Léchange
des consentements dans le commerce électronique
Par Lionel Thoumyre
Directeur de Juriscom.net
Agent de recherche
Centre de recherche en Droit Public
Université de Montréal
Introduction
I. Pertinence
de la notion de consentement dans la formation des contrats électroniques
A. Les degrés du consentement
B. Le consentement au risque du virtuel
II. La
rencontre des volontés sur les autoroutes de l'information
A. Les manifestations du consentement sur les réseaux informatiques
B. Lieu et moment de la formation du contrat
Conclusion générale
Bibliographie
Introduction
Un air de
déjà vu
L'analyse de
l'échange de consentement effectué au travers des réseaux électroniques ne pose pas
tant de difficultés au regard de l'enseignement que les juristes ont déjà pu retirer
des contrats formés à distance. Cela relève d'une simple constatation... Depuis bien
longtemps, nos ouvrages de doctrine traitant du droit des contrats, en Droit Civil comme
en Common Law, n'oublient jamais de réserver un chapitre ou un paragraphe à la
problématique des contrats à distance, parfois appelés " contrat entre
absents " ou encore " contrat entre non-présents ". Quelle
serait donc l'originalité d'étudier l'échange de consentements dans le cadre du
commerce électronique ? Ne pourrait-on procéder normalement à la formation des
contrats dans le cyberespace ? Le cyberespace constitue-t-il un lieu particulier
au sein duquel de nouveaux rapports sociaux et économiques s'instaurent ?
L'héritage
libertaire
Depuis son invention
au début des années 801 le terme
" cyberespace " est devenu l'apanage des acteurs des réseaux
électroniques. Il est intéressant de noter que ce dernier aurait été appliqué à
l'Internet par John Perry Barlow, un personnage dont on ne peut ignorer les exploits.
Libertaire convaincu, Barlow n'est autre que l'un des principaux fondateurs de
l'Electronic Frontier Fondation, une organisation en lutte contre tous les projets de lois
présentés aux Etats-Unis qui restreindraient la liberté des utilisateurs des réseaux
électroniques. Noble cause sans doute. Mais derrière la perspicacité juridique de
certaines de ses actions, cet organisme véhicule un véritable idéalisme politique
tendant à affirmer que l'utilisation des réseaux électroniques doit échapper aux
concepts juridiques forgés au sein de nos nations " matérielles "2. D'ailleurs, définit comme un endroit
immatériel et atemporel, dissimulé derrière nos outils de communication, le cyberespace
n'est-il pas une Utopie en soi ? N'est-il pas un " lieu sans
lieu " (U-Topos), permettant d'échapper aux réalités physiques,
juridiques et économiques ? Il faut bien le dire, Barlow nous a laissé l'héritage
d'un concept trompeur et lourd de sens que les romanciers, les vulgarisateurs et même les
adeptes de la science juridique ne cessent d'utiliser.
L'instrument
contractuel
Bien sûr, les
juristes se sont empressés de démontrer l'incongruité des théories libertaires,
puisque l'Internet nous permet d'envoyer et de recevoir de l'information en des lieux
définis et régis par des lois particulières, elles-mêmes coordonnées par le droit
international. En outre, il semblerait que les rapports sociaux manifestés dans le cadre
des échanges économiques ne changeraient guère dans l'environnement informatique que
nous connaissons aujourd'hui. Il s'agit toujours de vendre ou d'acheter des biens et des
services, de s'entendre sur les conditions de vente et d'après-vente. En un mot, les
moyens d'assurer l'activité économique se manifestent toujours par l'utilisation d'un
outil juridique indispensable : le contrat. Définit par l'article 1378 du Code Civil du
Québec, le contrat serait " un accord de volonté, par lequel une ou
plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation. "
La place du
consentement dans la formation des contrats
La formation des
contrats passera par l'échange préalable du consentement de chacune des parties à
l'acte. Cette étape constitue a priori l'élément primordial, voire fondateur, du
contrat. En effet, dans son article 1108, le Code civil français définit quatre
conditions essentielles pour la validité d'une convention : " le
consentement de la partie qui s'oblige3 ;
sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de
l'engagement ; une cause licite dans l'obligation ". Ainsi, le
consentement arrive en " pole position " des conditions de formation
du contrat. Il en est de même dans le Code civil québécois, bien plus explicite à ce
sujet, puisque l'article 1385 est ainsi rédigé : " Le contrat se forme
par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter (...), il
est aussi de son essence qu'il ait une cause et un objet ". De leur côté,
les pays de la Common Law se rattachent plus semble-t-il à la notion d'accord,
d'" agreement ", sous laquelle l'on retiendra l'idée de consensus4. En fait, nous savons que le verbe français
" consentir " accepte deux traductions principales en anglais :
" to consent " et... " to agree ".
A quelques nuances
près, les systèmes juridiques qui s'inscrivent dans une tradition consensualiste, posent
l'existence du consentement comme condition essentielle de la formation des contrats5.
Des
consentements qui s'échangent
Dans la logique
contractuelle, le consentement s'apparente à la volonté de chacune des parties de
s'engager à effectuer une ou plusieurs obligations en échange d'une contrepartie. Les
termes de l'article 1386 du C.c.Q ne peuvent pas être moins explicite : " l'échange
de consentement se réalise par la manifestation, expresse ou tacite, de la volonté d'une
personne d'accepter l'offre de contracter que lui fait une autre personne ".
Nous remarquons aussitôt que les articles 1385 et 1386 indiquent que chacune des parties
doit procéder à l'échange de leurs consentements afin d'aboutir à l'accord de leurs
volontés6. C'est cet accord qui donnera au
contrat son caractère réel et actuel.
Commerce
électronique et communication des volontés
S'agissant d'étudier
l'échange de consentements dans le cadre du " commerce
électronique ", il nous apparaît nécessaire de préciser cette dernière
notion. Nous reprendrons ici trois éléments essentiels7,
relevés par le Professeur Eric Capriolli et par Renaud Sorieul, qui définissent le
commerce électronique au travers :
1.- de la notion
d'activité commerciale (référence fondamentale) ;
2.- de la
dématérialisation des supports papiers utilisés lors des transactions, sans pour autant
qu'il y ait de modification quant à la nature juridique des opérations en cause qui
reste inchangée ;
3.- de
l'internationalisation inhérente des échanges8.
Selon la doctrine
dominante, en Droit civil comme en Common Law9,
les parties devront communiquer entre elles leur intention de contracter. Selon un schéma
classique, l'accord des volontés se réalise de la manière suivante : l'une des
parties fait une offre à l'autre qui scellera l'accord par son acceptation10. Or, les réseaux électroniques semblent
bien avoir été conçus pour cela. L'offre et l'acceptation ne sont-elles pas des
informations ? Les réseaux électroniques ne sont-ils pas fait pour échanger des
informations ? Mais les deux derniers critères de la définition du commerce
électronique semblent inquiéter les acteurs. En effet, par les phénomènes de
" dématérialisation des supports " et de " l'internationalisation
inhérente ", les acteurs seront non seulement invisibles les uns pour les
autres, remettant en cause l'existence même de leur consentement, mais aussi de
nationalités différentes, pouvant poser des problèmes de conflits de lois.
Ainsi, ce travail
consiste en l'étude du processus durant lequel deux ou plusieurs personnes vont faire en
sorte que leurs volontés se rencontrent au travers des réseaux numériques. Ce qui nous
amène à nous poser les questions suivantes : comment donc les futurs cocontractants
feront-ils pour que leurs volontés puissent se rencontrer à distance ? De quels
cocontractants s'agit-il ? De quelle manière leurs volontés
s'exprimeront-elles ? A quel moment et en quel lieu ?
Pour répondre à ces
questions, il s'agira d'analyser dans quelle mesure le processus d'échange de
consentement s'accordera avec les exigences du droit positif pour aboutir à sa
finalité : la formation du contrat. Or, pour qu'il y ait " échange de
consentement ", il faut avant tout qu'il y ait un
" consentement ". Nous nous interrogerons donc, dans un premier temps,
sur la pertinence de la notion même de consentement dans la formation des contrats
électroniques (I). Puis nous étudierons la manière dont les volontés pourront se
rencontrer sur les autoroutes de l'information et les conséquences qui en découlent
(II).
I.
Pertinence de la notion de consentement dans la formation des contrats électroniques
Fortement liée aux
conceptions libérales de l'autonomie de la volonté, la notion même de consentement peut
être contestée en tant qu'élément fondateur du contrat. Nous constaterons en effet que
les rapports de force existant dans le commerce traditionnel se reproduisent dans le cadre
des pratiques contractuelles développées sur les réseaux numériques. Il devient alors
nécessaire de s'interroger sur les atteintes portées à l'autonomie de la volonté des
acteurs du commerce électronique dans une partie intitulée : " les
degrés du consentement " (A). Au-delà des ressemblances que nourrissent entre
eux le commerce électronique et le commerce traditionnel, nous devrons également nous
interroger sur les particularités de l'environnement numérique. Susceptibles de remettre
en cause l'existence même du consentement des acteurs, les réseaux numériques nous
ferons aborder la question du consentement " virtuel " (B).
A.
Les degrés du consentement
Un simple regard sur
quelques textes de doctrine nous enseigne que la notion de consentement dépend
étroitement de celle de volonté des parties. Demolombe l'exprime en ces
termes : " Le consentement est le concours de deux ou plusieurs
volontés dans un même but juridique ". Pour Ghestin, il s'agira d'une
émanation de la volonté ou, plus précisément, d'une " manifestation
de la volonté qui, dans un contrat, exprime un accord sur les propositions de l'autre
partie, accord qui formera la convention ". De son côté, Carbonnier
n'hésitera pas à assimiler le consentement à la fois à " la volonté de
chaque contractant ", ainsi qu'à " l'accord de leur volonté "11. Malgré les divergences sensibles
existant entre ces définitions, elles comportent au moins un point commun : le
consentement exprime la volonté de chacun des cocontractants. Un auteur apporte cependant
une nuance à l'assimilation qui peut être faite entre la volonté des cocontractants et
leur consentement. Pour Pierre-Basile Mignault, le consentement est l'accord de deux ou
plusieurs volontés (vient du latin cum sentire : s'entendre avec quelqu'un).
C'est un acte bilatéral, tandis que la volonté s'apparente plutôt à un acte
unilatéral. L'individu peut vouloir, mais il ne pas consentir tout seul12.
Plutôt que de
souscrire à l'ensemble de ces propositions, nous préférons en tirer un enseignement.
Ainsi, nous définirons le consentement comme l'expression unilatérale d'une volonté
individuelle, qui vient en réponse à l'expression d'une première volonté
indépendante. Par leur rencontre, elles forment un consensus, pierre fondatrice du
contrat, qui lui seul accède au statut d'acte bilatéral. Sinon, nous ne pourrions pas
parler d' " échange de consentement "13, mais simplement d'accords de volonté. Dire que
" le consentement c'est l'accord de volontés " nous semble être trop
réducteur.
Néanmoins, l'on ne
peut omettre d'étudier le rôle de l'autonomie de la volonté dans la formation des
contrats. Dans ce cadre nous proposons d'aborder deux problématiques : le
consentement dirigé (1) et le consentement réflexe (2). Nous verrons alors dans quelle
mesure les atteintes portées à l'autonomie de la volonté des parties contractantes
entacherait la plénitude des consentements échangés dans le cadre du commerce
électronique.
1. Le consentement
dirigé
|
a.
L'autonomie de la volonté en procès |
Principe
fondateur de nos droits des contrats, la notion de l'autonomie de la volonté est au
centre des controverses doctrinales. A la conception libérale, l'on oppose souvent la
vision dirigiste du contrat. Confronté aux faits, nous pourrions bien croire à
l'exactitude de la seconde conception, mais nous verrons que certains auteurs parviennent
à remettre le principe de l'autonomie de la volonté en adéquation avec la vision
dirigiste.
|
i. Conception libérale ou volontariste |
La plupart des
doctrinaires situent l'origine de la théorie actuelle du droit des contrats dans
l'individualisme et le libéralisme politique naissant. Selon la conception libérale du
contrat, la société n'existerait que pour servir les intérêts de l'individu. Or, pour
les philosophes du 18ème siècle, la volonté demeure à la source de tous les
droits. Plus que jamais, la liberté contractuelle concédée à l'individu lui permet de
créer des liens d'obligation par sa propre volonté que le législateur ne peut entraver.
La volonté de l'individu est dite " autonome " car elle n'est soumise
à aucune autorité supérieure. Le consentement devient alors la substance vitale du
contrat. L'on attribue classiquement le principe d'autonomie de la volonté à Kant. En
citant la thèse de Ranouil, Tancelin prétend plutôt que cette conception aurait été
forgée par la rencontre du terme d' " autonomie ", utilisé
depuis le milieu du XIXème siècle en droit international privé sous l'influence du
vocabulaire juridique Allemand, et du volontarisme juridique notamment affirmé, dès le
XVIIème siècle, par Grotius, Hobbes, Pufendorf et Locke. Ces auteurs ont su consacrer
l'idée que " la règle de droit est une libre création des hommes "14.
Selon
certains auteurs, le Code civil québécois s'inscrirait parfaitement dans le cadre de la
conception libérale. A l'appui de cette affirmation, Maurice Tancelin cite par exemple
les articles 9 à contrario (exercice des droits civils), 1433 (force obligatoire des
contrats) et 1385 (principe du consensualisme dans la formation des contrats) du Code
civil du Québec. Mais l'auteur tempère son affirmation en remarquant l'existence d'un
certain nombre de dispositions interdisant de déroger par contrat aux lois d'ordre public
sous peine de nullité (article 9 C.c.Q et 41,3 LI)15.
Ce genre de dispositions peut nous laisser penser que l'autonomie de la volonté n'est pas
toujours souveraine pour régir les relations entre les cocontractants.
Selon une
conception dirigiste, le contrat serait lié au changement et à l'évolution
de la société. Les écoles sociales et socialistes du XIXème siècle ont d'ailleurs
vivement réagit contre la doctrine libérale insufflant un nouveau point de vue. Pour
Duguit par exemple, la volonté est impuissante à elle seul à créer des
obligations ; car " c'est la société qui, seule a ce pouvoir ; la
volonté n'est qu'un commutateur, donnant passage à un courant dont la source est
ailleurs. "16
A l'appui de cette
doctrine, l'on pourra citer l'article 1134 C.c.F qui ne reconnaît force aux conventions
que si elles sont " légalement formées ". Ainsi, la force
obligatoire du contrat ne provient pas seulement de l'autonomie de la volonté mais bien
d'un ordre supérieur. En outre, à l'instar de l'article 9 C.c.Q, l'article 6 C.c.F
subordonne l'efficacité de la volonté aux règles " qui intéressent
l'ordre public et les bonnes mœurs ". Nous remarquerons que les
tenants du dirigisme contractuel fondent notamment leur doctrine sur le fait que la
liberté induite dans l'autonomie de la volonté peut conduire à l'écrasement du faible
par le fort. Cette idée était déjà exprimée dans le fameux adage de
Lacordaire : " entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime
et la loi qui affranchit ". L'Etat viendra alors réglementer les relations
contractuelles entre le " fort " et le " faible ".
Un simple exemple : les relations entre consommateurs et professionnels ont donné
lieu à de multiples lois instaurant notamment la prohibition des clauses abusives, la
rédaction du contrat dans une langue compréhensible pour le consommateur ou la
rédaction d'un écrit en double exemplaire pour certains contrats de consommation17. Par ces dispositions, le législateur
veut notamment s'assurer :
1.-
que la partie faible au contrat ait pleinement conscience de son engagement, de manière
à ce que son consentement ne puisse subir les pressions ou manipulation de la partie
forte (ex. rédaction d'un écrit dans une langue compréhensible) ;
2.-
que la partie faible n'ait pas à assumer de trop lourdes conséquences de son
consentement lorsque le commerçant se serait réservé la part du lion (ex. prohibition
des clauses abusives).
b.
Compte rendu du procès
Au regard
des faits et du droit positif, le principe de l'autonomie de la volonté semble avoir
perdu de son importance dans le processus de formation des contrats. Nous prendrons ici
l'exemple du contrat d'adhésion établit entre un commerçant et un consommateur.
a.- Dans les
faits
La partie cliente
ne peut en discuter les clauses, elle est obligée de se plier aux termes du contrat qui
lui est proposé. Reconnu par le Code civil du Québec18,
l'article 1384 C.c.Q nous en donne la définition suivante : " Le
contrat est d'adhésion lorsque les stipulations essentielles qu'il comporte ont été
imposées par l'une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses
instructions, et qu'elles ne pouvaient librement discuter. " Au premier
abord, les rédacteurs du Code civil reconnaissent implicitement que la liberté
contractuelle de la partie qui souscrit à un contrat d'adhésion est fortement diminuée.
b.- Au regard du
droit positif
Quelques remèdes
se trouveraient alors dans les dispositions concernant le contrat de consommation (ex.
article 1384 C.c.Q) qui, pourrait-on dire, nuisent à leur tour à l'autonomie de la
volonté du commerçant. L'on rentre ici dans la conception de l'utilité sociale du
contrat. Ainsi, pour tous les contrats de consommation, même ceux qui ne font pas l'objet
d'une réglementation spécifique, le législateur tente de rétablir l'équilibre faussé
par le poids économique de l'un des contractants et la faiblesse de l'autre. Les acteurs
sont alors obligés d'assujettir leurs consentements au respect des dispositions légales
prédéfinies, souvent d'ordre public (ex. prohibition des clauses abusives).
Nous sommes
aussitôt confrontés au paradoxe suivant : d'un côté, l'encadrement légal risque
de porter atteinte à l'autonomie de la volonté de la partie forte, alors que, d'un autre
côté, il permet à la partie faible de d'assurer l'intégrité de son consentement. Nous
verrons plus tard que le paradoxe se reproduira à plus grande échelle dans le cadre de
la formation des contrats sur l'Internet (voir infra I. B. 2.).
Nous
tenons cependant à émettre une réserve sur le discrédit du principe de l'autonomie de
la volonté. Concernant les contrats d'adhésion, certains auteurs estiment que l'atteinte
n'est pas si grave : " Le contrat d'adhésion reste formé par un accord
de volonté " nous dit Ghestin. L'auteur poursuit : " Malgré
l'absence de négociation, qui n'est pas essentielle, le contrat prérédigé n'acquiert
force obligatoire à l'égard de l'adhérent qu'à partir du moment où ce dernier a
donné son consentement "19.
En
définitive, bien que l'on ait pu relever l'existence d'atteintes légales à la liberté
contractuelle, l'accord des volontés conserve une place importante dans la formation des
contrats. Toujours selon Ghestin, cet accord reste l'élément spécifique du contrat et,
à ce titre, son critère20. L'auteur
l'avoue à mi-mot : l'accord des volontés, et par là même le consentement, ne sont
plus l'élément essentiel du contrat. Leur statut est réduit à celui de " critère "
ou d' " élément spécifique ", perdant ainsi leur
caractère " essentiel ".
Nous
confronterons l'état de la doctrine actuelle aux situations contractuelles qui
surviennent dans le cadre des réseaux électroniques. Car, ce qui se passe dans le champ
du commerce électronique est certainement très caractéristique de l'évolution du droit
des contrats et nécessite une certaine prudence quant à l'appréciation de la réalité
du consentement des parties.
2. Du
consentement réflexe au consentement réfléchi
Nous avons
vu que l'atteinte à l'autonomie de la volonté ne découlait pas uniquement de
l'autorité législative. Malgré la nuance apportée par Ghestin, nous estimons qu'elle
peut aussi être le fait des contrats d'adhésion, du moins lorsqu'on regarde du côté
des consommateurs21. Or, ces contrats
fleurissent un peu partout sur l'Internet. Un simple clic de souris permet à l'internaute
de souscrire d'une manière quasi automatique au contrat proposé sur un site commercial.
Cela pourrait bien remettre en cause la plénitude du consentement du consommateur.
a.
Données du problème
Faire ses courses sur
le Web est devenu un jeu d'enfant. Une simple pression sur le bouton de nos souris suffit
à passer des commandes à l'autre bout du monde. Tout va pour le mieux, jusqu'à ce que
l'on s'aperçoive que le produit commandé ne convient pas, que la facturation est plus
lourde que prévue ou que les conditions de garanties sont draconiennes. L'internaute se
trouve alors lié par un contrat dont l'ensemble des termes n'ont pas toujours été
portés à sa connaissance. En effet, il arrive fréquemment que les principales clauses
contractuelles soient dissimulées sous une épaisse couche de liens hypertextes ou tout
simplement inexistantes. Or, la facilité avec laquelle le consommateur effectue ses
achats sur l'Internet peut parfois dénaturer son consentement ou même, le transformer en
simple réflexe. Nous faisons face ici à la problématique des cyber-contrats d'adhésion
qui, non seulement n'offrent aucune possibilité de négociation à la partie faible, mais
l'incite en plus à accepter les termes d'un contrat quasiment invisible.
Certes,
nous l'avons vu, la plupart des pays industrialisés ont adopté des lois destinées à
protéger les consommateurs22. L'amateur
de l'achat à distance dispose souvent d'un certain délai pour échanger son produit ou
le retourner contre remboursement. Encore faut-il qu'il ait été informé de ses droits
et qu'il puisse déterminer la loi de quel pays lui viendra en secours. Bénéficiera-t-il
du délai de sept jours francs prévu par le Code de consommation français23 ? Ou pourra-t-il invoquer le délai
prévu par loi du pays du commerçant, parfois porté jusqu'à trente jours ? Dans le pire
des cas, la question pourrait se régler devant le juge, dès lors que l'on aura
déterminé le tribunal compétent. Tout ceci devient bien complexe. Confronté à
l'incertitude et à l'éloignement du commerçant, le consommateur renoncera souvent à
toute idée de procès24. Une injustice
aura peut-être été commise, sans que personne ne s'en soucie.
A l'heure des
autoroutes de l'information, le consommateur mérite plus que jamais d'être renseigné
sur l'existence et la mise en uvre de ses droits. L'on peut encore comprendre que la
vente par téléphone ne le permette que dans une certaine mesure. Dans une récente
affaire traitant de l'achat d'un ordinateur par téléphone25, Rich et Enza Hill ont agit en justice contre la
société Gateway 2000 pour bénéficier d'un remboursement après le délai de
rétractation de 30 jours prévu par le contrat de vente. L'argument de la demande portait
sur le fait qu'elle n'avait pas exprimé son consentement sur les termes essentiels du
contrat lors de l'achat par téléphone. En effet, celui-ci ne leur a été remis qu'à la
livraison du produit26. Bien que le juge
Easterbrook de la United States Court of Appeals for the Seven Circuit
reconnaissait que les demandeurs n'avaient pas été informés sur certaines clauses
contractuelles avant l'achat du produit, les arguments de la société Gateway 2000 ont
fini par l'emporter. En effet, le juge a estimé que la société défenderesse ne pouvait
recourir à d'autres " méthodes économiques ", pour porter
l'intégralité des clauses à la connaissance des acheteurs, autrement qu'en livrant le
contrat dans l'emballage de l'ordinateur. Et E. Maggs d'ajouter : " in
other words, economic factors sometimes simply prevent consumers from learning of the
terms of their contracts before making a purchase "27.
Cependant,
un tel argument ne pourrait pas s'appliquer à l'Internet dont l'intérêt est de pouvoir
présenter des documents écrits en ligne à moindres coûts28. Par une meilleure information délivrée sur les sites
commerciaux, l'on donnera à l'internaute la possibilité de prendre connaissance des
particularités essentielles du contrat auquel il s'apprête à souscrire, évitant ainsi
le phénomène de consentement-réflexe provoqué par la simple attirance du produit. Il
s'agit alors d'organiser la manière dont ces renseignements seront présentés aux
visiteurs de sites commerciaux.
|
b. Les
solutions proposées |
Certains auteurs
estiment qu'il est préférable d'opter pour la recherche de moyens alternatifs, c'est à
dire extra-légaux, afin de résoudre le problème identifié ci-dessus. Mais nous verrons
également que les institutions européennes ont décidé d'y répondre d'une manière
plus radicale.
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i.
La voie de l'autorégulation |
Jérôme Huet
propose qu'un usage s'établisse : " les principales clauses
contractuelles ayant trait à la juridiction compétente, à la loi applicable, à
l'existence d'un droit de rétractation, ainsi qu'aux conditions de livraison et de
garanties, devraient être présentées de manière visible aux consommateurs ".
A juste titre, il ajoute que " cela ne coûterait pas très cher aux
professionnels qui amélioreraient du même coup leur image de marque " 29.
Quand
bien même tout le monde y trouverait son compte, il reste à déterminer la manière dont
pourrait s'imposer cet usage. La constitution d'une entité internationale figure parmi
les solutions avancées. Sa mission serait d'inciter les professionnels à adopter un
comportement respectueux du cyberconsommateur. Les sites affiliés à cet organisme
pourront arborer un label de qualité témoignant de leur fiabilité30. Vincent Gautrais avance également l'idée que les
institutions de regroupement de commerçants pourraient établir des normes informelles
qui auraient " un rôle contraignant sur l'ensemble de l'activité d'une
communauté "31. Pour
parfaire le tout, les professionnels devront également prévoir un système de
résolution des conflits facilement abordable. Le Cybertribunal semble être tout destiné
à cette tache. Comme son nom ne l'indique pas, il s'agit en fait d'une nouvelle
institution assurant gratuitement des services de médiation et d'arbitrage par la voie du
réseau.
Sans
attendre l'élaboration de normes obligatoires, il est devenu urgent que les
professionnels accordent leur stratégie marketing avec les intérêts des
cyberconsommateurs.
En écho
à la proposition de Vincent Gautrais, certains organismes de professionnels ont déjà
lancé le mouvement. Nous prendrons simplement l'exemple du contrat type proposé par la
Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris et l'Association Française du Commerce et des
Échanges Électroniques32. Définit par
Michel Vivant, son objectif est de régir les relations qui prennent place dans le
" Cyberespace ".
Notons
que, selon la conception de Carbonnier, un contrat type s'assimile à un contrat
d'adhésion qui relève de l'ordre réglementaire. Ainsi, nous restons encore dans un
environnement relativement dirigiste33.
Néanmoins, le paradoxe veut que ce dirigisme est supposé favoriser la plénitude du
consentement du consommateur en proposant une série de clauses types telles que :
-
l'identification de l'auteur de l'offre, du produit ou des services ;
- la
mention de la durée de validité de l'offre ;
- la
mention du prix (en d'autres devises que le franc français) ;
- les
conditions de livraison ;
- le
délai de rétractation.
Le contrat
précise en outre la manière dont la confirmation de l'engagement doit se faire, à
savoir : par écrit, ou sur tout support durable. La proposition de confirmation par
courrier électronique est admise. Nous remarquerons que le contrat type veille à
respecter scrupuleusement les dispositions de la directive européenne du 20 mai 1997
relative à la protection du consommateur (voir infra), témoignant ainsi d'une
adéquation entre les initiatives privées et l'ordre réglementaire européen.
Ainsi, le
formalisme imposé par des ordres professionnels peut être ressenti comme attentatoire à
la liberté contractuelle, mais elle évite, du côté du consommateur ce fameux
" consentement réflexe ". Cependant, Ghestin nous rappellera que le
formalisme est aujourd'hui une protection supplémentaire au consentement :
" La forme requise attire l'attention sur l'importance de l'engagement pris
et, par la réflexion qu'elle détermine, prévient les vices du consentement ou le
déséquilibre lésionnaire des prestations "34.
Nous ne
pouvons omettre de mentionner l'existence de la directive européenne du 20 mai
1997 visant à instaurer une meilleure protection des consommateurs au niveau de
l'Union européenne35. Nous ne ferons pas
ici une analyse détaillée de l'ensemble des dispositions qu'elle contient36. Nous préciserons simplement qu'elle
oblige un commerçant à faire bénéficier le consommateur de nombreuses informations
telles que : l'identité du fournisseur, les caractéristiques essentielles et prix
toutes taxes comprises du bien ou du service, ou encore le coût de l'utilisation de la
technique de communication à distance, lorsqu'il est calculé sur une base autre que le
tarif de base (art. 4).
L'ensemble
de ces informations " dont le but commercial doit apparaître sans
équivoque, doivent être fournies de manière claire et compréhensible par tout moyen
adapté à la technique de communication à distance utilisée... ", elles
devront donc apparaître sur le site du commerçant de telle sorte que l'internaute n'ait
pas à les rechercher dans un labyrinthe des liens hypertextes.
Afin de
veiller au consentement éclairé du consommateur, la directive incite encore les Etats
membres à prendre les mesures appropriées pour interdire la fourniture de biens ou de
services avec demande de paiement sans commande préalable du consommateur qui sera
dispensé de toute contre-prestation en cas de fourniture non demandée. Dans ce cas,
l'absence de réponse ne vaut pas consentement (art. 9).
Selon la
doctrine volontariste le droit des contrats se satisfait mal du formalisme et de
l'encadrement réglementaire. L'on aurait pu penser que l'Internet puisse offrir dans son
espace " dématérialisé " un lieu idéal en dehors de tout
formalisme, donc propice à l'exercice de l'autonomie de la volonté. Il n'en est rien.
Nous le voyons bien, le formalisme et l'encadrement législatif sont tout à fait capables
de reconquérir le " cyberespace ". Mais cela ne heurterait le
principe de l'autonomie de la volonté que dans une faible mesure, étant donnée que,
selon Jean-Louis Baudouin, " c'est pour rétablir une certaine justice
contractuelle que le législateur, par des lois spéciales, intervient de plus en plus
dans le domaine [des contrats d'adhésion]"37.
En fait,
cette évolution serait justement dictée par l'environnement
" immatériel " de l'Internet, c'est à dire par l'angoisse que l'on a
d'entreprendre des relations économiques et juridiques avec une entité invisible souvent
située en dehors des frontières de notre Etat, ainsi que du déséquilibre des forces
qui en découle. C'est à cette invisibilité que nous allons faire face dans notre
seconde sous-partie, laquelle traitera plus spécialement de l'intégrité et de
l'existence même du consentement des acteurs sur la scène technologique du commerce
électronique.
B.
Le consentement au risque du virtuel
Nous
abordons ici le problème de l'échange des consentements effectués avec personne, une
entreprise ou une même une machine... si consentement il y a ! Ainsi, nous nous
interrogerons sur le fait de savoir si un consentement a réellement été exprimé par
l'une de ces entités, à savoir une personne juridique (I) ou un machine (II), où s'il
ne s'agit pas plutôt d'un consentement " virtuel ".
Nous
tenons au préalable à préciser le concept de " virtuel " si souvent
employé dans les textes vulgarisateurs. Selon une étude étymologie, le mot
" virtuel " provient de la racine latine virtus signifiant la
force (aussi désignée par la racine vis), l'énergie, ou encore l'impulsion
initiale. Quant à elle, la racine vir se rapporte à l'homme. Sans tirer toutes
les conséquences de l'étymologie latine, nous pouvons déjà en déduire que la virtus
n'est pas une illusion, un fantasme ou un simple possible, c'est la cause initiale dont
dépend l'existence de l'effet. Ainsi, selon Philippe Quéau, le virtuel appartient au
réel, il est également présent " d'une manière réelle et actuelle,
quoique cachée."38 De même,
Pierre Lévy entend démontrer que le virtuel n'est pas assimilable au " faux,
l'illusoire ou l'imaginaire ", il n'est pas non plus " l'opposé
du réel ", " c'est au contraire un mode d'être fécond et
puissant, qui donne du jeu aux processus de création, ouvre des avenirs, creuse des puits
de sens sous la platitude de la présence physique immédiate. "39 Mais, contrairement à Philippe Quéau,
l'auteur préfère opposer plus nettement la notion de " virtuel " à
celle de l' " actuel ". Pour lui, le virtuel tend simplement à
s'actualiser, il répond à l'actuel sans lui ressembler. Pierre Lévy se base notamment
sur la philosophie scolastique selon laquelle " est virtuel ce qui
existe en puissance et non en acte. "40
En définitive,
il y aurait donc une réalisation dans le virtuel (contrairement au possible ou au
potentiel qui ne sont pas de l'ordre du réel) qu'il s'agit ensuite d'actualiser en
l'appliquant dans des domaines particuliers : industriel, spatial, ludique, médical,
voire juridique. Les objets virtuels sont créés, réalisés, en vue d'une fin. Le
concept d'actualisation utilisé par Pierre Lévy définit le passage d'un monde vers un
autre, de celui du virtuel à celui de l'actuel, les deux appartenant au réel. L'actuel
induit l'agir, la prise d'effets, la concrétisation de ce qui n'était qu'en germe ou en
puissance avec le virtuel.
Nous verrons alors
que l'utilisation du mot virtuel n'est pas toujours abusive, d'autant qu'elle pourrait
déjà s'appliquer aux consentements qui, avant de s'échanger, forment un contrat virtuel
qui deviendra actuel dès lors que les volontés se seront accordées. De ce point de vue,
nous ne pensons pas que le concept de virtualité devrait véhiculer la connotation
négative que lui assigne le sens vulgaire.
1. L'expression de
la volonté des personnes juridiques
Nous identifierons
ici deux principaux problèmes posés lors de la formation des contrats à distance :
le consentement échangé avec un incapable et l'erreur sur l'identité du contractant.
a.
Le consentement échangé avec un incapable
Dans le cadre du
droit des contrats, la capacité peut se définir comme " l'aptitude
décrétée par la loi à s'obliger par un acte juridique "41. Ainsi, la loi empêche-t-elle certaines personnes de
consentir valablement à certains types de contrats dans le but de les protéger, ou de
respecter l'ordre public. En fait, la capacité ne peut se confondre avec le
consentement : une personne peut être mentalement capable de donner un consentement
mais être déclarée incapable de le faire par la loi. Dans ce cas, son consentement
pourrait être qualifié de " virtuel ". Celui-ci existe bel et bien,
mais la loi ne permet pas de lui donner les effets escomptés dès lors qu'elle empêche
son actualisation. Tel pourrait être le cas du consentement donné par un mineur42, d'un majeur sous tutelle ou sous
curatelle pour les actes définis par la loi. Le contrat passé avec un incapable serait
alors entaché d'une nullité et dépourvu d'effets, comme si l'incapable n'avait jamais
consenti.
Cette question ne
poserait pas plus de difficultés sur les inforoutes que d'ordinaire, si le commerçant
avait la possibilité d'évaluer directement la capacité de la personne qui accepte son
offre. Mais, au premier abord, la séparation des acteurs dans le cadre du commerce
électronique pourrait tout à fait favoriser la formation des contrats juridiquement
virtuels.
Notons que certains
" webmasters " se sont déjà équipés de systèmes permettant
d'identifier l'âge de leurs visiteurs. Ceux-là fonctionnent souvent par le biais d'une
institution intermédiaire (Adultcheck, Adultsign etc...) qui demande au client la
délivrance d'une preuve de majorité, le plus souvent par la fourniture du numéro d'une
carte de crédit. En retour, le client reçoit un numéro d'identification et un mot de
passe qu'il pourra utiliser pour ouvrir les pages d'un site dont le contenu pourrait être
préjudiciable pour les mineurs. A l'origine, ces systèmes n'ont pas été conçus pour
former des contrats valides, mais bien plutôt pour protéger le diffuseur d'informations
préjudiciables contre des poursuites judiciaires. L'on aurait pu proposer leur
utilisation dans le but de s'assurer de la capacité d'un cocontractant, s'ils ne
présentaient pas les deux inconvénients suivants :
1.- la simple
délivrance du numéro d'une carte de crédit n'est pas une condition suffisante pour
s'assurer de la majorité d'un acteur. Nombreux sont les cas de piratage des numéros de
carte ;
2.- les commerçants
ne désirent pas alourdire les procédures d'acceptation qui, en elles-mêmes exigent
souvent la délivrance d'un numéro de carte de crédit pour effectuer le paiement du
produit ou du service souhaité ;
Enfin, le commerçant
se souciera très rarement de la capacité de son cocontractant dès lors que, la vente
effectuée, les risques d'action en nullité de l'acte restent minimes.
b.
L'erreur sur l'identité de la personne
Si l'environnement
des inforoutes ne permet pas de s'assurer de l'âge de la personne avec laquelle on
contracte, a fortiori ne peut-on déceler l'identité de celle-ci.
Notons que l'erreur
sur l'identité de la personne du contractant n'est pas en soi une cause de nullité du
contrat43. La question ne se posera en
fait que dans le cas de contrats intuitu personae, c'est à dire en considération
de la personne44, ou lorsque les parties
auront fait de l'identité de l'un des cocontractants un élément essentiel du contrat45. Ainsi, le contrat passé avec une tierce
personne entachera le contrat d'une nullité pour vice du consentement.
De manière
générale, les parties pourront remédier aux deux problèmes cités ci-dessus en ayant
recours aux méthodes d'identification par signature électronique et certification46. Celles-ci seront le plus souvent
utilisées dans le cadre des rapports contractuels entre professionnels. En effet, les
multiples contrats d'adhésion proposés aux consommateurs sur le Web s'adressent en
général à un public indéterminé.
2. Du consentement
informatique à la volonté humaine
Au travers de la
problématique posée par les transactions automatisées, nous redécouvrions l'importance
des notions exposées au début de cette étude, c'est à dire celles concernant
l'autonomie de la volonté et la nécessité de l'existence du consentement.
a.
La problématique des transactions automatisées
Nous quittons le
domaine des transactions effectuées directement entre personnes juridiques pour étudier
celui des consentements échangés au travers d'une interface automatisée.
L'automatisation du consentement se manifeste sous deux formes principales.
La première se
caractérise par l'offre permanente d'un site commercial dont les caractéristiques
essentielles du contrat qu'elle propose sont automatiquement définies et présentées au
public grâce à un logiciel qui peut tenir compte de plusieurs données : un indice
des prix, une synthèse de questionnaires proposés en ligne, ou au travers des cookies47. En effet, par l'observation automatique
des évolutions d'un consommateur sur un site Web, les cookies fournissent des
informations au logiciel qui dressera alors le profil commercial des visiteurs. Ceci
permet par exemple d'adapter les pages à un utilisateur particulier, et de lui proposer
des prix personnalisés (réductions, offres promotionnelles).
La seconde forme
d'automatisation que nous proposons d'aborder concerne plus spécifiquement les rapports
entre professionnels au travers de l'EDI (Echange de Documents Informatisés)48. L'EDI permet en effet de déléguer à un
ordinateur préalablement programmé la conclusion de contrats commerciaux. Cette
automatisation atteint aussi bien l'offre que l'acceptation.
Dans ces deux cas,
l'intervention d'une personne juridique ne devient alors qu'accessoire. Les questions qui
se posent sont les suivantes : peut-on dire que les conditions essentielles de
formation des contrats ont été respectées ? Un ordinateur a-t-il la capacité de
consentir ? Y a-t-il eu " échange des consentements " au sens
juridique ? Le consentement de l'une des parties peut-il être exprimé par un système
automatique ?
Car, en effet, selon
une vision classique du droit des contrats, les parties doivent s'accorder elles-mêmes
sur l'ensemble des éléments essentiels de la convention. Le consentement formulé par
l'intermédiaire d'un système automatisé ne semble donc pas satisfaire aux exigences du
droit positif. Et pourtant, le " consentement automatisé "
existe bel et bien dans les faits. Comment concilier la pratique avec le droit
positif ?
b.
La recherche d'une solution
Sans examiner en
détail l'ensemble des solutions proposées par les auteurs, nous nous attarderons sur
certaines d'entre-elles49 afin d'en tirer
les conclusions nécessaires.
|
i.
L'attribution des qualités de la personne juridique à la machine |
Une machine peut-elle
donner un consentement valide au regard de la théorie générale des contrats ?
Concernant la Common Law, Tom Allen et Robin Widdison rappellent qu'il est
généralement admis que les personnes naturelles et les personnes juridiques sont
capables de former des contrats entre-elles50.
Pour leur part, les systèmes juridiques du Code civil posent comme condition essentielle
de la formation des contrats que le consentement ait été donné par une personne
capable, juridiquement reconnue comme tel51.
Ainsi, Tom Allen et
Robin Widdison envisagent une solution qui pourrait paraître absurde au premier abord.
Celle-ci consisterait à conférer à l'ordinateur les attribues d'une personne juridique
" capable ".
Rappelons tout
d'abord ce qui définit la personne juridique. Selon Grzegorczyk, " la
personnalité juridique n'a rien à voir avec la qualité d'être humain "52, elle est plutôt, selon le mot de J.M.
Grossen " une qualité juridique conféré par le droit, un don de la loi "53. Ainsi, la personnalité juridique
définit le rôle et l'existence d'une entité pré-juridique sur la scène du droit. Ce
rôle peut également être assumé par des groupements humains et parfois même par
" des êtres totalement fictifs "54.
En effet, la loi reconnaît déjà la personnalité juridique à de nombreux organismes
non-humaines : corporations, associations, sociétés, organisations internationales,
l'Etat... La voie semblerait donc ouverte pour faire monter l'ordinateur sur la scène
juridique.
Néanmoins, il serait
bien difficile de lui conférer la personnalité juridique dès lors que le patrimoine
devient la caractéristique principale de celle-ci. Selon la théorie du patrimoine
consacrée par Aubry et Rau, toute personne possède un patrimoine et tout patrimoine
possède un titulaire qui est la personne. De même, Huber insiste sur le fait que
" la personnalité ne serait guère qu'une abstraction si on ne lui accordait
pas le pouvoir d'acquérir ; effectivement, elle n'existe, au sens juridique du mot,
que par la faculté qu'elle a de prendre sa part des biens de la collectivité. "55 L'ordinateur ne pouvant posséder de
patrimoine, il devient impossible de procéder à la reconnaissance de sa personnalité
juridique.
|
ii.
L'ordinateur comme outil de communication : une fiction théorique |
L'ordinateur pourrait
tout simplement être considéré comme un outil de communication classique, tel que le
téléphone ou le télécopieur56. Ainsi,
il n'exprimerait pas sa propre volonté, ni celle de la personne qui en est responsable.
Plutôt que d'utiliser le terme d' " expression ", il s'agirait
de revenir à la notion de " transmission d'information ".
L'ordinateur, devient alors l'objet par lequel sera transmise la volonté du véritable
acteur juridique de la transaction. Ainsi, l'on ne devrait plus dire que l'ordinateur a
conclu automatiquement un contrat pour le compte de la personne dans l'intérêt de
laquelle il agit. Bien au contraire, c'est la personne qui a conclu le contrat au travers
d'un outil de communication chargé de transmettre sa volonté.
Cette solution
propose en quelque sorte de jouer sur les mots. Il s'agit d'employer le bon terme pour
contourner une évidence : en fixant elle-même certains éléments essentiels du
contrat (prix et/ou quantité de marchandise), la machine fait plus que transmettre la
simple volonté de l'acteur juridique. Elle comble des zones de négociation au sein
desquelles la volonté directe et immédiate de l'utilisateur n'intervient plus. Un simple
téléphone ne prend jamais ce genre d'initiatives !
Le fait de
considérer les actes perpétrés par un ordinateur au même titre qu'une conversation
téléphonique relève donc d'une véritable fiction théorique. Celle-ci présente pour
seul avantage de ne pas remettre en cause notre ordre juridique comme c'était le cas dans
la première proposition. Ainsi, nous quittons le monde du virtuel pour aborder celui du
fictif ou encore du " simulacre ". Dans ce cas là, le droit se
propose d'ignorer simplement l'autonomie de la machine de manière à ne pas bouleverser
le scénario juridique écrit avant l'arrivée des acteurs du commerce électronique.
Le risque est
indéniable : si les juges adoptent cette théorie, l'acteur juridique devra
irrémédiablement supporter les conséquences désastreuses qui pourraient survenir d'un bug
informatique, d'une erreur de calcul ou d'un défaut de programmation57. Il sera tenu de l'ensemble des termes contractuels
réorganisés ou " décidés " par la machine comme si ceux-là
émanait directement de sa propre volonté58.
Alors que la
première solution se proposait de personnaliser la machine, la seconde décide d'ignorer
purement et simplement son pouvoir décisionnel. Peut-être existe-t-il une issue
raisonnable entre ces deux extrêmes.
|
iii.
L'ordinateur, mandataire du cocontractant |
John Fischer59 nous propose une nouvelle solution. Etant
donnée que les acteurs du commerce électronique délèguent un pouvoir déterminant à
l'ordinateur, il s'agirait de considérer que la machine a été mandatée pour agir en
leur nom et pour leur compte. Cette vision se rapproche effectivement de la réalité et
trouverait, d'après John Fischer, ses bases légitimes dans les objectifs du droit de l'agency
en Common Law60.
Fischer ajoute une
nuance : l'on devra se garder de transposer l'ensemble du droit des mandats à
l'ordinateur, tels que le devoir de loyauté et la responsabilité du mandataire.
Un problème se pose
cependant en Common Law : le mandataire doit accepter son mandat. Le
mandataire ne peut donc être une machine qui, dépourvu de personnalité juridique, n'a
pas le pouvoir de passer des actes juridiques. Les traditions du Code civil ne sont pas
moins restrictives61 :
1.- au niveau des rapports mandant / mandataire : le mandataire doit avoir la
volonté d'agir pour le compte du mandant et manifester cette volonté ;
2.-
au niveau des rapports mandataire / cocontractant du mandant : la volonté du
mandataire doit exister, elle ne doit pas non plus être entachée de vices.
Ainsi, nous voyons
que, pour qu'un ordinateur puisse être mandataire, il faudrait en revenir à la première
proposition, à savoir lui conférer la capacité juridique de contracter62.
|
iv.
L'établissement d'un lien d'obligation entre l'ordinateur et la personne juridique |
L'on pourrait
contourner les obstacles juridiques liés à la théorie du mandat en créant un lien
d'obligation entre la machine et la personne pour le compte duquel elle agit. Cette
création pourrait provenir du législateur. Deux projets vont dans ce sens :
1.-
le projet de modification du Uniform Commercial Code (U.C.C.) américain qui
aborde la notion d'agent électronique définit comme " a computer program or
other electronic or automated means used, selected, or programmed by a person ti initiate
or respond to electronic messages or performances without review by any individual. "63 Cet agent électronique constituerait en
fait une nouvelle forme de mandat palliant les obstacles évoqués ci-dessus. Le projet
américain a sans doute subit l'influence de Raymond T. Nimmer qui s'est consacré à
élaborer une théorie de l' " attribution "64 dont le but est de créer un véritable lien
d'obligation entre le message et la personne pour le compte de laquelle il a été
automatiquement transmis. Nous retrouvons la même proposition au sein de la loi-type de
la CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International)65.
2.-
la loi-type de la CNUDCI : en son article 12, intitulé " Attribution
des messages de données ", la loi-type stipule notamment
qu' " un message de données est réputé émaner de l'expéditeur s'il
a été envoyé (...) par un système d'information programmé par l'expéditeur ou en son
nom pour fonctionner automatiquement ".
Vincent Gautrais ne
se satisfait pas de l'adoption de cette théorie dont l'utilisation serait vouée à
l'échec dans le cadre des contrats automatisés. Selon lui, le lien d'obligation ne peut
s'établir en raison du fait qu'il fait intervenir un acteur incapable juridiquement66. Nous ne pouvons que souscrire à cette
remarque au regard de l'échec de la théorie du mandat. Néanmoins, nous devons nuancer
cette affirmation au regard de la responsabilité du fait des choses.
Selon l'article 1054
C.c.Q ou son équivalent en droit français (article 1384 C.c.F), la faute du gardien de
la chose qui a causé le dommage est toujours présumée. Pour engager la responsabilité
du gardien, il suffit que le dommage ait été " causé " par une
" chose ". Sans entrer dans les détails, le fait qu'un ordinateur,
encore considéré comme un chose, ait provoqué une situation matérielle ou morale
préjudiciable pour un tiers engage irrémédiablement la responsabilité du gardien. Un
lien d'attribution entre le gardien et le message envoyé par la machine a donc bien été
créé par cet acteur " incapable juridiquement "67. Bien que nous nous situons ici en
matière délictuelle, nous voyons que le droit civil n'est pas totalement réfractaire à
ce genre de situation. Etant donné sa complexité, la présente étude laissera cette
question en suspend.
|
v.
Le recours à l'accord EDI |
Les transactions
automatisées EDI sont encadrées par une convention visant à définir les modalités
relatives à l'utilisation et à l'échange des données informatiques. Il s'agit d'un
contrat formé par les parties avant toute intervention de la machine. Eric A. Caprioli et
Renaud Sorieul précisent que " les contrats d'échange contiennent des
dispositions contractuelles à caractère juridique (validité et formation des contrats
par EDI, preuve, responsabilité, loi applicable...) "68 Bien qu'automatisés, les actes sous-jacents qui en
découlent pourraient donc être le fruit du consentement des parties que l'on ferait
remonter à la conclusion de l'accord EDI. Ainsi, le contrat général exprimerait le
consentement " virtuel " des parties, qui s'actualiserait dans chacun
des actes sous-jacents69.
Plusieurs arguments
nous empêcheraient cependant d'adopter cette solution. Tout d'abord, les deux auteurs
précités rappellent que la pratique et la doctrine estiment que l'accord EDI doit
traiter exclusivement de la communication des données informatisées et non du contrat
commercial sous-jacent, régi par le droit commun. Pourtant, ajoutent-ils, il semble
difficile d'ignorer que la forme agit sur le fond et vice-versa. Par exemple, l'Americain
Bar Association adopte une approche inverse en intégrant dans un contrat unique à la
fois les dispositions sur les communications électroniques et celles sur les aspects
commerciaux entre les partenaires.
Si un doute subsiste
encore, Vincent Gautrais désire l'effacer en remarquant que la définition de l'accord
EDI se rapproche fortement de celle du contrat-cadre70,
qui exclut, selon lui, l'expression de la volonté des parties lors de sa rédaction71. Vincent Gautrais ajoute un second
argument en se basant sur l'article 1583 C.c.F, selon lequel la vente est parfaite
" dès qu'on est convenu de la chose et du prix ". Or, tel
n'est pas l'objectif du contrat-cadre. Ces modalités, essentielles à la formation du
contrat de vente, seront définies au sein des actes sous-jacents automatisés. Vincent
Gautrais conclut que " lors d'un contrat automatisé par le biais de
l'EDI, l'on ne peut faire remonter le consentement à la formation du contrat-cadre. "72
Cependant, ne
serait-il pas possible de stipuler au sein d'une convention spécifique que les parties
consentent entre elles à ce qu'un système informatisé puisse prévoir, pour leur
compte, le prix et la quantité de la marchandise à fournir ? La pratique
contractuelle pourrait tout simplement intégrer les propositions définies par les
projets législatifs. Malgré tout, il serait bien difficile de déroger, par exemple, à
la disposition impérative de l'article 1583 C.c.F, et soumettre les parties au risque de
l'aléa informatique.
|
vi.
L'empreinte suffisante du consentement |
Malgré les
difficultés liées aux propositions précédemment étudiées, nous ne pensons pas qu'il
est impossible de retrouver le consentement des parties au sein des actes automatisés. Il
suffirait de rechercher dans les actes effectués par un système informatique une
empreinte suffisante de la volonté des acteurs juridiques. Cette solution risque
d'entraîner des effets négatifs similaires à ceux dévoilés par l'assimilation de
l'ordinateur à un outil de communication classique.
Mais il existe une
exception de taille, dans la mesure où il n'est pas tenu pour acquis que l'ensemble des
manifestations de la machine portent une empreinte suffisante de la volonté des acteurs
juridiques. En cas de litige, par exemple lorsque l'une des parties estime que
l'ordinateur aurait " contracté " pour une quantité aberrante de
marchandise, le juge cherchera alors quelle fut la volonté réelle des cocontractants. Il
pourra se baser sur un faisceau d'indices tels que les pratiques commerciales habituelles
des acteurs en présence, l'indice auquel devait se référer le programme de
l'ordinateur, la logique inhérente du marché ou encore la fiabilité de la machine.
Il ne s'agit
nullement d'une proposition novatrice puisque les droits positifs français et québécois73 prennent déjà en considération la
volonté interne des parties dans certaines circonstances pour la mettre en balance avec
la volonté déclarée en fonction des intérêts en cause. La volonté interne peut être
prouvée par tous moyens s'agissant par exemple d'établir qu'un fait juridique a vicié
le consentement de l'une des parties74. La
preuve de la défaillance de la machine pourrait alors suffire. Bien sur, une telle
acceptation soumettrait la volonté réelle des parties à l'interprétation des juges.
Elle ferait alors peser une certaine incertitude sur chacun des actes effectués par les
systèmes automatiques. Cela pourrait sembler insupportable dans certaines relations
commerciales. Une telle solution aura cependant le mérite de poser comme principe la
validité des conventions automatisées.
Ainsi, nous pouvons
nous accorder avec l'allocution doctrinale de Jean Carbonnier : " l'essentiel
du consentement, c'est la volition, le déclic qui transforme en acte juridique un projet
jusqu'alors dépourvu d'effets en droit "75.
Virtuel, le consentement des parties n'en est pas moins réel76, même si son actualisation se manifeste au travers de
la mise en uvre d'un programme informatique.
Malgré les atteintes
portées au dogme de l'autonomie de la volonté pour des raisons de justice sociale, nous
avons bien vu qu'il était impossible d'admettre l'engagement d'un acteur juridique sans
se référer à la réalité de son consentement. Mais nous avons remarqué qu'il était
possible d'en retrouver les traces dans la conclusion d'un accord assistée par un outil
technologique. C'est pourquoi nous ne croyons pas que les situations étudiées ci-dessus
puissent remettre en cause la théorie générale des contrats, dès lors que celle-ci à
su remettre en cause le caractère dogmatique du principe de l'autonomie de la volonté.
Conclusion
L'on pourrait nous
reprocher d'avoir soutenu la nécessité d'encadrer le phénomène du
" consentement réflexe " d'une personne juridique, alors que, d'un
autre côté, nous avons accepté la plénitude du consentement exprimé au travers d'un
système automatisé. Bien que notre objectif n'était pas de privilégier l'acte
informatisé par rapport à l'automatisme humain, il nous semble concevable que
l'ordinateur puisse être le support d'une volonté plus éclairée que celle d'un
consommateur manipulé. Nous nous sommes simplement attachés à transposer les valeurs
actuelles et le pragmatisme du droit positif dans le cadre du commerce électronique. Ses
valeurs impliquent la protection des parties faibles. Son pragmatisme nécessite de
répondre aux incertitudes professionnelles au moyen des outils juridiques dont nous
disposons.
Maintenant que nous
nous sommes assurés que la notion même de consentement restait pertinente dans le cadre
du commerce électronique, nous abordons la question de son
" échange " comme processus par lequel les volontés se rencontreront
au travers des réseaux numériques.
II.
La rencontre des volontés sur les autoroutes de l'information
L'échange des
consentements va aboutir à l'accord des volontés. Cet accord se produira dès lors
qu'une offre et une acceptation se rencontreront. Ainsi le consentement de l'une des
parties devra être communiqué à son futur cocontractant. Nous étudierons la manière
dont les consentements ont vocation à circuler sur les réseaux électroniques au travers
de leurs manifestations (A), avant de tenter de définir en quel lieu et à quel moment
l'accord des volontés pourra se produire (B).
A.
Les manifestations du consentement sur les réseaux informatiques
L'accord des
volontés, et par la même, la formation du contrat, se fera à la suite de l'échange des
consentements qui s'exprimeront au travers d'une offre et d'une acceptation77.
1. L'offre sur les
réseaux électroniques
Selon Ghestin, on
peut définir l'offre, ou la pollicitation, comme " une manifestation de
volonté unilatérale par laquelle une personne fait connaître son intention de
contracter et les conditions essentielles du contrat. L'acceptation de ces conditions par
le destinataire de l'offre formera le contrat. "78
Il s'agit pour nous
d'identifier la manière dont l'offre se manifeste sur les réseaux électroniques et les
effets juridiques qu'elle provoque. Nous verrons ensuite les obstacles existant à la
manifestation de la " volonté unilatérale " de l'offrant.
Nous tenterons ainsi de répondre à la question suivante : une offre réglementée
est-elle de nature à porter atteinte à l'échange de consentements ?
a.
Manifestations, existence et effets juridiques de l'offre
i.
Moyens d'expression de l'offre
Plusieurs outils sont
à la disposition du pollicitant. Il peut choisir entre des moyens de communication à
caractère public (Web, forums de discussions) ou privé (courrier électronique, IRC,
ICQ). Néanmoins, il est parfois bien difficile de tracer la frontière entre le
caractère privé et public des offres effectuées au travers de l'un de ces outils. Par
exemple, une offre envoyée par courrier électronique à un nombre important de personnes
pourra être considérée comme publique, en droit français, dès lors que l'offrant ne
s'adresse pas nominativement à chacun des bénéficiaires79.
La distinction entre les caractères privés et publics peut revêtir une certaine
importance juridique. En effet, la Cour de cassation à posé comme principe que
" l'offre au public lie le pollicitant à l' égard du premier acceptant
dans les mêmes conditions que l'offre faite à personne déterminée "80.
Or, nous savons qu'il
n'est pas difficile d'automatiser l'envoi de courriers électroniques afin qu'ils
s'adressent nominativement à un grand nombre de personnes dont les noms et l'adresse
électronique auront été recherchés sur le Web par des logiciels fureteurs.
Considérée comme une offre effectuée à personne déterminée, une telle pratique
risque de lier le pollicitant à l'égard de l'ensemble des destinataires du message. En
revanche, si le nom des bénéficiaires n'apparaît pas en introduction du message,
l'offre sera alors considérée comme publique et ne liera alors le pollicitant qu'à
l'égard du premier acceptant.
|
ii.
Les conditions d'existence de l'offre |
Pour constituer une
offre au sens juridique du terme, le message affiché sur un site commercial ou envoyé
par courrier électronique doit contenir tous les éléments nécessaires à la conclusion
d'un contrat, c'est à dire par exemple la désignation précise du produit proposé ainsi
que son prix81. L'offre ne pourra
contribuer à la formation du contrat qu'à condition d'être précise, ferme et
dépourvue d'équivoque82.
Quand bien même un
message apparaissant sur une page Web remplirait ces conditions, le gestionnaire d'un site
commercial conserve la possibilité de renverser la présomption d'offre en simple
invitation à pourparler.
Dans ce sens, le
contrat type, proposé par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris et l'Association
Française du Commerce et des Échanges Électroniques83,
prévoie d'imposer des restrictions à l'offre par rapport à la zone géographique
du commerçant. Ces limitations sont de deux ordres :
|
1.- d'ordre
matériel : la livraison du produit proposé ne pourra se faire à une distance que
le commerçant juge déraisonnable ;
|
|
2.- d'ordre
juridique : une telle clause a pour effet de changer la position du commerçant. Son
offre étant limitée à une certaine zone géographique, il ne sera plus lié en dehors
de celle-ci en cas d'acceptation de l'internaute. C'est alors l'internaute qui devra
effectuer une offre que le commerçant aura le loisir d'accepter ou de refuser. |
D'un autre
côté, il existe des circonstances dans lesquelles l'acteur ne peut révoquer, même
expressément, le caractère d'offre des messages affichés sur son site. Une
jurisprudence s'est développée hors réseau pour fixer la valeur contractuelle des
documents publicitaires. Lorsqu'ils sont suffisamment précis et détaillés, les
documents publicitaires lient celui qui les utilise, quand bien même il leur aurait
dénié tout caractère contractuel84.
Maître Valérie Sédallian en tire la conclusion suivante : " Un
service Internet n'est rien d'autre qu'une nouvelle forme de support pour les offres et la
publicité commerciales. Les informations figurant sur un service en ligne, par exemple un
site Web, pouvant porter notamment sur les prix ou les caractéristiques techniques des
produits de l'entreprise ont valeur de document contractuel. "85
|
iii. Les
effets juridiques de l'offre |
L'offre ferme et
précise entraîne certaines conséquences juridiques. Par exemple, si l'auteur de l'offre
a fixé un délai pour l'acceptation, il devra alors maintenir sa pollicitation jusqu'à
expiration de celui-ci86. Et, dès lors
qu'une acceptation intervient pendant le délai de validité de l'offre, le contrat sera
formé.
En principe, le
pollicitant qui aurait effectué une offre sans en préciser l'échéance peut librement
la révoquer. Les jurisprudences française et québécoise exigent cependant que le
pollicitant maintienne son offre avant l'écoulement d'un " délai
raisonnable ", en général assez bref. En matière commerciale, les tribunaux
se réfèrent alors aux usages professionnels87.
La jurisprudence
sanctionnera par des dommages-intérêts le pollicitant qui aurait effectué un retrait
abusif ou prématuré de son offre88.
Néanmoins, le
pollicitant peut limiter les effets de son offre publique à la quantité disponible des
articles proposés en inscrivant par exemple sur l'une de ses pages :
" offre valable dans la limite des stocks disponibles "89.
|
b. De la
réglementation de certaines offres : un obstacle à l'échange de
consentement ? |
Nous devons
considérer si la réglementation de l'offre effectuée sous forme de spamming,
compris en tant que messages publicitaires non sollicités envoyés par courrier
électronique aux usagers du réseau, constitue un obstacle à l'échange des
consentements.
Aprement discutée
auprès des élus américains, la dernière proposition de loi du Représentant W. J.
Tauzin a suscité de vives réactions90.
Contrairement aux attentes de la communauté des internautes, le projet n'interdit pas le spamming.
Il oblige simplement les auteurs des " polluriels " à inscrire
certaines mentions permettant leur identification. Les annonceurs devront également
permettre aux internautes de se retirer facilement de leur liste de diffusion (principe du
" opt-out ").
Notons qu'en droit
français, toute offre commerciale envoyée par courrier électronique devra respecter les
règles définies dans le Code de la consommation. Les solliciteurs se méfieront
notamment des deux dispositions suivantes :
1.- sont
proscrits par l'article L. 121-1 les messages publicitaires de nature à induire
le consommateur en erreur, sous peine de deux ans d'emprisonnement et 250 000 FF d'amende
;
2.- en vertu de
l'article L. 121-18 le professionnel a l'obligation d'indiquer son adresse et ses
coordonnées téléphoniques. Il ne doit pas falsifier son identité.
Enfin, le
consommateur qui aurait cédé à la tentation ne sera réellement engagé qu'après
signature d'un contrat devant comporter les mentions obligatoires précisées à l'article
L. 121-23. La vente ayant été effectuée à distance, le consommateur
dispose encore d'un délai de sept jours francs à compter de la livraison du produit pour
le retourner et en obtenir le remboursement (art. L. 121-16).
Elaboré en vue
de protéger le consommateur, l'encadrement de l'offre commerciale n'empêche en rien son
expression, sous quelque forme que ce soit. Il n'y a donc pas ici un véritable obstacle
à la rencontre des volontés.
2. La
manifestation de l'acceptation
La doctrine ne s'est
pas attachée à donner une définition du consentement. Dans la plupart des ouvrages, les
auteurs se contentent d'énoncer que le contrat se trouve valablement formé par
l'acceptation d'une offre sur les éléments essentiels de la convention.
Selon l'article 1386
du Code civil du Québec, la volonté d'une personne d'accepter l'offre de contracter que
lui fait une autre personne réalise l'échange de consentement. Nous voyons ainsi qu'en
venant à la rencontre de l'offre, l'acceptation produira l'accord des volontés. Selon le
principe du consensualisme, l'acceptation ne doit revêtir aucune forme particulière. Il
demeure toutefois essentiel d'observer la manière dont elle pourra se manifester sur les
réseaux électroniques. L'on peut notamment s'interroger sur les procédés offerts à
l'internaute pour exprimer l'acception d'une pollicitation proposée sur une page Web.
Tacite ou expresse, l'acception doit être suffisamment explicite pour aboutir à la
formation du contrat.
a.
Le geste contractuel
Le
" cliquage " sur un bouton d'acception présenté sur une page Web
commerciale suffit-il à exprimer réellement l'intention de l'internaute a accepter les
termes essentiels du contrat qui lui sont proposés ? L'acceptation de l'internaute
n'étant ni exprimée oralement, ni par écrit, il peut sembler difficile de considérer
ce simple fait comme une acception expresse.
Pourtant, la mise en
action du bouton d'acceptation entraîne la transmission d'informations numériques qui
seront reconnues par un logiciel, lequel les convertira en informations intelligibles pour
le commerçant destiné à les recevoir. Ce résultat provient de la pression du doigt de
l'internaute sur le bouton de sa souris ou sur la touche de validation de son clavier,
c'est à dire d'un geste. Au travers de l'enchaînement de conséquences décrit
ci-dessus, ce geste sera identifiable par le commerçant.
Or, nous savons qu'en
Droit civil un geste non-équivoque ou un comportement actif peut être considéré comme
une manifestation expresse de la volonté de l'acceptant. Par exemple, le fait pour une
personne de monter dans un autobus ou dans un taxi en stationnement à l'emplacement
consigné est considéré par la jurisprudence comme une manifestation expresse de
l'acceptation du contrat de transport91.
La doctrine admet également que de simple signes fait avec le corps tel qu'un hochement
de tête dans une vente aux enchères peuvent constituer une acception expresse
" si, d'après la coutume, ils sont normalement destinés à révéler la
volonté "92. Les tribunaux
pourraient alors prendre en compte l'usage qui s'est développé sur l'Internet pour
convenir du fait que le cliquage sur le bouton approprié constitue effectivement une
acception.
Enfin, nous
proposerons un dernier argument de nature doctrinale. Selon Ghestin, " les
manifestations de la volonté expresses et tacites se caractérisent ainsi par l'intention
de communiquer, c'est à dire par le but poursuivi par leur auteur "93. Il y aurait peu de difficultés à
assimiler le cliquage sur un bouton d'acceptation comme une " intention de
communiquer " de la part de l'internaute, sachant que l'Internet a été
prévu à cet effet.
En argumentant de la
sorte, nous nous sommes volontairement fait l'avocat du diable car, nous l'avons vu en
première partie, il s'agit d'éviter dans la mesure du possible le risque du
" consentement réflexe ", au travers duquel la volonté de
l'internaute n'aurait pas été réellement exprimée.
b.
Une manifestation consciente
Pour qu'un contrat
soit valablement formé, la concordance de l'offre et de l'acceptation devra porter sur
les éléments essentiels du celui-ci94.
Nous devons donc nous assurer que l'internaute a effectivement admis l'ensemble des
dispositions essentielles du contrat d'adhésion proposé par le marchand.
Nous avons déjà
remarqué qu'il était primordial de donner à l'internaute la possibilité de prendre
connaissance des particularités essentielles du contrat auquel il s'apprête à
souscrire. En l'absence de telles mesures, les juges devraient alors recourir à d'autres
critères que la simple acceptation par cliquage, trop facile à effectuer pour témoigner
du consentement des parties les plus faibles.
Le paiement du prix
pourrait être un critère supplémentaire. Par exemple, la délivrance du numéro d'une
carte de crédit témoigne d'un acte certainement plus conscient que la validation d'un
bouton d'acceptation95.
Les juges pourraient
également vérifier la manière dont les clauses contractuelles ont été présentées
sur les pages Web que l'internaute a dû faire défiler avant d'en arriver au geste
d'acception fatidique.
c.
Conclusion
Nous convenons que
l'ensemble de ces propositions puisse paraître superflu au regard des dispositions
protectrices des consommateurs dont nous avons relevé l'existence tout au long de cette
étude. Le système du cliquage a néanmoins vocation à s'appliquer aux relations
inter-professionnelles au sein desquelles il existe souvent un certain déséquilibre
entre les parties. En outre, la mise en uvre des dispositions spécifiques de
protection des consommateurs apparaît encore relativement complexe dans le contexte
international de l'Internet. La détermination du moment et du lieu de la formation du
contrat pourrait toutefois lever quelques incertitudes.
B.
Lieu et moment de la formation du contrat
Nous arrivons
maintenant en fin de parcours, à cet instant précis où l'échange des consentements
aboutit à l'accord de volonté. Avant de déterminer le lieu et le moment de formation du
contrat, nous devons présenter l'intérêt pratique d'une telle démarche.
1. Intérêt
pratique de la détermination du lieu et du moment de la formation du contrat
L'instant et la
situation de l'accord des volontés marquent à la fois la prise d'effet du contrat et la
loi applicable à la forme du contrat.
a.
Point de départ des effets du contrat
Une fois le contrat
formé, les parties ne peuvent plus se rétracter. A moins d'une stipulation contraire, le
moment précis où les consentements des parties se seront rencontrés marque la prise
d'effet des obligations qu'elles auront définies. Il est donc important de pouvoir
déterminer la date à partir de laquelle l'acheteur bénéficiera de la propriété du
bien et devra supporter le risque de la perte. Enfin, le moment de formation du contrat
impliquera la mise en de la loi qui était alors en vigueur96.
b. Les règles de conflits
L'intérêt de
déterminer le lieu de la rencontre des volontés réside dans le fait de rattacher le
contrat à la loi d'un Etat. Du moins pour ce qui concerne les formes dans lesquelles il
doit être conclu suivant l'adage locus regit actum97.
Précisons encore que le lieu de formation du contrat constituera également un indice
dans la recherche de la loi que les parties auront envisagé pour régir le fond de la
convention.
Enfin, l'attribution
du lieu pourra également décider de la compétence des tribunaux destinés à être
saisis par les parties en cas de litige. Le tribunal compétent serait alors celui du lieu
de la formation du contrat. Cette solution est dorénavant écartée en droit français
suite la réforme réalisée par le nouveau Code de procédure civile de 197598. Elle reste cependant admise en droit
civil québécois99.
Le moment est venu de
préciser le lieu et le moment de le rencontre des consentements.
2. Le lieu et le
moment de la rencontre des consentements
Le contrat
électronique s'apparente au contrat à distance. Bien que les réseaux électroniques
consistent en un outil de communication rapide, l'offre et l'acceptation ne pourront se
faire simultanément. Nous dirons que, contrairement aux contrats formés entre les
cocontractants en présence l'un de l'autre, l'échange des volontés se fera de manière
asynchrone. En outre, les acteurs juridiques se trouveront souvent en des régions
différentes.
Deux conceptions
s'opposent nettement pour aboutir à la détermination du moment et du lieu de la
formation du contrat. La première envisage la conclusion de l'accord dès lors que la
volonté de l'acceptant a été exprimée. La seconde préfère retarder la formation du
contrat au moment où les intentions de chacune des parties ont été mises à la
connaissance de l'autre partie100.
La première
conception accepte deux théories :
1.-
La théorie de la déclaration selon laquelle la seule expression de l'acceptation
suffit à réaliser l'accord des volontés ;
2.-
La théorie de l'émission qui n'admet la formation du contrat qu'au moment où
l'acceptant se sera dessaisi du document témoignant de l'expression de sa volonté.
Deux autres théories
sont également proposées par le second mouvement :
1.-
La théorie de l'information : dans ce cas, l'accord des volontés sera
réalisé dès lors que l'offrant aura eu connaissance de l'acception ;
2.-
Enfin, la théorie de la réception considère que le contrat est formé à
l'instant où l'offrant est présumé avoir eu la possibilité de prendre connaissance du
consentement de l'acceptant.
Nous verrons
lesquelles de ces conceptions ont été adoptées dans les pays de Droit civil et
de Common Law.
Nous prendrons
ici l'exemple des droits civils français et québécois.
Une abondante
jurisprudence a su privilégier la théorie de l'expédition pour localiser le lieu de
formation du contrat101. Concernant la
détermination du moment de l'accord des volontés, Vincent Gautrais remarque que la
jurisprudence adoptait aussi bien la théorie de l'expédition que celle de la réception
suivant les cas d'espèce102.
Une décision de la
Cour de cassation du 7 janvier 1981 semble avoir voulu uniformiser les solutions. Elle
pose le principe qu'à défaut de stipulation contraire, un acte était destiné à
devenir parfait par l'émission de l'acception du bénéficiaire de l'offre103. Bien que le jugement paraisse
s'imposer comme un arrêt de principe, ce dernier concernait spécifiquement un problème
de caducité de l'offre. Nous ne pouvons donc pas affirmer que la solution de l'émission
s'appliquera systématiquement à la détermination du moment et du lieu de la formation
du contrat à distance104.
Le droit québécois
a le mérite incontestable d'avoir mis fin à l'incertitude environnante dans son nouveau
Code civil. Ainsi, l'article 1387 C.c.Q dispose que " Le contrat est formé
au moment où l'offrant reçoit l'acceptation et au lieu où cette acceptation est reçue,
quel qu'ait été le moyen utilisé pour la communiquer et lors même que les parties ont
convenu de réserver leur accord sur certains éléments secondaires. "
Précisons que la
question du lieu de formation du contrat se posait déjà dans les relations entre
commerçants et consommateurs depuis l'adoption de Loi sur la protection du
consommateur en 1978. Celle-ci considère systématiquement que le contrat à distance
a été " conclu à l'adresse du consommateur" 105.
b.
Les solutions en Common Law
Nous nous
contenterons ici d'exposer simplement la solution envisagée par la Mailbox rule,
introduite aux Etats-Unis sous l'influence de l'arrêt anglais Adams v. Lindsell106, selon lequel une acceptation faite par
courrier valide le contrat dès qu'elle est postée. La théorie de l'expédition
prédomine donc en droit américain pour la plupart des contrats à distance, peut importe
la synchronicité des moyens de communication envisagés.
En revanche, c'est la
théorie de la réception qui semble avoir été consacrée dans le projet du U.C.C.
applicable aux licences (version B) qui, en son article 2B-205, dispose : " In
an electronic transaction, if an electronic message initiated by a party or its electronic
agent evokes an electronic message or other electronic response by other or its electronic
agent, a contract is created when : (1) the response is received by the initiating
party or its electronic agent, if the response consists of furnishing information by that
party did not preclude such a response; or (2) the initiating party or its electronic
agent receives notice or an electronic message signifying acceptance. "
Bien
fluctuantes, selon les cas d'espèce et les Etats, les solutions proposées ne
s'harmonisent pas forcément entre-elles. L'on aura alors recours aux initiatives d'ordre
internationales tels que la Convention de Vienne ou les travaux de la CNUDCI.
La référence aux
articles 23, 18-2107, et 18-3108 de la convention de Vienne nous
donnerait le résultat suivant : la théorie de la réception s'imposerait du côté
de l'acceptant, lequel conserve la possibilité de se rétracter jusqu'à réception de
son acceptation par le pollicitant ; en revanche, c'est la théorie de l'expédition
qui prédominerait pour l'offrant, lié dès l'expédition de l'acceptation109.
L'on remarquera
cependant que c'est la théorie de la réception qui reçoit le plus souvent les faveurs
du commerce international. Elle a d'ailleurs été proposée au sein de la loi-type de la CNUDCI
en son article 15110. Une nuance devra
être apportée, car c'est la théorie de l'information qu'il l'emportera lorsque
l'expéditeur se trompe dans la désignation du système d'information qu'il aurait prévu
pour la réception de l'acceptation.
A la fin de leur
parcours électronique, les consentements se rejoignent pour former l'accord des volontés
et générer l'ensemble des effets de droit inhérent aux contrats.
Conclusion générale
L'on pourrait se
demander si nous ne sommes pas en train de découvrir un nouveau paradigme du droit des
contrats. Un paradigme propre à concevoir l'échange des consentements sous un jour
nouveau, que l'on assimilera plus à un échange d'informations concordantes qu'à un
accord de volontés proprement dit.
En effet, sur
l'Internet, tout n'est qu'échange d'information. L'accord des volontés exprimé au
travers du Web ou des courriers électroniques est lui-même issu d'un échange
d'informations. Ainsi, nous pourrions plagier la conception de Duguit, reprise par les
frères Mazeaud en remplaçant le terme " volonté " par le terme
" information " : " à elle seule, l'information
est impuissante à créer des obligations ; c'est la société qui, seul a ce
pouvoir ; l'information n'est ainsi qu'un commutateur, donnant passage à un courant
dont la source est ailleurs. "111
Nous nous rendons compte alors que cette allocution s'adapte parfaitement bien aux
réseaux électroniques et que le concept de " volonté " ne vaudrait
pas plus que celui d' " information " et ce, pour des raisons de
justice sociale ! En acceptant de telles conceptions, nous risquons peut à peut de
définir le consentement ou l'expression de la volonté comme une simple information.
L'information envoyée par X devra simplement répondre à certains termes de
l'information diffusée par Y. Au travers d'un nouveau formalisme, cet échange
d'informations ne représenterait qu'un reflet des volontés des parties interprétées à
la lumière de l'utilité sociale. Méfions-nous de ces constructions théoriques. Le
dogme de l'autonomie de la volonté n'est certes plus au goût du jour. Rien n'empêche
cependant que la volonté demeure le critère déterminant du contrat. Le commerce
électronique ne nous permet pas à lui seul de remettre en cause la théorie générale
des contrats.
Nous remarquerons
également que l'utilisation de certains termes (virtuel ou Cyberespace) ont jusqu'à
présent prêté à confusion. Ils ont aussi été la cause du doute de nombreux experts.
Nous tenons à rappeler ici que le mot " Cyberespace " provient d'une
initiative libertaire qui a voulu se ménager un espace de liberté électronique en
dehors des frontières étatiques. L'emploi du mot est, à notre sens, incompatible avec
la découverte de certaines solutions juridiques. Comment voudrait-on fixer par exemple le
lieu de rencontre des consentements lorsque ces derniers s'échangent dans un lieu sans
lieu ? Bien entendu, l'adoption de ce concept provient certainement d'un effet de
mode et n'implique pas la duplicité de l'ensemble des juristes. Mais la confusion demeure
toujours dans l'esprit de nombreux acteurs soumis à l'influence d'une idéologie au
détriment des réalités techniques et juridiques.
En définitive,
l'analyse du parcours des consentements dans leur processus d'échange sur les réseaux
électroniques nous à permis de nous apercevoir que notre droit positif n'est pas
fondamentalement à remettre en cause. Certes, la recherche de la volonté d'un acteur
juridique exprimé au travers d'un ordinateur ou la détermination exacte du lieu et du
moment de la formation du contrat ont pu susciter l'interrogation. Nous ne pensons pas
cependant que ces tracasseries théoriques puissent nuire aux concepts juridiques
traditionnellement utilisés par la théorie générale des contrats, dans la mesure où
n'y ajoutons pas trop d'exotisme libertaire.
L.T.
Bibliographie
Ouvrages en droit des obligations
- Jean-Louis
BAUDOUIN, Les obligations, Yvon Blais, Cowansville, ed 1989 et 1993 ;
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des contrats ou des obligations conventionnelles en général, T1, Hachette,
Paris ;
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Law of Contract in Canada, Carswell, Toronto, 1976 ;
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obligations - le contrat : formation, LGDJ, Paris, 1988 ;
- Henri, Léon et
Jean MAZEAUD, Leçon de droit civil, T2, Montchrétien, Paris, 1966 ;
- Pierre-Basile
MIGNAULT, Droit civil canadien, t.5, Montréal, Théoret, 1901 ;
- Marcel PLANIOL, Traité
élémentaire de droit civil - t. 2, Paris, Lib. Catillon, 1900 ;
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obligations - Actes et responsabilités, Montréal, W&L, 1997 ;
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des obligations - l'acte juridique légitime, W&L, Montréal, 1993.
Ouvrages et
thèses spécialisés
- Vincent GAUTRAIS, L'encadrement
juridique du contrat électronique international, Thèse de doctorat déposée à
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- Valérie
SÉDALLIAN, Droit de l'Internet, Collection AUI, Ed. Netpress, Paris, 1997 ;
- Isabelle de
LAMBERTERIE (Dir.), La vente par voie télématique - Rapport intérimaire, Ivry,
CNRS, 1988 ;
- Pierre LÉVY, Qu'est-ce
que le Virtuel ?, La découverte, Paris, 1995 ;
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LEFEBVRE & Serge PARISIEN, La preuve et la signature dans les échanges de
documents informatisés au Québec, Québec, Publications du Québec, 1993 ;
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France ABRAN, Karim BENYEKHLEF & Sophie HEIN, Droit du Cyberespace, Montréal,
Thémis, 1997 ;
- Michel VIVANT
(dir.), Lamy - Droit de l'informatique, Paris, Lamy, 1997.
Articles
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- Éric A. CAPRIOLI
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and Water Law Review, 32 ,1997 ;
- Michel VIVANT,
" Commerce électronique : un premier contrat type ", Cahier
Lamy Droit de l'informatique, E, 1998, p. 1-3.
Notes
1 Terme attribué à William Gibson qui l'aurait utilisé pour
la première fois dans son roman Le Neuromancier. Voir William GIBSON, Le
Neuromancier, J'ai Lu, Paris, 1984.
2 Dans sa Déclaration d'Indépendance du Cyberespace en 1996,
John Perry BARLOW écrivait sur un ton provocateur : " Gouvernements du
monde industrialisé, géants fatigués faits de chair et d'acier, j'arrive du
Cyberespace, la nouvelle habitation de l'esprit (...). Vous n'êtes pas les bienvenus
parmi nous. Vous n'êtes pas souverains là où nous nous rassemblons (...). Vos concepts
juridiques de propriété, d'expression, d'identité, de mouvement et de contexte ne
s'appliquent pas à nous. Ils sont basés sur la matière. Il n'y a pas de matière
ici. "
3 A noter que la rédaction de l'article 1108 du Code civil
français a été soumis à de nombreuses critiques. En effet, celle-ci ne mentionne que
le consentement de la partie qui s'oblige. Mais certains auteurs ont levé l'ambiguïté
en constatant par exemple que " le rédacteur suppose l'offre faite d'abord
par celui que le contrat doit rendre créancier, et que c'est dans cette supposition qu'il
se borne à exiger ensuite l'adhésion, l'acquiescement de celui que le contrat doit
rendre débiteur ", voir G. DEMOLOMBE, Traité des contrats ou des
obligations conventionnelles en général, T1, Hachette, Paris, p. 48.
4 " Agreement is at the basis of any legally
enforceable contract. There are other factors which determine whether what has occured can
be considered as the creation of a valid, enforceable contract (...), there must be a
substratum of agreement, or consensus ad idem " : voir G.H.L. FRIDMAN, The
Law of Contract in Canada, Carswell, Toronto, 1976. Voir aussi Tom ALLEN & Robin
WIDDISON, " Can computers make contracts? ", Harvard Journal of Law
and Technology, 9-1, 1996.
5 d'après ces traditions consensualistes, " le
seul consentement oblige sans, qu'en principe, l'accomplissement d'une formalité
quelconque soit nécessaire à la validité de l'engagement ", voir
Jean-Louis BAUDOUIN, Les obligations, Yvon Blais, Cowansville, 1993, p. 89.
6 Voir note 12.
7 Éric A. CAPRIOLI et Renaud SORIEUL, " Le commerce
international électronique : vers l'émergence de règles juridiques
transnationales ", JDI 2, 1997.
8 Les auteurs nous donnent encore la définition
suivante : " il faut entendre par " commerce
électronique " la banalisation de pratiques selon lesquelles, dans le but de
produire des effets juridiques donnés, des éléments d'information sont transmis ou
archivés sous une forme dématérialisée au lieu d'être confié au support-papier dont
ils étaient jusque là indissociables. ", Id.
9 " In order to bring a contract into existence
there must be a communication of the parties' intention by means of outward expression " :
voir Thierry V. Thierry (1956), 18 W.W.R. 127, 2 D.L.R. (2d) 419 p.425.
10 Jean-Louis BAUDOUIN, Les obligations, Yvon Blais,
Cowansville,1989, p. 97.
11 Voir G. DEMOLOMBE, Traité des contrats ou des
obligations conventionnelles en général, T1, Hachette, Paris, p. 47 ; Jacques
GHESTIN, Les obligations -- le contrat : formation, LGDJ, Paris, 1988, p. 217.
Jean CARBONNIER, Droit civil - t. 4: Les obligations, Paris, Thémis, PUF, 1992, p.
83.
12 Pierre-Basile MIGNAULT, Droit civil canadien, t.5,
Montréal, Théoret, 1901, p. 191.
13 Précisons qu'en son article 1385 le Code civil du Québec
ne parle pas de l'échange " des " consentements, mais de l'échange
" de " consentement, au singulier, car il ne fait référence qu'au
consentement de l'acceptant. Mais le terme " d'échange " sous entend
bien que le consentement de l'acceptant vient en réponse à celui de l'offrant. Nous
pouvons donc bien parler d'échange des consentements.
14 Voir V. RANOUIL, L'autonomie de la volonté, naissance
et évolution d'un concept, PUF, Paris, 1980 ; cité dans Maurice TANCELIN, Sources
des obligations -- l'acte juridique légitime, W&L, Montréal, 1993, p. 24. Selon
TANCELIN, la thèse de RANOUIL démontre que la formulation de la théorie individualiste
de l'autonomie de la volonté est plus récente qu'on ne le croit, voir Maurice TANCELIN, Op.
Cit., p. 25.
15 Maurice TANCELIN, Op. Cit., p. 27-28.
16 Voir Henri, Léon et Jean MAZEAUD, Leçon de droit civil,
T2, Montchrétien, Paris, 1966, p. 90.
17 Voir par exemple la Loi québécoise sur la protection du
consommateur qui impose la rédaction d'un écrit pour certains contrats tels que :
le contrat par commerçant itinérant (art. 58) ou les contrat de crédit (art. 80).
Notons qu'il ne s'agit pas seulement de constituer un écrit probatoire, mais d'une
véritable règle de fond s'imposant comme une condition de formation du contrat. Ainsi,
concernant les contrats de consommation spécialement réglementés, le contrat ne sera
formé que par la signature des parties au contrat rédigé conformément à la loi.
18 L'article 1378 al.2 C.c.Q stipule en effet que " [le
contrat] peut être d'adhésion (...) ".
19 Jacques GHESTIN, Les obligations -- le contrat :
formation, Op. Cit., 1988, p. 190.
20 Id., p. 188.
21 A l'appui de notre réflexion, précisons que Jean Louis
Baudouin classe le contrat d'adhésion parmi les exceptions au principe de l'accord des
volontés. Voir Jean-Louis BAUDOUIN, Les obligations, Yvon Blais, Cowansville,1989,
p. 109 : " Dans le contrat d'adhésion, celui qui désire contracter
doit donc accepter automatiquement toutes les clauses et conditions de la convention,
puisqu'elles sont unilatéralement fixées par le pollicitant. Il est impossible de
parler ici de véritable liberté contractuelle. "
22 Sur ce point, voir Vincent GAUTRAIS, L'encadrement
juridique du contrat électronique international, Thèse de doctorat déposée à
l'Université de Montréal, 1998 , p. 243-289.
23 Article L.121-16 du Code de la consommation : "Pour
toutes les opérations de vente a distance, l'acheteur d'un produit dispose d'un délai de
sept jours francs à compter de la livraison de sa commande pour faire retour de ce
produit au vendeur pour échange ou remboursement, sans pénalités à l'exception des
frais de retour.". Le Code français de la consommation est disponible sur le
site de Jérôme Rabenou : http://www.rabenou.org/consommation/cplan2.html.
24 Ainsi, Vincent GAUTRAIS relève les raisons pour lesquelles
l'internaute se refusera à l'idée d'un procès : " Le défendeur est
loin, inconnu, la somme recherchée peut être dérisoire, le coût de la mise en
uvre [d'un procès] risque d'être considérable ". Voir, Vincent
GAUTRAIS, L'encadrement juridique du contrat électronique international, Op.
Cit., p. 274.
25
Hill V. Gateway 2000 Inc, 105 F.3d 1147 (7th
Cir.1997), affaire citée par Gregory E. MAGGS, Internet Solutions to Consumer Protection
Problems, http://www.sc.edu/sclr/maggs.htm.
26 L'une des clauses stipulait notamment que le contrat ne
prendrait effet qu'à l'expiration d'un délai de trente jours si les acheteurs n'avaient
pas retourné l'ordinateur.
27 Gregory E. MAGGS, Op. Cit.
28 Gregory E. MAGGS conclut ainsi : " Now,
thanks to technology that has cut communication costs, businesses have at least one
cost-effective way of making these form contracts available to consumers before they buy a
product. ".
29
Jérôme HUET, L'échange de consentement dans le
cyberespace, conférence à l'Université de Montréal, octobre 1998 ; voir Lionel
THOUMYRE, " Protection du cyberconsommateur ", Netsurf,
n°33, décembre 1998, p. 16, également disponible sur le site Juriscom.net :
http://www.juriscom.net.
30 L'idée de labélisation se retrouve par exemple chez Dee
PRIDGEN, " How Consumers be Protected on the Information
Superhighway ", Land and Water Law Review, 32, 1997, p. 254 ; et
chez Vincent GAUTRAIS, L'encadrement juridique du contrat électronique international,
Op. Cit., p. 284.
31 Vincent GAUTRAIS, L'encadrement juridique du contrat
électronique international, Op. Cit., p. 285.
32 Michel VIVANT, " Commerce électronique : un
premier contrat type ", Cahier Lamy Droit de l'informatique,
août-septembre 1998, E, p. 1-3.
33 Voir Jean CARBONNIER, Op. Cit, p. 81 :
" La notion de contrat type, plus récente que celle du contrat d'adhésion,
recouvre deux catégories assez dissemblables. Il existe des contrat types privés. Ce
sont, au fond, des contrats d'adhésion, mais établis par des organismes professionnels,
et non par des entreprises isolées. Etant l' d'une collectivité, le contrat type, plus
facilement encore que le contrat d'adhésion ordinaire, évoque une idée d'acte
réglementaire. "
34 Jacques GHESTIN, Op. Cit., p. 291.
35 Cette directive devra être transposée en droit national
au plus tard le 4 juin 2000. Le texte de la directive est disponible à l'URL
suivante : http://europa.eu.int/comm/dg24/dg24old/cad/dir1fr.html.
36
Nous renvoyons pour cela aux études suivantes :
Cabinet FG Associés, La protection des consommateurs dans les transactions
électroniques, août 1997, http://www.fgassocies.com/m1/internet/a14.html
; Thierry LAMBERT (Dir.), Nathalie DEMANGE, Barbara FINKBEINER, Nicolas SCHULZ et Vincent
VAUTRIN, La directive du 20 mai 1997 relative à la protection des consommateurs en
matière de contrats à distance, http://juripole.u-nancy.fr/DESS-DJCE/Nancy/articleDJCE1.html.
37 Jean-Louis BAUDOUIN, Les obligations, Yvon Blais,
Cowansville, 1989, p. 110.
38 Voir Philippe QUÉAU, Virtuel, vertu et vertige,
Champ Vallon, Paris, 1993, p. 26 et 27.
39 Voir Pierre LÉVY, Qu'est-ce que le Virtuel ?,
La découverte, Paris, 1995, p. 10.
40 Pierre LÉVY, Op. Cit., p. 13.
41 La définition est de Jean-Louis BAUDOUIN, Les
obligations, Yvon Blais, Cowansville,1989, p. 173.
42 Voir par exemple l'article 153 C.c.Q : " L'âge
de la majorité est fixé à dix huit ans. La personne, jusqu'alors mineur, devient
capable d'exercer pleinement tous ses droits civils ". Cette protection
prend donc la forme d'une incapacité d'exercice visant à prévenir les effets néfastes
que pourrait avoir le manque d'expérience du mineur sur son patrimoine. Cette incapacité
est toutefois tempérée par l'article 157 : " Le mineur peut, compte
tenu de son âge et de son discernement, contracter seul pour satisfaire ses besoins
ordinaires et usuels ".
43 ni en Droit civil, ni en Common Law. Voir par
exemple l'affaire anglaise Lewis v. Averay (1972) 1 Q.B. 198, [1971] 3 All
E.R. 907 p. 911, dans laquelle Lord Denning M.R. a refusé d'accepter la théorie selon
laquelle l'erreur sur l'identité d'une des parties entachait le contrat de nullité.
Affaire cité dans G.H.L. FRIDMAN, Op. Cit., p. 89.
44 Pour le Droit civil, voir par exemple l'article 1110 C.c.F
: "L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur
la substance même de la chose qui en est l'objet. Elle n'est point une cause de nullité,
lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à
moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention."
45 Les parties peuvent en effet subordonner leur accord de
volonté à un élément particulier qu'elles tiennent pour essentiel. Cet élément peut
être l'identité de la personne avec laquelle on contracte. Sur la question des
éléments tenus pour essentiels par les parties, voir notamment Jacques GHESTIN, Op.
Cit., p. 244, qui précise que " la jurisprudence tend a exiger que
l'élément normalement accessoire ait fait l'objet d'une condition expresse, dont la
constatation relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, mais qu'ils
doivent formellement constater à peine de censure ".
46 Sur cette question voir notamment : Pierre TRUDEL, Guy
LEFEBVRE & Serge PARISIEN, La preuve et la signature dans les échanges de
documents informatisés au Québec, Québec, Publications du Québec, 1993.
47
Sur la fonctionnalité des cookies, voir Jean-Marc DINANT,
Les traitements invisibles sur Internet : un nouveau défit pour la protection des
données à caractère personnel, http://www.droit.fundp.ac.be/crid/eclip/luxembourg.html.
48 L'EDI permet d'effectuer des transactions par la
communication entre les parties de messages codés et standardisés. Selon Éric A.
Caprioli et Renaud Sorieul : " cette technique suppose la programmation des
opérations commerciales, industrielles et administratives qui s'enchaînent
automatiquement sans intervention humaine, ainsi que l'utilisation de messages
normalisés. ", Éric A. CAPRIOLI et Renaud SORIEUL, Op. Cit.
49 Nous travaillerons ici sur la base des propositions émises
par Tom ALLEN & Robin WIDDISON, " Can computers make contracts? ",
Op. Cit. ; Éric A. CAPRIOLI et Renaud SORIEUL, Op. Cit. ; Vincent
GAUTRAIS, L'encadrement juridique du contrat électronique international, Op.
Cit. ; et Charles GAGNON, L'échange de consentement et le commerce électronique
-- de l'autonomie de la volonté à la " volonté " de la machine,
1998, http://www.droit.umontreal.ca/~gagnonc/travaux/consentement.html.
50 Sur la base du Restatement (second) of Contracts §3 (1979)
et du U.C.C. § 1-201 (1994), les auteurs déclarent : " It is generally
accepted that both natural persons and legal persons are capable of entering contracts ",
Tom ALLEN & Robin WIDDISON, Op. Cit., p. 30.
51 Voir l'article 1385 du C.c.Q : " Le
contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de
contracter (...) ", ou l'article 1108 du C.c.F qui pose " la
capacité de contracter " de la partie qui s'oblige comme condition
essentielle pour la validité d'une convention.
52 Christophe GRZEGORCZYK, " Trois modèles de
l'homme juridique ", in L'image de l'homme en droit, mélanges publiés
à l'occasion du centenaire de l'Université de Fribourg, Editions Universitaires Fribourg
Suisse, 1990, p. 208.
53 J.M. GROSSEN, Les personnes physiques, Traité de droit
privé suisse, Tome II, 2, Fribourg 1974, p. 3 , cité par Christophe
GRZEGORCZYK, Op. Cit., p. 208.
54 Christophe GRZEGORCZYK, Op. Cit., p. 209.
55 E. HUBER, Introduction au Code civil suisse, cité par
Christophe GRZEGORCZYK, Op. Cit., p. 212-213. Pour une argumentation en droit
positif sur le lien existant entre la personnalité juridique et l'acquisition du
patrimoine, voir notamment l'article 2 du Code civil du Québec : " Toute
personne est titulaire d'un patrimoine " ou l'article 12 du Code civil
suisse : " Quiconque a l'exercice des droits civils est capable
d'acquérir et de s'obliger " (le Code civil suisse est disponible à l'URL
suivante : http://193.5.216.31/ch/f/rs/2/210.pdf).
56 Il s'agit là d'une nouvelle proposition de Tom ALLEN &
Robin WIDDISON, Op. Cit., p. 46-47 : " We could choose to ignore
its autonomy and treat it as no more than a passive adjunct or extension of the relevant
human trader. In effect, we would adopt the legal fiction that anything issuing from the
computer really issues directly from its human controller. By doing so, we
would treat the computer as we do a telephone or fax machine. "
57 Allen et Widdison le reconnaissent : " But
if the courts adopt the legal fiction that a computer never operates autonomously, they
give themselves no room to maneuver. Considering the variety of situations which are
likely to arise in practice, this hardly seems desirable. ", Id., p.
47
58 Nous rappelons ici l'impérativité de la règle en droit
civil avec l'article 1434 C.c.Q : " Le contrat valablement formé oblige ceux
qui l'ont conclu non seulement pour ce qu'ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui
en découle d'après sa nature et suivant les usages, l'équité où la loi ",
et l'article 1334 C.c.F : " Les conventions légalement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de
leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être
exécutées de bonne foi. "
59 Voir John P. FISCHER, " Computers as agents: A
proposal approach to revised U.C.C. article 2 ", Indiana L. J., 72, 1997.
60 " Indeed, the provisions discussed below
dealing with EDI's capability to form a contract without human awareness or consent
[proposed article 2 U.C.C. Draft] reach precisely the same results as agency law would
reach if applied to the computers witch enter into contracts. ", John P.
FISCHER, Op. Cit., p. 557.
61 Voir par exemple Henri, Léon et Jean MAZEAUD, Op. Cit.,
p. 105.
62 C'est pourquoi Isabelle de Lamberterie avait-elle rejeté
cette possibilité en 1988, Isabelle de LAMBERTERIE (Dir.), La vente par voie
télématique -- Rapport intérimaire, Ivry, CNRS, 1988, p. 27.
63 Article 2B-102 (version février 1998), http://www.law.upenn.edu/library/ulc/ucc2/2b298.htm,
cité par Vincent GAUTRAIS, L'encadrement juridique du contrat électronique
international, Op. Cit., p. 237.
64 Raymond T. NIMMER, " Electronic
Contracting : Legal Issues ", Journal of Computer & Information Law,
14, 1997, p. 217-218.
65 Ce document a pour vocation d'être intégré dans le
système juridique des Etats qui auront décider de l'adopter.
66 Vincent GAUTRAIS, L'encadrement juridique du contrat
électronique international, Op. Cit., p. 241.
67 Encore faudra-t-il déterminer si le message ayant créé
un préjudice répond aux exigences de la jurisprudence pour mettre en uvre la
responsabilité du fait des choses. S'agit-t-il par exemple d'un " fait autonome
de la chose " ?
68 Voir Éric A. CAPRIOLI et Renaud SORIEUL, Op. Cit.
69 Dans ce sens Charles Gagnon dira qu' " il
est possible d'affirmer que les parties peuvent à l'avance, par contrat, décider ce que
constituera pour eux un contrat valablement formé (...). Il s'agit ni plus ni moins d'une
volonté différée (...) ", Charles GAGNON, L'échange de consentement et
le commerce électronique -- de l'autonomie de la volonté à la
" volonté " de la machine, Op. Cit.
70 Selon la définition de Magdi S. Zaki, " Le
contrat-cadre désigne l'accord qui à pour objet non la livraison d'une chose ou
la prestation d'un service mais la prescription du contenu, des modalités et de la forme
des futurs actes juridiques ", Magdi S. ZAKI, " Le formalisme
conventionnel : illustration de la notion de contrat-cadre ", Revue
internationale de droit comparé, 4, 1986, p. 1066, cité par Vincent GAUTRAIS, L'encadrement
juridique du contrat électronique international, Op. Cit., p. 225.
71 Vincent GAUTRAIS, L'encadrement juridique du contrat
électronique international, Op. Cit., p. 225.
72 Id., p. 226.
73 Les termes de l'article 1425 C.c.Q sont assez
explicites : " Dans l'interprétation du contrat, on doit rechercher
quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens
littéral des termes utilisés. "
74 Sur l'ensemble de ces questions en droit français voir
notamment Jacques GHESTIN, Op. Cit., p. 297.
75 Jean CARBONNIER, Op. Cit., p. 84.
76 Nous rappelons ici que la notion de
" virtuel " n'est pas à opposer à celle de
" réel ", voir supra.
77 Voir Jean-Louis BAUDOUIN, Les obligations, Yvon
Blais, Cowansville,1989 : " L'échange des consentements se fait en
général au moyen d'une double opération. Dans un premier temps, l'une des partie fait
une offre de contracter, c'est à dire se déclare prête à s'obliger sur certaines
choses et à certaines conditions. Dans un second temps, l'autre partie décide d'accepter
l'offre, et son acceptation suffit en principe à former un contrat valable et à lier les
parties ", p. 97.
78 Jacques GHESTIN, Op. Cit., p.219.
79 Voir V. A. VIALARD, " L'offre publique de
contrat ", Rev. Trim. Dr. Civ., 1971, p. 753, cité par Jacques GHESTIN, Op.
Cit., p. 223.
80 Cass. civ. 3e , 28 novembre 1968, Bull. civ.,
III, n°507, p. 389.
81 Voir par exemple l'article 1388 C.c.Q : " Est
une offre de contracter, la proposition qui comporte tous les éléments essentiels du
contrat envisagé et qui indique la volonté de son auteur d'être lié en cas
d'acceptation ".
82 Voir Jacques GHESTIN, Op. Cit., p. 219-224.
83 Michel VIVANT, " Commerce électronique : un
premier contrat type ", Op. Cit., p. 1-3.
84 Voir par exemple Trib. com. Paris, 28 novembre 1977, Printemps
c. S.C. du Centre commercial de la défense et E.P.A.D., cité par Jacques GESTIN, Op.
Cit., p. 316.
85 Valérie SÉDALLIAN, Droit de l'Internet, Collection
AUI, Ed. Netpress, Paris, 1997, p. 192.
86 Pour le droit français, voir par exemple Cass. Civ. 3e,
10 mai 1968, 2 arrêts, Bull. civ., III, n°209, p. 161 : " si
une offre de vente peut en principe être rétractée tant qu'elle n'a été acceptée il
en est autrement au cas où celui de qui elle émane s'est expressément engagé à ne pas
la retirer avant une certaine époque ".
87 Jacques GESTIN, Op. Cit., p. 234.
88 Cass. Civ. 1er, 8 octobre 1958, Bull. civ.,
I, n°413, cité par Jacques GESTIN, Op. Cit., p. 235.
89 Voir Valérie SÉDALLIAN, Op. Cit., p. 192.
90
Voir Lionel THOUMYRE, " Email
publicitaires : tarir à la source ", Netsurf, n°32, novembre 1998,
p. 16, également disponible sur le site Juriscom.net : http://www.juriscom.net.
91 Nancy, 1er mars 1950, J.C.P. 1950. II. 5892 et
Cass. civ., 1er, 2 décembre 1969, Bull. civ., I, P. 303 n°381, cités
par Jacques GESTIN, Op. Cit., p. 303.
92 Voir Jean CARBONNIER, Op. Cit., p. 84.
93 Jacques GESTIN, Op. Cit., p. 302.
94 Dans le cas inverse, l'on serait alors en présence d'une
nouvelle offre émanent cette fois-ci de l'autre partie. Voir Henri, Léon et Jean
MAZEAUD, Op. Cit., p. 112.
95 Le fait d'offrir de payer le prix d'une course de taxi a
été pris en compte par une vieille jurisprudence française comme critère
supplémentaire de la conclusion d'un contrat de transport. Voir Justice de Paix de Paris,
14e arr, 5 janv 1882.
96 Jacques GESTIN, Op. Cit., p. 273.
97 Voir LEGIER, La règle locus regit actum et les
conflits de lois en matière de formes des actes, thèse Aix, 1976, cité par Jacques
GESTIN, Op. Cit., p. 273.
98 L'article 46 du Nouveau Code de procédure civile écarte
de manière impérative en matière contractuelle le lieu de formation du contrat comme
critère de compétence territoriale.
99 Voir l'article 68 § 3 du Code de procédure civile.
100 Pour une analyse détaillée de ces courants voir Vincent
GAUTRAIS, " La formation des contrats par télécopieur ", Thémis,
29-2, 1995.
101 Voir par exemple Cass. com. 22 juin 1976, 4 Bulletin
civil n°420, cité par Vincent GAUTRAIS, L'encadrement juridique du contrat
électronique international, Op. Cit., p. 195.
102 Id.
103 Cass. com. 7 janvier 1981, 4 Bulletin civil n°14.
104 Voir Vincent GAUTRAIS, L'encadrement juridique du
contrat électronique international, Op. Cit., p. 196.
105 Article 21 LPC : " Le contrat à
distance est considéré comme conclu à l'adresse du consommateur. "
106 Adams v. Lindsell, (1818) B. & Ald. 681, cité
par Vincent GAUTRAIS, L'encadrement juridique du contrat électronique international,
Op. Cit., p. 199.
107 " L'acceptation d'une offre prend effet au
moment où l'indication d'acquiescement parvient à l'auteur de l'offre ".
108 " Jusqu'à ce qu'un contrat ait été
conclu, une offre peut être révoquée si la révocation parvient au destinataire avant
que celui-ci ait expédié une acceptation ".
109 C'est, du moins, l'interprétation effectuée par E.
Allan FARNSWORTH, Parker School Text, p. 3-13/14, cité par Vincent GAUTRAIS, L'encadrement
juridique du contrat électronique international, Op. Cit., p. 207. La même
distinction sera faite au sein des principes UNIDROIT fortement inspirés de la Convention
de Vienne.
110 " (1) Sauf convention contraire entre
l'expéditeur et le destinataire d'un message de donnée, l'expédition d'un message de
donnée intervient lorsque celui-ci entre dans un système d'information ne dépendant pas
de l'expéditeur. (2) Sauf convention contraire entre l'expéditeur et le destinataire, le
moment de la réception du message sera définit comme suit : a) Si le destinataire a
désigné un système d'information pour recevoir des messages de données : i) C'est
le moment où le message de données entre dans le système d'information désigné ;
ii) Dans le cas où le message de données est envoyé à un autre système d'information
du destinataire que le système désigné, c'est le moment où le message est relevé par
le destinataire ; b) Si le destinataire n'a pas désigné de système d'information ,
c'est le moment où le message de données entre dans un système d'information du
destinataire. "
111 Voir note 14.