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Rubrique : doctrine
Mots clés : liens, hypertextes, information, outils, moteur, recherche 
Citation : Éric LABBÉ et Pierre-Emmanuel MOYSE, "Les faces cachées de l'information", Juriscom.net, 8 novembre 1998
Première publication : Digiplace.com


Les faces cachées de l'information

Par Éric Labbé et Pierre-Emmanuel Moyse

Université de Montréal


Introduction

I. Internet et la quête de l'information juridique

 A. La communication de l'information

1. Une activité promotionnelle
2. Le référencement auprès des outils de recherche

a) Les outils utilisant des robots de recherche
b) Les répertoires ou les outils de recherche hiérarchisés
c) Les commentaires généraux

B. Les moyens de récupération de l'information

1. Les outils de recherche

a) Les outils généraux
b) Les outils de recherche spécialisés

2. La navigation et les lieux de l'information juridique

a) Les lieux de l'information juridique
b) Les incontournables des enjeux juridiques reliés aux liens hypertextes et à l'appropriation d'informations sur Internet

 

II. Certains aspects juridiques de l'appropriation d'informations sur Internet

A. La protection des signes distinctifs sur Internet

1. L'utilisation d'un signe distinctif dans le code source d'un document
2. La reproduction passive ou dynamique du signe distinctif

a) Éléments d'introduction
b) La reproduction passive
c) La reproduction dynamique

B. Les moyens de protection spéciaux de l'information

1. L'extension de la protection des marques au-delà du principe de spécialité et de l'usage en tant que marque

a) Les innovations des droits nationaux
b) Le droit international

i. Les internationaux de type législatifs
ii. Les travaux de nature réglementaire et techniques

2. L'apparition des droits sui generis

a) La genèse du droit d'extraction déloyale
b) La reconnaissance du droit d'extraction déloyale hors du droit européen

Conclusion : Harmonisation du droit et le projet de loi américain


Introduction

Retrouvons Jean de la Fontaine. La Fourmi, travailleuse acharnée, composait depuis cet été, un site Web qui nous était dédié. Elle se trouva fort dépourvue lorsque ses commanditaires lui annoncèrent d'autres baisses de ses revenus. Plus un seul autre bandeau, publicité ou numéro. Chagrine, la Fourmi consulta ses compteurs qui transformèrent sa douce mine. La Cigale s'était approprié plusieurs de ses données, le tout parce qu'elle l'avait liée. "Je me ferai payer, se dit-elle, c'est mon dû, après tout, cela est bien normal". La Cigale n'est pas voleuse, pas plus qu'il ne le faut. "Internet, ma chère, nous permet de lier le plus beau, dit-elle à cette malheureuse". Nuit et jour, pourtant, la Fourmi s'acharnait à son écran : "Je travaillais sans cesse". "Vous travailliez sans cesse? Eh bien! liez maintenant..."
 
L'hypertexte n'est que l'une des techniques employées pour s'approprier l'information d'autrui. Notre fourmi est loin d'être sortie de sa petite misère. L'Internet procure de nouvelles dimensions à l'information mais également de nouvelles techniques d'appropriation. Utilisées abusivement, celles-ci génèrent des conflits mettant en relief  l'expression d'un sentiment propriétaire de leurs "victimes". Le droit commun nous enseigne que la propriété confère les fruits et revenus au propriétaire. Dans plusieurs domaines cependant, il a été souhaitable d'édifier des droits spécifiques en faveur de certains propriétaires : les auteurs, les commerçants, les interprètes... A l'heure des réseaux ouverts, plusieurs se demandent si le contexte de l'Internet ne favorise pas aussi la création de droits particuliers en faveur des diffuseurs de contenus. Cette question requiert une analyse de la mouvance de l'information dans l'Internet pour obtenir une réponse adéquate.

Nous avons donc choisi d'insister, dans une première partie (I), sur la communication et la récupération de l'information dans l'univers du cyberespace. Cela autorise la découverte des premières faces cachées de l'information et met en relief   l'importance de l'activité promotionnelle reliée à la diffusion des contenus. Nous en profiterons également pour diriger les nouveaux juristes du réseau vers les ressources d'intérêts en restreignant notre sujet à l'information juridique.

Dans une seconde partie (II), nous ferons plutôt état des aspect juridiques de l'appropriation d'informations sur Internet. Aux confluents de cette analyse, nous proposerons le droit d'extraction déloyale comme solution originale mais adéquate aux problèmes que génèrent les nouvelles techniques d'appropriation de l'information.

I. Internet et la quête de l'information juridiqueI. Internet et la quête de l'information juridique 

L'avènement des systèmes informatisés de recherche documentaire a transformé la qualité des recherches en droit. En favorisant l'accessibilité des contenus, ces nouveaux instruments documentaires autorisent des recherches plus exhaustives. Toutefois, et contrairement à une idée répandue, le temps investi par les juristes à la recherche n'a pas nécessairement régressé. Avançons simplement qu'à temps égal, les résultats des recherches entreprises ont sûrement gagné en qualité.

L'Internet juridique, ce bassin numérique de ressources en droit, est l'un de ces réseaux octroyant au professionnel du droit un moyen de plus en plus efficace de repérage documentaire et de diffusion de contenus. Le juriste peut y gagner en rapidité, améliorer ses relations professionnelles, accéder à de la documentation traditionnellement introuvable et bénéficier plus aisément du travail de ses pairs. La quête de l'information sur l'Internet juridique n'est toutefois pas une panacée. Elle se conçoit selon deux pôles interdépendants qui limitent naturellement son fonctionnement et son utilité : la récupération de l'information et sa communication.

En effet, au moment où nous écrivons ces lignes, la récupération de l'information juridique sur le réseau Internet demeure encore une activité tortueuse réservée aux initiés, des chercheurs aguerris d'une longue expérience de navigation sur notre autoroute - à voies plus que multiples - de l'information. Cette première limite s'explique par la structure même du réseau, une agglomération décentralisée et toujours croissante de milliers d'ordinateurs pouvant transmettre et recevoir des communications. Ce qui ne signifie pas une absence d'outils de repérage. En fait, le problème relèverait plutôt du contraire, les outils de recherche Internet ne cessant de se multiplier et de se spécialiser1.

La communication des contenus sur Internet génère encore plus de contraintes. Les modalités d'indexation et de diffusion de l'information emporte, sur Internet, une communication des contenus limitée d'abord par les intérêts de leurs détenteurs à sa diffusion et ensuite par la qualité de leurs stratégies promotionnelles. En effet, l'information n'y est diffusée que par la prise d'initiatives gouvernementales, universitaires, commerciales ou philanthropiques et son indexation s'y construit davantage autour d'un certain volontarisme. Bien que des outils de recherche parcourent le réseau Internet dans l'objectif d'organiser entre eux le plus de documents possibles2, les contenus sont indexés selon les désirs de leurs auteurs et les paramètres techniques que ces derniers daignent programmer. Une activité de promotion qui se révèle souvent décevante tant pour eux que pour les utilisateurs de ces outils de recherche.

Par conséquent, le juriste désireux d'entreprendre une recherche sur Internet doit non seulement maîtriser les outils de recherche mais bien comprendre leur fonctionnement et connaître la qualité du corpus documentaire auquel il fait face.

Dans l'espoir de fournir ici des moyens efficaces de recherche de l'information juridique sur Internet, nous aborderons ces deux pôles qui, selon nous, demeurent les principaux obstacles à la quête de l'information sur Internet. Nous entamons donc, en premier lieu, la manière dont se communique l'information sur le réseau Internet (A) pour ensuite entreprendre, en second lieu, ses moyens de récupération (B).

A. La communication de l'information

Pourquoi s'intéresser à des considérations aussi techniques que la manière dont se communique l'information sur le réseau Internet? L'utilisateur doit comprendre que la recherche documentaire sur Internet se heurte à l'importante concurrence qui affecte ce réseau. Lorsque nous effectuons une requête sur un outil de recherche, nous sommes en présence de millions d'utilisateurs motivés par le désir, généralement relié à un intérêt commercial, de faire connaître leurs informations, créations, biens ou services. Chacun d'entre eux espère se hisser au sommet des résultats de notre requête et ainsi obtenir un haut taux de fréquentation. En somme, Internet n'est pas un index organisé de documents répertoriés par une autorité compétente, ce que nous pouvons qualifier d'index traditionnel tel que l'Index à la documentation juridique au Canada (I.C.J.C).

La communication de l'information sur Internet est donc plus une activité de promotion qu'une activité d'indexation. Ce dernier constat reflète la transformation rapide d'Internet vers un réseau à forte utilité commerciale. D'ailleurs, une enquête effectuée pour le Bureau de la publicité Internet du Canada a révélé une augmentation de 516% des revenus publicitaires canadiens sur Internet de 1996 à 19973. Les enquêteurs estiment une augmentation de 133% pour l'année 1998.

Nous devons par conséquent énumérer brièvement les moyens de promotion existants (1) et constater l'importance de cette activité pour ensuite traiter du plus important d'entre eux, le référencement auprès des outils de recherche (2).

1. Une activité promotionnelle

Outre la soumission de documents électroniques à un outil de recherche, la promotion sur l'Internet n'a rien d'étranger aux moyens traditionnels. Que ce soit de la publicité organisée ou du bouche à oreille, Internet n'est qu'un autre médium par lequel il est possible de promouvoir ses biens et services : publicités sur des sites fréquemment visités4, envois de messages par courrier électronique et sur des groupes de nouvelle5, articles promotionnels de revues en ligne, échange de liens hypertextes6, commanditaires, prix de qualité7, etc.

Certes, l'objectif n'est pas de décrire ici chacun de ces moyens de promotion mais plutôt de préciser que toute information juridique sur Internet, s'agissant de la loi, de la jurisprudence ou de la doctrine, doit faire l'objet d'une promotion pour être récupérée par ses destinataires. Les auteurs et concepteurs de sites juridiques doivent nécessairement pousser l'information à leurs destinataires, nul autre personne ne s'en préoccupant par ailleurs. C'est dans cette optique que nous pouvons constater un nouveau courant sur Internet, le push technology, qui permet de récupérer une foule d'informations à jour par le biais d'un logiciel client tel que le Netcaster de la compagnie Netscape. Utilisant des canaux, et non des pages Web, la technologie du poussé8 permet à l'internaute de personnaliser son programme et d'obtenir l'information de son choix, au moment voulu, et sous la forme qui lui convient9. Ainsi, cette nouvelle technologie diminue le temps de recherche passé à récupérer de l'information sur Internet puisque les utilisateurs n'ont plus à tirer (pull) les contenus indexés pas les outils de recherche10.

Cependant, aucune compagnie ne fait présentement dans le push juridique, sauf bien sûr, des banques de données de réseaux fermés tels que Westlaw et Lexis11 qui ne répertorient pas, nous tenons à le préciser, les contenus juridiques du réseau ouvert qu'est Internet12. En 1997, le fournisseur Westlaw a donc conclu une entente avec la compagnie Netscape sur la création d'un canal dédié aux nouvelles juridiques13. Lexis a plutôt opté pour son principal concurrent, Microsoft et son Active Desktop, avec lequel il produira 4 canaux juridiques14. Le principal fournisseur canadien, Quicklaw, ne semble pas avoir été séduit par cette nouvelle technologie.

Bref, la technologie du poussé reste à venir et pourrait s'avérer fort intéressante quant aux brèves d'information, c'est-à-dire les nouvelles toute chaude du monde juridique. La diffusion des milliers de contenus juridiques par cette technologie n'est toutefois pas acquise et reste à prouver, si tel est son ambition. Cela correspondrait à accomplir le travail déjà effectué par les outils de recherche qui dépendent largement du référencement des diffuseurs de contenu.

2. Le référencement auprès des outils de recherche

Le principal moyen de promotion des contenus juridiques sur Internet demeurant le référencement auprès des outils de recherche, nous tenons donc à préciser son fonctionnement et du même coup, la meilleure façon de le réaliser.

Assurer la meilleure indexation possible d'un document électronique suscite la difficulté de la pluralité des outils de recherche virtuels, outils différents tant par leur façon de nous présenter leurs informations que par leurs méthodes d'indexation. Un outils de recherche peut être définit comme un " [p]rogramme qui indexe le contenu de différentes ressources Internet, et plus particulièrement de sites Web, et qui permet à l'internaute qui utilise un navigateur Web de rechercher de l'information selon différents paramètres, en se servant de mots-clefs, et d'avoir accès à l'information ainsi trouvée "15.

Avant d'aborder quelques recommandations générales (c), il est préférable de résumer les principes permettant une meilleure indexation selon les différents types d'outils de recherche, soit les outils utilisant des robots (a) ainsi que les répertoires auxquels sont associés les outils classiques de recherche (b).

a) Les outils utilisant des robots de recherche

Les robots utilisés par ces outils recueillent automatiquement les informations contenues dans les documents électroniques qui leur sont soumis. Quoique ces robots se distinguent par leur méthode d'indexation, il nous est possible de dresser les principes généraux qui permettent une meilleure indexation. Nous devons ensuite constater une importante distinction qui est celle des robots utilisant les balises META du langage HTML16. Enfin, nous ferons état de quelques conseils permettant de bénéficier du processus automatique d'indexation des robots de recherche.  

Les principes généraux

Un premier principe consiste à fournir aux robots de recherche un titre évocateur, original, relativement court et surtout représentatif du contenu du site par le biais de la balise TITLE17. Ce titre devrait débuter par le mot le plus représentatif du contenu puisque que c'est généralement la première information que les robots de recherche s'approprient.

L'URL18 du document HTML, c'est-à-dire son adresse Internet, doit également évoquer ce contenu, les robots de recherche utilisant cette information pour indexer les documents qui leur sont soumis. Le nom du répertoire et celui du document devraient donc être des mots-clefs représentant le contenu du document que nous soumettons à un outil de recherche automatisé19.

La création de mots-clefs constitue une étape cruciale lors de la création d'un document HTML. En effet, certains robots de recherche20 créent leurs propres descriptions et leurs propres mots-clefs selon le contenu des documents qui leur sont soumis et d'autres présentent leurs résultats selon la technique du scoring21, c'est-à-dire selon le pourcentage issu du nombre de mots-clefs recherchés sur le nombre total de mots présents dans un document.

Les mots-clefs que nous incorporons à nos documents doivent cependant être significatifs, variés et recherchés. Pour obtenir les mots-clefs les plus efficaces, il est recommandé d'exécuter une recherche pour le type de documentation que nous désirons soumettre. L'ajout du pluriel aux mots-clefs est également un atout puisque les robots de recherche considèrent généralement que le pluriel comprend le singulier.

Il faut noter que certains robots ne retiennent que le début des documents que nous leur soumettons. Les premières phrases de notre document doivent donc être chargés de nos meilleurs mots-clefs. Ce qui implique de reléguer les informations moins pertinentes à la fin du document.

Enfin, il est utile d'annoncer un nouveau site Web dans des groupes de nouvelles annonçant les nouveautés22, dans un site web tel que celui du CERN et surtout, dans un répertoire tel que Yahoo!. En effet, certains robots de recherche y puisent leurs informations. Une bonne indexation dans un répertoire prend donc tout son sens23.     

Les robots de recherche utilisant les balises META

Les outils de recherche tel qu'Alta Vista, Infoseek et Hotbot utilisent les balises META des documents qui leur sont soumis aux fins de leur indexation. Cette méthode simplifie la tâche des auteurs de documents HTML puisq'elle leur permet de diriger les robots de recherche vers les mots-clefs ou phrases-clefs24 choisis par le concepteur du document et vers une courte description de celui-ci25. Il va de soi que la description et le choix des mots-clefs demeurent cruciaux.  

Les défaillances des robots de recherche

De toute évidence, les robots de recherche fonctionnent de façon automatique. Il est donc plus facile de contourner les règles d'indexation de ces outils de recherche. En effet, le robot auquel nous soumettons un document ne réalise pas une indexation juste et objective à moins, bien sûr, d'être programmé à cet effet ! Puisqu'en règle générale le classement d'un document dépend de la quantité de mots-clefs que les robots de recherche y retrouvent, la répétition de mots-clefs dans un document s'avère très pertinente. Toutefois, cela se révèle aussi très ennuyeux pour les visiteurs d'un tel document. Différentes méthodes peuvent résoudre ce problème. Une première solution est d'incorporer la répétition de mots-clefs dans une balise de commentaires <!> (ex.: <! mots-clefs, mots-clefs...>). Également, le concepteur du document peut colorer la répétition de la même couleur que le fond du document en prenant soin d'utiliser une petite police de caractère. Ces méthodes rendent les répétitions de mots-clefs invisibles pour le visiteur.

Cependant, les auteurs de documents utilisant une telle technique se doivent de bien choisir les outils de recherche auxquels ils soumettent leurs documents puisque certains d'entre eux ne tolèrent plus cette attitude et relèguent ces documents au dernier rang lorsqu'ils ne les suppriment pas26. S'il faut considérer que les robots de recherche les plus populaires iront eux aussi en ce sens, il est à conseiller de ne pas répéter un mot-clef plus de trois fois dans un document HTML, surtout s'ils sont regroupés.

Puisque la politique de ces outils de recherche est assez récente, il est possible d'atténuer la concurrence en soumettant les adresses des documents de nos concurrents ayant indexé des répétitions de mots-clefs avant l'instauration de cette politique. Par conséquent, ces documents seront relégués aux oubliettes, et les autres, propulsés au sommet de la liste.

Il va sans dire que la stratégie des pages satellites qui consiste à créer des pages d'accueil différentes pour chaque mot-clef n'est pas plus tolérée par ces robots puisque cette stratégie s'appuie sur la répétition de mots-clefs. Une bonne page satellite consiste donc en une répétition de mots-clefs tant dans la balise TITLE que dans le corps du document et en une passerelle vers la page d'accueil originale27. Pour d'autres robots de recherche, une telle stratégie s'avère encore très efficace.     Une dernière astuce concernant les robots de recherche est celle de la multiplication des titres. Cette astuce consiste à changer régulièrement les titres d'un document soumis aux robots de recherche. Lors de la visite d'un site pour la mise à jour de leurs banques de données, certains robots indexent à nouveau les pages y figurant sous des titres différents de la dernière mise à jour.

b) Les répertoires ou les outils de recherche hiérarchisés

L'inscription d'un document HTML dans un répertoire (outil de recherche hiérarchisé tel que Yahoo!) se fait par le biais d'un formulaire et non par l'intervention d'un robot28. Ces formulaires requièrent généralement un titre, une description et des mots-clefs relatifs au document qui leur est soumis. Il est donc utile de prévoir quelques textes avant de débuter la soumission d'un document à un tel outil de recherche. Préparer des descriptions de 25, 100 et 200 caractères constitue une bonne économie de temps et satisfait les différentes limites octroyées par les divers outils et donc, une meilleure indexation.

Ce qui distingue également les répertoires des outils de recherche tel qu'Alta Vista est la disposition de l'information et des résultats selon des catégories et des sous-catégories. L'étape essentielle est donc de choisir la catégorie et les sous-catégories les plus pertinentes pour le document à soumettre. Une erreur souvent commise est de considérer que les catégories de même nom ont la même signification pour tous les répertoires. Par exemple, la sous-catégorie " Santé : Pharmacie " du répertoire Carrefour.net ne correspond pas à celle du répertoire Yahoo!. Ce dernier subdivise cette sous-catégorie alors que le premier y indexe tous les sites se rapportant à la pharmacologie29. De plus, notons qu'il est possible de suggérer une nouvelle catégorie si aucune ne semble pertinente pour le document en question. Enfin, l'inscription au sein de diverses catégories, si possible, améliore les chances d'être repéré.

L'une des astuces pour réussir à indexer un document au sommet d'une catégorie est de débuter le titre par une lettre entre A et C puisque les documents sont généralement indexés par ordre alphabétique. De plus, un titre débutant par un caractère dont la valeur en ASCII est faible, tel que le caractère étoile (*), est indexé avant celui débutant par la lettre A. Toutefois, cette astuce ne vaut que pour les catégories ayant une grande quantité de sites répertoriés. En effet, les catégories ne comptant qu'une vingtaine de sites apparaissent à l'écran dans leur totalité sans que les utilisateurs aient à descendre la barre de défilement de leur navigateur. De ce fait, les sites répertoriés profitent d'une meilleure visibilité que ceux indexés dans une catégorie plus importante.

c) Les recommandations générales.

Nous abordons ici les recommandations qui nous semblent applicables à tous référencements auprès des outils de recherche. Disons d'abord que les outils de recherche n'indexent pas toujours la totalité d'un site Web, c'est-à-dire l'ensemble des pages reliées entre elles par une page d'accueil, par la seule soumission de l'URL de la page d'accueil30. Il est donc conseillé de soumettre tous les documents que contient un site Web. Pour une meilleure indexation, ces documents doivent évidemment contenir les balises TITLE et META.

L'une des questions souvent posées est celle des modifications ou mises à jour des documents soumis aux outils de recherche. Il n'est jamais nécessaire de soumettre une seconde fois un document lorsque cela ne modifie en rien la description du contenu ou des mots-clefs, c'est-à-dire lorsque l'essence du contenu n'a pas été modifié. En d'autres cas, on doit impérativement soumettre une seconde fois, même si l'outil de recherche affirme le faire automatiquement.

Une dernière recommandation, et non la moindre, est de procéder à une vérification régulière de l'indexation auprès des outils de recherche. L'interrogation hebdomadaire des outils de recherche constitue une étape essentielle du référencement auprès des outils de recherche sans laquelle un taux élevé de fréquentation est impensable.

L'information sur Internet nous est donc révélée dans un cadre compétitif qui met continuellement en relief l'aspect promotionnel de l'indexation. Ce constat emporte une recherche de l'information dépendante de l'expérience des chercheurs mais tout autant de ceux qui détiennent les contenus. Récupérer la documentation juridique désirée peut s'avérer un exercice parfois décevant mais, lorsque bien menée, la recherche sur Internet se révèle indispensable.

B. Les moyens de récupération de l'information

En l'absence de méthode miracle, nous devons énumérer ici les principes directeurs d'une recherche fructueuse sur Internet. Nous pouvons identifier les deux principaux moyens que sont les outils de recherche et la navigation sélective.

Contrairement à l'expression " outil de recherche ", le concept de navigation sélective n'est pas courant. Nous désirons utiliser ce terme pour exprimer l'exploration des sites Web pertinents à une recherche spécifique par l'utilisation des hyperliens rencontrés lors d'une séance de navigation. Ce second moyen peut apparaître quelque peu mystique mais doit se comprendre sur un réseau qui n'est finalement qu'un enchevêtrement de toiles. En effet, dans un monde virtuel s'opérant essentiellement par l'hypertexte31, la " découverte " de l'information se réalise surtout par l'entremise des hyperliens. Ceux-ci peuvent se définir par des " [c]onnexions activables à la demande dans le Web, reliant des données ayant une relation de complémentarité les unes avec les autres, et ce, où qu'elles se trouvent dans Internet "32. L'internaute est amené à activer quatre types de liens hypertextes selon la programmation utilisée par les concepteurs de sites Web. Le premier type est le lien hypertexte simple. Il s'agit d'une connexion activable vers une page d'accueil, c'est-à-dire la page au sommet de la hiérarchie d'un site Web. À l'inverse, un lien vers une page secondaire est un hyperlien profond (deep linking). En ce sens, plus une page secondaire est éloignée de la page d'accueil dans la hiérarchie, plus un lien hypertexte peut être qualifié de profond. Le troisième type implique le cadrage (framing) du site du concepteur de lien emprunté par un visiteur. Chacune des fenêtres générées par le cadrage constitue une page Web indépendante. Par conséquent, un utilisateur qui accède à ce site peut cliquer sur un hyperlien à partir d'une fenêtre et obtenir la page Web de destination dans une autre fenêtre sans quitter la page d'origine du lien hypertexte. Le dernier type, l'insertion par liens hypertextes (inline linking), est plus subtile. Cette programmation rend possible l'insertion dans une page Web d'une image -- ou d'un quelconque fichier multimédia -- située sur n'importe quel serveur de l'Internet accessible par un URL.

Par les différents types d'hyperliens sur lesquels il naviguent, l'internaute est amené à composer sa propre sélection de sites. La navigation sélective constitue donc un moyen de récupération de l'information reposant sur la nature même de l'Internet.

Nous estimons qu'il vaut mieux parler de moyens que de méthodes de recherche. Les outils de recherche et la navigation sélective sont plus des voies par lesquelles nous récupérons l'information que des démarches ordonnées et rationnelles de recherche. En ce sens, les lignes qui vont suivre relèveront beaucoup plus du principe que de la règle scientifique.

Nous ne voulons pas opposer la recherche à la navigation sélective ou préférer l'une à l'autre. Ces deux voies sont tout aussi efficaces et ne sont pas exclusives. Nous croyons qu'elles doivent toujours être utilisées en complément l'une de l'autre. C'est dans cette optique que nous les présentons.

1. Les outils de recherche

La récupération de l'information par un outil de recherche s'effectue grâce à un formulaire dans lequel s'inscrit un ou plusieurs mots-clefs. Le base de données d'un outil de recherche, c'est-à-dire l'ensemble des sites qui y sont indexés, peut ainsi être interrogée.

Comme nous l'avons déjà précisé, les outils de recherches se multiplient de plus en plus et leurs bases de données, différentes les unes des autres, s'élargissent de jour en jour. Bien entendu, nous pouvons constater que la même recherche effectuée sur l'un de ces outils ne donnera pas les mêmes résultats que sur un autre. Selon la faculté de préciser les requêtes et le fonctionnement des outils de recherche, la performance d'une requête, du point de vue documentaire, peut varier de beaucoup. On peut apprécier cette performance par le taux de silence (les documents pertinents ne sont pas retrouvés) et le taux de bruit (plusieurs documents non pertinents ont été récupérés) que nous révèle une recherche.

Certes, l'indexation automatisée favorise des bases de données plus volumineuses que celles créées manuellement. Par exemple, Alta Vista répertorie un plus grand nombre de sites Web que Yahoo!. Toutefois, il faut admettre que les requêtes adressées à ce dernier procurent un taux de bruit moins élevé. Voilà la principale, voire l'unique considération qui peut être faite entre ces deux types d'outils de recherche à l'exception, bien sûr, de l'organisation de l'information selon des catégories, ce qui donne aux répertoires tel que Yahoo! des bases de données plus cohérentes.

Distinguer les outils de recherche selon leur méthodes d'indexation nous apparaît donc inutile du point de vue des recherches possibles dans leurs bases de données. Nous préférons d'abord nous consacrer aux outils de recherche généraux et aux requêtes pouvant y être effectuées (a). Nous y décrirons plus particulièrement l'outil de recherche qui reçoit les meilleures critiques, soit Alta Vista. Nous terminerons avec les outils spécialisés en contenus juridiques et les possibilités qu'ils offrent (b).

a) Les outils généraux

Dans une démarche préalable, il faut déterminer une foule de critères avant d'exécuter une requête sur un outil général de recherche. Notre requête vise-t-elle un sujet particulier, avons-nous une préférence pour la langue des documents à récupérer, visons-nous une ressource Internet en particulier (le Web, Usenet, FTP, etc.), préférons-nous des documents récents? L'opération n'est pas vaine. La détermination de ces critères importe dans le choix des différents outils de recherche.

La précision de l'information recherchée

La recherche d'informations générales par sujet invite à l'utilisation d'un répertoire tel que Yahoo!. Le contenu de ces outils de recherche y étant moins volumineux et leur présentation plus cohérente, il est plus facile d'y retrouver de l'information générale que sur une base de données créée automatiquement à partir d'un robot informatique tel qu'Alta Vista. Ce qui ne veut pas dire qu'une recherche sur un sujet précis ne doit pas débuter dans un répertoire. Lorsque nous connaissons peu le sujet précis dont nous avons à traiter, les répertoires sont d'intéressants points de départ. L'information générale que nous y retrouvons autorise la formulation de requêtes plus précises sur des bases de données plus importantes dont le contenu n'a pas été préalablement catégorisé par le personnel de la société opérant l'outil de recherche. En effet, l'emploi de termes spécifiques recourt plutôt à des outils de recherche tel qu'Alta Vista et Infoseek où les résultats peuvent s'avérer plus fructueux.

Pour sauver du temps, certains utilisateurs seront tentés d'utiliser les méta-index, des outils permettant d'effectuer une recherche dans plusieurs index à la fois33. Pour une recherche générale, cela peut être pratique, mais pour une recherche plus précise, il faut constater que les méta-index ne peuvent tirer le maximum des possibilités particulières qu'offrent certains outils de recherche, tels que les différents types de recherche et les opérateurs pouvant être utilisés dans les recherches par mots-clefs. Un opérateur peut se définir comme un mot ou un symbole indiquant un type d'association entre les différents mots-clefs d'une requête donnée.

Les types de recherche et les opérateurs

Bien sûr, nos requêtes se font, peu importe l'outils de recherche que nous utilisons, par l'emploi de mots-clefs en langage naturel. Toutefois, une simple requête par mots-clefs est rarement efficace. À moins de mots-clefs très techniques et peu utilisés sur Internet, le taux de bruit est généralement proportionnel au volume de la base de données. D'où la nécessité de connaître le fonctionnement précis des opérateurs. Avec l'outil Alta Vista, il faut utiliser l'option Recherche évoluée pour bénéficier de ces symboles34.

Il existe plusieurs opérateurs dont la fonction est de préciser nos requêtes. Cependant, certains outils de recherche ont leurs propres opérateurs et d'autres n'en utilisent que quelques-uns. Les opérateurs booléens AND, OR, NEAR et NOT sont les plus connus35. Pour la plupart des outils et pour l'option Recherche simple d'Alta Vista, l'opérateur AND est représenté par le symbole moins (-) et l'opérateur NOT, par le symbole plus (+)36.

Un autre opérateur non négligeable et autorisé par plusieurs outils de recherche est le guillemet37. Cet opérateur permet de regrouper des mots-clefs pour en faire des phrases-clefs. Formant un tout, les phrases-clefs peuvent être employées comme des mots-clefs, c'est-à-dire avec ou sans autres mots ou opérateurs. Les guillemets aident généralement à restreindre les résultats d'une requête mais peuvent également éliminer des documents pertinents. Il faut donc les utiliser, comme tout autre opérateur, avec diligence.

Outre ces opérateurs, l'outil de recherche Alta Vista permet l'utilisation du caractère générique de l'astérisque, supporte les caractères multinationaux et effectue des recherches à opérateurs multiples. L'astérisque est employé pour chercher les variantes orthographiques d'un mot ou des mots contenant une disposition orthographique similaire. Ainsi, une requête telle que constitution* récupère des documents contenant les mots constitution, constitutionnel, constitutionnalisé, etc. Les documents contenant des caractères multinationaux, c'est-à-dire des accents ou d'autres marques diacritiques, sont retournés par le moteur de recherche bien que l'utilisateur ait omis de les inscrire dans sa requête. Enfin, il est possible d'effectuer une requête comportant plusieurs opérateurs en utilisant les parenthèses38.

Deux autres opérateurs peuvent s'avérer intéressants mais ne sont pas utilisés par le moteur de recherche d'Alta Vista. Il s'agit d'abord de la possibilité qu'offrent certains moteurs d'activer la recherche de documents semblables à un exemple donné, c'est-à-dire à un document pertinent déjà récupéré. Nous nommons cet opérateur à titre d'exemple. Une recherche générale portant sur la propriété intellectuelle en général est susceptible de retourner un document sur la doctrine de la concurrence déloyale. Si un tel document intéresse l'utilisateur, ce dernier peut, selon son désir, cliquer sur le lien hypertexte à titre d'exemple afin de récupérer des documents semblables.

Le second opérateur, le case sensitive, permet de récupérer des mots-clefs à titre de nom propre en les inscrivant en majuscules39. Lorsqu'il y a plusieurs noms propres, la virgule sert à les séparer. Cet opérateur peut être avantageux lorsqu'un terme est également utilisé au sens commun.  

Le langage des documents à récupérer

La langue demeure toujours une barrière et le réseau Internet n'y échappe pas. La recherche documentaire dans un langue est toutefois facilitée par la nature même des outils de recherche puisqu'ils fonctionnent tous par l'emplois de mots-clefs, et donc selon le langage utilisé pour ces derniers. Une requête en français sur un outils n'indexant que des documents en langue anglaise peut cependant apparaître très insatisfaisante. D'où la nécessité d'utiliser plusieurs langues lorsque nous effectuons des recherches sur l'Internet et surtout, celle de Shakespeare. Toutefois, il existent plusieurs outils de recherche francophones très efficaces comportant des bases de données assez considérables40.

Nous devons préciser qu'un outil de recherche peut indexer des documents dans une autre langue que celle de son interface. C'est même généralement le cas, à l'exception des répertoires où les documents écrits en d'autres langues sont rarement référencés. Notons par ailleurs que le répertoire Yahoo! offre différents répertoires selon le critère géographique, et donc, de manière implicite, selon le critère de la langue. À titre d'exemple, le répertoire Yahoo!France gère les documents de langue française.

L'outils de recherche Alta Vista est sans doute l'un des meilleurs moteurs pour effectuer une recherche selon le critère de la langue. Permettant une recherche dans la langue désirée, il offre également un service de traduction automatique. Encore à titre expérimental, ce service ne traduit cependant qu'un maximum de trois pages par site, traduction qui n'est pas toujours réussie.

Les ressources et les éléments spécifiques recherchés

Les documents indexés par les outils de recherche sont généralement des documents HTLM et donc, des documents de la ressource télématique World Wide Web (Web). Pour certaines recherches, il est toutefois intéressant de récupérer de l'information sur d'autres ressources telles que Gopher41, les groupes de nouvelle Usenet, les sites FTP42 et les serveurs Telnet43. Certains outils de recherche se spécialisent dans la documentation d'une ou de plusieurs de ces ressources. Par exemple, le moteur Deja News répertorie les messages expédiés sur les groupes de nouvelles Usenet et le moteur Lycos, en plus d'indexer des pages Web, indexe également les documents en mode Gopher et les sites FTP44.

Le moteur de recherche d'Alta Vista indexe tant les documents HTLM que les messages Usenet. Il permet également, pour chacune de ces ressources, de retrouver des documents en précisant des mots-clefs soit pour la totalité d'un document - comme nous l'avons déjà vu - soit pour l'un de ses éléments. Ainsi, nous pouvons spécifier dans quel élément spécifique nous désirons retrouver nos mots-clefs dans un document HTLM: les ancres, les applets Java, les noms de domaine, les ordinateurs, les images, les liens, le texte, les titres et les URL45. Pour les messages Usenet, il s'agit des éléments spécifiques suivants: le nom des expéditeurs, les sujets des messages, les noms des groupes de nouvelle, les champs résumés et les champs keywords46.

Avant de terminer cette section que nous avons consacré aux outils généraux de recherche pour aborder les outils spécialisés en contenus juridiques, nous désirons préciser que le moteur de recherche Alta Vista offre la possibilité de classer les résultats d'une recherche selon d'autres mots-clefs que nous lui spécifions et rend possible une recherche limitée à une période précise.

Enfin, nous pouvons terminer en affirmant que l'utilisation d'un seul outil général de recherche ne peut satisfaire les conditions d'une recherche juridique de qualité. Des recherches bilingues et évoluées sur deux à trois des outils généraux nous apparaît être une bonne approche de ces moyens de récupération de l'information. Bien sûr, les outils spécialisés en contenus juridiques permettront de consolider la recherche générale.

b) Les outils spécialisés en contenus juridiques

Pour une recherche strictement juridique, les outils de recherche spécialisés en contenus juridiques devraient être, bien sûr, les premiers outils à considérer avant les outils généraux de recherche. Nous devons cependant constater qu'il n'existe, à notre connaissance, que quelques outils de recherche spécialisé en contenu juridique. Ce qui ne signifie pas qu'aucun autre site n'offre une base de donnée sérieuse. Une multitude de banques de données et de compilations de ressources juridiques ont été réalisées mais ne constituent pas de véritables outils de recherche comme le sont Alta Vista, Lycos, Yahoo! et les autres.     LawCrawler est l'un des seuls outils spécialisés en contenus juridiques. Il s'agit d'un outil créé et entretenu par Alta Vista. Il rend possible une recherche parmis tous les contenus juridiques du World Wide Web et permet les requêtes par pays47. Tout comme les outils généraux de recherche, il est possible d'y soumettre des documents HTML pour indexation. LawCrawler permet également les requêtes booléennes, les phrases-clefs et les mots-clefs pour les images et URL des documents HTLM à récupérer.

Tout comme Alta Vista est le robot de recherche par défaut du populaire répertoire Yahoo!, LawCrawler est celui de l'index juridique Findlaw, un répertoire de liens vers les lois, la jurisprudence, les articles de revues, les facultés de droit et les associations juridiques. Findlaw répertorie également son contenu par sujets et branches du droit. Des requêtes similaires à celles permises sur LawCrawler peuvent y être effectuée.

Étant très orienté, comme la plupart des index de ressources juridiques, vers le droit américain, FindLaw redirige presqu'en tous les cas ses utilisateurs à son robot de recherche lorsque la requête vise le documentation juridique provenant d'un autre pays. Cependant, il fournit une liste complète bien que non exhaustive des ressources juridiques pour plus de 70 pays. D'origine américaine, Findlaw et LawCrawler n'ont que des interfaces anglaises malgré leur destination plus générale qu'est la documentation juridique sur l'ensemble du WWW. Peut-être une transformation s'effectura sur ce plan de la même façon que Yahoo! et Alta Vista sont devenus multilingues.

2. La navigation et les lieux de l'information juridique

L'expérience de navigation tant sur les outils de recherche généraux que spécialisés nous amène à constater la richesse et la diversité des ressources juridiques que nous procure Internet. Au fait, les requêtes auprès des outils de recherche nous font plus découvrir d'autres ressources juridiques que de l'information précise sur un sujet donné. Plus nous utilisons les outils de recherche, plus nous découvrons les lieux de l'information juridique.

La plupart des logiciels de navigation permettent, par l'emploi de signets ou " bookmarks ", la création de nos propres compilations de ressources juridiques. Une bonne compilation nous permet de récupérer l'information en navigant simplement par l'entremise de nos signets. Il s'agit d'une deuxième voie permettant la récupération de l'information juridique sur Internet qui nécessite, bien sûr, la connaissance de ces lieux.

Nous décrirons donc, dans un premier temps, les différents types de lieux de l'information juridique (a). Dans le souci de ne pas alourdir le texte, nous préférons réserver nos exemples aux enjeux juridiques des liens hypertextes, ce que nous ferons dans un second temps (b).

a) Les lieux de l'information juridique

Nous croyons d'abord utile d'entreprendre les lieux de l'information juridique selon les sources traditionnelles du droit pour ensuite nous consacrer à des lieux plus cybernétiques. Ainsi, nous décrirons successivement les bases législatives, les bases jurisprudentielles, les revues de droit, les informations destinées aux praticiens, les organisation mondiales et les gouvernements, les actualités juridiques, les lettres à caractère juridiques et enfin, les points de départ, ou plutôt, les compilations de liens juridiques dans des domaines spécialisés.

Plusieurs gouvernements ont créé des bases législatives interrogeables par le biais d'Internet. Évidemment, la valeur des lois indexées n'y est pas officielle bien que la base de donnée soit mise à jour régulièrement dans le cas de certains États. Il est également possible, dans de rares cas, de consulter les projets de loi et leur statut dans le processus législatif. La base de donnée américaine est à cet égard très impressionnante. Si les lois deviennent de plus en plus présentes sur Internet, ce n'est cependant pas le cas de la législation déléguée. Quelques pays seulement rendent disponible la réglementation et les décrets gouvernementaux, tel que le gouvernement canadien.

Tout comme la législation, la jurisprudence fut, bien avant que les gouvernements s'en préoccupent, diffusée de façon incomplète et disparate par des organisations privées, des universités et des particuliers désireux de transmettre des décisions judiciaires d'actualité. Aujourd'hui, nous pouvons constater que la plupart des décisions prises par les plus hautes instances judiciaires des pays occidentaux font l'objet de bases de données ou de simple indexation. Les États-Unis, pays de common law, demeure toujours d'avant-garde dans la diffusion ordonnée des décisions de ses tribunaux inférieurs sur Internet. Bien sûr, nous ne discutons pas ici des serveurs payants tels que Westlaw (États-Unis) ou Quicklaw (Canada) pour lesquels Internet n'est qu'un autre moyen d'accéder à leurs bases de données.

La doctrine, source plus décentralisée du droit, est indexée dans des bases de données ou répertoires plus ou moins complets et trop souvent orientés vers la doctrine américaine. Le répertoire Findlaw dont nous avons discuté un peu plus tôt est sans aucun doute le meilleur index de la doctrine américaine sur Internet. Américaine ou étrangère, la doctrine sur Internet est composée d'articles de revues juridiques, académiques ou non, électroniques ou non, et de publications de juristes émanant de leur propres sites, qu'ils soient académiques, commerciaux, ou privés.

Ainsi, plusieurs revues de droit publient leurs articles sur le WWW soit intégralement ou bien sous forme de résumés. Certaines ne fournissent cependant que les tables des matières. Pour les étudiants, nos juristes en devenir, rendre disponible leur travaux sur Internet constitue souvent leurs premières publications. Les différents barreaux publient également certaines de leurs documentations.

En effet, plusieurs barreaux ont déjà pignon sur l'autoroute de l'information. Destinés avant tout aux praticiens, ces sites constituent une des nombreuses ressources utiles au développement des affaires. Le répertoire Hieros Gamos est à lui seul une incourtournable ressource pour les praticiens désireux de faire des affaires sur Internet. Cet index répertorie les organisations juridiques, les études d'avocats, les facultés de droit et ce, en identifiant les adresses, les noms, les numéros de téléphone et de fax des personnes ressources. Ce qui est encore plus impressionnant est qu'il offre des interfaces en anglais, espagnol, français, italien et allemand.

À l'instar des gouvernements, la plupart des organisations ou instances internationales se sont établies sur le Web. Généralement, on peut y consulter les informations générales de l'organisation, les travaux en cours, les sommaires des conférences qu'elle a organisées ou auxquelles elle a participé et, si tel est le cas, le traité duquel elle est issue. Nous pouvons énumérer, à titre d'exemple, les organisations ou instances suivantes: l'O.N.U, l'O.C.D.E, le Parlement européen, l'O.M.P.I, etc.

Une fois que nous avons obtenu de l'information sur un sujet spécifique, il faut, et c'est tout là l'intérêt pratique d'Internet, se mettre continuellement à jour, la recherche juridique, plus que tout autre, le nécessitant. Les journaux en ligne sont, à cet égard, de véritables mines d'or. Bien sûr, la plupart d'entre eux sont généralement destinés aux juristes américains et aux enjeux juridiques d'Internet. Nous croyons cependant que la tendance va, comme la diffusion du droit sur Internet, vers une approche plus diversifiée de l'information juridique sur Internet.

Un autre des lieux de l'information juridique est celui, moins officiel mais tout de même intéressant, des messages archivés provenant de listes de discussion juridiques. On peut y retrouver des sujets allant de la pratique privée aux questions les plus théoriques du droit et des discussions constructives sur le plan juridique. Le répertoire LegalMinds, un des outils de FindLaw, archive la plupart des messages expédiés aux listes de discussion juridiques, fournit un court index par sujets et permet la recherche dans une base de donnée.

Enfin, nous ne pouvons passer sous silence les compilations de liens aménagées sur Internet par plusieurs juristes, notamment des professeurs de droit. Les plus intéressantes sont celles constituées pour un domaine particulier du droit, que l'on peut considérer comme de réels points de départ pour des recherches dans un domaine juridique précis. Ces compilations nous épargnent souvent des requêtes infructueuses sur des bases de données dont nous ne pouvons apprécier la pertinence.

b) Les incontournables des enjeux juridiques reliés aux liens hypertextes et à l'appropriation d'informations

Nous proposons maintenant quelques lieux incontournables de l'information concernant les liens hypertextes et l'appropriation d'informations sur Internet, sujets dont les enjeux économiques et juridiques sur Internet sont fort connus. Afin de ne pas inutilement encombrer cet article de liens hypertextes et de répéter ce que nous venons de dire, nous offrons plutôt aux lecteurs de consulter l'adresse <http://www.digiplace.com/E-law/cyberdroit3.htm> où ils pourront eux-mêmes apprécier l'importance de ces ressources. Cette page constitue, en quelque sorte, un point de départ pour les recherches dans ce domaine.

 __________________

1 L'outil de recherche Yahoo! en répertorie plus de 340. Source : http://www.yahoo.com/Computers_and_Internet/Internet/World_Wide_Web/Searching_the_Web .

2 Nous pouvons déjà imaginer la lenteur de ce processus face à l'ampleur du réseau Internet et donc, son inefficacité pour la recherche juridique qui demande une mise à jour constante de l'information.

3 Source : "IAB Internet Advertising Survey : 1997 Annual Results and Forecast", http://www.iabcanada.com/survey/index.shtml

4 Souvent sous forme de bandes annonces, c'est-à-dire des publicités sous forme d'images permettant d'accéder, par un lien hypertexte, au site de l'annonceur.

5 De tels messages pourraient cependant être qualifiés de spamming, un comportement vraisemblablement prohibé par les usagers d'Internet. Voir : Éric LABBÉ, "Le spamming et son contrôle", http://www.droit.umontreal.ca/~labbee .

6 Il s'agit d'une promotion mutuelle qui oblige chacune des parties à faire un lien au site de l'autre partie.

7 Plusieurs outils de recherche et magazines en ligne décernent des prix au sites Web de qualité. Par exemple, l'outil de recherche francophone Écilia permet aux sites de qualité d'afficher un logo portant la mention "sélectionné par Ecilia".

8 Le néologisme "technologie du poussé" est proposé par l'Office de la langue française. L'office note que "[l]a technologie du pousser représente un nouveau développement du Web et s'oppose à la technologie du tirer (pull technology) qui est celle qui est utilisée actuellement par les internautes qui doivent rechercher activement l'information qu'ils désirent et ne peuvent donc attendre qu'elle leur soit livrée, comme le fait la technologie du pousser. Les grands noms associés à la technologie du pousser sont : Castanet Tuner de Marimba, PointCast et BackWeb. Microsoft compte l'intégrer à son navigateur Internet Explorer sous le nom de Active Desktop et Netscape va faire de même avec Netscape Communicator sous le nom de Constellation [désormais Netcaster]". Office de la langue française, "Le vocabulaire d'Internet Plus", http://www.olf.gouv.qc.ca/neuf/pages/vocinter2/internet_OP.html .

9 Francis PISANI, "Netscape en poussette", (21 avril 1997) Le Devoir, http://www.ledevoir.com/pla/1997a/210497.html

10 Daryl TESHIMA, "Keeping Current in Electronic Legal Research Methods", (decembre 1997) Los Angeles Lawyer, http://www.lacba.org/lalawyer/tech/legalresearch.html .

11 Il s'agit des plus importants fournisseurs américains de services juridiques informatisés. Leurs services consistent à diffuser, en texte intégral, de la jurisprudence, de la doctrine, de la législation et des nouvelles juridiques.

12 La diffusion des contenus Internet pourrait s'avérer une tâche titanesque peu profitable pour ces fournisseurs compte tenu de la difficulté de récupération de l'information sur Internet et des moyens limités que disposent ces compagnies pour créer leur revenus : leurs services sont déjà fort onéreux et leurs systèmes informatiques ne favorisent pas les revenus publicitaires.

13 Source : "Netscape Press Release", http://www.netscape.com/newsref/pr/newsrelease458.html .

14 Source : "Internet Explorer Features : Look who's delivering channels to 4.0 users!", http://www.microsoft.com/ie/ie40/features/?/ie/ie40/features/chan-partners.htm .

15 Office de la langue française, loc. cit., note 8.

16 L'abréviation HTML signifie HyperText Markup Language. Il s'agit du " [l]angage de balise de texte qui permet la création de documents hypertextes affichables par un navigateur Web ". Id.

17 A titre d'exemple :      <HEAD>         <TITLE>Le tarif 22 de la SOCAN</TITLE>    </HEAD>

18 L'abréviation URL signifie Uniform Resource Locator. Un URL est un " [e]nsemble de données permettant d'avoir accès à l'information d'Internet quand on utilise un navigateur Web et qui contient une méthode d'accès au document recherché, le nom du serveur et le chemin d'accès au document ". Les ressources Internet Gopher, Web, News et FTP utilisent les adresses URL. Office de la langue française, loc. cit., note 8.

19 Par exemple, un document électronique sur le tarif 22 de la SOCAN devrait être situé à l'URL suivante: http://www.nomdedomaine.com/socan/tarif_22.html .

20 Tels que les outils de recherche Excite et Lycos.

21 C'est le cas des outils de recherche WebCrawler et Alta Vista.

22 Tel que le groupe de nouvelles "comp.infosystem.www.announce". Un groupe de nouvelles est un " [g]roupe de discussion faisant partie du réseau Usenet et qui traite d'un sujet particulier ". Usenet est l'une des ressources accessibles par Internet que l'on peut définir comme un " [r]éseau mondial distribué de groupes de discussion, constitué d'un ensemble de serveurs où sont centralisés les articles traitant de sujets particuliers et auxquels les intenautes ont accès sur demande ". Office de la langue française, loc. cit., note 8.

23 Voir section I.A.2.b).

24 Par la commande META de type KEYWORDS. Exemple:<META NAME="KeyWords" CONTENT="tarif 22, SOCAN, intermédiaires, babillard    électronique, fournisseur d'accès Internet".

25 Par la commande META de type DESCRIPTION. Exemple:<META NAME="Description" CONTENT="Article résumant les enjeux juridiques et économiques du tarif 22 proposé par la SOCAN.">.

26 C'est notamment le cas des outils de recherche Lycos, Infoseek et Alta Vista.

27 Une passerelle peut être automatique - par l'emploi d'une balise META - et/ou manuelle - par un lien hypertexte dans le cas d'un fureteur incapable de lire les balises META.

28 L'outil de recherche Yahoo! est un répertoire bien qu'il soit possible d'y faire également une requête par mots-clefs. Notons cependant que l'indexation à cet outil de recherche peut prendre plusieurs semaines, toutes les soumissions étant traitées manuellement par son personnel.

29 À titre d'exemple, la société Jean Coutu devrait être indexée sous la catégorie " Santé : Pharmacie " du répertoire Carrefour.net et sous la catégorie " Santé : Pharmacie : Pharmacies@ " ou " Commerce et économie : Sociétés : Santé : Pharmaceutique " du répertoire Yahoo!.

30 Les outils de recherches qui prétendent indexer la totalité d'un site par la seule soumission de la page d'accueil le font généralement selon des délais plutôt déraisonnables.

31 Selon l'Office de la langue française, l'hypertexte est la " présentation de l'information qui permet une lecture non linéaire grâce à la présence de liens sémantiques activables dans les documents ". ". Office de la langue française, " Pour faire le lien ", http://www.olf.gouv.qc.ca/service/pages/p10cab11.htm .

32 Office de la langue française, loc. cit., note 8. Le petit Robert offre une définition plus simple du lien hypertexte : " Un procédé permettant d'accéder aux fonctions ou informations liées à un mot affiché à l'écran en cliquant simplement sur ce mot ".

33 Il s'agit notamment d' All-In-One, de Mamma, de Metacrawler et de Savvysearch.

34 L'option Recherche simple n'autorise que les opérateurs suivants: les guillemets (""), le plus (+), le moin (-) et l'astérisque (*).

35 Outre par l'outil Alta Vista, ils sont autorisés, notamment, par Excite, HotBot, Mamma et Yahoo. Certains outils nécessitent que les opérateurs booléens soient inscrits entre les mots-clefs et sans espace entre l'opérateur et le deuxième mot-clef (l'opérateur NEAR retourne, pour une requête sur Alta Vista, les documents contenant les mots spécifiés lorsqu'ils sont à moins de dix mots l'un de l'autre).

36 Pour l'option Recherche évoluée d'Alta Vista, les opérateurs booléens peuvent être remplacés par les symboles suivants : & pour AND, | pour OR, ! pour NOT et ~ pour NEAR.

37 Les guillemets sont notamment utilisés par Alta Vista, Hotbot, Infoseek, Mamma, MetaCrawler, SavvySearch et Yahoo!. Notons cependant que le moteur de recherche d'Excite utilise plutôt les crochets pour regrouper des mots en phrases-clefs.

38 Par exemple : (fai OR "babillard électronique" OR intermédiaire) AND responsabilité. Notons ici que l'emploi des majuscules pour les opérateurs est important et que l'emploi des minuscules pour les mots-clefs permet de retrouver ces mots peu importe les combinaisons de majuscules et minuscules se retrouvant dans les documents de la base de données de l'outil de recherche.

39 Notamment, les outils de recherche Excite, HotBot, Infoseek, Mamma et Yahoo! autorisent le case sensitive.

40 Par exemple: La Toile du Québec, Carrefour.net, Nomade, Francité, Écilia, Echo, etc.

41 Gopher est un " [s]ystème basé sur une structure de menus, qui permet la recherche d'information dans Internet, l'accès à cette information et sa visualisation ". Office de la langue française, loc. cit., note 8. Contrairement au Web, la ressource Gopher ne présente l'information que sous forme de texte. Le multimédia n'y est donc pas permis. On peut donc comprendre le caractère pratiquement obsolète de cette ressource.

42 Il s'agit de l'abréviation de File Transfer Protocole. Ce sigle est utilisé pour dénommer les applications qui fonctionnent selon le protocole FTP et les sites Internet où sont stockés des données accessibles gràce à ce protocole.Id.

43 Un serveur Telnet est un " [s]ite Internet abritant une base de données à laquelle l'internaute peut faire appel à partir de son propre ordinateur et ce, pour utiliser les ressources du protocole Telnet ". Id.

44 On peut retrouver des sites Telnet par le moteur de recherche EINet Galaxy.

45 Ces recherches s'effectuent de la manière suivante:
 

Pour les ancres: anchor:mot-clef 
Pour les applets Java: applet:mot-clef 
Pour les noms de domaine: domain:mot-clef 
Pour les ordinateurs: host:mot-clef 
Pour les images: image:mot-clef 

Pour les liens hypertextes: link:mot-clef 
Pour le texte seulement: text:mot-clef 
Pour les titres: title:mot-clef 
Pour les URL: url:mot-clef

 
46 Ces recherches s'effectuent de la manière suivante:
 

Pour les noms des expéditeurs: from:mot-clef 
Pour les sujets: subject:mot-clef 
Pour les noms des groupes: newsgroups:mot-clef

Pour les champs résumés: summary:mot-clef 
Pour les champs keywords: keywords:mot-clef

 
47 Il ne s'agit pas de la documentation portant nécessairement sur le droit du pays en question mais plutôt de la documentation juridique provenant de ce pays, c'est-à-dire selon le nom de domaine des documents indexés: .ca, .fr, .de, .it, etc.


II. Certains aspects juridiques de l'appropriation d'informations sur Internet

Les méthodes d'indexation et la recherche d'informations sur Internet sont deux faces d'une même pièce. Pour se faire connaître, encore faut-il savoir comment l'utilisateur peut nous retracer. Indexation et recherche sont les maîtres mots de la gestion de contenu : on ne peut comprendre l'un sans saisir les exigences de l'autre. À l'articulation de ces deux mondes on retrouve le langage, ou plutôt une forme synthétique du langage : les mots-clefs. Ils sont ces formules magiques qui ouvrent les portes de la connaissance. Ce sont eux qui, répondant aux contingences techniques d'Internet, permettent de retracer une information parmi des milliers d'autres. 

Dans un univers virtuel qui devient principalement commercial, le mot-clef devient l'enseigne de l'échoppe d'antan. C'est par lui qu'un commerçant affiche son commerce et spécifie l'étendue de ses activités. Son rôle moteur dans la recherche et la classification d'informations tient au fonctionnement des logiciels de recherche. Ceux-ci fonctionnent principalement par mot-clef. Pour cette raison, certains mots-clefs ont plus d'importance que d'autres, surtout dans des secteurs d'activités commerciales à forte concurrence où chacun essaye d'attirer le plus de consommateurs possibles. 

Tous ces signes sont l'expression d'un sentiment propriétaire, sentiment consacré, dans une certaine mesure, par la loi - loi sur les marques, loi sur les appellations d'origine, droit au nom patronymique, etc. Dans ces cas, le bras du législateur vient frapper les abus et réprimer les actes qui désorganisent le bon déroulement du commerce. Mais les signes distinctifs sur Internet sont utilisés de manière particulière, dévoilant d'autres formes d'usurpation ou de vol de clientèle - d'autres choses auxquelles le mot juridique manque, ce qui nous fait dire que parfois l'application d'un droit privatif peut être problématique1. Les débats soulevés par les noms de domaine et l'application des lois nationales sur les marques de commerce en sont un exemple2.  

Ce qui est valeur est convoité. Le signe distinctif, qu'on le nomme mot-clef ou marque, n'échappe pas à la règle. Il faut préciser toutefois que c'est l'information qui est convoitée, celle qui est indissociable au signe et qui se véhicule avec lui. C'est cette dernière qui fige la relation clientèle/commerçant dans une continuité économique. Roubier appelait les droits qui conservent cette relation dans un juste rapport de concurrence, droit de "clientèle". Certes, le droit de clientèle n'est qu'une classification doctrinale proposée par l'éminent juriste au début de ce siècle. Mais étonnamment, elle regroupe deux grandes catégories de droits intellectuels qui sont invoquées à l'occasion des affaires Internet. Il s'agit principalement, mais pas uniquement, du droit des marques et du droit d'auteur. Nous verrons qu'il existe d'autres corps de règles qui viennent parachever ces mécanismes traditionnels de protection. 

Internet nous fait découvrir des aspects inusités de l'utilisation de la propriété d'autrui. Cette propriété immatérielle est polymorphe et vient à la lumière du droit dans des situations particulières. Ce sont ces situations que nous avons voulu étudier. Le fait d'utiliser dans son document source une marque d'autrui est l'une d'elles. En effet, en introduisant les mots "Microsoft" dans le corps de la programmation d'un document écrit en langage HTML - donc non visible lors de sa lecture à l'écran, il est possible de lui donner plus de visibilité : à l'insertion du mot clé "Microsoft" le moteur de recherche (Altavista par exemple) fera apparaître aveuglément tous les documents dont le code source contient le mot clé tapé à l'écran. On comprend aisément que l'emploi des balises META et autres écritures d'indexation informatique puisse ouvrir la voie à un nouveau type de parasitisme. Ces commandes sont des indicateurs convoités. Lorsque je place les mots "recherche juridique sur Internet" entre deux écritures balises META, n'est-ce pas comme si j'accrochais une "carotte" à la devanture de ma tabagie ? Lorsque l'enseigne est célèbre, un concurrent peut avec plus ou moins d'habilité attirer une manne de clients en leur faisant croire qu'il est le destinataire recherché. La marque, le nom, le logo sont autant de signes distinctifs qui attirent le consommateur. Le mot-clef et l'indexation ainsi que les logos de certification en sont qui attirent le cyberconsommateur. 

Nous verrons dans une première partie dans quelle mesure les lois actuelles sont susceptibles d'offrir les remèdes escomptés par les acteurs économiques d'Internet (A). L'utilisation récente des signes distinctifs sur Internet, sous forme nominale, noms de domaine y compris, n'est pas l'unique forme d'appropriation d'informations. On assiste également à une nouvelle guerre des boutons : la guerre des liens. C'est par la valeur des contenus qu'ils désignent qu'une banque de données connaîtra le succès commercial. Pour cela, nous traiterons dans une seconde partie les droits, le plus souvent sui generis, qui viennent compléter ou affiner les protections légales traditionnelles (B). 

A. La protection des signes distinctifs sur Internet

Certaines de ces utilisations se font à l'insu de l'utilisateur. Il s'agit principalement de l'insertion de mots-clefs dans le code source des pages WWW. On obtient ainsi grâce au pouvoir attractif du mot un classement favorable du documents lorsque l'utilisateur à recours aux moteurs de recherche(1). On rappellera que les moteurs de recherches ne fonctionnent pas tous grâce aux balises META (il existe également les commandes <TITLE> par exemple) et, même pour ceux qui en seraient dotés, les documents soumis sont souvent entièrement ou partiellement mémorisés. Cela signifie que les mots-clefs peuvent se retrouver dans la partie visible cette fois à l'écran du document, le logiciel ne faisant pas la différence entre ce qui est vu à l'écran ou non. 

La reproduction d'un signe distinctif n'est pas toujours illégale. Parfois la loi n'y attache aucun effet. Il en est ainsi lorsque l'on se place dans une perspective non concurrentielle ou que certains principes de droit justifient son utilisation. Il faut ainsi distinguer entre le reproduction passive et la reproduction dynamique (2).

1. L'utilisation d'un signe distinctif dans le code source d'un document 

Le débat autour des systèmes d'indexation a été initié par l'affaire Oppedahl & Larson . Il présente de nombreuses analogies avec celui des noms de domaine auquel nous nous référerons fréquemment. 

Les faits de l'espèce sont forts simples. Le défendeur a placé plusieurs fois les mots "Oppendahl" et "Larson" dans le code source de son document HTML, utilisant, pour ce faire, les balises META. Cette astuce technique permet au site de se classer au côté du site du bureau d'avocats "Oppendahl & Larson" dans la liste des documents sortis par un moteur de recherche. 

Les demandeurs intentent une action en vue d'obtenir une injonction préliminaire, injonction qui leur sera accordée3. Étant donné la nature de la procédure introduite, la décision a une portée limitée. Elle ne fait pas l'objet de motivations approfondies. Il reste que l'on peut y trouver des éléments d'étude quant au droit applicable. Au titre de la concurrence déloyale en droit des marques, ce sont d'abord l'article 43(a) du Lanham Act et les règles de la common law qui sont invoqués et accueillis. L'article 43(a) Lanham Act offre des moyens d'action contre toute personne qui : 
 

"[...] in connection with any goods or services... uses in commerce any word, term, name, symbol, or device, [...] or any false designation of origin, false or misleading description of fact, or false misleading representation of fact which -- (1) is likely to cause confusion, or to cause mistake, or deceive as to the affiliation, connection or association of such person with another person, or as to the origin, sponsorship, or approval of his or her goods, services, or commercial activities by another person [...]"

 

La formulation de la loi est très large et on peut concevoir qu'elle puisse s'appliquer justement à notre situation. Certains auteurs le contestent4. Selon ces derniers, et si l'on s'en tient à une interprétation stricte du texte, il paraît délicat de déduire de la simple incorporation d'un mot-clef un acte qui mène à la confusion voire à l'erreur telle que prévue par la loi. 

En réalité, il est fort probable qu'en analysant le tableau des résultats l'utilisateur puisse reconnaître, par l'exercice de son propre jugement, la juste information de la fausse. Certains indices ne trompent pas : la formulation du nom de domaine et celle de l'URL rendent compte généralement du contenu d'un site. Le document Playboy.com listé par le moteur de recherche conviendrait mal au libellé d'une recherche tel que "droit d'auteur sur Internet". Le nom des fichiers est un élément d'information supplémentaire sur la nature du site auquel renvoie le lien hypertexte. Pour reprendre notre exemple, la formulation playboy.com/imembers/porn.html d'un URL peut s'avérer assez explicite. La lecture attentive des résumés ou du texte qui accompagne les résultats est également une étape de bon sens. Il reste donc à voir comment les juges relèveront la confusion ou l'erreur dans ce milieu finalement assez transparent. 

La dernière partie de l'article 43(a) permet à une personne d'obtenir la réparation des dommages causés par l'utilisation de mots dans des publicités commerciales qui déconsidère ("misrepresents") la nature, la qualité ou les caractéristiques de son produit ou de ses services. Même si on ne parle plus de confusion cette fois, on peut se demander si le classement plus favorable d'un document contribue à véritablement "dénaturer" un produit. 

L'analyse des faits et le contexte qui l'entoure pourra varier et le parasitisme apparaîtra, le cas échéant, de façon plus ou moins flagrante. Dans l'affaire Insituform5, opposant deux concurrents, le juge américain n'a pas hésité à délivrer une injonction permanente afin que le défendeur cesse d'utiliser dans le code source du document les marques enregistrées Insituform et Insituppie. Le droit des marques reste donc incisif dans des situations de concurrence franche et lorsque ce sont les produits ou les services eux-mêmes qui font l'objet de la recherche. Mais parfois, l'utilisation des mots-clefs ne se fait pas au dépend d'un produit ou d'un service concurrent. Il se peut qu'elle contribue simplement à rendre plus visible un site qui autrement aurait de la difficulté à se faire connaître. 

Encore ici la jurisprudence, principalement américaine, nous ait d'un faible secours, le juge faisant face généralement à des demandes d'ordonnances. On se doit seulement de conclure que le droit des marques confère dans nombre de situations un appui sérieux à la défense d'un signe distinctif. Nous verrons cependant qu'il faut distinguer selon qu'il s'agit d'une reproduction passive ou dynamique de la marque.

2. La reproduction passive ou dynamique du signe distinctif 

Après quelques réflexions introductives (a) nous analyserons respectivement la reproduction passive (b) et la reproduction dynamique (c).

a) Éléments d'introduction 

Pour l'instant, les tribunaux canadiens ne se sont pas prononcés sur l'utilisation d'un signe distinctif dans le code source d'une page web. Les décisions concernant Internet sont, de manière générale, encore rares dans notre droit. On rapportera une jurisprudence solitaire rendue par une cour inférieure de l'Île-du-Prince-Édouard à l'occasion d'un conflit entre une marque et un nom de domaine. Cette décision, il faut l'avouer, est rédigée de manière lapidaire6 et, bien que la solution nous semble juste, elle reste d'un secours limité. Dans cette affaire la compagnie Peinet, Inc. demande une injonction interlocutoire pour concurrence déloyale - n'ayant pas de droit fondé en droit des marques - à l'encontre de la défenderesse qui avait enregistré le nom de domaine pei.net. Le tribunal rejette la demande au motif que le demandeur n'a pas réussi à démontrer l'élément de confusion7

En droit des marques, l'élément de confusion est essentiel. Selon une compréhension classique, elle doit porter sur des produits ou services. Or, en l'espèce, aucune preuve n'aurait vraisemblablement pu supporter un requête en contrefaçon. L'emploi par le défendeur du mot Peinet dans des adresses électroniques libellées pei.net n'a pas été un élément suffisant pour prouver la confusion ainsi que la contrefaçon de marque. Le fait que la marque Peinet ait été utilisé comme une marque dans pei.net. n'a pas convaincu le juge. 

On rencontre une difficulté similaire lorsque la marque est utilisée à des fins d'indexation. Il n'est pas certain que l'utilisateur ne puisse pas distinguer par lui-même l'information pertinente de celle parasitaire et reconnaître ainsi la véritable origine du signe. 

Il faut ajouter que le principe de spécialité, fort connu en droit des marques, restreint le champ de protection de ce droit. Une même marque peut être utilisée dans des secteurs commerciaux différents. Pour qu'il y ait contrefaçon ou atteinte à l'activité commerciale il faut qu'il y ait d'abord reproduction de la marque puis violation d'un droit. Ce lien entre reproduction et violation d'un droit n'est pas automatique, le premier ne menant pas irrémédiablement au second. 

C'est ici qu'il nous faut présenter la distinction entre reproduction passive et reproduction dynamique - distinction que l'on ne trouve pas, à notre connaissance, dans les écrits de doctrine. Il nous semble toutefois important de l'avancer puisqu'elle permet de comprendre le mécanisme de la responsabilité légale statutaire8.

b) La reproduction passive 

La reproduction passive est la reproduction du signe distinctif sans que l'on attache à celle-ci des faits qui, du point de vue de celui qui reproduit le signe, pourraient donner naissance à des effets juridiques spécifiquement prévus par le droit des marques. On pourrait y voir, à l'image du droit d'auteur, l'existence d'une utilisation équitable de la marque. 

Mais qu'entend-on par effets spécifiques ? Il est un présupposé que la reproduction, pour contrevenir aux règles du droit des marques, doit vicier le bon déroulement des affaires ou à toutes fins utiles entrer dans l'objectif législatif général de la protection des marques. C'est ici que l'on circonscrit le champ d'application de ce droit. Parfois, cependant, la reproduction est initiée en vertu d'un autre droit privatif ou à des fins autres que l'immixtion dans ce champ légal de protection. Certaines utilisations, notamment, devront être analysées à la lumière de principes constitutionnels9

La Cour d'appel nous a offert très récemment un exemple très intéressant de reproduction passive. Dans l'affaire Michelin, le juge Teitelbaum refuse de sanctionner l'utilisation par un syndicat du Bibendum Michelin et de la marque Michelin, tout deux reproduits sur des pamphlets distribués à des fins de revendication syndicale. Le juge reprenant la jurisprudence Clairol 10s'exprime en ces termes :
 

"The Defendants' actions in this particular instance do not fall under the ambit of "use" of marks in association with wares or services under Section 20 and Section 22 of the trade-marks Act. The fact that the union organizing activities might have reaped financial rewards does not alter my crucila determination that Trademarks were not "used" in association with wares or services under Section 4(1) criteria for "use". There can be no use in association with wares under Section 4(1) requires association during the ordinary course of trade. Handing out leaflets and pamphlets to recruit members into a trade union does not qualify under that test as commercial activity". 

 

Par extrapolation seulement, on infère de certaines utilisations parasites, des effets indirects affectant ce que l'on peut appeler l'image de marque11. Dégagée par la jurisprudence, il s'agit d'une zone grise aux contours des droits privatifs. Ce sont alors les droits de responsabilité délictuelle qui s'appliquent. Sous ce terme générique "d'image de marque" on regroupe tous les éléments d'une entreprise qui ont une valeur pour le rayonnement de la marque et qui ne présupposent pas forcément reproduction de celle-ci. 

Peut-il y avoir ouverture d'une action contre la reproduction d'une marque sans qu'il y ait confusion ? Songeons à la marque Microsoft reproduite servilement dans le code source d'une page HTML présentant des recettes de cuisine ou une suite de photos de famille. La solution va varier, selon les pays, en fonction du caractère déclaratif ou attributif du dépôt de marque 

En droit français, le dépôt de la marque est en principe attributif12 de droit, ce qui crée ainsi une présomption de confusion à l'égard des signes identiques désignant les mêmes produits. Le droit existe du seul fait de l'enregistrement. C'est alors à la défense de prouver une antériorité ou l'extinction du droit du titulaire des droits sur la marque, par exemple, le non-usage. En général, l'enregistrement permet d'opposer un droit qu'il est très difficile de contester quand bien même il s'agirait de produits ou de services différents. La présomption joue donc ici un rôle crucial et s'étend parfois hors de son cadre législative originel. Le 21 août 1997, un tribunal de première instance français a sanctionné l'utilisation du nom de domaine Saint-tropez.com par une entreprise commerciale. Selon la Cour, le nom de domaine contrefait la marque Saint Tropez régulièrement enregistrée par la commune du même nom13. Cet arrêt est intéressant dans la mesure où la Cour fait référence à la seule notion de "mot-clef" pour confirmer la confusion et affirmer le droit que confère l'enregistrement : 
 

"Constatant que la société Eurovirtuel, prétend que le site Saint Tropez, qu'elle exploite, ne pouvait subir de confusion avec celui de la collectivité propriétaire de la marque, dans la mesure où son adresse comportait une extension com et qu'un avertissement destiné aux utilisateurs précédait l'accès aux informations mises à leur disposition en les avisant qu'ils n'accédaient pas aux renseignements diffusés par la commune de Saint-Tropez; Que ces moyens ne résistent pas à l'examen en l'état de l'aveu même de la société Eurovirtuel, qui dans un courrier en date du 5 mars 1996, a précisé que la procédure d'accès au site Saint-Tropez, était simplifiée par la recherche du mot clé "Saint Tropez"14 

 

En droit canadien, le dépôt est déclaratif, il confirme un droit que l'usage à fait naître. L'existence du droit précède donc le dépôt15. Dans ce cas, ce n'est pas tant la reproduction de la marque que l'on cherchera à prévenir mais surtout le risque que la clientèle se méprenne sur le produit ou le service. La simple reproduction matérielle de la marque est certes un élément nécessaire mais ne sera pas toujours assortie d'effets juridique. C'est la notion pivot d'usage qui fait basculer le mécanisme juridique du côté de la responsabilité ou non. Ainsi que nous l'avons vu avec les conclusions de l'affaire Michelin, les textes des articles 19, 20 et 22 LMC ont été interprétés de manière stricte. De la même façon que l'usage est nécessaire pour l'acquisition du droit, il faut, pour qu'il soit sanctionné, que l'on puisse démontrer qu'il y eu usage de la marque au sens de l'article 4(1) de la loi. La question se teinte d'un nuance supplémentaire : la reproduction conduit-elle à un usage prohibé ? En l'état actuel de la jurisprudence canadienne, on ne pourrait certainement pas opposer un droit de marque à la personne qui a enregistré un nom de domaine sans créer de site (par exemple pour réserver son propre nom patronymique) ou encore lorsqu'il attribue à un site un contenu sans aucun lien avec la marque. De la même façon, l'utilisation d'un mot-clef pour indexer une page vierge, banale, ou contenant des revendications syndicales - comme dans l'affaire Michelin - ou autres entraînerait les mêmes conclusions. 

En droit canadien donc, c'est bien plutôt la reproduction dynamique que le titulaire d'une marque pourra faire cesser. Le test est donc celui de l'usage prohibé plutôt que celui plus succinct de simple reproduction. En droit français, étrangement, un test semblable au premier est utilisé pour qualifier l'acte de concurrence déloyale et non celui de l'acte de contrefaçon stricto sensu qui ne requiert pas de la part du demandeur de prouver l'effet dommageable de la reproduction. Comme nous le verrons au sujet de la reproduction dynamique (ou active), le droit canadien, compris de manière large, s'apparente au droit français lorsqu'on en vient à considérer l'action en concurrence déloyale ou celle permettant de protéger le marque renommée.

c) La reproduction dynamique 

La reproduction dynamique se déduit, a contrario, de la définition de la reproduction passive : il y a reproduction dynamique lorsque les effets juridiques de la reproduction entrent dans le champ légal de protection. Dans ce cas, on applique un critère d'appréciation objectif : on examine l'interaction entre les faits et les effets qu'ils produisent à la lumière d'un contexte commercial donné. C'est dans ce cadre que s'apprécie le critère à contenu variable de la confusion. Les tribunaux canadiens seraient bien inspirés de suivre la solution dégagée par la Cour américaine dans l'affaire Insituform16. Le litige opposait deux concurrents. L'un d'eux avait placé la marque de son rival entre les balises META. Dans ce contexte, l'emploi de la marque d'un autre va au-delà de la simple reproduction passive : le détournement de la clientèle vers ses produits ou ses services est le but recherché. L'acte matériel ainsi posé n'est pas détachable de ses effets. La reproduction dynamique conduit à s'assurer qu'un intérêt commercial juridiquement protégé a été créé. C'est-à-dire que de la ressemblance entre deux signes est susceptible de constituer un détournement de clientèle. 

Rappelons que de manière générale, la question de la confusion ouvre le champ à trois actions qui peuvent être conjointes : l'action en contrefaçon proprement dite (art. 6, 20, 22 LMC) qui peut viser à sanctionner un délit (art. 406 et s. Code criminel) ou constituer le fondement d'une action en concurrence déloyale soit "statutaire" (art. 7 LMC) soit relevant de la responsabilité délictuelle de droit commun17 (action de common law ou passing off ou selon les règles de la responsabilité civile du Code civil du Québec). 

La distinction entre ces trois recours réside principalement, selon nous, dans les règles de preuve. La notion de confusion reste l'élément essentiel puisqu'elle fait corps avec le fait que l'on cherche à réprimer : la concurrence déloyale ou l'acte parasitaire. Si en droit français il n'est pas besoin de recourir plus qu'il n'est nécessaire à la notion de confusion proprement dite pour l'action en contrefaçon, puisque l'existence d'activités un moindrement concurrentes et la reproduction de la marque suffisent, le succès d'une action en concurrence déloyale en dépend étroitement. En droit canadien elle est au coeur à la fois de l'action en contrefaçon et de celle pour concurrence déloyale qui est codifiée dans la loi sur les marques de commerce. 

Il faut ajouter que de tous ces recours, celui fondé sur le droit des marques est souvent le plus recherché. Il est plus précis et moins encombrant au niveau probatoire. Les autres actions sont proposées généralement à titre accessoire ou secondaire.

B. Les moyens de protection spéciaux de l'information 

On voit également apparaître depuis quelques temps, en sus des moyens décrits plus haut, un ensemble de règles connexes parfois sui generis qui élargissent les prérogatives des détenteurs d'informations - étant compris que la marque elle-même est véhicule d'informations. À l'instar de l'Anti-dilution right américain, il existe dans la plupart des pays un régime extraordinaire de protection pour les marques notoires (1). 

Bien plus souvent que le plein contenu, ce sont ces concentrés d'information, ces mots-clefs, ces liens hypertextes, qui créent la richesse informationnelle. Internet doit être vu comme une base de données unique composée dans une certaine mesure de parties privatives, de sous-banques de données. L'insertion non autorisée d'un lien sur sa page pourrait être perçue comme un type nouveau d'appropriation déloyale d'informations.  

À l'exemple de la directive européenne "banque de données" et du droit d'extraction déloyale qui y est prévu, le Congrès américain étudie à l'heure actuelle un projet de loi qui introduirait en droit américain la notion de "misappropriation of collections informations". Ce type moderne de droit devrait apporter des solutions inattendues dans le cyberespace. C'est en tout cas la thèse que nous défendrons (2).

1. L'extension de la protection des marques au-delà du principe de spécialité et de l'usage en tant que marque 

Nous analyserons cette question d'abord sous l'angle des droits nationaux (a) avant de présenter les évolutions récentes du droit international (b).

a) Les innovations des droits nationaux 

Selon les cas, les moyens que nous présenterons pourront s'avérer décisifs dans la recherche de la protection d'une marque ou d'un signe distinctif. Ainsi, leur caractère spécial n'enlève pas l'importance particulière de tel ou tel mode de protection. 

La notoriété d'une marque fera parfois échec au principe de spécialité ou à la reproduction passive d'une marque. Il ne faut plus, cette fois, avoir recours à la notion de confusion (nous avons vu les difficultés que ce concept posait) mais bien à d'autres concepts introduits par les systèmes nationaux, parfois par le législateur lui-même. On parle alors de dilution18, de dépréciation de l'achalandage19 ou de parasitisme20

On peut se demander en effet si le principe de spécialité ne devrait pas céder le pas à la protection de ces marques dites notoires ou réputées. On pourrait alors sanctionner l'utilisation quelconque de cette catégorie de marques pour des produits ou services différents et ce, indépendamment du fait qu'elles soient utilisées comme une marque. Les principes dégagés par la jurisprudence Clairol et confirmés par la jurisprudence Michelin pourraient-ils être renversés ? Avant de conclure, il nous faut revenir à quelques principes dégagés par la jurisprudence canadienne. 

Les marques connues bénéficient de manière générale d'une protection plus forte que les marques de moindre renom21, ce qui a ouvert la voie à certaines solutions prétoriennes dérogatoires. Le juge canadien a déjà étendu la protection d'une marque notoire dans un cas d'espèce mettant en cause des activités totalement différentes de deux commerçants mais qui, au yeux du consommateur, pourrait créer une certaine forme de confusion22. Dans l'affaire Visa, en effet, le tribunal a retenu que l'usage du mot "visa" par une société de vente d'automobiles est susceptible de créer une confusion et d'entraîner la diminution de l'achalandage attaché à cette marque. En l'espèce, la défenderesse avait juxtaposé le mot "visa" au mot "auto" dans sa dénomination sociale ("Auto Visa Inc.") ainsi que sur ses papiers d'affaire. On aurait pu penser que cette solution extensive s'appliquerait a fortiori aux mots-clefs utilisés dans la programmation META et aux noms de domaine reproduisant la marque notoire. Les décisions Michelin et Clairol nous éloignent définitivement de cette approche. 

Ces arrêts, qui concernent indéniablement des marques notoires, laisseront probablement peu de place à une interprétation laxiste de la Loi sur les marques de commerce. Les solutions strictes qui y sont dégagées sont antinomiques à l'idée d'une protection extensive, hors des cas où la marque est utilisée en conformité avec la définition de 4(1) LMC. La jurisprudence Visa restera très certainement lettre morte à moins que le juge canadien interprète autrement l'article 22 LMC. 

On rapprochera ces réflexions d'une décision américaine récente au cours de laquelle le juge américain évoque la notion d'usage équitable d'une marque de commerce. Usage équitable que l'on peut voir comme une méthode tempérant l'application rigide du droit privatif. Dans l'affaire Patmont Motor Werks, Inc. v. Gateway Marine, le défendeur utilise la marque de commerce Go-Peds dans le texte même d'une page Web afin de procéder à la promotion et à la vente des produits - des scooters - de la demanderesse. Le commerce et la publicité des produits Go-Peds via Internet lui échappant totalement, la compagnie Patmont tente, en vain, de trouver une issue au litige par voie de négociation. Elle demande alors au tribunal que lui soit reconnu le droit d'interdire l'utilisation de sa marque sur le site Internet. Le tribunal déboute le demandeur aux motifs que : 
 

"Go-Peds simply are not identifiable without using the word "Go-Ped," and it would be impossible for [the defendant] Anthony to do business if the law of trademark forced him to advertise his inventory as, for instance, "small, motorized scooters manufactured by a well-known corporation." Indeed, it is no more possible to refer to Go-Ped scooters without using the Go-Ped mark "than it is to refer to the Chicago Bulls, Volkswagens or the Boston Marathon without using the[ir] trademark[s]. [...]

  

[...] (T)he website in question, see Complaint, Exh. E, refers to the Go-Ped mark only to the extent necessary for Anthony to identify the particular brand of scooter that he had for sale. The website does not, for example, make use of any distinctive Go-Ped logo. [...]

  

(N)othing in Anthony DeBartolo's website could possibly be construed to indicate Patmont's sponsorship or endorsement. Indeed, the Court would find incredible any argument to the contrary given the website's disparagement of Go-Peds as unsafe and of Patmont management as criminally anti-competitive. The Court finds that defendant's use of the Go-Ped mark in his website was fair use as a matter of law."

 

En France, l'article 713-5, al. 1 du Code de la propriété intellectuelle reconnaît une très large protection aux marques dites renommées23. Cette disposition reprend les règles prétoriennes dégagées autour de la notion de parasitisme économique. Les cours sanctionnaient, avant même l'intervention du législateur, cet abus contraire aux usages honnêtes de la vie commerciale. Certaines conditions ont été reprises par le texte de la loi. La marque en cause doit donc être de "[&hellip;] renommée, son utilisation par un tiers doit être de nature préjudiciable ou constituer une exploitation injustifiée de la marque et elle ne doit pas se heurter à l'exception de juste"24. Ni la jurisprudence antérieure, ni la règle de 713-5 CPI, ne permet cependant d'écarter per se le principe de spécialité qui peut encore être opposée à des marques très célèbres25

La Cour d'appel de Paris a en effet récemment refusé de condamner une société qui a repris la marque Monte-Cristo pour désigner des alcools. Et, argument intéressant, la Cour souligne sa motivation en précisant qu'il serait improbable que la clientèle fasse la confusion relativement à l'origine des produits; la clientèle des alcools étant différente de celle des cigares26. Cette analyse sera-t-elle suivie dans le cas de l'utilisation d'une marque célèbre dans le libellé d'un fichier ou à des fins d'indexation du document ? Il est trop tôt pour répondre à cette question. 

La notoriété donne droit à une action en contrefaçon justement lorsque les produits ne relevant pas de la même catégorie s'adressent à la même clientèle. La Cour de cassation à confirmé ce principe dans l'affaire Décathlon en énonçant que c'est à bon droit que la Cour d'appel retient la contrefaçon de la marque notoire. La Cour d'appel avait en effet constaté que "tout consommateur, d'attention moyenne, pouvait, notamment en raison de la notoriété de la marque de la société Décathlon, associer tout service à caractère sportif à cette société"27

Les systèmes nationaux ont donc, dans une certaine mesure, adopté le plus souvent des mécanismes juridiques appropriés qui permettent d'éviter l'amoindrissement de la qualité distinctive d'une marque connue. Nous avons vu que sous l'impulsion du droit communautaire, la France protège certaines marques notoires au-delà de la sphère de protection délimitée par le principe de spécialité. Le droit français porte une attention particulière à la nature préjudiciable de l'acte. Celui-ci s'analyse en mettant en évidence l'affaiblissement du caractère distinctif de la marque, de son pouvoir attractif en d'autres termes. 

Ce concept se retrouve en droit américain sous le vocable de "dilution". L'Anti-dilution Act de 1990 qui sanctionne cet affaiblissement du caractère distinctif a été très largement utilisé pour sanctionner l'utilisation d'une marque connue lorsque celle-ci compose un nom de domaine28. Ainsi que concluait récemment un commentateur américain : 

"(T)he new U.S. statute protecting famous marks is a recognition that famous trademarks, created by vast advertising and media resources, play an expanded role in our consumer society, and that the owners of such marks should be encouraged to extend time, effort and money to create unique `brand identities' for their products and services"29

 

A titre de comparaison, on mentionnera cet extrait d'un arrêt du TGI de Paris : "[le demandeur] peut en se fondant sur la règle de l'abus de droit, demander qu'il soit interdit à un tiers de faire usage de sa marque pour désigner ses produits ou services non visés au dépôt de cette marque, notamment lorsque cette utilisation est de nature à créer une confusion susceptible d'avilir l'image de la marque invoquée, de détruire son unicité et par suite d'affaiblir son pouvoir attractif"30

La particularité de ces moyens juridiques réside en l'assouplissement des conditions d'octroi de la protection légale31. On cherche ainsi à condamner l'utilisation de marques similaires pour des produits ou services qui n'appartiennent pas aux mêmes catégories. 

Notons enfin que le droit positif canadien ne devrait pas être en reste puisque l'article 22 s'avérerait être un moyen efficace pour prévenir des différents types d'utilisation d'une marque lorsqu'elle mène à sa dilution. Pourtant, encore une fois, l'application de ce texte sera rare puisque il est soumis, selon son interprétation dans les affaires Clairol et Michelin, aux mêmes exigences que l'article 2032. Selon cette jurisprudence l'article 22(1) prohibe l'utilisation d'une marque dans une publicité comparative honnête de services lorsque cette publicité est placée sur son emballage ou sur la marchandise elle-même33. Pour Jacques Léger, ce jugement "restreint l'application de l'article 22 au seul cas où la marque enregistrée est "employée" par la partie défenderesse conformément à la définition données à ce terme à l'article 4 de la loi. Ce jugement exclut notamment tout emploi fait par des tiers non autorisés d'une marque de commerce enregistrée, par exemple, dans de la publicité "34. Cette solution n'est peut-être plus adaptée à la protection de l'information requise par le développement du commerce électronique. L'enregistrement par un tiers d'une marque célèbre en tant que nom de domaine provoquera dans certains cas la dilution de la marque. Quiconque enregistre ou utilise la marque Microsoft se doute bien qu'il attirera sur son site de nombreux utilisateurs désireux de se renseigner sur les produits et services de cette célèbre compagnie. L'article 22 pourrait être, dans ces circonstances, un précieux remède lorsque ce tiers oppose le principe de spécialité. 

Le caractère notoire d'une marque justifierait une sorte de régime dérogatoire aux principes généraux du droit des marques35. Comme nous l'avons vu, c'est une tendance que l'on observe de plus en plus et qui tend à être consacrée soit par la jurisprudence - exception faite de la jurisprudence canadienne si on en croit les arrêts Clairol et Michelin, et dans une moindre mesure, il faut le reconnaître, par les législations nationales, soit encore par les instruments internationaux qu'ils soient régionaux36 ou bilatéraux. En cela, le légiste cherche à sanctionner des actes considérés déloyaux en matière commerciale et qui diminuent la valeur des actifs immatériels. On parlera ainsi de parasitisme, de "profit indu"37, d'"exploitation injustifiée"38 ou encore de détournement de clientèle.

b) Le droit international 

L'organisation du réseau est, pour une large part, affaire de techniciens. De ce fait, la rédaction des traités en propriété intellectuelle délaisse peu à peu un processus d'élaboration classique de règles pour intégrer les paramètres des sciences informatiques. Nul traité sans horde d'experts techniques, ce sera la devise des négociations du XXIième siècle. Pour s'en rendre compte, nous avons choisi de présenter les accords internationaux qui peuvent avoir une influence sur la façon dont le droit s'accommode aux nouveaux types de conflits tel que l'appropriation des signes distinctifs - mots-clefs, nom de domaine. Nous verrons que leur apport est restreint notamment parce qu'ils concernent presque exclusivement le droit des marques (i). À moyen terme, les travaux à nature plus réglementaire et la création de normes techniques s'avéreront plus efficaces. Leurs objets et les institutions dont ils émanent sont des plus divers (ii).

i) Les accords internationaux de type législatifs 

Les traités internationaux en particulier sont par prédilection les instruments de base de l'harmonisation minimale en matière de propriété intellectuelle. Que l'on songe par exemple à la réussite de la Convention de Berne. 

Leur efficacité au sein des systèmes nationaux peut pourtant être contestée puisque, ayant rarement force de loi, il n'en reste pas moins qu'ils sont l'émanation d'une conscience politique internationale et servent au bon développement des échanges commerciaux. Pourtant, plusieurs éléments nous font malgré tout douter de leur pertinence quand à la protection de l'information sur l'Internet. D'abord, bien plus que pour l'adoption de loi nationale, la rédaction d'un traité est le fruit d'un long processus de négociation qui s'allie mal au développement de l'Internet. Ensuite, les traités que nous mentionnons, bien que de formulation très générale, ne permettent pas d'interprétation large ou téléologique. En effet, la législation internationale est une concession des États quant à leur domaine réservé de faire des lois. Nous nous contenterons donc de mentionner les outils internationaux les plus pertinents. 

Une directive européenne du 21 décembre 1991 enjoint les États membres d'adapter leur législation afin de condamner l'utilisation d'une marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires lorsque cette marque "jouit antérieurement d'une renommée dans la Communauté"39.  

L'article 1708 (6) de l'Accord de Libre Échange Nord-américain oblige les parties à suivre la règle de l'article 6bis de la Convention de Paris sur la protection des marques notoires40. Mais, précisons, cette disposition de la Convention de Paris vise à protéger la marque notoire non enregistrée contre son dépôt ou son usage par un tiers pour des produits ou services identiques et non à étendre la protection de celle-ci pour des produits ou services distincts. Si la Convention de Paris41 préfigurait déjà la volonté d'atténuer les effets de la territorialité, son étendue n'allait pas jusqu'à dénaturer et outrepasser le principe de spécialité des marques de commerce. Son article 6bis dont la version finale fut retenue à Lisbonne en 1958 énonce que "[&hellip;]les pays de l'Union s'engagent, soit d'office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l'intéressé, à refuser ou à invalider l'enregistrement et à interdire l'usage d'une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l'imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d'une marque que l'autorité compétente du pays de l'enregistrement ou de l'usage estimera y être notoirement connue...". Ainsi que l'écrit Dominique Brand, "[..]certains propriétaires se sont mépris sur la portée exacte de cet article. Son but unique est d'autoriser le titulaire d'une dénomination réputée à empêcher l'inscription ou l'utilisation par un tiers. Il permet d'agir sans avoir accompli localement et préalablement les formalités habituelles d'acquisition du droit des marques, car la désignation est protégée indépendamment des modes traditionnels d'appropriation et sur la seule base de la notoriété42". Ainsi, et sans entrer dans les détails de son fonctionnement, cette disposition n'a que peu d'effets et son champ d'application ne s'étend pas au-delà de la similarité des produits. Le fait que le Canada ait adopté le système de dépôt déclaratif de droit, et donc que le droit sur une marque s'acquiert part l'usage effectif et non par la formalité, confère un faible intérêt à ces dispositions. 

D'autres pays tel que la Chine font des efforts constants depuis quelques années afin de protéger les marques notoires, efforts qui sont concrétisés par la signature en 1985 de la Convention de Paris et en 1995 de l'accord sino-américain sur la protection des marques notoires43

Les marques de commerce constituent du fait de leur pouvoir d'attraction des noms de domaine d'une valeur primordiale. Il reste à déterminer si la protection des marques notoire, au-delà de la protection classique, pour des situations particulières ou pour des produits et services différents est une solution adéquate pour les noms de domaine. La réponse réside essentiellement dans la définition de la marque connue. Un comité d'experts réunis à l'initiative de l'OMPI à remis en novembre 1996 un document d'étude afin d'éclaircir la définition d'un marque notoire. Il a été proposé que les juges nationaux intègrent dans leur travail d'interprétation deux méthodes complémentaires: la méthode quantitative et la méthode qualitative44. La première sert à évaluer dans quelle mesure la marque est connue dans le pays où est demandée la protection. On prend en compte, dans ce cas, le public visé par la marque. La seconde, plus nouvelle, s'appuie sur des données comptables. On détermine ainsi la valeur financière d'une marque.

ii) Les travaux de nature réglementaire et technique 

Le gouvernement américain mettra bientôt un terme au contrat qui le liait à la société Network Solutions, Inc. (N.S.I.) actuellement seul organisme privé à administrer les noms de domaine à terminaison générique ou gTLD pour "Generic Top Level Domain" (.com, .mil, .org., .int, .net.). Au cours des dernières années, la gestion commerciale de ces noms s'est avérée être une entreprise fructueuse pour cette société qui bénéficie d'un monopole exclusif. 

Cet accord avait porté le flan à de nombreuses critiques surtout en raison des conflits qui opposaient les noms de domaine aux marques de commerce. Jusqu'en 1995, la N.S.I. s'était contenté d'octroyer un nom de domaine au premier requérant sans se préoccuper de l'étendue des droits de ce dernier d'où les litiges inévitables opposant les titulaires de droit de marque au détenteur du nom de domaine. Dans un premier temps, la N.S.I. se dégagea de toute responsabilité pouvant résulter d'un tel conflit puis, rectifiant peu à peu sa politique de différends publiée pour la première fois en juillet 1995, elle proposa certaines solutions en vue d'éviter, autant que possible, la foudre des propriétaires de marques. Ainsi, de révision en révision, ces derniers ont obtenu une protection plus efficace de la marque avec, notamment, l'adoption d'une procédure de suspension du nom de domaine lorsque celui-ci fait l'objet d'une contestation. 

Même dans sa dernière version, datée du 25 février 1998, cette politique restait pourtant largement insatisfaisante. Le principe de spécialité des marques, notamment, empêche que l'on puisse opposer son droit à l'utilisation du même signe pour des produits ou services différents. De même, les particuliers dont le nom patronymique ressemble ou est identique à une marque peuvent faire échec à toute réclamation du titulaire des droits sur ladite marque. Bref, c'est la rareté des signes génériques qui place la société N.S.I. dans une position sans issue; d'où la mise en place par l'I.H.A.C. (International Ad Hoc Comittee) d'un groupe de travail dont la tâche fut d'apporter des correctifs à la gestion des noms de domaine. En 1996, l'I.H.A.C. fit connaître son projet qui comportait deux éléments essentiels : la création de nouveaux g.T.L.D. et la formation au niveau international d'une association à but non-lucratif des organismes d'enregistrement, le C.O.R.E. (Council of Registrars basé en Suisse). En même temps, les membres de l'I.H.A.C. se retrouvent au sein d'un nouvel organisme central et gestionnaire du projet, le P.O.C. (Policy Oversight Committee) qui remplace dorénavant l'I.H.A.C. 

Les travaux de l'I.H.A.C. furent repris dans un rapport final (ci-après rapport final) dénommé gTLD-MoU émis le 4 février 199745. Voici les éléments essentiels de ce rapport auquel ont adhéré de nombreux organismes tels que l'O.M.P.I et la National Science Foundation : la création de 7 nouveaux g.T.L.D. classés par catégorie facilement identifiables (.firm; .shop; .web; .arts; .rec pour "recreational entertainment activities"; .info; .nom). Voila pour les g.T.L.D. En ce qui concerne les domaines de second niveau (second level domain name par exemple WIPO.org) le requérant d'un nom de domaine s'oblige, selon les propositions contenu au rapport final, à soumettre tout litige à une commission d'enquête (A.C.P. pour Administrative Domain Name Challenge Panels) travaillant en collaboration avec le centre d'arbitrage de l'O.M.P.I.46. Il faut noter en effet que l'O.M.P.I. est un des organismes qui à collaboré à la rédaction du rapport final du 4 février 1997. Cette chambre se voit conférer de larges pouvoirs tels que la suspension d'un nom de domaine, l'attribution à une tierce personne, le règlement de conflits entre propriétaire d'une marque et celui d'un nom, l'examen des certificats de dépôt de marque, l'exclusion de certains noms de domaine. 

Le rapport final contient également certaines résolutions, plus procédurales cette fois, mais qui ont d'importantes conséquences sur le mécanisme de règlement des différends et qui mettent en oeuvres les mécanismes prévus par l'O.M.P.I47. Un tiers peut avoir accès à un mécanisme de médiation en ligne mis en place par l'O.M.P.I. Il peut également opter pour une procédure plus expéditive en soumettant le litige à l'arbitrage. Dans ce cas, des règles plus formalistes encadrent l'intervention des arbitres de l'O.M.P.I. Enfin, la proposition laisse le choix aux parties de déférer leur dossier devant une autorité judiciaire. Notons ici que le rapport oblige le requérant à donner juridiction au tribunal du lieu dans lequel l'organisme d'enregistrement avait été consulté. 

Parallèlement à ces recommandations faites au niveau international en étroite collaboration avec l'O.M.P.I., le gouvernement américain - Departement of Commerce - publia le 30 janvier 1998 un document ("green paper") faisant état de sa position sur la question48. Il reprend l'idée de la proposition du C.O.R.E. d'étendre la liste des g.T.L.D. disponibles (mais ne les nomme pas) ainsi que celles de multiplier les organismes d'enregistrement et d'adopter un mécanisme de règlement des différends en ligne. 

La réponse de C.O.R.E. à la "proposition américaine pour améliorer la gestion technique des noms et des adresses internet" ne se fit pas attendre et le 22 mars 1998, C.O.R.E. rendit public un commentaire à son endroit49. C.O.R.E. critique l'omniprésence du gouvernement américain dans la gestion et le choix des g.T.L.D. ainsi que la place faite à la société N.S.I. qui pourrait bénéficier directement de la mise en place de la proposition américaine. Ces critiques sont éminemment politiques et le "green paper" américain reste à la lecture assez neutre bien que l'on puisse y lire la volonté du gouvernement américain de rester chef de file de la réforme envisagée. Pour rectifier ces "irrégularités" reprochées, C.O.R.E. énonce dix étapes ("Ten Steps") afin d'arriver à un compromis acceptable pour la communauté internationale. Voici les points essentiels : redonner à l'I.A.N.A. (l'organisme chapeautant feu I.H.A.C. et désormais C.O.R.E.) son autorité et sa fonction d'organisme de représentation des registraires; exclure l'immixtion des gouvernements dans le financement et le contrôle de l'infrastructure à développer, favoriser l'autofinancement; suivre les recommandation de C.O.R.E. quand à l'évolution et l'harmonisation des règles de gestion des noms de domaine et à la création de nouveaux g.T.L.D.; gérer les g.T.L.D. actuels .com, .org et .net sur une base non-lucrative et ouvrir à tous les organismes d'enregistrement. 

L'O.M.P.I., à la demande de ses membres, à également constitué une cellule de travail pour tenter d'apporter des solutions à la gestion des noms de domaines. Un premier "Memorandum" du Bureau international, publié le 26 mars 1997, présenta de manière concise les questions à résoudre (notamment le conflit avec la propriété intellectuelle) et l'état de la technique quant à l'attribution des adresses Internet50. Le 16 mai 1997, un deuxième "Memorandum" vint affirmer la nécessité d'instaurer un mécanisme de réglement des différends sous l'égide du centre d'arbitrage de l'O.M.P.I.51 Laissant à l'IHAC le soin de définir une politique commune quant à l'administration des g.T.L.D. et au contrôle des registraires, l'O.M.P.I. se réserve ainsi le règlement des différends par la mise en place d'un site Internet, un type de cybertribunal consacré aux noms de domaine.

2. L'apparition des droits sui generis 

Toutes les marques ne sont pas des "supermarques" et seront de ce fait exclues d'un régime de protection extraordinaire. De la même façon, le droit de la concurrence déloyale a les défaut de ses qualités : il est un droit flexible, mouvant et principalement sert à réparer. De ce fait, il n'est que peu préventif et on pourrait dire de lui qu'il est l'instrument juridique de "tout usage". Sa fonction est dissoute dans l'emploi très varié qui en est fait. 

Ce serait également une vue étroite de l'esprit que de considérer la protection des marques comme la seule qui mérite l'attention du praticien. Les cas d'espèce présentés lors de notre première partie et touchant de près l'organisation de l'information et, il est vrai le droit des marques, ne sont que des illustrations d'un phénomène plus vaste qu'est l'appropriation d'informations. À la manipulation des outils de recherche, la ruée vers l'enregistrement des noms de domaine doivent s'ajouter des agissements qui appellent l'intervention du juriste. Pour la plupart actes parasitaires, ils ont été nommés par des termes barabares. On parle alors du "linking right," "framing right" en attendant d'autres manifestations du "ing right". D'une manière plus synthétique il nous semble qu'un nouveau type de droit sui generis serait plus adapté à embrasser ces nouvelles réalités. On en trouve d'ailleurs une illustration probante avec le droit d'extraction déloyale. Nous verrons donc sa genèse en droit européen (a) puis l'écho que peut avoir un tel droit en droit international (b).

a) La genèse du droit d'extraction déloyale 

Il est apparu que les banques de données factuelles - annuaires, etc ... - échappaient à la protection du droit d'auteur qui exige la manifestation d'un certain niveau d'originalité. On peut étendre ce constat à la plupart des systèmes juridiques, qu'il soit de type continental, de common law ou mixte. Cette rigidité naturelle du droit s'explique par son histoire par le socle philosophique dans lequel il est rivé. Il serait d'ailleurs malaisé de l'y déloger. Cependant, il faut convenir que dans une ère ou l'industrie du multimédia est en pleine expansion, les compilations de tout genre sont d'une valeur commerciale incontestable. De ce fait, et devant les règles inflexibles du droit d'auteur, les pays membres de la communauté européenne ont participé à d'actives discussions pour finalement trouver un compromis sous la forme d'un droit d'extraction déloyale. L'apparition de ce droit va de pair avec l'évolution exponentielle des échanges de données sur Internet. 

Internet peut être vu comme un ensemble complexe de bases de données. Les moteurs de recherches sont les outils qui aident à leur utilisation. Si l'on regarde attentivement les régimes juridiques de banques de données et de leur mise en oeuvre par la jurisprudence, on constate que la grande majorité des pays refuse toute protection aux compilations factuelles. 

La jurisprudence canadienne ne fait pas défaut. Dans la récente affaire Télé-Direct52 soumise à la Cour fédérale, la Cour de première instance refuse d'accorder la protection du droit d'auteur à un annuaire téléphonique au motif que le plaignant "[&hellip;]exercised only a minimal degree of skill, judgement or labour in its overall arrangement which is insufficient to support a claim of originality in the compilation so as to warrant copyright protection"53 La Cour d'appel fédérale confirmera par la suite la décision des juges de première instance. Cette décision reprend en grande partie le raisonnement suivi dans la décision Feist rendue en 1991 par la Cour suprême des États-Unis54. Outre le fait qu'elles ébranlent le charismatique principe du "sweat of the brow"55, ces décisions auront peut-être un impact assez inattendu. 

En effet, les banques de recherche automatisée comme celles auxquelles nous renvoient les moteurs de recherche ne présentent aucune originalité. Ou, plus précisement, leur organisation est plus systématique que méthodique. Elles sont le résultat de technique automatique d'indexation. Qui plus est, l'indexation du document lui même répond à une exigence informatique : les mots-clefs qui sont mémorisés automatiquement ainsi que l'URL et d'autres éléments tels que les liens et une partie du contenu du document. Rien dans ce qui vient d'être cité n'est a priori original, sauf conflit avec le droit des marques. Ces "substrats" d'information sont, si l'on reprend les mots de Carbonnier, "oiseaux et liberté". 

De la même manière les liens sont d'une forte valeur informationnelle. Pourtant, le fait d'inscrire un lien dans le code source de son document n'est pas une reproduction illégale au sens de la loi sur le droit d'auteur bien qu'il ajoute une plus value considérable au site qui rend, de ce fait accessible, une oeuvre de compilation (tout site Internet peut être considéré comme étant une compilation). 

À ce stade, deux solutions peuvent être retenues : soit on estime que le lien participe à un acte de communication au public au sens du droit d'auteur (dans ce cas il est soumis à autorisation), soit il est une extraction déloyale d'une partie substantielle de la banque de données que constitue le site. La première de ces solutions est l'une des thèses que l'on avait déjà soutenu dans plusieurs de nos travaux. L'efficacité de ce droit de communication est cependant limitée en ce qu'il présuppose l'existence d'une oeuvre protégée: il faut que l'oeuvre dans laquelle subsiste le droit d'auteur soit communiquée. Ce n'est pas toujours le cas, soit parce que l'oeuvre est du domaine public, soit parce qu'elle ne remplit pas les conditions minimales d'originalité. 

La seconde solution nous est apparue plus tardivement alors que nous avions une vue trop restrictive de ce qu'il faut entendre par compilation ou banque de données. Il est désormais acquis que les liens sont des données particulières qui ne font, en général, pas l'objet d'un droit privatif; d'autant qu'il est de la nature du réseau de multiplier les renvois et références aux documents extérieurs. On pourrait même ajouter que le fait d'interdire de se faire "lier" est usage contraire au fonctionnement d'Internet. Mais usage contraire ne signifie pas systématiquement usage illégal. 

Quoi qu'il en soit, certaines situations révèlent la nécessité d'interdire à ce que les liens hypertextes soient sortis impunément du site qui les répertorie scrupuleusement. Certaines personnes s'appliquent à constituer des banques de données exhaustives qui demandent de nombreuses heures de recherche et de mise à jour. Ces répertoires de liens sont d'une grande utilité et sont protégeables dans leur arrangement, dans leur constitution en tant que compilation ou banque de données. Quel recours ce compilateur aurait-il contre la personne qui viderait le site de son contenu et créerait un site concurrent en disposant les informations d'une manière différente ?  

Le droit d'extraction déloyale, né sous l'égide de l'Union européenne, devrait répondre à cette question. Le droit "d'interdire l'extraction et/ou l'utilisation" du contenu d'une base est prévu à l'article 7 al. 1 de la Directive européenne 96/9. Il s'agit là très certainement de l'une des innovations les plus intéressantes de ces dernières années étant précisé que l'on ne parlait pas ou peu d'Internet. Le législateur européen avait plutôt en tête les banques de données à support statique comme le CD-ROM à l'époque déjà très répandu. On ne songeait certainement pas au répertoire de liens, ni aux liens en tant qu'élément substantiel d'une autre banque de données (un site) située sur un autre serveur. 

En partant, une première précision doit être apportée. Le droit sui generis de l'article 7 alinéa 1 ne visait pas les données prises individuellement. Celles-ci sont soit inappropriables, soit déjà appropriées dans le cas où elles seraient réservées par le droit d'auteur. 

La directive accorde au "fabricant" de la banque de données, pour une durée de 15 ans, le droit "[&hellip;] d'interdire l'extraction et/ou l'utilisation de la totalité ou d'une partie substantielle [...] du contenu". Il faut lire les dispositions subséquentes de la directive pour retrouver une définition des termes employés dans cette formule. L'extraction est définie comme étant la "reproduction" alors que la réutilisation correspond à la "diffusion". Force est de constater que ces définitions n'apportent aucune aide quant à l'interprétation de l'article 7 alinéa 1. En voulant conserver au droit nouveau son caractère sui generis, le législateur a introduit volontairement des notions inexistantes dans d'autres branches du droit et dont le contenu juridique reste à déterminé. De ce fait, les États européens, qui se devaient de mettre en oeuvre la directive avant le mois de janvier 1998, auront bien du mal à ajuster ces concepts nouveaux à leur droit interne. 

Mais plus encore, l'article 9 prévoit la possibilité pour les États membres d'apporter certaines exceptions au droit sui generis56. Il s'agit d'une liberté conditionnelle puisque certaines limites sont prévues. La plus importante d'entre elles concerne la reproduction privée d'une banque de données. Elle n'est permise que lorsque la banque de données n'est pas incorporée sur un support électronique (article 9 a). Même en droit d'auteur, cette restriction n'existe pas, l'usage privé de l'oeuvre étant généralement permis à l'utilisateur légitime. Ainsi que le note le professeur Georges Koumantos, ces dispositions "[&hellip;] risquent de créer une confusion totale dans le domaine des limitations du droit sui generis. Ces limitations sont prévues, (comme possibilité offert aux États membres) en faveur de l'"utilisateur légitime" et à condition que "[la] base de données [soit] mise à la disposition du public (art. 9). [...]"57. L'utilisateur légitime est celui qui a obtenu par contrat l'autorisation du "fabricant" de la banque de données. Le professeur Koumantos est de ce fait d'avis "[&hellip;] qu'un tel utilisateur n'a pas besoin d'invoquer une exception en sa faveur pour pouvoir utiliser la base de données dans les limites fixées par le contrat". 

Cette dernière réflexion doit être poursuivie. La notion d'utilisation légitime fait appel à une idée qui n'a pas véritablement sa place en droit positif et que nous examinerons lorsque nous traiterons des solutions contractuelles : il existe un ensemble de règles qui font échec à l'extension des droits privatifs hors de leur cadre légal, hors même de la loi des parties. On parle alors d'un droit de l'utilisateur qui n'est pas seulement défini par opposition aux droits conférés par la loi ou par le contrat mais qui existe bel et bien et qui prend la forme d'un droit nécessairement variable et non écrit que le juge découvrira à la suite d'une analyse contextuelle.

b) La reconnaissance du droit d'extraction déloyale hors du droit européen  

Dès 1989, l'OMPI et des groupes de travail ont initié des recherches approfondies dans l'objectif de préparer un protocole à la Convention de Berne. Ceci a mené, notamment, à la création en 1992 d'un comité d'experts chargé du dossier des banques de données. Le projet de protocole est présenté en décembre 1996 pour son adoption. Chose remise puisque le document souleva plus de controverses qu'il n'emporta d'approbation, et ce malgré un préambule plutôt séduisant : 

"Desiring to enhance and stimulate the production, distribution and international trade in databases. [...] Recognizing that making of databases requires the investment of considerable human, technical and financial resources but that such databases can be copied or accessed at fraction of the cost needed to design them independently. Desiring to establish a new form of protection for databases by granting rights adequate to enable the makers of databases to recover the investment thay made in their databases... [...]"58

 

On se doutera bien qu'avec un tel préambule, la clef de cette protection internationale est à trouver sous la notion couronnée d'extraction. L'article 3 du projet de traité énonce les droits du fabricant (maker) de banque de données : "The maker of a database eligible for protection under this treaty shall have the right to authorize or prohibit the extraction or utilization of its content". À la lecture de la définition d'extraction comprise à l'article 2, on s'aperçoit que le projet de protocole s'inspire largement de la directive européenne 96/9. De la même façon que celle-ci, l'extraction est définie comme étant le transfert temporaire ou permanent de tout ou d'une partie substantielle du contenu de la banque de données sur un autre medium quelqu'en soit le moyen ou la forme utilisée. 

Plus intéressant cette fois est le retour du principe de l'épuisement, principe qui fait fuir doctrine et praticiens tant les modalités de son application peuvent être complexes. L'article 3 (2) laisse ainsi la possibilité aux plénipotentiaires de prévoir que le droit d'utilisation du paragraphe (1) ne s'appliquera pas à la distribution d'un exemplaire de la banque de données ou encore de sa copie. 

Il est fort à parier que cette disposition, si elle devait être reprise dans l'ordre interne, n'aurait que peu d'utilité puisque d'ici quelques années la plupart des banques de données seront disponibles sur Internet, évitant ainsi la distribution physique du produit. Ce principe de l'épuisement mériterait de plus amples développements mais on se contentera de dire ici qu'il est à interpréter de manière restrictive. Lorsque l'on parle d'épuisement du droit, il s'agit uniquement du droit de distribution de l'exemplaire matériel : une fois mis sur le marché, le CD-ROM, par exemple, peut être revendu librement. Cela ne veut pas dire pour autant que les droits qui grêvent certaines parties de la banque de données ne soient plus efficaces ou que l'on ne puisse plus dans certains cas invoquer un droit de prêt ou de location.

Conclusion : harmonisation du droit et le projet de loi américain 

Les États-Unis ont suivi de près les développements du droit européen59. Cette attitude est due en partie à l'impact médiatique et aux réactions de l'industrie du multimédia qui ont suivi l'affaire Feist60. Ceci à donné lieu en 1996 à l'introduction devant la chambre des représentants du Congrès du Bill H.R. 3531 intitulé "The Database Investment and Intellectual Property Anti-Piracy Act"61. Selon le député Moorhead, initiateur du projet, les modifications portées au Titre 15 U.S. Code "[&hellip;] would prohibit the misappropriation of valuable commercial databases by unscrupulous competitors who grab data collected by others, repackage it, and market a product that threatens competitive injury to the original database"62. Ce projet de loi avait été également présenté lors de la conférence diplomatique de Genève en décembre 1996. 

La réflexion ne s'est pas arrêtée là, puisqu'un an après la publication du Bill H.R. 3531, un nouveau projet de loi sera déposé. Il s'agit du Bill H.R. 2652 qui porte le titre original de "Misappropriation of Collections of Information"63. Cette fois, toute l'attention est portée sur l'aspect préjudiciable existant ou à venir de l'appropriation. On parle toujours d'une partie substantielle d'une collection d'information - et non plus de banques de données, termes qui apparaissaient déjà rétrogrades - mais on insiste plus particulièrement sur l'empiétement potentiel sur le marché du titulaire des droits. Du fait de cette facture très économique du projet, on aurait pu s'attendre à la consécration d'une liberté individuelle d'utiliser les informations disponibles même si celles-ci sont compilées par un tiers. Les termes du projet ne sont pas aussi prometteurs : 

"Gathering or use of information obtained through other means - Nothing in this chapter shall restrict any person from independently gathering information or using information obtained by means other than extracting it from a collection of information gathered, organized, or maintained by another person through the investment of substantial monetary or oher resources"

 

Étant donné que chaque site Internet peut être considéré comme une compilation d'informations demandant d'importants investissements (et quel est le seuil d'investissement à respecter ?) pour sa construction autant que pour sa mise à jour, le résultat du projet de loi serait plutôt pernicieux. Les liens hypertextes feraient, en effet, l'objet d'une spéculation féroce puisque dès lors qu'ils se rattacheront à une compilation d'informations, ils devront être soumis à une autorisation préalable. N'est-ce pas apporter un coût supplémentaire à l'échange de données ?

__________________

1 Ce phénomène n'est certes ni nouveau, ni surprenant. La vie de la loi c'est la vie sociale et économique de la société qui la génère. Cependant Internet accélère le processus de changement de notre société et demande de ce fait au législateur de s'équiper plus rapidement d'outils ou d'adapter des constructions juridiques afin que le droit accompagne les évolutions scientifiques.

2 Pour une étude approfondie, MOYSE P.-E, "Les noms de domaine: un pavé dans la marque", (1997) 9-3 Cahiers de propriété intellectuelle 425.

3 Oppendahl & Larson v. Advanced concepts, Robert A. Welch, (1997 USDC Colorado) disponible sur Internet. http://wwwpatents.com/ac/welchord.sht . Pour des commentaires sommaires de l'injonction, voir D. LOUNDY, "Hidden Code Sparks High-Profile Lawsuit", (1997) C.D.L.B. Technologie Law Column, http://www.loundy.com/CDLB/Meta_Tags.html  

4 D. LOUNDY, précité.

5Insituform Technologies, Inc. et al. v. National EnviroTech Group, L.L.C. et al., (1997 USDC, E.D. La.), Civil Action No. 97-2064. http://www.cll.com/keyword.html . Quelques autres références d'injonction sont disponibles sur le site http://www.patents.com/ac/

6 Parmi les auteurs un certains nombre d'opinions sont même dissidentes. Notamment Marie PINSONNEAULT, "Problématique nouvelle: les marques de commerce et Internet" (1996) 9 Cahiers de propriété intellectuelle 125 et Andrea F. RUSH, "Internet Domain Name Protection: A Canadian Perspective", (1996) 11 I.P.J. 1.

7Peinet Inc. v. O'Brien, (1995) 61 C.P.R. (3d) 334. "The misrepresentation must lead or likely lead the public to believe that the goods or services offered by the defendant are the goods and services of the plaintiff. That has not been established".

8 Principalement les articles 20, 22 et 6 LMC.

9 La jurisprudence Michelin nous apporte une lumière particulière sur ce qu'il faut penser de ce conflit entre liberté d'expression consacrée par la loi constitutionnelle de 1982 et le droit d'auteur. Dans cette affaire Michelin la question est longuement discutée par le juge Teitelbaum. En substance, il conclut que la parodie du Bibendum Michelin utilisée pour des revendications syndicales par les défendeurs implique très certainement des questions d'ordre constitutionnel mais que: "The defendants right to freedom of expression was not restricted. The Charter does not confer right to use private property - the plaintiff copyright - in the service of freedom of expression", Cie Générale des Établissements Michelin-Michelin & Cie v. C.A.W.-Canada, (1996) 71 C.P.R. (3d.) 348, p. 388. Pour un commentaire et résumé de l'affaire, HAYHURST, W.L., (1997) 6 E.I.P.R. D-153.

10Clairol International Corp. c. Thomas Supply & Equipment Co. Ltd, (1968) Fox's Canadian Patent Cases 176.

11Hervé MACCIONI, "L'image de marque, Émergence d'un concept juridique ?", JCP 1996.I.3934. Selon l'auteur l'image de marque est "un bien incorporel constitué par l'ensemble des représentations tendant à singulariser aux yeux du public, la notoriété d'une marque - ou de tout autre élément pouvant avoir une valeur économique - et qui résulte de nombreux investissements (notamment publicitaires et marketing)". Sauf respect pour son auteur cette définition ne nous mène pas très loin et on peut douter de sa fonction au sein du mécanisme juridique de protection d'une activité commerciale.

12 Yves SAINT-GAL, "Marques : obligation d'usage en droit comparé" dans Hommage à Henri Desbois, Paris, Dalloz, 1974, p. 229, 232-233.

13 Tribunal de Grande Instance de Draguignan, 21 août 1997, 1ère chambre civile. Disponible à l'adresse Internet : http://www.legalis.net/legalnet/

14Ibidem.

15 Bien que les mots du juge concerne la dénommination sociale (trade name), la décision Peinet nous donne une illustration intéressante de ces phénomènes juridiques qui font qu'un droit privatif puisse naître de l'usage. Dans cette affaire le juge tiendra uniquement compte de la requête en concurence déloyale (passing off). En effet, ainsi qu'il le note : "[I am not] satisfied that the plaintiff has established himself in business under its trade name for such a reasonable time and to such a reasonable extent that it has acquired a reputation under that trade name that would prevent the defendants from using a similar name". Peinet, précité, note XXX.

16Insituform Technologies, Inc. et al. v. National EnviroTech Group, L.L.C. et al., (1997 USDC, E.D. La.), Civil Action No. 97-2064. http://www.cll.com/keyword.html. Quelques autres références d'injonction sont disponibles sur le site http://www.patents.com/ac/

17Dans l'affaire Saint-Tropez le juge ne se penche pas d'avantage sur la description des activités de la défenderesse. Dans son volet contrefaçon le juge français relève que "l'action en concurrence déloyale implique, d'autre part, qu'il existe entre les parties une situation de concurrence affective (Nos commentaires: lire certainement effective) étant observé que s'il n'est pas exigé que la spécialité de l'entreprise victime de pratiques déloyales et celle de l'auteur de ces pratiques soient rigoureusement identiques, encore faut-il qu'ils exercent des activités voisines ou semblables".

18 Anti-dilution Act, 15 U.S.C. Cette loi a été codifiée à l'article 43 c) Lanham Act. L'article 1125 c) précise que "...the owner of a famous mark shall be entitled, subject to the principles of equity and upon such terms as the court deems reasonnable, to an injunction against another person'commercial use in commerce of a mark or trade name, if such use begins after the mark has become famous and causes dilution of the distinctive quality of mark...". La loi fédérale définit ainsi la notion de dilution : "the lessing of the capacity of a famous mark to identify and distinguish goods or services, regardless of the presence or absence of (1) competition between the owner of the famous mark and other parties, or (2) likelihood of confusion, mistake, or deception". Article 1127 15 U.S.C.

19 Article 22 de la loi canadienne sur les marques de commerce.

20 Il s'agit d'une notion développée par la jurisprudence française sur les bases de la reponsabilité délictuelle de droit commun.

21 Cette solution fut confirmée au Canada dans une affaire Valle's Steak House v. Tessier, [1981] 49 C.P.R. (2d.) 218.

22Visa International Service Association c. Auto Visa Inc., (1994) 58 C.P.R. (2d) 68.

23 La marque renommée est obligatoirement une marque enregistrée au sens du droit français. Sur les nuances terminologiques entre les notions de marques notoires, renommée et haute renommée, voir Jurisclasseur , Marques, appellations d'origine, dessins et modèles, fascicule 7320. p. 5.

24Gérard DASSAS, Marque renommée, (nov. 1993) dans Jurisclasseur, Marques, Appellations d'origine, Dessins et Modèles, Paris, Éditions Techniques, Jurisclasseur, fasc. 7320.

25 Ce principe est rappelé aux articles L 713-1, L 713-2 et L 713-3 C.P.I.

26 CA Paris, 4 nov. 1993, (1994) RIDA 730. En dehors de toute preuve de notoriété d'une marque au moment où on en reproche son usage le principe de spécialité doit s'appliquer. TGI Paris, 25 oct. 1995; PIBD 1996, III, p. 38. La société Guerlain également s'est vu débouter de sa demande en condamnation pour l'utilisation d'une de ses marques de parfum pour désigner des activités télématiques. Dans cette affaire la société Guerlain n'a pas réussi à démontrer la faute, la négligence ou l'imprudence commise par le défendeur pour le dépôt et l'exploitation de sa marque. Le juge refuse de relever l'atteinte à la marque notoire. TGI Paris, 24 juin 1994, PIBD 1994, III, p. 544.

27 Cass. Com., 18 oct. 1994; PIBD 1994, III, p. 606. Il faut que la marque de renommée exerce un pouvoir d'attraction propre et indépendant des produits ou services qu'elle désigne. CA Parsis, 17 janv. 1996, PIBD 1996 III.

28On citera les affaires: Intermatic Incorporated c. Dennis Toeppen, (USDC, N.D. Illinois 1996) 40 U.S.P.Q. 2d. 1412; Actmedia, Inc. c. Active Media Int'l Inc., (USDC, N.D. Illinois 1996); WL 399707; Hasbro, Inc. c. Internet Entertainment Group, Ltd. (W.D. Wash. 1996) WL 84853. Dans l'affaire Intermatic, les juges du fond ne précisent pas en quoi la marque Intermatic est notoire ("famous"). Ils se contentent de rappeler qu'elle est utilisée depuis plus de cinquante ans.

29 Wiliam HENNESSEY, "Developments in the Protection of Famous Trademarks in the United-States", (1995) actes de la réunion annuelle de l'ATRIP, Casablanca, 4 au 6 septembre 1996.

30 TGI Paris, 22 mai 1991, (1991) PIBD 1991, n°III, p. 683.

31 L'article 10(3) introduit en 1994 dans la loi anglaise sur les marques de commerce et qui énonce que constitue une violation au droit du propriétaire de la marque l'utilisation par un tiers "being without due cause, takes unfair advantage of, or is determinated to, the distinctive character or repute of the trade mark". Voir à ce sujet les brefs commentaires de Susan HAL, "The Convergence of Rights: Co-existence of Copyright and Other Intellectual Property Rights With Registred Trade Marks Following the Trade Marks Act 1994", (1996) 58 Copyright World 35.

32 Clairol International Corp. c. Thomas Supply & Equipment Co. Ltd, précité note 36. Voir également Eye Master Ltd. c. Ross King Holdings Ltd., (1992) 44 C.P.R. (3d.) 459 (F.C.-T.D.). Purolator Courrier Ltd. c. Mayne Nickless Transport Inc., (1990) Cour fédérale 33 C.P.R. (3d.) 391. Dans cette affaire, la société demanderesse demande sur le visa de l'article 22, notamment, à ce que le juge émette une injonction interlocutoire afin d'empêcher son concurrent d'utiliser sa marque de commerce pour une publicité comparative. L'injonction fut accordée.

33 Jacques A. LÉGER, "Article 22: Loi sur les marques de commerce - De Clairoll à It's not: Le miroir aux alouettes", (1988) 4.2 Revue canadienne de propriété intellectuelle 385.

34 Idem, p. 392.

35 Voir sur l'ensemble de ces questions, Dominique BRANDT, La protection élargie de la marque de haute renomée au-dela des produits identiques et similaires, Genève, Droz, 1985.

36 L'article 8, paragraphe 2 de l'accord sur la marque communautaire adopté par le Conseil de l'Union Européenne en 1993 et en vigueur depuis le 1er avril 1996 précise que le titulaire d'une marque réputée peut empêcher l'adoption d'une marque similaire par un tiers alors même que celle-ci concerne des produits ou services non similaires.

37 L 713-5 C.P.I..

38 Directive communautaire du 21 décembre 1991, JOCE n° L. 40, 11 février 1989.

39 Art 4.3. Voir également les articles 4.4 a). La loi francaise a été mise en conformité à cette directive par une loi du 4 janvier 1991. JO 6 janvier 1991.

40 Le Mexique, tout comme le Canada et les États-Unis, était déjà signataire de la Convention de Paris. Les parties au traité on toutefois insisté sur la nécessité de donner une réelle efficacité aux dispositions en matière de propriété intellectuelle.

41 Le Canada a adhéré en 1er septembre 1923 à la Convention de Paris.

42 Dominique BRANDT, op. cit. Note XXX, 16.

43 "The United States - People's Republic of China Intellectual Property Rights Agreements". Zheng CHENGSI, "Protection of Well-known Trademark in China - Law cases", actes de la réunion annuelle de l'ATRIP, Casablanca, 4 au 6 septembre 1996. Pour plus de détails, voir Tan Loke KHOON et Denise LAM, China developments, (1996) 57 Copyright World 29.

44 Comité d'experts sur les marques notoires, La protection des marques notoires: résultats de l'étude du Bureau International et perspectives d'amélioration de la situation, OMPI, Genève, 13-16 novembre 1995, WKM/CE/1//2. La disposition de l'article 6bis de la Convention de Paris présentait un certain nombres de lacunes auxquelles la communauté juridique internationale tente de remédier. On relevera ici les plus importantes: le défaut d'entente sur une définition d'une marque notoire et l'absence d'obligation pour les états de protéger les marques services. Ce dernier point a été résolu par l'adoption de l'article 16.2 de l'A.D.P.I.C. en vertu duquel les parties à l'accord sont tenues d'appliquer aux marques de services les dispositions de l'article 6bis de la Convention de Paris. On rappelera ici que l'application de l'article 6bis est limitée à l'utilisation d'une marque identique pour des produits et services semblables.

45 The Generic To Level Domain Memorandum of Understanding ou "gTLD-MoU". L'adoption de ce memorandum le 28 février mis fin à l'I.H.A.C. et créa le C.O.R.E. ainsi que le P.O.C. http://www.gtld-mou.org/gtld-mou.html . Voir en général, E. T. FINGERHUT et P.L. S. SINGLETON, "The gTLD-MoU : A Yellow Flag for Trademark Owners on the Information Superhighway", (1998) 38 I.D.E.A. 281.

46 http://www.iahc.org/draft-iahc-recommend-00.htm . Voir le "Projet de lignes directrices quant au fond applicables aux commissions des contestations administratives concernant les noms de domaines [deuxième projet révisé]" rédigé sous l'égide du P.O.C. http://www.gtld-mou.org/docs/sracp-fr.htm

47 Voir notamment "Réglement des litiges de propriété intellectuelle dans le cadre du mémorandum d'accord sur l'espace réservé aux noms de domaine générique de premier niveau dans le système des noms de domaine de l'Internet", Réunion consultative sur les marques et les noms de domaine de l'internet, Genève, 26-30 mai 1997, http://www.wipo.org/fre/internet/domains  

48 http://www.ntia.doc.gov

49 http://www.gtld-mou.org/docs/core-gp-response.htm

50 http://www.wipo.org/fre/internet/domains/tdn/cm/cm_i_3.htm

51 http://www.wipo.org/fre/internet/domains/tdn/cm/cm_i_2.htm

52 TeleDirect (Publications) Inc. v. American Business Information, Inc., (1997) F.C.J. No 1430 (Cour fédérale d'appel), non encore éditée. TeleDirect (Publications) Inc. v. American Business Information, Inc., (1996) F.C.J. No 908 (Division d'instance), 74 C.P.R. (3d.) 72.

53 Division d'instance, Ibidem, p. 97. Le juge McGillis continue : "In my opinion, the defendant has successfully displaced the presumption in favor of copyright created by paragraph 34(3) (a) of the Act".

54Feist Publications Inc., v. Rural Telephone Service Co., (1991) 111 S.Ct. 1282.

55Certes la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Tele-Direct semble apporter un élément personnel supplémentaire au critère du labeur, à la manifestation du sweat of the brow traditionnellement reconnu dans les systèmes de copyright. Le niveau de créativité est de ce fait nivellé par le bas cette fois et l'exigence d'un effort minimal de création est désormais posée en principe. Toutefois, la décision Tele-Direct n'a qu'une portée relative. Elle ne vaut, à notre avis, que pour les compilations factuelles d'autant que la jurisprudence canadienne avait déjà apporté des nuances à la doctrine de sweat of the brow. S'agissant d'autres catégories d'oeuvres et principalement des oeuvres littéraires, les tribunaux exigent souvent une certaine dose d'imagination en plus d'un certain effort personnel. Pour cette raison la décision Tele-direct n'a pas eu l'impact médiatique que la décision Feist de la Cour suprême des États-Unis dont elle reprend pourtant les conclusions. On rappellera ici les propos de la juge Reed : " [...] plus une oeuvre protégée par un droit d'auteur est simple, plus la copie de celle-ci doit être parfaite pour constituer une violation du droit d'auteur". DRG Inc. c. Datafile Limited et Registraire des droits d'auteur, (1988) 2 C.F. (division de première instance) 243, p. 256. Par exemple,Éditions Hurtubise HMH Ltée c. Collège d'Enseignement Général et Professionnel André-Laurendeau, (1989) R.J.Q 1003, p. 1010 à 1012. "Quels sont les critères déterminatifs de l'originalité de l'oeuvre ? De toute évidence, elle doit d'abord résulter d'un travail de création, sans constituer une copie. Cette création exige de l'auteur un certain effort personnel, des connaissances, de l'habilité, du temps, de la réflexion, du jugement et de l'imagination". Ibidem, p. 1010. En matière d'originalité la jurisprudence est loin d'être uniforme et on trouve de nombreux arrêts contradictoires. Ce critère est éminement subjectif. On s'accorde à dire qu'il s'agit d'un critère à contenu variable.

56 Cet article est assez semblable à l'article 6 de la directive qui vise les exceptions que l'on peut apporter au droit d'auteur sur la banque de données cette fois.

57 G. KOUMANTOS, "Les bases de données dans la directive communautaire", (1997) 171 R.I.D.A. 79, 125.

58 WIPO, "Basic Proposal for the Substantive Provisions of the Treaty on Intellectual Property in Respect of Databases to Be Considered by the Diplomatic Conference", Genève, du 2 au 20 Décembre 1996. http://www.wipo.org/eng/diplconf/6dc_all.htm

59 Et pour cause ! La protection accordée par la directive 96/9 est soumise à une condition de réciprocité. À l'époque aucune loi, ni projet de loi, ne traitait de la protection des banques de données. L'industrie des banques de données a donc craint que leurs investissements soient détournés impunément. Voir P. SAMUELSON, "Legally Speaking : Legal Protection for Database Contents", (Nov. 1996) 39 Communication of the ACM, disponible http://ksgwww.harvard.edu/iip/acicip/DATACON.htm  

60 Voir en général, L. H. GREENE et S. J. RIZZI, "Database Protection Legislation : Views from the United States and WIPO", (1997) 66 Copyright World 36

61 Ces textes sont disponibles en ligne sur le site officiel du Congrès américain : http://thomas.loc.gov

62 Ibidem, p. 37

63 http://thomas.loc.gov

 

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