à la société GALERIES LAFAYETTE.

- interdit à ces mêmes défendeurs tout nouvel enregistrement de nom de domaine comportant la mention GALERIES LAFAYETTE ou toute mention prêtant à confusion ;

- rejeté les demandes de dommages et intérêts, celles-ci relevant des juges du fond eu égard aux contestations sérieuses élevées en défense les concernant ;

- condamné l’association EXCELLENCE FRANCAISE et Madame F. G. au paiement des frais irrépétibles.

Parallèlement, la société GALERIES LAFAYETTE a fait assigner les mêmes parties devant le Tribunal de Grande Instance de Paris aux termes d’exploits en date du 24 mars 1998.

Se fondant sur les mêmes agissements, elle sollicite du Tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, qu’il constats la contrefaçon de sa marque GALERIES LAFAYETTE enregistrée sous le n° 1.502.755 sur le fondement des articles L 713-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, les atteintes à sa dénomination sociale et à son nom commercial ainsi que les faits de parasitisme commis par les défendeurs.

Elle réclame, outre des mesures d’interdiction et de publications, l’allocation des sommes suivantes :

- 300.000 francs de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de marque ;

- 150.000 francs de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’usurpation de dénomination sociale et de nom commercial ;

- 8.466.000 francs de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements de parasitisme ;

- 50.0000 francs sur le fondement de l’article 700 du NCPC.

Les défendeurs concluent à la nullité de l’assignation qui ne précise pas le nom du représentant légal de la demanderesse ce qui ne serait pas conforme aux dispositions de l’article 648 du NCPC.

Monsieur De G. sollicite sa mise hors de cause déclarant n’avoir aucune connaissance des faits incriminés.

Madame F. G. et l’association EXCELLENCE FRANCAISE contestent la contrefaçon indiquant n’avoir fait que réserver que le nom de domaine et ne pas l’avoir définitivement enregistré. Ils considèrent que le procès verbal de Maître DENIS contient des erreurs qui enlèvent tout caractère probant à celui-ci.

Par ailleurs, elles indiquent n’avoir eu aucune intention frauduleuse en choisissant ce nom de domaine et exposent qu’elles voulaient simplement éviter qu’un tiers malfaisant n’adopte un tel nom et le monnaie auprès de la société GALERIES LAFAYETTE. Elles estiment que ce nom est un élément du patrimoine français et qu’à ce titre, sa protection entre dans l’objet de l’association.

Enfin, elles dénient tout préjudice à la demanderesse soulignant qu’elle disposait de trois autres sites INTERNET qui lui permettaient d’effectuer ses opérations de promotion et de vente.

Elles rappellent que le site a été transféré dès le 1er avril 1998 et qu’il n’a pas été exploité.

Elles entendent obtenir la condamnation de leur adversaire au règlement d’une somme de 20.000 francs au titre des frais irrépétibles.

Par des conclusions du 30 novembre 1998, la société des GALERIES LAFAYETTE renonce aux demandes qu’elle a formées à l’encontre de Monsieur De G..

Elle indique que le nom de son représentant légal, Monsieur MEYER, est connu des défenderesses, Madame FARGEAS lui ayant adressé un courrier le 14 avril 1998.

Elle précise que le fait que le procès verbal de son huissier contienne des inexactitudes n’empêche pas que le matérialité des faits reprochés aux défenderesses soit établie.

Elle sollicite la condamnation de ces dernières à adresser un communiqué de presse à trente médias à leurs frais relatif à la décision à intervenir motivant cette demande par le fait qu’elles auraient réservé plus de sept cents sites avec des noms de grandes institutions, de villes ou de grandes sociétés ce qui établirait leur intention frauduleuse.

Elle porte sa demande au titre des frais irrépétibles, à la somme de 90.000 francs.

Madame F. G. et l’association maintiennent leurs dénégations et leur bonne foi s’opposant formellement à la demande additionnelle de publication d’un communiqué de presse présentée par la société GALERIES LAFAYETTE.

Elles réclament la condamnation de celle-ci de leur verser une somme sur le fondement de l’article 700 du NCPC qu’elle fixe désormais à 40.000 francs.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de l’assignation :

Attendu que l’article 648 du NCPC énonce que si le requérant est une personne morale, l’assignation doit contenir sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;

Attendu que l’acte introductif d’instance délivré à l’initiative de la société anonyme des GALERIES LAFAYETTE prise en la personne de son représentant légal précise que son siège sociale est situé 40 bd Haussmann à Paris 75009 et que son immatriculation au RCS est B 542 094 065 ;

Attendu que celui-ci respecte les prescriptions de l’article précité; que la demanderesse est parfaitement identifiée et identifiable par les parties défenderesses ; qu’au surplus, la société des GALERIES LAFAYETTE a ajouté des conclusions postérieures que le représentant légal était son Président Directeur Général eu égard à sa forme ;

Attendu que ce texte n’implique, en aucun cas, que le nom de ce dirigeant soit mentionné dans l’assignation ; qu’au demeurant, il ressort des pièces versées aux débats que Madame FARGEAS, le connaissait lui ayant envoyé une lettre du 14 avril 1998 soit peu après le début de l’instance ;

Attendu que les mentions exigées par le texte figurant sur l’exploit d’huissier et aucun grief n’étant subi par les défenderesses, le moyen est rejeté ;

Sur la mise hors de cause de Monsieur De G. :

Attendu que la société des GALERIES LAFAYETTE renonce à ses prétentions à l’encontre de cette partie ; qu’il convient de lui en donner acte et de mettre hors de cause Monsieur De G. ;

Sur la contrefaçon de marque :

Attendu que l’article L 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que :

Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que "  formule, façon, système, imitation, genre, méthode " ainsi que l’usage d’une marque reproduite pour des produits et services identiques à ceux désignées dans l’enregistrement ....

Attendu que la société des GALERIES LAFAYETTE est titulaire de la marque dénominative GALERIES LAFAYETTE déposée le 16 octobre 1979, renouvelée le 9 décembre 1988 dont il n’est pas contesté qu’elle ait été l’objet d’un renouvellement à son échéance en 1998, enregistrée sous le n° 1.502.755 pour désigner des produits et services des classes 1 à 42 notamment les communications ;

Attendu que Madame F. G. et l’association EXCELLENCE FRANCAISE reconnaissent dans leurs écritures avoir le 26 janvier 1998 choisi un nom de domaine GALERIES-LAFAYETTE.COM et avoir effectué toutes les formalités nécessaires afin d’enregistrer celui-ci auprès de l’INTERNIC, que cet organisme a ouvert un site Web dénommé ainsi dont il ressort que Madame F. G. était le contact ;

Attendu que les pièces versées aux débats établissent et notamment le procès verbal de Maître DENIS que ce site existait sous ce nom même si la consultation ne faisant qu’apparaître qu’un écran noir ; qu’en conséquence, il avait bien été enregistré par INTERNIC ; que la discussion engagée par les défenderesses sur le fait qu’elles n’auraient que réserver le site et ne l’auraient pas fait enregistrer est sans intérêt ;

Attendu que le Tribunal ne saurait écarter les constatations de l’huissier qui même si elles présentent des inexactitudes, ne peuvent pas supprimer le fait que les défenderesses aient expressément reconnu le choix et l’enregistrement du nom de domaine GALERIES-LAFAYETTE.COM ;

Attendu que la responsabilité de Madame F. G. et l’association EXCELLENCE FRANCAISE est engagée ;

Qu’en effet, le nom de domaine GALERIES-LAFAYETTE.COM constitue la reproduction quasi-servile de la marque dénominative GALERIES LAFAYETTE, l’adjonction du suffixe COM étant inopérante pour donner à l’ensemble une distinctivité propre ;

Attendu que ce nom de domaine pour désigner un site INTERNET intervient donc dans le domaine des communications qui sont un des services protégées par l’enregistrement de la marque en litige ;

Qu’en conséquence, les faits de contrefaçon sont avérés ; que le moyen selon lequel les parties défenderesses auraient procédé à cet enregistrement afin d’éviter qu’un tiers ne s’approprie un tel nom de domaine est sans effet, la bonne foi étant inopérante en matière de droit des marques ;

Sur l’usurpation de dénomination sociale et de nom commercial :

Attendu que la société des GALERIES LAFAYETTE justifie par la production de son extrait K bis de ce que le vocable GALERIES LAFAYETTE constitue sa dénomination sociale ; qu’il s’agit aussi de son nom commercial qui est mondialement connu ce que ne contestent pas les défenderesses ;

Attendu que le choix de la dénomination GALERIES-LAFAYETTE.COM par Madame F. G. et l’association EXCELLENCE FRANCAISE pour désigner un site INTERNET constitue une atteinte à la dénomination et au nom commercial mondialement connu de la société requérante ,

Sur le grief de parasitisme :

Attendu que la société des GALERIES-LAFAYETTE.COM n’articule pas de grief distinct de parasitisme distinct de ceux de contrefaçon et d’usurpation de dénomination sociale et de nom commercial ;

Attendu que, dans la mesure où le site n’a pas été exploité, les défenderesses n’ont pu profiter des investissements faits par la demanderesse et ne se sont pas placées dans son sillage pour détourner une clientèle potentielle ;

Que la société des GALERIES LAFAYETTE doit être déboutée ce chef ;

Sur les mesures réparatrices :

Attendu qu’il convient de faire droit aux mesures d’interdiction sollicitées; que la demande de transfert du nom de domaine GALERIESLAFAYETTE.COM au profit de la société des GALERIES LAFAYETTE est devenue sans objet, celui-ci étant intervenu au cours de la procédure de référé ainsi que cela ressort des documents versés aux débats ;

Attendu que les éléments du dossier permettent de constater que le site a été ouvert pendant la période écoulée entre le 26 janvier 1998 et le 1er avril 1998 soit durant à peine trois mois ; que durant celle-ci, il n’a pas été exploité, l’huissier ayant pu noté dans son procès verbal que l’appel de ce nom de domaine laissait apparaître un écran noir ;

Attendu que, par ailleurs, le Tribunal, relève que la société demanderesse disposait de trois sites INTERNET, GLPARIS.COM, GALERIESLAFAYETTE.COM et GALERIELAFAYETTE.COM ; qu’ainsi, les internautes pouvaient se connecter sur ces autres sites ; qu’il en résulte que le préjudice commercial de la société des GALERIES LAFAYETTE a nécessairement été limité même si le site adverse a pu générer une gêne pour elle et l’impossibilité de nommer ainsi un nouveau site ;

Qu’en conséquence, le Tribunal évalue à la somme de 50.000 francs le préjudice subi par la société des GALERIES LAFAYETTE au titre de la contrefaçon de marque et à une somme identique celui résultant de l’usurpation de dénomination sociale et nom commercial ; que les défenderesses sont condamnées à payer ces sommes à la société demanderesse ;

Attendu que le Tribunal ordonne la publication du jugement dans les conditions visées au dispositif de la présente décision à titre de dommages et intérêts complémentaires ; qu’il rejette la demande d’insertion d’un communiqué dans les médias considérant celle-ci sans rapport avec le préjudice subi ;

Attendu que l’exécution provisoire est ordonnée, les faits reprochés aux défenderesses n’étant pas sérieusement contestables ;

Attendu que l’équité commande de faire droit à la demande présentée par la société des GALERIES LAFAYETTE sur le fondement de l’article 700 du NCPC ; que Madame F. G. et l’association EXCELLENCE FRANCAISE sont condamnées à verser à celle-ci la somme de 12.000 francs à ce titre ;

Attendu que, succombant, elles doivent supporter les dépens de l’instance ;

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;

- Rejette le moyen de nullité de l’assignation soulevée par Madame F. G., Monsieur De G. et l’association EXCELLENCE FRANCAISE ;

- Donne acte à la société des GALERIES LAFAYETTE ce qu’elle renonce aux demandes formées à l’encontre de Monsieur De G. et met, en conséquence, celui-ci hors de cause ;

- Dit que Madame F. G. et l’association EXCELLENCE FRANCAISE en enregistrant auprès d’INTERNIC, la dénomination GALERIES-LAFAYETTE.COM à titre de nom de domaine et en ayant un site à ce nom sur NTERNET ont commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque GALERIES LAFAYETTE n° 1.502.755 dont est titulaire la société des GALERIES LAFAYETTE et des actes d’usurpation de dénomination sociale et de nom commercial au préjudice de cette même société ;

- Condamne Madame F. G. et l’association EXCELLENCE FRANCAISE à payer à la société des GALERIES LAFAYETTE les sommes suivantes :

- 50 000 francs en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de marque ;

- 50 000 francs en réparation du préjudice subi du fait de l’usurpation de dénomination sociale et de nom commercial ;

- Autorise la société des GALERIES LAFAYETTE à faire publier tout ou partie du dispositif du présent jugement dans trois journaux ou revues de son choix aux frais des défenderesses, sans que le coût total d’insertion dépasse la somme de 60.000 francs HT ;

- Déboute la société des GALERIES LAFAYETTE du surplus de ces demandes ;

- Prononce l’exécution provisoire du jugement ;

- Condamne Madame F. G. et l’association EXCELLENCE FRANCAISE à verser à la société des GALERIES LAFAYETTE la somme de 12.000 francs sur le fondement de l’article 700 du NCPC ;

- Les condamne aux dépens de l’instance qui seront recouvrés par la SCP BITOUN et Associés, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du NCPC.

Texte communiqué par Maître Gérard Haas et retranscrit par Yann Dietrich


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