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Le Droit Pénal Applicable sur
Internet
 

Mémoire de D.E.A. Informatique et Droit
Par
Estelle De Marco
 

Sous la direction de Monsieur le Professeur Michel Vivant
 

Université de Montpellier 1
Institut de Recherches et d'Etudes pour le Traitement de l'Information juridique
- 1998 -
 

Formation doctorale : Informatique et Droit
Equipe de Recherche Informatique et Droit (E.A 718)
 

Sections du CNU : 01 Droit privé et sciences criminelles
71 Science de l'information et de la communication
 



REMERCIEMENTS
 










Je remercie, pour l'aide et le soutien qu'ils m'ont apporté dans la rédaction de ce mémoire, mes parents, mes amis, les auteurs auxquels je me suis adressée, ainsi que les responsables que j'ai pu contacter au sein des Institutions de l'Union Européenne, du Conseil de l'Europe et d'Industrie Canada.

Je remercie enfin et plus particulièrement Monsieur le Professeur Michel Vivant, dont la collaboration m'a été fort précieuse.

 A mes parents,…
 
 




 







PLAN
 
 
 
 

LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
 
 

INTRODUCTION
 
 

CHAPITRE I - LE DROIT PENAL APPLIQUE SUR INTERNET

SECTION I - L'APPLICATION DE TOUS LES DROITS DE LA PLANETE

Paragraphe 1 - le principe d'application territoriale du droit national

A - Localisation nationale d'infractions internationales

B - Localisation nationale par extension

1) Extensions jurisprudentielles
2) Extensions légales

Paragraphe 2 - l'application extraterritoriale du droit national

A - La compétence personnelle

1) la compétence personnelle générale
2) les cas de compétence personnelle spéciale

B - La compétence réelle
 
 

SECTION II - LES CONFLITS MATERIELS DE LOIS PENALES INTERNES

Paragraphe 1 - Les infractions classiques

A - Internet, lieu de l'infraction

B - Internet, instrument de l'infraction

Paragraphe 2 - Les infractions spécifiques à l'informatique

Paragraphe 3 - Les infractions classiques posant un problème de qualification

A - Les problèmes de qualification

B - Les cumuls d'incriminations

C - Le défaut de cohésion entre fait et droit
 
 

SECTION III - LES CONSEQUENCES DE L'APPLICATION DE TOUTES LES LOIS

Paragraphe 1 - Le choc des valeurs morales

Paragraphe 2 - l'affaiblissement du droit pénal

A - Le déclin de la légitimité de la loi pénale

1) La loi : générale, abstraite et pérenne ?
2) L'ignorance de la loi applicable

B - Une mauvaise application de la loi pénale

1) L'interprêtation analogique
2) L'ineffectivité de la loi applicable
3) Entre Forum Shopping et déni de justice…
 

CHAPITRE II - VERS UN DROIT PENAL APPLICABLE SUR INTERNET
 
 

SECTION I - DES EBAUCHES DE SOLUTIONS

Paragraphe 1 - Le droit élaboré

A - Les droits nationaux

1) Les adaptations législatives
2) L'espoir d'une future homogénéité

B - Un certain droit pénal international

1) Les conventions internationales
a) La procédure internationale
b) Un ersatz de droit pénal matériel des infractions internationales
2) Des principes communs en matière pénale

Paragraphe 2 - La volonté d'aller plus loin

A - Une volonté affichée des Etats

1) Les initiatives individuelles
2) Des initiatives communes

B - Les initiatives internationales
 
 

SECTION II - POUR UNE VERITABLE SOLUTION

Paragraphe 1 - D'un droit pénal de l'Internet à un droit pénal pour Internet

A - Le droit de l'Internet

1) Une approche révolutionnaire
2) Une approche irréaliste

B - Un droit national parmi les droits nationaux

1) La détermination d'un droit unique applicable sur Internet
2) Une réelle activité internationale

Paragraphe 2 - D'un droit pénal pour Internet à un droit pénal applicable sur Internet

A - Un droit d'une autre nature

B - Les modalités

1) Le système de "l'incrimination la plus stricte"
2) Un système de protection des valeurs communes

C - Le cadre
 
 

CONCLUSION
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
 
 
 

Ancien C. pén. Ancien code pénal
Art. précit. Article précité
Bull. d'act. Bulletin d'actualité
Bull. crim. Bulletin criminel
CA Cour d'appel
Cass. Crim. Cassation criminelle
CNIL Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés
Courr. intern. Courrier International
Exp. des syst. d'inf. Expertises des systèmes d'information
GP Gazette du Palais
JCP Semaine Juridique
NCP Nouveau code pénal
Op. précit. Œuvre précitée
Rec. Dalloz Recueil Dalloz
Rev. sc. crim. Revue de sciences criminelles
T. Com. Tribunal de commerce
TGI Tribunal de Grande Instance
 
 
 
 

 


INTRODUCTION
 
 

1- "Il n'est pas possible de réduire l'activité tumultueuse des humains à un ordre géométrique exempt d'irrégularité et de confusion. De même que les lois simples et constantes de la nature ne peuvent éviter les perturbations qui surviennent dans le cours des planètes, les lois humaines sont incapables d'empêcher le trouble et le désordre résultant des forces d'attraction innombrables et opposées du plaisir et de la douleur. C'est pourtant la chimère que poursuivent les hommes aux facultés limitées quand ils ont en main le pouvoir. Lorsqu'on défend une foule d'actes indifférents, on ne prévient pas des délits qui ne sauraient en résulter, mais on en crée de nouveaux en déplacant arbitrairement, entre le vice et la vertu, des limites que l'on proclame cependant éternelles et immuables. (…) Si l'on veut prévenir les délits, il faut faire en sorte que les lois soient claires et simples, et que tous les membres de la nation unissent leurs forces pour les défendre, sans qu'aucun puisse travailler à les détruire."(1)
 
 

2- Ces lignes, écrites il y a plus de deux siècles par l'initiateur des principes fondamentaux (2) de notre droit pénal positif, devront nous servir de guide dans l'étude qui est la nôtre, celle du droit pénal applicable sur Internet. Car ce droit a justement pour objectif de prévenir et réprimer les délits et les crimes, alors que ce réseau de réseaux (3), dont la qualité de réseau lui a été parfois contestée (4), dénommé tour à tour village planétaire, espace cybernétique ou cybermonde, société de l'information, autoroute de l'information, outil voire simple potentialité (5), est l'instrument comme le siège d'une multitude d'infractions qui sont favorisées par son développement et la nouveauté de sa technologie. La raison en est que le droit n'est souvent pas en cohésion avec ce qu'il prétend régir, et les Législateurs de tous pays tentent souvent d'y remédier en élaborant de nouvelles incriminations qui jettent plus de troubles qu'elles ne résolvent de difficultés.
 
 

3- " Beccaria (…) a tiré cette grande conclusion que les crimes ne peuvent être prévenus, et les lois criminelles justes et bonnes que lorsque l'organisation sociale toute entière est refaite dans un siècle de vraies Lumières" (6). Telle est donc certainement la tâche qui nous incombe, s'agissant d'Internet. Il s'agira de repenser l'organisation sociale sur le réseau, si l'on veut qu'un droit pénal s'y applique de manière adéquate. Mais avant que d'examiner ce point, il nous faut répondre à une question préalable : un droit pénal a t-il vocation à s'appliquer à Internet ? pour le savoir, il faut déterminer ce qu'est Internet, si l'on peut y parler d'organisation sociale, et donc par là même qualifier Internet de lieu social.
 
 

4- La réponse est manifestement positive : que l'on considère que l'échange se fasse dans le cyber-espace, c'est-à-dire en un lieu virtuel, ou que l'on estime qu'il se fasse sur un, voire plusieurs écrans d'ordinateurs, simultanément ou non, donc en des lieux concrêts donnés et à un moment donné, et ceci par l'intermédiaire d'une technique de communication, il ne peut être mis en doute qu'échange il y a, et qu'Internet en est, selon la perception que l'on en a, soit le siège, soit l'instrument.
 
 

5- Les échanges entre les hommes étant constitutifs de relations sociales, et le droit ayant pour vocation de régir ces dernières, Internet doit donc être régi par le droit.
 
 

6- Mais que veulent exactement les utilisateurs d'Internet ? désirent ils y voir une société, un centre commercial planétaire, un vivier d'informations, un outil de communication de l'information qui, s'il s'accompagne d'un apprentissage de l'exploitation de celle-ci, peut mener le plus grand nombre à la connaissance?
 
 

7- La réponse à cette interrogation ne peut cette fois être que multiforme : en effet certains ne voient en Internet qu'un outil qui, à l'instar du téléphone mais de manière plus conviviale et performante, permet la communication. D'autres à l'inverse y voient un septième continent, nouveau paradigme de notre société, tandis que beaucoup ne croient pas aux potentiels de société et d'apport de connaissance que pourrait offrir le réseau, la grande majorité des hommes en étant exclus (7). Pour d'autres encore, Internet est LA société, en ce qu'il constitue le seul lieu où la rencontre d'autrui est possible (8). La majorité des internautes, enfin, spécialistes inclus, semble ne pas s'être posée la question et qualifie tour à tour Internet de mouvement, d'outil, d'espace cybernétique, d'univers, et ceci au sein même d'un unique discours. Personne(9) ne peut le leur reprocher, ceci n'étant que la conséquence de l'incertitude que fait régner le réseau sur les notions et définitions qui nous sont communes. Mais cela nous permet d'affirmer qu'il ne sert à rien de tenter de faire entrer dans une catégorie définie quelque chose qui par essence ne pourra jamais y correspondre, et qu'Internet est tout ceci à la fois, et est perçu comme tel par la voie générale de ses utilisateurs.
 
 

Tout ceci à la fois, donc une société où l'on trouve de tout, du simple moyen de communication à la correspondance la plus intime, en passant par les relations commerciales.. et ceci dans une atmosphère qui se voudrait sécurisée par le droit.
 
 

8- En conclusion, l'application du droit ou tout du moins le respect de certains droits -ce qui pour nous ne paraît pas dissociable-, est désirée de tous, qu'ils en aient conscience ou non.
 
 

9- Parmi ceux qui n'en n'ont pas conscience se trouvent entre autres les partisans du "non-droit" sur Internet. Ils estiment que la société virtuelle est tant différente des nôtres que les droits jusqu'ici élaborés n'ont pas vocation à s'y appliquer : la liberté sur le net est une conséquence de ses origines comme de sa nature intrinsèque, quand bien même celui-ci serait un lieu social. Il convient alors d'examiner leurs thèses, pour en apprécier la pertinence :
 
 

10- La liberté est tout d'abord conséquence du réseau, pour certains, de par ses origines : il faut en effet rappeler qu'Internet est né d'un projet de la défense américaine, le réseau Arpanet, développé en 1969 au cours de la guerre froide. Il permettait, grâce à son mode de transmission de l'information par paquets de données ainsi que son maillage, de relier des ordinateurs aux quatre coins du globe sans craindre l'endommagement éventuel d'une partie de sa structure. Son extension et l'invention de nouveaux protocoles de transfert de données (notamment le protocole TCP/IP (10), langage numérique utilisé aujourd'hui sur Internet) amenèrent la défense américaine à isoler la partie militaire du réseau (Milnet), en 1983. Arpanet fut ensuite intégré au réseau NSFnet. Son amélioration, rendue nécessaire par le nombre croissant d'utilisateurs, entraîna ensuite l'apparition du réseau BITnet, précurseur d'Internet, quelques temps plus tard.
 
 

En France, c'est seulement en 1980 que les chercheurs du CNAM (11) et de l'INRIA (12) s'intéressèrent au phénomène : les laboratoires nationaux furent mis en ligne, de même que des centres lyonnais de physique. Le CNAM abandonna le projet mais l'INRIA, en 1992, créa notamment, en association avec EDF, le CEA, le Cnes, le CNRS et le Ministère de l'enseignement supérieur, un réseau national d'interconnexion réservé aux chercheurs et aux enseignants, dénommé Renater. D'autres opérateurs participèrent par la suite à cette interconnexion.
 
 

Ces origines militaires et universitaires font dès lors du réseau un espace libre, que le droit n'a pas légitimité à régir. De même, le fait que les données soient scindées en paquets qui ne transitent pas par les mêmes voies, ce qui rend quasiment impossible la reconstitution du cheminement de l'information entre l'émetteur et le recepteur (13), est encore un obstacle à la reconnaissance de l'application du droit, dont la réalité n'est pas en cohésion avec celle d'Internet.
 
 

11- La liberté est encore conséquence du réseau, pour d'autres, en ce qu'il révolutionne nos conceptions géographiques et techniques.
 
 

12 - Internet est tout d'abord véritablement et totalement international : il n'est localisé sur aucun sol spécifique, car il est partout à la fois : il emprunte les lignes téléphoniques de tous les pays sans considération de frontières, et son "maillage (…) est tel qu'il n'est pas possible de déterminer a priori le chemin que suivront les données pour être acheminées d'un point à un autre" (14) de la planète.
 
 

13 - Son architecture, ensuite, est distribuée et non hiérarchique : il fédère une multitude de réseaux, différents quant à leurs natures, origines et fonctionnements. Les ordinateurs qui y sont connectés appartiennent indifféremment à des établissements publics, des organismes privés à but lucratif ou non, ou à des particuliers. Le réseau des réseaux n'"appartient"donc à personne et connaît une gestion totalement décentralisée.
 
 

14 - Il échappe dès lors à tout contrôle étatique ou d'une quelconque autorité souveraine. Certains Etats ont bien entendu tenté de contrôler Internet, ce qui ne paraît pas fondamentalement illégitime, en ce sens qu'un contrôle minimum permettrait de "sauvegarder le droit à l'expression des minorités" (15), face aux monopoles financiers ou politiques qui ôtent aujourd'hui à l'utilisateur toute réelle liberté d'accès et de parcours sur Internet (16). Mais, ils se sont heurtés à la contradiction qu'il y a, comme le souligne M.Vivant, "entre un phénomène qui ignore les frontières et des entités qui n'existent et n'ont compétence qu'à l'intérieur de frontières données" (17). Toute tentative de contrôle public s'avère inefficace, car il est impossible d'empêcher la réception d'une information : on ne peut empêcher un individu de se connecter à un serveur diffusant des données contraires à notre droit pénal, ce serveur peut se délocaliser facilement en cas d'interdiction administrative, et en tout état de cause la fermeture d'un site n'empêche pas le "re-routage" des informations litigieuses par un chemin différent, à partir d'un autre site.
 
 

La seule possibilité pour l'Etat d'avoir ce contrôle, est pour lui de prendre "en main la totalité du fonctionnement de l'Internet, ce qui est le cas de Singapour" (18). Mais il ne nous semble pas que cette méthode totalitaire soit une solution idéale.
 
 

15 - L'Etat est donc absent du réseau. Il est pourtant constant que le droit pénal est l'expression de l'autorité étatique, qui exerce à travers lui son contrôle social (19) : par déduction, le droit pénal est absent d'Internet.
 
 

16 - La liberté, enfin, peut encore être vue comme une conséquence du réseau en ce que la technologie qu'il recouvre fait exploser les notions juridiques traditionnelles, à l'instar de nos notions géographiques : et lorsque les premières informations litigieuses ont été perçues, beaucoup ont estimé que les problèmes étaient nouveaux, qu' il existait un vide juridique. Internet peut en effet correspondre à la fois aux définitions juridiques de l'audiovisuel, de la télécommunication, ou de l'informatique. De même, si en général il y a, dans tout processus de communication, un émetteur, un récepteur et d'éventuels intermédiaires, Internet offre cette possibilité pour tout internaute d'être tour à tour serveur (en hébergeant un document sur son site), simple émetteur ou réémetteur et récepteur d'informations.
 
 

17 - Sur ces justifications, donc, de nombreuses personnes revendiquent une totale liberté sur le net, et veulent un espace "sans lois et sans contrôle" (20). Nous pouvons citer par exemple M. John P. Barlow qui prône, dans sa "déclaration d'indépendance du cyber-espace", une société nouvelle, en marge de toute application d'un quelconque droit existant sur la planète. Et ses intentions sont pourtant des plus pures : " Nous allons créer une civilisation de l'esprit dans le cyberspace. Puisse-t-elle être plus juste et plus humaine que le monde qu'ont construit vos gouvernements auparavant. " (21)
 
 

De même, plusieurs organisations militent de manière plus ou moins virulente pour qu'Internet reste libre : le cas le plus frappant reste la "Campagne Internationale pour la Liberté sur Internet" (CILI), connue encore sous le nom de "Global Internet Liberty Campaign" (GILC), créée lors de la réunion annuelle de l'Internet Society (ISOC) à Montréal en 1996 (22). Cette organisation estime que "les frontières nationales n'ont aucun sens sur Internet", que les actions gouvernementales ou internationales "peuvent affecter de façon majeure les droits des citoyens dans le monde", et que "les utilisateurs d'Internet doivent travailler ensemble pour protéger la liberté d'expression et le droit à la vie privée".
 
 

18- Mais est-ce-à dire que ces "militants" de tous bords demandent une liberté totale? Il semble que non, pour la plupart, et que l'idée soit plus ici la revendication d'un "droit de l'Internet" ou celle d'un droit minimal accompagné d'une autoréglementation.
 
 

19- Revendication, pour les premiers, d'un "droit" de l'Internet, ou plus exactement de "règles" de l'Internet, qui seraient élaborées par les internautes et qui ne seraient destinées à s'appliquer que dans ce monde autonome auquel le réseau semble correspondre. Cette idée n'est pas dénuée d'intérêt, et nous irons même jusqu'à l'aborder en deuxième chapitre de cette étude. Mais nous pouvons déjà relever l'un de ses points faibles, à savoir que des "règles" sans sanctions ne se sont jamais révélées efficaces. Me Stéphane Lilti a d'ailleurs pu écrire que "l'expérience montre que tout système exclusivement fondé sur la sagesse des hommes est un mauvais système" (23). Et si des sanctions telles que le boycott, ou autres pratiques destinées à "chasser" du réseau un contrevenant aux principes y établis venaient à être prises, comme cela a déjà été suggéré, alors nous nous rapprocherions d'une certaine forme de droit pénal, sans toutefois y retrouver les garanties judiciaires que notre système étatique apporte aux personnes mises en cause.
 
 

20- Revendication, pour les autres, d'une intervention minimale du droit, accompagnée de règles élaborées par les cyber-citoyens. Cette approche révèle cependant plusieurs contradictions.
 
 

21- Si la CILI, par exemple, reconnaît que des lois peuvent imposer des restrictions "sur le contenu de l'expression électronique" (24), elle estime en revanche, répétons le, que "les actions des gouvernements et des organisations multinationales comme le G7 (25) et l'OCDE (26) peuvent affecter de façon majeure les droits des citoyens dans le monde". Or, elle soutient "la prohibition [sur Internet] de toute discrimination" basée entre autres sur la race, la couleur, le sexe ou les opinions, de la même manière qu'elle demande la protection des informations nominatives qui y circulent.
 
 

Cette coalition revendique donc la protection de droits inhérents à la personne humaine. C'est pourtant ce que recherchent également le G7 et l'OCDE, au travers de leurs différentes initiatives. Certes, ces derniers veulent faire appel au droit et aux systèmes juridictionnels de nos Etats pour y parvenir. Mais personne n'a encore jamais trouvé plus efficace que des institutions démocratiques pour assurer l'effectivité d'une telle protection.
 
 

22- Contradiction, encore, dans l'appartenance à la CILI de l'AUI, qui estime -à juste titre- qu'Internet n'est pas un monde "virtuel" mais une continuation de notre monde réel, qu'il "n'est rien d'autre qu'une infrastructure de communication de données numériques, sur laquelle s'appuient des services", et que sa "démystification passe par par la démonstration qu' [il] n'échappe pas aux règles sociales" (27). Est-il justifié, dès lors, de réclamer une protection privée de la liberté d'expression et de la vie privée, qui serait applicable à une partie de notre société réelle ?
 
 

23- Non, bien sûr. Les approches d'Internet en tant que "monde" virtuel ne sont que pures appréhensions de l'esprit, et il semble opportun de raisonner avec les concepts qui ont cours dans notre univers, ne serait-ce que car tous les acteurs d'Internet, loin d'être des créatures virtuelles ayant légitimité à revendiquer leurs propres lois, sont de concrêts êtres humains, titulaires d'une nationalité définie, et de ce fait "assujettis à leurs droits nationaux respectifs".(28)
 
 

24- Nous pouvons également répondre à tous les arguments qui ont été vus plus haut qu'Internet, avant d'être un cyber-monde, a eu pour vocation d'être un outil professionnel, quand bien même aurait-il été mis au point par des chercheurs américains. Et un outil est un élément d'une société réelle, auquel les règles de celle-ci s'appliquent. De la même manière, une absence de contrôle étatique ne justifie pas l'absence de son droit de regard sur un phénomène qui peut l'atteindre dans ses intérêts fondamentaux, et à l'égard duquel il est légitime à vouloir se protéger. Enfin, ce n'est pas non plus car le droit appréhende difficilement une situation du fait de sa nouveauté qu'il n'est pas en mesure d'y remédier : depuis le contrat social de Rousseau (29), les lois se sont toujours adaptées aux évolutions, et si ce n'est de par leur caractère général et abstrait comme il se devrait, c'est tout du moins de par l'intervention du Législateur, voire du juge.
 
 

25- Il ne fait désormais plus aucun doute que le droit doive être présent sur Internet. Le vide juridique est un "mythe dépassé" (30), et si l'on ne devait n'y apporter qu'une seule justification, au delà de toutes les considérations techniques et notionnelles qui viennent d'être rappelées, ce serait celle si justement énoncée par M. Vivant : "il n'y a pas à hésiter à une intervention légale dès lors que l'on croit à certaines valeurs" (31). Ainsi, "Ce qui est illicite hors ligne doit le rester sur les réseaux".(32)
 
 

26- Et les décisions de justice de plus en plus nombreuses concernant Internet renforcent cette réalité. Il en est de même de la présence "de fait" du droit sur le réseau (33), même si l'éveil est lent et que le réflexe "droit" n'est pas encore total .(34)
 
 

27- Droit, mais quel droit ? Il convient de voir ce qu'il devrait être, puis ce qu'il est.
 
 

28- Comme nous l'aurait enseigné Beccaria, ce droit, pour être véritablement adapté à Internet, doit être déterminé en fonction de la réalité sociétale que le réseau recouvre. Cette société doit être examinée dans son organisation de fait, c'est à dire dans la manière dont ses membres ont commencé à y évoluer et ce à quoi ils aspirent en son sein. Il faut ensuite étudier l'organisation sociale d'Internet telle qu'elle est perçue par les règles qui tentent de s'y appliquer, c'est à dire nos différents droits nationaux., voire un droit international. Et si cette dernière organisation ne correspond pas à la réalité dont nous parlions plus haut, il faut alors la repenser. La repenser, pour la refaire. Repenser et refaire le droit, donc, corollairement. Et cette fois en partant du phénomène à saisir et non plus du droit existant, à l'inverse de ce qu'il a toujours été fait.
 
 

29- Nous avons vu plus haut que la voie générale des utilisateurs d'Internet désire un nouveau type de société, sans frontières, qui permettrait autant la simple communication que la recherche d'information ou le commerce, ceci dans le respect et des droits humains et de la structure technique d'Internet.
 
 

30- La question est alors de savoir si notre droit pénal national, si les droit pénaux nationaux, ou si un droit pénal international sont capables de remplir cette mission. Il semble en effet que des difficultés soient rencontrées à cette occasion, car Internet n'est localisé en aucune définition juridique connue ni en aucun lieu précis.
 
 

31- Aucune définition juridique n'est réellement adaptée, ce qui pose souvent de sérieux problèmes de qualification des faits et actes qui voient le jour sur ou pour Internet, et qui pose par là même des conflits de lois internes.
 
 

32- Aucun lieu précis, car le réseau couvre toute la planète, et les liens hypertextes permettent de passer d'un territoire à un autre en quelques secondes. Seule une page déterminée peut être localisée avec certitude, encore que les choses ne soient pas aussi évidentes concernant le réseau Usenet, dont dépendent les newsgroups. Notons d'ailleurs ici que nous inclurons l'étude de ce réseau quand nous parlerons d'Internet : car s'il n'en fait pas réellement partie, il a des liens avec lui, et peut être rejoint à partir de lui. Il soulève de plus les même problèmes qu'Internet.
 
 

33- A défaut d'un droit pénal spécialement dédié à Internet comme d'une localisation précise, à défaut d'un droit pénal véritablement international, il est évident que le droit pénal ayant vocation à s'appliquer sur le réseau est alors celui de chaque pays, et au sein de chacun de ceux-ci, de plusieurs textes. Nous en arrivons donc à cette hypothèse inverse, dans laquelle Internet est submergé par une multitude de droits différents, qui se veulent souvent contradictoires.
 
 

34- Pour voir comment ces différents droits peuvent régir internet sans l'étouffer, il nous faudra examiner les éventuelles propositions du droit pénal international, c'est à dire de la "branche du droit criminel qui règle l'ensemble des problèmes qui se posent au plan international" (35). Cette expression étant, comme chacun sait, source de confusion, nous l'entendrons comme regroupant à la fois les règles internationales prévoyant une incrimination -c'est à dire le droit pénal véritablement international-, et les règles de droit pénal interne destinées à s'appliquer en cas d'infraction internationale, c'est-à-dire en cas de comportement infractionnel présentant un élément d'extranéité. Par soucis de clareté, et pour ne pas entrer dans un débat qui est étranger à notre propos, nous utiliserons, pour désigner respectivement chacune de ces deux "sous-classes" du droit pénal international, les expressions retenues par le Professeur Claude Lombois, à savoir celles de "droit des infractions internationales", et de "droit pénal extranational".(36)
 
 

35- Après avoir examiné les solutions proposées par ces deux branches du droit pénal international, c'est-à-dire après avoir étudié le droit tel qu'il est à l'heure actuelle appliqué sur Internet (Chapitre 1), nous serons amenés à reconnaître que les problemes persistent et que les solutions sont à rechercher ailleurs. Il faudra alors déterminer si le droit pénal que nous voulons voir appliquer à Internet doit être un droit national, hypothèse dans laquelle il faudra alors déterminer les critères de son application pour une justice et une répression qualitativement optimale, ou s'il est opportun d'envisager un droit spécialement dédié à Internet, que l'approche de celui-ci soit interne ou externe au réseau. Un tel droit sera alors naturellement à justifier quant à son existence et à son élaboration. En résumé, nous aborderons les solutions qui pourraient nous conduire vers un droit applicable sur Internet (Chapitre II).
 
 
 
 

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CHAPITRE I - LE DROIT PENAL APPLIQUE SUR INTERNET

 36- Comme nous l'avons vu, loin d'être un "no-law land" (37), Internet est susceptible de se voir appliquer tous les droits de la planète (Section 1). Et c'est ce fait qui constitue la véritable difficulté. Car les frontières sont remises en cause et les situations faisant appel au droit pénal international, hier exceptionnelles, sont aujourd'hui quotidiennes et concernent un plus grand nombre de pays qu'autrefois, pour chaque comportement délictueux. Internet pose également des problèmes de qualification en droit interne (Section 2). Les conflits de lois et de droits qui en résultent posent de sérieuses difficultés (Section 3).
 
 

SECTION I - L'APPLICATION DE TOUS LES DROITS DE LA PLANETE

37- En cas d'infraction internationale, c'est à dire d'infraction dont les éléments constitutifs ne peuvent être rattachés à un territoire unique, et au contraire du droit international privé qui dans de telles circonstances désigne une loi nationale unique applicable selon des critères déterminés, la branche du droit pénal international que constitue le droit pénal extranational se contente de renvoyer aux lois internes, qui déterminent elles mêmes leur champ d'application territorial, se contentant chacune de dire si elle a compétence ou non pour régir un fait. Ceci, sans renvoyer à défaut à une loi étrangère, ni même se préoccuper de savoir si une telle loi est applicable, voire plus légitime à s'appliquer que la loi française.
 
 

38- Quant au droit pénal des infractions internationales, il n'existe que pour certaines infractions qui n'ont heureusement pas cours dans le cyber-espace.(38)
 
 

39- Il convient donc d'examiner ce que les droits pénaux internes proposent. A cette fin nous nous attacherons plus spécialement au droit pénal français, tout en conservant à l'esprit que la plupart des autres pays, notamment d'Europe occidentale, ont adopté des règles similaires.

Et nous verrons que si le principe est celui de l'application territoriale du droit (§1), celui ci connaît également une application extra-territoriale (§2)
 
 

Paragraphe 1 - le principe d'application territoriale du droit national

40- Le droit français s'applique sur le territoire français, et, par extension de compétence, à certaines infractions commises hors de France mais réputées l'avoir été en France. La question à étudier est alors celle de savoir selon quels critères une infraction est localisée en France, ce qui nous démontrera que notre droit, quand bien même étudié uniquement dans son application territoriale, permet en réalité de réprimer nombre d'infractions commises en grande partie, voire en totalité, hors de notre territoire, donc une large part de celle commises sur Internet.
 
 

41- Il convient de mentionner ici l'existence du principe de solidarité des compétences judiciaires et législative pénales, que celui-ci soit justifié ou non. Ainsi, la compétence du droit pénal français entrainera automatiquement celle des juges de ce même pays.
 
 

A/ Localisation nationale d'infractions internationales

42- Le droit pénal français est applicable à la grande majorité des infractions commises sur Internet. En effet, l'alinéa premier de l'article 113-2 du nouveau code pénal (NCP) dispose que "La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République". Ce rattachement du délit au territoire, choix de notre droit comme de bien d'autres, pour la raison principale que le territoire est rattaché à la souveraineté, semble opportun.
 
 

43- La détermination de la localisation de l'infraction est cependant beaucoup plus expansive : "L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire" (article 113-2 al.2 NCP). Remarquons ici que la loi de 1992, en réformant le nouveau code pénal, a modifié la rédaction de l'article 693 de l'ancien code pénal, selon lequel était réputée commise sur le territoire toute infraction "dont un acte caractérisant un de ses éléments constitutifs a été accompli en France". Cette nouvelle rédaction n'est pas innocente, et permet d'englober certains éléments constitutifs purement passifs qui ne correspondent pas à des actions, de même que l'élément moral de l'infraction (qui était toutefois un facteur jurisprudentiel de rattachement au territoire de la République, par l'extension par assimilation (39) ).
 
 

44- De plus, dès 1882, la jurisprudence a opté pour une équivalence des faits constitutifs, ce que la doctrine désigne sous l'expression de "théorie de l'ubiquité". Il suffit dès lors que n'importe lequel de ces faits ait eu lieu sur le territoire français, à savoir l'acte incriminé ou le résultat dommageable, pour fonder indifféremment la compétence du droit pénal français. Ainsi, celui-ci aura vocation à réprimer des propos disponibles sur Internet incitant à la haine raciale, qu'ils soient émis à partir du sol français, ou qu'ils y soient uniquement reçus. De même, la contrefaçon à l'étranger d'une œuvre protégée est soumise à la loi française dès l'instant où l'atteinte aux droits d'auteurs est ressentie en France, lieu du domicile de la victime (40).
 
 

45- De cette compétence territoriale du droit pénal résultent de bien compréhensibles conflits positifs de compétence, dès lors que l'un des autres éléments constitutifs de l'infraction réprimée par le droit français trouve son lieu de réalisation sur le territoire d'un autre Etat prévoyant des règles similaires d'application territoriale de son droit pénal. Et ce problème est encore aggravé par le système français de localisation nationale d'infractions par extension :
 
 

B/ Localisation nationale par extension

46- Ces extensions de compétence législative sont à la fois jurisprudentielles et légales.
 
 

1) Extensions jurisprudentielles

47- Deux extensions prétoriennes de la compétence de la loi française ont été créées : l'extension par indivisibilité, et l'extension par assimilation (41).
 
 

48- L'extension par indivisibilité permet au juge d'étendre la compétence de la loi française aux "faits commis à l'étranger par un étranger dès lors que ces faits apparaissent comme formant un tout indivisible avec les infractions également imputées en France à cet étranger et dont elle est légalement saisie" (42).
 
 

49- L'extension par assimilation, en revanche, permet de localiser en France une infraction en assimilant certains actes commis en France à un élément constitutif de cette infraction (ou à un "acte caractérisant un de ses éléments constitutifs", sous l'ancien code pénal). Ainsi, est considérée comme commise en France "la tentative de tromperie sur la nature ou les qualités substantielles de toute marchandise lorsque ces dernières sont offertes à la vente en France, alors même que le vendeur serait un ressortissant étranger et les marchandises seraient livrées à l'étranger" (43). Il en est de même d'un délit d'escroquerie, dès l'instant que seul l'un des éléments d'une mise en scène est commis en France, et qu'il entre dans le cadre des manoeuvres frauduleuses prévues par l'article 313-1 NCP (ancien article 405 c.pén.). Ceci, alors même qu'il est constant qu'un tel acte ne caractérise pas à lui seul cet élément constitutif de l'infraction (44).
 
 

50- Les deux affaires précitées ont été jugées pour des faits commis sans relation avec un quelconque réseau informatique, mais elles sont parfaitement transposables à ce qui nous occupe. En effet, si, respectivement, l'offre de la première affaire ou la mise en scène de la seconde avait été faite par l'intermédiaire d'Internet et touché un citoyen français, la solution jurisprudentielle aurait été la même. Il est donc possible d'apprécier, déjà à ce stade, toute l'étendue de la compétence du droit français.
 
 

2) Extensions légales

51- Les extensions légales de la compétence française sont au nombre de trois, et peuvent être traitées en deux catégories :
 
 

52- Elles concernent tout d'abord les infractions commises à bord des navires battant pavillon français, des navires de la marine nationale (et ici la loi française sera exclusivement compétente), ou à l'encontre de l'un ou l'autre de ces navires, en quelques lieux qu'ils se trouvent (45). Elle l'est de même aux infractions commises à bord des aéronefs militaires français (et ici la compétence de la loi française est exclusive) ou immatriculés en France ou à l'encontre de l'un ou l'autre de ces aéronefs, et ceci en quelques lieux qu'ils se trouvent (46).

Le droit français va même encore plus loin : il s'applique aux crimes et délits commis à bord des aéronefs non immatriculés en France, et sous réserve de l'absence d'un jugement définitif à l'étranger pour les mêmes faits, la peine à cette occasion prononcée devant avoir été effectuée ou être prescrite, lorsque l'appareil atterrit en France après le crime ou le délit.
 
 

53- Ces hypothèses peuvent tendre à faire sourire, étant très spécifiques et semblant hors de propos. Mais nous nous devons de les mentionner pour être exhaustifs, car l'Internet par cable téléphonique est voué à laisser bientôt une large part à l'Internet utilisant les réseaux aériens, et il suffit qu'un ordinateur connecté soit présent dans l'un quelconque des bâtiments précités pour qu'une infraction puisse être commise à leur bord. De même, une infraction à leur encontre peut tout à fait être conspirée par l'intermédiaire du réseau.
 
 

54- La seconde catégorie d'extensions légales concerne la complicité accordée en France, à un crime ou un délit perpétré à l'étranger, "si le crime ou le délit est puni à la fois par la loi française et par la loi étrangère et s'il a été constaté par une décision définitive de la juridiction étrangère" (47). Mais il est évident que cette extension ne concernera que peu de cas du fait des restrictions qu'elle pose, et qu'il n'est donc pas nécessaire de s'y arrêter longuement (48).
 
 

55- Enfin, mentionnons la théorie générale de la fraude à la loi, qui permet d'appliquer la loi française aux infractions perpétrées à l'étranger, quand leur auteur les y a commises dans le seul but de se soustraire à l'application de la loi française (49). Et sauf la revendication par celui-ci du bénéfice du droit européen.
 
 

Paragraphe 2 - l'application extra-territoriale du droit national

56- Le droit français s'applique encore hors du territoire de la République dans trois cas. Il est tout d'abord compétent pour les "infractions commises au-delà de la mer territoriale, dès lors que les conventions internationales et la loi le prévoient" (50). Il l'est ensuite en vertu de deux types de compétence complémentaires : la compétence personnelle (A) et la compétence réelle (B). D'application subsidiaire dans l'ordre interne, elles ne sont facteurs de compétence française que lorsque l'infraction ne peut être réputée commise sur le territoire de la République. Et la compétence personnelle sera toujours examinée de prime abord : ainsi, quand l'auteur de l'infraction commise à l'étranger est français, le critère personnel suffira à fonder la compétence des juridictions françaises, sans considération de la nature de l'infraction. En conclusion, la compétence réelle "n'est faite que pour les infractions commises à l'étranger par des étrangers" (51).
 
 

A/ La compétence personnelle

57- Elle peut être générale (1) ou spéciale (2).
 
 

1) la compétence personnelle générale

58- Cette compétence est déterminée par la nationalité de l'auteur (compétence personnelle active) ou de la victime (compétence personnelle passive) de l'infraction considérée.
 
 

59- Les règles relatives à la compétence personnelle, active et passive, sont prévues par les articles 113-6 à 113-9 du NCP. Elles permettent de faire tomber sous le coup de la loi française toute infraction dont l'auteur ou la victime est de nationalité française, et ceci avec des nuances selon la gravité de l'infraction, celle-ci étant déterminée par la loi française.

Ainsi, la compétence personnelle active comme passive est possible en matière criminelle, sans autres restrictions. Il en est de même en matière délictuelle, à ceci près qu'il existe une exigence de double incrimination en matière de compétence active, et une exigence tenant à la nature de la sanction en matière de compétence passive : l'auteur français d'un délit commis à l'étranger ne peut en effet être poursuivi selon la loi française qu'à la condition que les faits qui lui sont reprochés soient également punis par la législation de ce premier pays. De même, la victime française d'un délit commis à l'étranger ne peut en poursuivre l'auteur selon la loi française, que cet auteur soit français ou étranger, que si ce délit est puni d'emprisonnement. Enfin, en matière contractuelle, la compétence personnelle ne peut pas jouer.
 
 

60- En outre, certaines règles spécifiques concernant les deux cas de compétence personnelle sont à mentionner :

En premier lieu, la compétence personnelle active joue, pour les délits et les crimes, alors même que l'auteur des faits aurait acquis la nationalité française postérieurement au fait qui lui est imputé.

En deuxième lieu, pour tous les cas de compétence personnelle, la poursuite des délits ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public. Elle doit de plus être précédée soit d'une plainte de la victime ou de ses ayants droits, soit d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait à été commis (52).

Enfin et pour toutes ces hypothèses, "aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu'elle a été jugée définitivement à l'étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite" (53).
 
 

2) les cas de compétence personnelle spéciale

61- A côté de cette compétence personnelle dite générale, existent des cas de compétence personnelle spéciale, soumis à des conditions particulières, et fondés cette fois non plus uniquement sur la nationalité des personnes impliquées dans l'infraction, mais sur tout élément pouvant les rattacher à la souveraineté française.
 
 

62- Ces cas concernent plusieurs catégories d'infractions qui ne seront pas toutes traitées ici en raison de leur faible probabilité à fonder la compétence du droit français dans le cadre d'une infraction commise sur Internet (54).

Nous pouvons toutefois citer le cas des crimes et délits, sous réserve d'une condamnation définitive à l'étranger pour les mêmes faits, la peine à cette occasion prononcée devant avoir été effectuée ou être prescrite, commis à bord ou à l'encontre des aéronefs non immatriculés en France, lorsque la nationalité de l'auteur ou de la victime est française ou encore lorsque l'aéronef a été donné en location sans équipage à une personne dont le siège principal de l'exploitation ou, à défaut, la résidence permanente, est localisé en France.
 
 

B/ La compétence réelle

63- La loi française s'applique à des infractions qui n'ont aucun lien avec le territoire français, et qui n'impliquent aucune personne de nationalité française, avec pour seul critère de compétence, nécessaire mais suffisant, la nature de l'infraction.
 
 

64- Le droit pénal français a ainsi compétence pour régir les crimes et délits qualifiés d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation et réprimés par le titre 1er du livre IV du NCP, alors même qu'ils sont commis hors du territoire français. Il s'applique également à la falsification et à la contrefaçon du sceau de l'Etat, de pièces de monnaie, de billets de banque ou d'effets publics, telles que ces infractions sont réprimées par les articles 442-1, 443-1 et 444-1 du même code dans le cadre de la compétence territoriale classique, quand ces infractions sont commises à l'étranger. Il s'applique enfin à tout crime ou délit contre les agents ou les locaux diplomatiques ou consulaires français, commis hors du territoire de la République (55).
 
 

65- Ce long mais nécessaire développement sur le champ d'application du droit pénal français nous démontre que celui-ci est applicable à l'ensemble des infractions commises sur le réseau, dès l'instant que notre pays s'estime concerné par les actes en question. Mais une fois ceci admis, qu'en est-il au niveau interne ? car il ne suffit pas à un droit d'être territorialement compétent pour pouvoir réprimer une infraction pénale : encore celle-ci doit-elle être expressément prévue par un texte de loi, d'interprêtation stricte, comme chacun sait. Il convient donc d'étudier à présent l'état de notre droit pénal spécial.
 
 

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SECTION II - LES CONFLITS MATERIELS DE LOIS PENALES INTERNES

66- Le raisonnement par analogie est prohibé, en droit pénal français. Mais les comportements délictueux qui ont cours sur Internet sont d'une grande nouveauté de par leur ampleur et leur technicité. Il nous incombe alors de rechercher si ces comportements entrent dans les prévisions des textes, de par leurs éléments constitutifs. De cette recherche naîtra la constatation suivante : certaines infractions sont classiques (1§), d'autres sont totalement nouvelles (§2), tandis qu'une troisième catégorie provoque des conflits de textes de loi (3§).
 
 

Paragraphe 1 - Les infractions classiques

67- La plupart des infractions commises sur Internet ne diffèrent en rien des infractions classiques telles que réprimées par notre nouveau Code pénal, qui peut les appréhender de la même manière que si elles étaient commise hors ligne. Elles peuvent être présentées sous la forme de deux catégorie : certaines sont commises sur Internet (1), d'autres le sont par lui (2), précision faite que nous entendons ici sous le terme de "commission", le lieu où est attendu par l'auteur le résultat délictueux (56).
 
 

A/ Internet, lieu de l'infraction

68- Internet permet en premier lieu la commission de toutes les infractions emportant émission, transfert ou échange d'information. Ainsi et par exemple, les atteintes à la vie privée peuvent y être sanctionnées sans difficultés. Citons par exemple l'article 226-2, 2° NCP, qui réprime le fait de commettre cette atteinte "par fixation, enregistrement ou transmission, sans le consentement de celle ci, de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé".
 
 

69- De même, les atteintes aux données nominatives sont protégées par les dispositions pénales de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dispositions insérées en grande partie dans le nouveau Code pénal par la loi du 16 décembre 1992, sous le titre des "atteintes aux droits de la personne résultant de fichiers ou de traitements informatiques" et sous couvert des articles 226-18 à 226-24 du NCP.
 
 

70- Cette dernière loi est très fréquemment sollicitée pour réprimer les infractions commises sur Internet : Le Tribunal de Grande Instance de Privas (57)a par exemple condamné un étudiant en informatique, pour s'être vengé de sa petite amie en stockant dans sa page d'accueil personnelle (ou home page), des photographies scannérisées de celle-ci, à son insu, présentant un caractère fortement pornographique et accompagnées de commentaires sur les mœurs de la jeune fille. Les juges ont fondé leur condamnation sur l'article 226-19 al. 1 du NCP , qui réprime "le fait, hors les cas prévus par la loi, de mettre ou de conserver en mémoire informatisée, sans l'accord express de l'intéressé, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales ou les mœurs des personnes", la sanction étant de cinq ans d'emprisonnement et de deux millions de francs d'amende.
 
 

71- L'étudiant a été condamné ici sur la notion de mœurs prévue par l'article précité, et pour avoir procédé ainsi à l'insu de l'intéressée. Mais, comme le note à juste titre M. J. Frayssinet (58), la condamnation aurait pu intervenir sur le fondement de l'article 227-24, si la petite amie en question avait donné son consentement pour la diffusion de ses photos.
 
 

72- En effet, cet article 227-24, qui reprend, en l'élargissant, l'incrimination d'outrage aux bonnes mœurs de l'ancien Code pénal, s'applique également à Internet, et fait partie des dispositions pénales réprimant la mise en péril des mineurs : il réprime le fait "soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, (…) lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur".
 
 

73- Il en est de même pour le fait de fixer, d'enregistrer ou de transmettre, en vue de sa diffusion, l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique (227-23 NCP), ou la diffusion de cette image. De nombreux réseaux pédophiles ont pu être ainsi démantelés, et leurs acteurs condamnés.
 
 

74- Notons ici qu'un dispositif législatif (59) est venu renforcer la prévention et la répression des atteintes sexuelles ainsi que la protection des mineurs victimes de ces infractions, lorsqu'elles impliquent l'utilisation des nouveaux moyens de télécommunication. Ainsi, l'article 227-23 précité, l'article 225-7 relatif au proxénétisme, de même que les articles 222-4, 222-28, 227-22, 222-26 du NCP, sont complétés par un alinéa prévoyant spécifiquement le cas ou la victime de tels crimes et délits a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation d'un réseau de télécommunications, pour la diffusion des messages à destination d'un public non déterminé. (60)
 
 

75- En outre, les incriminations de discrimination (article 225-1 NCP), de diffamation non publique (R 624-3), d'injure non publique (R 624-4), de provocation non publique à la discrimination et à la haine raciale (R.625-7 NCP), sont également parfaitement applicables au réseau. En témoigne par exemple la mise en examen de M. Faurisson par le juge Valat, le 10 novembre 1997, pour avoir été l'auteur d'un texte négationniste sur Internet, intitulé "Les visions cornues de l'Holocauste" (61). Et ceci alors même que l'une des premières affaires en la matière avait malheureusement pu décevoir et contribuer à développer la thèse de l'impuissance du droit face au réseau (62).
 
 

76- A l'instar des infractions contre les marques (63), les infractions contre les œuvres de l'esprit se voient également réprimées au travers du délit de contrefaçon, qu'elles soient commises sur Internet ou non, et ceci dès lors que lesdites œuvres reproduites sont originales et par là-même protégées par le droit d'auteur (64). En effet, comme l'a affirmé explicitement une ordonnance de référé du 5 mai 1997 (65), "la numérisation d'une œuvre", qui consiste en sa traduction d'un langage littéraire ou analogique en un langage numérique, c'est à dire une suite de deux valeurs correspondant au 0 et au 1, "constitue une reproduction de l'œuvre qui requiert en tant que telle, lorsqu'il s'agit d'une œuvre originale, l'autorisation préalable de l'auteur ou de ses ayants droit".
 
 

B/ Internet, instrument de l'infraction

77- En second lieu, Internet permet la commission de certaines infractions classiques en ne servant que d'instrumentum à leur réalisation. Il en serait ainsi, par exemple, d'un homme qui commettrait un meurtre sur la personne de sa femme placée sous monitoring, en s'introduisant, via Internet, dans le réseau informatique de l'hôpital. Cet acte devrait logiquement être qualifié de meurtre, le réseau n'étant que "l'instrument" du crime. La chambre criminelle de la Cour de Cassation estime d'ailleurs qu'un "homicide volontaire peut résulter de moyens multiples et successifs employés pendant un temps plus ou moins long, ce qui implique que le crime n'est pas nécessairement commis en un lieu unique" (66). L'élément intentionnel serait concrétisé, dans de telles circonstances, par l'intrusion frauduleuse dans le système informatique de l'établissement et l'intervention sur les données y contenues.
 
 

78- Peuvent de la même manière être commis sur le réseau des réseaux une escroquerie ou un abus de confiance.
 
 

79- Ainsi, cette énumération, qui ne prétend en aucun cas être exhaustive, démontre que si "L'Internet facilite (…) la commission de certaines infractions, comme l'existence de ponts sur l'Isère facilitait la contrebande de Mandrin" (67), ces dernières sont pour la plupart classiques et notre droit pénal est parfaitement apte à les appréhender. Les seules difficultés sont alors leur répression effective. En effet, si par exemple une condamnation pour diffamation sur le réseau intervient, il paraît difficile de faire cesser la diffusion de l'information litigieuse, et ceci malgré l'injonction d'un juge, dès lors que le message incriminé a été diffusé à "plusieurs milliers de personnes réparties dans le monde entier" (68). De même, si les délits économiques (détournements de fonds par la voie informatique) ou blanchiments peuvent être réprimés quelque soit la méthode utilisée pour leur réalisation, les réseaux électroniques offrent de telles possiblités de vitesse de circulation de l'information comme d'interconnexion entre les serveurs que tout suivi de celle-ci, comme toute repression, devient rapidement très difficile, faute de moyens policiers et de coopération internationale (69), et ceci malgré les "stratégies offensives" (70) développées par certains Etats en la matière.
 
 

80- D'autres infractions, cependant, sont totalement nouvelles et une intervention du Législateur s'est avérée ou s'avère nécessaire :
 
 

Paragraphe 2 - Les infractions spécifiques à l'informatique

81- Avec l'avènement de l'informatique, de nouvelles infractions sont apparues, telles la fraude informatique ou l'utilisation non autorisée de programmes informatiques protégés, et notre droit pénal traditionnel, avec ses incriminations de vol, d'escroquerie ou de collecte frauduleuse ou illicite de données nominatives, ne permettait que très difficilement leur répression. Le Législateur français a donc dû intervenir pour les incriminer spécifiquement, à l'instar de ses homologues -entre autres- danois ou américain, et ceci notamment sur l'appel d'Instances internationales tel l'OCDE ou le Conseil de l'Europe (71). Mais tous les pays n'ont pas encore procédé à ces modifications.
 
 

82- La loi française qui en est résultée en 1988, dite "Loi Godfrain", du nom de son initiateur, permet aujourd'hui d'appréhender les nombreux méfaits ci-dessous énoncés, avec cette précision que les personnes morales peuvent en être aussi déclarées responsables :

  • l'accès frauduleux dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données, l'infraction étant aggravée lorsqu'il en est résulté une altération, soit des données y contenues (suppression ou modification), soit du fonctionnement même du système (323-1 NCP).
  • le maintien frauduleux dans ce système, avec les mêmes causes d'aggravation (323-1 NCP) : en effet, bien que le maintien dans un système suppose un préalable accès, celui ci peut-être autorisé tandis que le maintien, non (72).
  • L'atteinte volontaire au fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données, c'est-à-dire le fait de le fausser ou l'entraver (323-2 NCP).
  • L'atteinte volontaire aux données contenues dans un système de traitement automatisé de données (introduction frauduleuse de nouvelles données, suppression ou modification des données stockées; 323-3 NCP).

83- Mais cette "révolution technologique" (73) engendre aussi des troubles auxquels le droit pénal ne sait que très mal apporter de réponses. Dès lors, il reste silencieux ou s'enrichit de dispositions dépourvues de sens, bien que lourdement sanctionnées. C'est ce que certains dénoncent, et notamment M. N. Ros de Lochounoff (74), concernant respectivement le droit pénal de l'économie, et la transposition française de la Directive sur les programmes d'ordinateurs, harmonisant les législations en la matière.
 
 

84- Le travail du Législateur n'est donc pas terminé. Mais peut-être conviendrait-il mieux, au lieu d'élaborer des lois ponctuelles à chaque fois qu'une nouvelle difficulté survient, de repenser chaque secteur du droit en fonction de l'évolution de la société, pour "une cohérence plus forte entre le droit et la technique" (75).
 
 

85- Car ne sont pas uniquement concernées quelques branches juridiques. Si Internet est le siège ou l'instrument d'une minorité d'infractions totalement nouvelles, il est cependant le témoin d'une multitude d'actes malveillants qui, bien que connus de notre société, bousculent à tel point les notions juridiques traditionnelles qu'il devient difficile de les appréhender de manière sereine et conforme à nos principes fondamentaux de droit pénal :
 
 

Paragraphe 3 - Les infractions classiques posant un problème de qualification

86- Mme Falque Pierrotin a pu écrire avec discernement que "La spécificité de l'Internet repose sur l'imbrication des services et des acteurs qui rend difficile l'application a priori d'un régime juridique déterminé et global" (76). Ceci a des conséquences en droit pénal, certaines des dispositions de celui-ci supposant souvent, pour leur application, déterminé le régime juridique applicable à l'espèce (ainsi, les délits de presse ne peuvent permettre de sanctionner des infractions, dont les éléments constitutifs seraient par ailleurs réunis, qui seraient commises par un vecteur d'information non qualifié de presse). Plusieurs difficultés vont alors survenir, ces dernières pouvant être classées en trois catégories : le problème de qualification (1), le cumul d'incriminations (2), l'incohérence du fait et du droit (3).
 
 

A/ Les problèmes de qualification

87- Comme nous l'avons déjà mentionné, Internet bouleverse les définitions juridiques classiques, et en premier lieu celles du droit de la communication, fondées sur la distinction entre correspondance privée et communication audiovisuelle. Cette distinction est pourtant fondamentale, car qualifier les échanges qui ont lieu sur le réseau de l'une ou de l'autre entrainera des conséquences pénales différentes.
 
 

88- Par exemple, les délits de presse établis par la loi de 1881 (loi applicable à "tout moyen de communication audiovisuelle", termes y ajoutés par une loi du 13 décembre 1985) requièrent l'existence d'une publicité, d'un "public" qui en serait le destinataire (article 23 de cette loi). A défaut, autrement dit en cas de correspondance privée, des propos racistes ne pourront pas être poursuivis sur le fondement de cette loi, mais uniquement sur la base des articles R 624-3 et R 624-4 NCP (diffamation et injure non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire), ou R 625-7 (provocation non publique à la discrimination).
 
 

89- Nous pouvons également citer le cas de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication audiovisuelle, qui prévoit à son article 43 un régime de déclaration au Procureur de la République de toute création de services de communication audiovisuelle autre que ceux distribués sur réseaux cablés ou hertziens, obligation qui n'existe pas en cas de service de télécommunications.
 
 

90- De même, et au contraire des informations émises par le biais d'une communication audiovisuelle, les correspondances privées sont protégées par le secret, conformément à la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications. Est ainsi réprimé par l'article 226-15 NCP "Le fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance". Est puni des mêmes peines (un an d'emprisonnement et trois cent mille francs d'amende) "le fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de détourner, d'utiliser, ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l'installation d'appareils conçus pour réaliser de telles interceptions" (sauf interception judiciaire ou administrative, selon les procédures qui les gouvernent).
 
 

91- Enfin, certaines incriminations prévues par le nouveau Code pénal, telle celle de l'article 227-24 que nous avons ci-dessus étudié, prévoient que "lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables". Cette mention renvoit à l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui dispose que le directeur de la publication de ce service sera pénalement responsable du message incriminé dès lors que celui-ci aura fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public. Selon la circulaire du 14 mai 1993, le Parlement a ainsi voulu lutter, en adoptant cette disposition, contre les excès de certaines messageries conviviales communément désignées sous le terme de "minitels roses". Dès lors, cette disposition ne pourra s'appliquer à Internet que si les documents incriminés sont réputés avoir été diffusés par voie de presse audiovisuelle. Mais un autre problème se pose en aval : celui de savoir qui assume cette fonction éditoriale, sur le réseau. Car, encore une fois, les définitions traditionnelles ont du mal à s'adapter à la technique (77).
 
 

92- Donc, de la qualification choisie, entre service de télécommunications et service de communication audiovisuelle, dépendront les dispositions de droit pénal applicables. Mais la question qu'il convient de se poser est celle-ci : ces différents régimes sont ils transposables à Internet ?
 
 

93- Les textes relatifs à ces deux secteurs de la télécommunication sont effectivement l'un comme l'autre légitimes à régir le réseau Internet :
 
 

94- En effet, la communication audiovisuelle est définie à l'article 2 al. 2 de la loi de 1986 sur la liberté de l'audiovisuel, comme "toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée".
 
 

95- Selon Mme Falque-Pierrotin, cette définition peut être appliquée à Internet, notamment car la circulaire du 17 fevrier 88, précisant les services entrant dans cet article, donne des éléments en faveur du réseau. Cette même circulaire indique que le message doit être destiné "indifféremment au public ou à des catégories de public, c'est à dire un ensemble d'individus indifférenciés, sans que son contenu soit fonction de considérations fondées sur la personne".Il doit être "à l'origine mis à la disposition de tous les usagers du service, à titre onéreux ou gratuit".

Il convient cependant de signaler ici que les juges en ont décidé autrement s'agissant du minitel, ce dernier "étant visuel et non audio, il n'est pas un moyen audiovisuel au sens de l'article 23 de la loi sur la presse" (78). Ceci ne fait que contribuer à la confusion ambiante, car l'on saisit mal la raison d'une discrimination entre minitel et Internet, malgré les quelques caractéristiques qui les séparent.
 
 

96- Les correspondances transmises par la voie des télécommunications englobent quant à elles, selon la loi du 10 juillet 1991, "toute transmission, émission ou réception de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de renseignements de toute nature par fil optique, radioélectricité ou autres systèmes électromagnétiques". Cette définition est également applicable au réseau, à l'instar de la loi de 1991 relative au secret des correspondances privées, et ceci en application de la circulaire du 17 février 1988 selon laquelle "il y a correspondance privée lorsque le message est exclusivement destiné à une personne (ou plusieurs) (79) physique ou morale, déterminée ou individualisée".
 
 

97- Les deux régimes juridiques sont applicables. Alors lequel appliquer ? La réponse à cette question est très délicate, car certains des services proposés sur Internet entrent dans la première catégorie, d'autres répondent à la définition de la deuxième, tandis que d'autres encore peuvent être tour à tour communication audiovisuelle ou correspondance privée. A cela s'ajoute un désaccord, sur la qualification de chaque service, entre les auteurs ou les juges.
 
 

98- N. Gautraud a d'ailleurs pu écrire qu' "Internet ne peut à l'évidence être purement et simplement assimilé à de la radiodiffusion". Il "recouvre des formes élaborées de communication individuelle interactive, de multiples formes intermédiaires entre la communication individuelle et la communication de masse, ainsi que des services électroniques d'information" (80). Les juges de 1ère instance de la Cour du district est de Pennsylvanie estiment quant à eux qu' Internet est une "conversation mondiale sans fin" (81).
 
 

99- En effet, selon les critères de distinction communément admis (82), l'élément de publicité dépend des personnes touchées par l'information (public indéterminé, imprévisible, non cimenté par une communauté d'intérêt), mais non de leur nombre ou du lieu où ce "public" se trouve. Certains, dont les juges, estiment également que l'intention de l'initiateur du courrier est primordiale, et qu'il faut rechercher s'il souhaitait toucher uniquement une personne déterminée ou non. Ainsi, un courrier électronique (E-mail, ou mél) peut être une correspondance privée quand l'émetteur de l'information s'adresse à un ou plusieurs destinataires déterminés, alors qu'il devient une communication au public dès lors que les messages sont envoyés au hasard à de nombreuses personnes, quand bien même liées par un critère déterminé (appartenance à tel secteur professionnel…). Un forum de discussion de même qu'une liste de diffusion semblent a priori publics. De même, un site Internet ne donnant pas lieu à restriction d'accès ou un home page sont soumis aux règles concernant la communication audiovisuelle.
 
 

100- Ces dictinctions sont dangereuses, en ce que la plupart d'entres elles resteront incertaines jusqu'à une qualification judiciaire. Comme le préconise Nathalie Gautraud, il est urgent de reconnaître la spécificité d'Internet "afin de créer un cadre réglementaire adapté à ces techniques nouvelles d'information et de communication tout en assurant la protection du citoyen"(83) . Me N. Brault appelle également de ses vœux "la définition d'un régime juridique plus homogène pour l'ensemble des services en ligne, fondé sur une distinction entre la nature des services, par opposition entre les correspondances privées d'une part (messagerie électronique (…)), et la communication audiovisuelle d'autre part" (84), bien que cette aproche ne semble pas être la meilleure car comme nous l'avons dit, un E-mail peut très bien relever des unes ou de l'autre.
 
 

B/ Les cumuls d'incriminations

101- Nous l'avons vu, les incriminations de droit commun, les incriminations spécifiques aux délits informatiques, de presse, ou commis à l'encontre des donnés personnelles, permettent de couvrir la quasi-totalité des infractions commises sur Internet. Le problème est que cette classification même n'a aucune signification sur ce réseau, et peut y être commise une infraction de droit commun (le meurtre, par exemple), au moyen d'une atteinte à des données personnelles (falsification des données médicales relatives à une patiente sous monitoring), atteinte commise elle même au moyen d' une atteinte à un système informatique (accès frauduleux au système de traitement automatisé de l'hôpital). En ce cas, la solution proposée par le droit pénal général est connue : il s'agit de déterminer si ce concours possible d'incriminations constitue un concours d'infractions, idéal ou réel.

 

102- Il y a concours réel d'infraction, selon l'article 132-2 NCP, "lorsqu'une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction". Ce sera le cas par exemple de l'accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données (article 323-1 NCP), suivi d'une collecte frauduleuse ou illicite d'informations nominatives contenues dans ce système (article 226-18 NCP), puis de l'utilisation de ces données pour commettre une escroquerie à l'encontre d'un tiers (article 313-1 NCP). Ces diverses infractions, réalisées successivement, et sans intervention, entre chacune d'elles, d'un jugement définitif, seront en concours réel. Il en sera de même si leur auteur est poursuivi pour les deux premières, avant que la troisième ne soit découverte quelques mois plus tard : car aucune décision ne sera intervenue entre la consommation de chaque acte.
 
 

103- Le concours réel aboutit alors à autant de poursuites, et éventuellement de condamnations, qu'il existe d'infractions commises. Et cela ne fait pas échec au principe non bis in idem(85), car à chaque poursuite correspond un fait distinct.
 
 

104- Il y a en revanche concours idéal d'infractions, expression à laquelle M. Yves Mayaud préfère la terminologie, à notre avis plus appropriée, de "conflit de qualification légale" (86), lorsqu'un unique fait contraire à la loi pénale est susceptible de plusieurs qualifications.
 
 

105- Ainsi, le fait de divulguer sur Internet des informations concernant une personne physique, de nature à porter atteinte à sa considération et sans l'accord de celle-ci, peut être saisi par l'article 29 de la loi de 1881 sur la presse, réprimant la diffamation, comme par l'article 226-22 NCP, qui sanctionne la divulgation à un tiers non autorisé de données nominatives ayant pour effet de porter atteinte, notamment, à la considération de l'intéressé.
 
 

106- Ce cumul est a priori prohibé, en raison de la règle non bis in idem. Cependant la majorité des auteurs appelle à faire une distinction, au sein de cette classe de concours :
 
 

107- Lorsque les différentes qualifications applicables au même fait protègent la même valeur sociale (87) (l'honneur ou la dignité, dans notre exemple; l'intégrité physique, en cas de conflit entre les qualifications de "torture et actes de barbarie" et de "viol"…), alors les qualifications ne peuvent pas être cumulées, et un choix doit être opéré en leur sein. Ce choix se fera souvent par rétention du texte correspondant à l'expression pénale la plus haute, c'est-à-dire à la qualification la plus sévère, sauf si les deux incriminations en présence relèvent l'une d'un texte spécial, l'autre d'un texte général, auquel cas le texte spécial devra être retenu par priorité, en vertu du principe specialia generalibus derogant (88).
 
 

108- A l'inverse, lorsque les valeurs sociales protégées par chacune des qualifications possibles sont différentes (le système informatique, les données personnelles et la vie d'une personne, dans notre exemple cité au n° 101), alors le cumul redevient possible, sans aller à l'encontre des principes de droit pénal général car si le fait est unique, les atteintes sont multiples et l'on en revient à l'hypothèse d'un concours réel d'infractions.
 
 

109- Cette démarche paraissait tout à fait opportune avant l'apparition de méfaits sur Internet. Elle le reste et n'est pas à remettre en cause, mais elle est source de difficultés quant à sa mise en oeuvre : car les régimes juridiques applicables sur Internet ont à l'heure actuelle pour source, et cela sera de plus en plus vrai si la démarche législative actuelle est poursuivie, des lois spéciales. Ce qui aboutit inexorablement à se perdre dans la spécialité. De cet état du droit naissent des situations qui tendent à l'aberration, et si le droit s'applique sur Internet, il s'y applique d'une manière à notre avis non conforme à l'un de ses objectifs, qui est de sanctionner l'infraction commise de manière proportionnée, sur le fondement d'une loi claire et simple, définissant strictement le comportement réprimé.
 
 

110- Deux disfonctionnements sont donc à noter, le second pouvant être perçu comme un corollaire du premier : une complexification inopportune du droit, et une sanction souvent inadaptée à l'infraction réellement commise.
 
 

111- Complexification inopportune en ce que, d'une part et comme nous l'avons déjà dénoncé, les textes spéciaux se multiplient pour réprimer des actes spécifiques qui ont cours dans un domaine technique particulier (loi du 6 janvier 1978, loi Godfrain…). D'autre part, les infractions classiques sont souvent complétées d'un alinéa ou de quelques mots aux fins de leur meilleure application au Réseau informatique (incriminations concernant les atteintes sexuelles (89), le faux en écriture de l'article 441-1 NCP…). Tout ceci a pour résultat de mettre en présence des incriminations souvent applicables de manière équivalente à l'infraction commise, dès lors que les régimes juridiques qui les concernent respectivement trouvent à s'appliquer simultanément au cadre dans lequel seront commis les éléments constitutifs de cette infraction.
 
 

112- Il en est ainsi de l'altération frauduleuse de données contenues dans un système informatique : selon l'article 441-1 NCP, "Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques". "Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende". Du fait de l'insertion dans cet article, par le nouveau Code pénal, de la phrase "tout autre support d'expression de la pensée", qui permet son application aux délits commis par la voie informatique, le législateur de 1992 n'a pas jugé bon de reprendre, dans le chapitre du nouveau Code pénal consacré aux atteintes aux systèmes de traitement informatisé de données, l'article 462-5 de l'ancien Code pénal né de la loi Godfrain, qui sanctionnait la falsification de documents informatisés.
 
 

113- Nous en arrivons donc à une situation dans laquelle, en cas d'atteinte à un système informatique par "falsification" (terme employé par l'article 462-5 de l'ancien Code pénal) de données y stockées, deux textes sont applicables : l'article 441-1, censé en partie remplacer l'ancienne incrimination que nous pouvons dénommer "faux en informatique", et l'article 323-3 de l'actuel Code pénal, qui, rappelons-le, réprime le fait de modifier frauduleusement les données contenues dans un système informatique. Bien entendu il existe une différence entre ces deux textes et si l'article 323-3 ne prévoit que le fait de modifier les données, l'article 441-1 exige une altération frauduleuse de la vérité, cette dernière devant pouvoir constituer la preuve d'un fait ou d'un acte ayant des conséquences juridiques, ainsi qu'un préjudice en résultant. Mais très souvent les faits à réprimer correspondront à l'une comme à l'autre de ces définitions, des données stockées étant souvent représentatives de la vérité (tout dépendra de ce que le Législateur comme le juge entendront sous le vocable de "vérité"), l'altération n'étant pas fondamentalement différente de la modification, une donnée ayant très souvent vocation à produire un effet juridique, et enfin une telle action portant nécessairement préjudice au "propriétaire" du fichier. Certes et par chance, les sanctions prévues par l'une et l'autre de ces incriminations sont identiques : mais ceci est très représentatif de la complexité, inopportune, qui règne au sein de notre droit, sachant que ce développement pourrait être mené pour nombre de nos textes de droit pénal.
 
 

114- Pour un second et dernier exemple, citons l'affaire, concernant un étudiant en informatique, dont nous avons déjà fait mention plus haut (90) : la condamnation, on le sait, est intervenue sur le fondement de l'article 226-19 NCP. Mais comme le note M. Frayssinet dans son commentaire de l'espèce (91), étaient applicables de multiples autres textes de ce même code : alternativement (conflit de qualifications légales), les articles 226-22, 226-1 relatif à la protection de la vie privée (92), 226-18 si la jeune fille eut été photographiée à son insu; simultanément (concours réel d'infractions), les articles 226-16 (non déclaration du site à la CNIL), 226-17 (défaut de prise de mesures de sécurité pour assurer la sécurité des images - mais la raison en est ici évidente-), 227-24 (protection des mineurs contre la vue d'images pornographiques). Il en est de même pour l'article 227-23, si la jeune fille eut été mineure, mais la possibilité de cumul peut être ici contestée.
 
 

115- Est-il bien raisonnable que pour un fait unique, même s'il implique l'utilisation de plusieurs techniques obéissant à des régimes juridiques parfois distincts, autant de textes aient cette vocation plus ou moins légitime à s'appliquer? Il paraît ici approprié, même si nous y reviendrons, de dénoncer une absence flagrante de clarté et de généralité de la loi, caractères qu'il lui serait possible de préserver tout en subissant les adaptations nécessaires à l'apparition de certaines technologies.
 
 

116- La conséquence en est parfois, et ceci constitue notre second point, que le méfait sanctionné ne sera pas forcément celui que l'auteur voulait commettre et a par ailleurs commis, mais celui commis par "nécessité", en qualité d'instrumentum, pour la bonne réalisation de l'infraction principale.

Ceci est vrai à un moindre degré (93) dans l'affaire précitée du meurte commis par un homme sur la personne de sa femme par le biais d'Internet. Nous comprenons mal, en communion avec M. Frayssinet, la légitimité de la loi de 1978, protectrice des libertés, à s'appliquer à une espèce ou le seul but recherché par l'auteur des faits était une atteinte à la vie d'autrui. Certes, le droit pénal français ne tient pas compte des objectifs et sanctionne l'impact effectif de l'infraction sur la société. Ceci est une bonne chose mais elle ne doit pas nous faire perdre pied d'avec la réalité.

Ceci est par contre totalement effectif s'agissant du vol d'information (94) : il est constant que le vol suppose la soustraction frauduleuse d'une chose matérielle possédée par autrui. Ainsi le vol d'informations, et ceci quelque soit l'importance de ces dernières, ne peut être poursuivi qu'à travers leur support matériel. Ce n'est donc pas ce que l'auteur des faits a volé selon son intention première qui est effectivement protégé, mais ce qu'il a dû voler pour y parvenir. Si cela n'a pour causes que l'obligation d'interprêtation stricte de la loi pénale et le défaut de cohésion entre le fait et le droit que nous allons à présent aborder, les conséquences sur l'application du droit en restent inexorablement les mêmes.
 
 

C/ Le défaut de cohésion entre fait et droit

117- Ce défaut de cohésion vient d'être démontré, avec le vol d'information. Il en est de même du recel de celle-ci, ou d'autres dispositions plus spécifiques tel le droit de décompilation. Bien entendu cette difficulté est déjà ancienne, et ne provient en aucun cas de la spécificité d'Internet. Mais elle n'est que mieux révélée par le réseau et nous oblige à dénoncer une situation dans laquelle nous nous confortions. Ainsi, il serait bon que le Législateur s'attache à rétablir une certaine cohésion entre le droit et la réalité, au lieu de créer sans cesse des incriminations -ou compléments d'incriminations- spécifiques destinées à saisir une illusion de vide juridique. Notamment, le vol devrait enfin être admis pour toute "chose", matérielle ou immatérielle. Et quand bien même l'obligation de l'existence d'un support viendrait à être conservée, il serait au moins opportun d'admettre au rang de ces supports, si l'on ne veut à l'extrème y admettre l'air, support des ondes accoustiques qui nous permettent de percevoir les sons, les supports magnétiques et les cables téléphoniques (95).
 
 

118- Ce que nous venons d'étudier est rassurant et effrayant tout à la fois. Rassurant en ce qu'il est évident que le droit français est présent sur le réseau, tant de par son champ d'application territorial que de par son application matérielle. Mais effrayant, si l'on songe, dans une approche internationale, qu'il en est de même s'agissant de la plupart des droits pénaux de nos voisins. Internet est donc littéralement asphyxié par le droit. De ceci résultent de nombreux disfonctionnements :
 
 

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SECTION III - LES CONSEQUENCES DE L'APPLICATION DE TOUTES LES LOIS

119- La possible application simultanée, au même comportement infractionnel, de plusieurs droits et, en leurs seins respectifs, de plusieurs incriminations, provoque un choc de valeurs morales (1§) comme un affaiblissement du droit pénal (2§). Bien sûr ces difficultés sont connues du droit international comme de notre système législatif interne. Mais, hier exceptions, elles sont aujourd'hui la règle. Elles deviennent quotidiennes et incontournables.
 
 

Paragraphe 1 - Le choc des valeurs morales

120- Que tous les droits de la planète aient vocation à s'appliquer n'appelle pas de difficulté majeure dès lors que ceux-ci sont identiques, mais il en est autrement dès lors qu'ils n'incriminent pas les mêmes faits, ou qu'ils répriment le même acte de manière différente. Et comme l'énonce Mme Marcellin-Taupenas dans une phrase désormais célèbre, "Le droit présente des disparités quant à la liberté d'expression : le contenu d'un message transporté sur Internet peut être jugé innocent ici, indécent là et criminel ailleurs" (96).
 
 

121- En effet, les systèmes législatifs, mis en présence, révèlent leur hétérogénéité, et les conflits de valeurs morales qui en résultent posent l'essentiel des problèmes.
 
 

122- Ceci est vrai de la liberté d'expression, mais également d'une multitude de faits et d'actes, tels les atteintes aux systèmes informatiques (tous les pays n'ont encore pas adopté de dispositions similaires à celles que nous connaissons avec la loi Godfrain).
 
 

123- Mais c'est la différence entre les conceptions étatiques de cette liberté d'expression qui pose la réelle difficulté, car tenter de la résorber ne relève plus de l'ordre technique, mais de l'ordre moral. La souveraineté des Etats est mise en cause. Et la résorber devient pourtant nécessaire, car les conceptions s'entrechoquent, et créent des conflits.
 
 

124- Conflits car, si, comme le rappelle M. Vivant (97), la conception américaine de la liberté d'expression est tout aussi respectable que la nôtre, "car il s'agit bien d'une véritable conception de la liberté et des libertés", et que ce raisonnement pourrait très bien être appliqué à d'autres pays, il faut "savoir choisir, sauf à ne plus assumer sa responsabilité d'homme". Et les choix en ce domaine, qu'ils soient personnels ou étatiques, suscitent des passions et des combats pour leur sauvegarde.
 
 

125- Conflits encore, car admettre le respect dû à une conception de la liberté ne permet pas toujours de supporter l'intolérable (98), pour quiconque "croit en certaines valeurs" pour reprendre une autre expression de M. Vivant (99). Et nous désirons aller plus loin en affirmant que certaines valeurs sont irréversiblement universelles, que l'on y croie ou non, que l'on désire y adhérer ou non. Et c'est à ceux qui y croient de tout faire pour les défendre (100).
 
 

126- Ces conflits sont multiples : ainsi, un propos incitant à la haine raciale ou révisionniste, déposé sur un serveur américain, n'enfreint en aucun cas la loi dudit pays, tandis que le même propos est sévèrement combattu par la loi française et la plus grande partie des Etats européens.
 
 

127- Au sujet des propos et images à caractère sexuel, un vif débat s'est pourtant ouvert aux Etats-Unis en 1995-1996, qui a donné lieu au vote par le Congrès, le premier février 1996, du "Communication Decency Act", texte modifiant la loi sur les télécommunications et pénalisant tout "message indécent ou obsène, le sachant accessible à un mineur de 18 ans" (101). Mais certaines de ses dispositions ont été jugées inconstitutionnelles par le Tribunal comme la Cour d'appel de Pennsylvanie, ce qui a été confirmé par la Cour suprême (102). En effet, selon la Cour d'appel, ces dispositions "constituent une ingérence des autorités publiques dans le domaine de la liberté d'expression, alors que le message, quand bien même serait-il considéré comme "indécent" ou "offensant", doit bénéficier de la protection de la constitution".
 
 

128- Une telle décision, paradoxale si l'on songe que la pornographie est plus sévèrement réprimée dans ce dernier pays qu'en France, laisse pour certains présager qu'aucun propos, et notamment à caractère raciste, n'est susceptible d'être interdit sur Internet par les Etats-Unis.
 
 

129- Ceci est cependant à relativiser pour deux raisons :

La première est que les juges ont déclaré l'inconstitutionnalité pour des raisons étrangères à une éventuelle "protection" de l'indécence : le texte de loi présentait selon eux des restrictions disproportionnées au but à atteindre (à savoir la protection des mineurs), il était trop imprécis en ce qu'il ne définissait pas la notion d' "indécence", et il fondait ses dispositions sur un critère (la "rareté" des fréquences) qui ne correspondait pas à Internet, donc qui ne pouvait s'y appliquer.

La seconde raison est qu'à la suite de la confirmation de cette décision par la Cour suprême, la Maison-Blanche a appelé la mise en place d'un groupe de travail destiné à élaborer un projet de mesure qui serait applicable en substitution du Decency Act. De même, le Congrès s'attache aux difficultés concernant Internet, et s'apprête à intervenir. Ce qui fait dire à certains, à l'inverse, que "les Etats-Unis [sont peut-être] en train de marcher sur les traces du Législateur français" (103).
 
 

130- Pour en conclure avec cette affaire, il semble que le continent américain ne soit pas totalement indifférent aux problèmes suscités par les messages envoyés sur Internet par ses habitants, et ceci peut être perçu comme encourageant. Il n'en demeure pas moins que les différences persistent entre valeurs protégées.
 
 

131- A l'extrème opposé citons la Chine, qui, voyant dans Internet un instrument servant à dévoiler les secrets d'Etat ou à diffuser des informations malfaisantes, a révisé pour la seconde fois, le 11 décembre 1997, une législation de février 1996. Ces nouvelles dispositions pénales, entrées en vigueur le premier janvier 1998, prévoient des "punitions criminelles" et des amendes envers les auteurs, fournisseurs d'accès ou internautes, personnes physiques comme morales, de violation de secrets d'Etat, de subversions politiques, de fraude informatique, ou de propos violents ou pornographiques.
 
 

132- M. Denis Duclos (104) écrivait, s'agissant des nouvelles technologies (et notamment des armes chimiques) que "le véritable risque technologique est celui d'une circulation de la haine dans la culture de masse, ce milieu ambiant où nous fantasmons, en nous gardant bien d'en faire matière à conversation civile". Cette pensée est transposable à Internet, et nous nous devons de remédier rapidement à ces problèmes si nous ne voulons pas que ce réseau devienne, sous couvert de liberté d'expression ou d'une autre valeur, un risque. Nous nous le devons pour qu'il conserve ses caractères vertueux que tant chérissent, et ceci quand bien même on ne peut dire qu'il fédére l'ensemble de la planète, quand "1,2 milliards d'habitants n'ont toujours pas accès à l'eau potable" (105), quand quelques millions de personnes connectées sont répertoriées pour l'ensemble du monde. Car souvenons nous d'une triste période de notre histoire, où le mal est venu du côté d'où on l'y attendait le moins.
 
 

Paragraphe 2 - l'affaiblissement du droit pénal

133- Ces conflits de lois, externes et internes, provoquent un affaiblissement marqué des principes de droit pénal.
 
 

A/ Le déclin de la légitimité de la loi pénale

134- En premier lieu, la loi pénale se doit d'être légitime, si elle veut atteindre ses objectifs, qui sont en France de prévenir et réprimer les comportements non respectueux des valeurs protégées par la société. Elle doit pour partie cette légitimité à ses caractères de généralité, d'abstraction et de pérennité (1), ainsi qu'à la sécurité qu'elle apporte au citoyen (2).
 
 

1) La loi : générale, abstraite et pérenne ?

135- Comme le rappelle M. Gautier (106), "depuis Rome, en passant par l'inaltérable Portalis, les titres de gloire de nos lois sont (étaient?) (107) leur caractère général, abstrait, et bien frappé, justifiant que les situations nouvelles se placent doucement et comme naturellement sous leurs auspices".
 
 

136- Comme nous pouvons le constater, les textes de loi en vigueur aujourd'hui sont particuliers pour la plupart, entrent dans les méandres du comportement avec une étonnante précision, et sont souvent édictées rapidement, sans réflexion préalable, car trop souvent instruments politiques pour calmer les lobbies faisant partie de l'électorat.

Citons, pour illustrer cette dernière particularité, l'exemple des dispositions sur la décompilation (108) , prises pour répondre rapidement à un problème technique. Elles risquent de ne plus servir "qu'aux fraudeurs" (109) à l'avenir, du fait de l'apparition de langages d'interfaçage permettant de résoudre les questions d'interopérabilité. Et si leur édiction a été quelque peu efficace, les mesures de sécurité qu'elles prévoient pour préserver l'œuvre "décompilée" des atteintes éventuelles au droit d'auteur dont elle pourrait être l'objet ne sont pas contrôlables. De plus, le reverse engineering, leur source, est incompatible, théoriquement, avec le droit d'auteur.
 
 

137- "Il y a [donc] une incontestable perte d'unité du droit positif " (110) , d'où naissent de multiples contradictions et incompatibilités entre dispositions. Cette situation est dangereuse et il conviendra d'y remédier rapidement si l'on ne désire pas "un affaiblissement du jeu démocratique" (111) , si l'on veut éviter que les citoyens, et notamment les cybercitoyens, ne se détournent de la loi ou ne soient totalement désillusionnés quant à son application, et qu'Internet n'envenime une situation dont les premières pierres ont été jetées il y a déjà longtemps.
 
 

2) L'ignorance de la loi applicable

138- "Plus il y aura de gens qui comprendront le code sacré des lois et qui l'auront entre les mains, moins il se commettra de crimes, car il n'est pas douteux que l'ignorance et l'incertitude des châtiments viennent en aide à l'éloquence des passions" (112). Le réalisme de cette citation de plus de deux siècles d'âge sera certainement contesté par certains, pour lesquels les théoriciens sont d'éternels utopistes, et que, même s'il est établi que la sanction pénale poursuit un but comminatoire, elle n'a jamais empêché les personnes déterminées à commettre l'infraction qui la fonde, à l'instar des écoles qui n'ont pas su fermer les prisons.
 
 

139- Il n'est cependant pas contestable que ne pas connaître ce à quoi on s'expose en commettant un acte (ouverture d'un site, navigation sur le réseau, téléchargement de fichiers nominatifs...), non seulement facilite la commission d'infractions, et cela souvent en toute bonne foi, mais n'est également pas conforme à l'un des principes de base de notre droit pénal, qui est le maintien de la sécurité au sein de la société. L'affirmation du principe selon lequel "nul n'est censé ignorer la loi" (113) , hier hypocrite, en devient comique.
 
 

140- Et la confusion qui règne au sein des droits applicables sur Internet empêche ses acteurs, même ceux de bonne volonté, de savoir quel droit suivre et quelles formalités accomplir. Il n'est d'ailleurs pas rare de voir des auteurs d'infractions s'étonner de leur interpellation, pour n'avoir pas par exemple déclaré à la CNIL (114) leur home page ou leur site, de n'avoir pas déclaré ces mêmes "lieux" au Procureur de la République (115) , ou pour être entrés en toute bonne foi dans un réseau informatique sans droit d'accès.
 
 

141- Preuve est de cette confusion, l'aspiration de ces acteurs à une meilleure connaissance du droit applicable sur Internet : dans une étude sur la responsabilité relative au contenu circulant sur Internet (116) diffusée le 11 mars 1997 par Industrie Canada, on peut effectivement lire que les "participants aux groupes de discussion ont déploré la continuelle incertitude au sujet de leurs droits, obligations et responsabilités découlant de leurs rôles de participant à la diffusion du contenu dans la chaîne de distribution Internet".
 
 

142- Il convient de noter que cette confusion de textes ternit un peu le travail du juge qui, ayant "une latitude d'appréciation de plus en plus étendue", ne choisira pas toujours le même fondement pour condamner deux faits pourtant similaires : d'où "une jurisprudence trop diversifiée pour dégager de véritables principes directeurs" (117) .
 
 

B/ Une mauvaise application de la loi pénale

143- La loi applicable, quand elle est finalement choisie, connaît également une application douteuse dans la décision ou ineffective dans sa concrétisation : les juges ne semblent pas suivre à la lettre le principe de prohibition des interprêtations par analogie (1), la loi appliquée semble ineffective (2) et les risques de Forum Shopping comme de déni de justice sont présents (3).
 
 

1) L'interprétation analogique

144- Le droit pénal est d'interprêtation stricte, en aucun cas analogique. Ceci est, pour Beccaria (118) , la conséquence du droit de punir.

Les magistrats sont cependant souvent poussés à modifier le champ d'application matérielle d'une loi, ou à faire entrer un comportement dans une incrimination définie trop strictement pour pouvoir appréhender celui-ci avec l'harmonie qu'il se devrait (119) . L'interprétation par extension, interprêtation analogique qui ne dit pas son nom, est une cause de plus au désarroi des acteurs que nous dénoncions plus haut (120) . Bien qu'ancienne, elle n'est, comme tous les disfonctionnements que nous notons, que mieux révélée par Internet.
 
 

2) L'ineffectivité de la loi applicable

145- La loi, une fois choisie par le juge, lequel prononce une condamnation sur son fondement, est souvent ineffective dans son application.

En effet, si l'auteur de l'infraction commise réside à l'étranger, ne pourront être appréhendés que les éventuels biens dont il dispose en France. Certes, une convention d'extradition lie la France à d'autres pays, mais d'une part ses signataires sont, et de loin, moins nombreux que les pays concernés par Internet, d'autre part elle est d'application très difficile, dans une branche du droit ou l'application territoriale de la loi subit une expansion fondée uniquement sur un critère de souveraineté, et enfin, l'obligation de double incrimination qui existe dans certains cas ne permettra pas la poursuite.

De même, si la fermeture d'un site pour le rouvrir dans un "paradis virtuel" peut être appréhendée sous couvert de fraude à la loi, sera rencontré le même problème suscité, plus celui de la possible invocation du bénéfice du droit européen.
 
 

146- Mais sanctionner le coupable de l'infraction pose également des difficultés, alors même que cette personne est française et domiciliée en France. Car les contours de la responsabilité des faits délictueux est encore mal définie. Si par exemple (121) certains voulaient au départ une responsabilité systématique des fournisseurs d'accès, il semble aujourd'hui , et on peut s'en féliciter, que cela ne soit possible qu'à la triple condition que ceux-ci aient connu le contenu délictueux ou criminel de l'information, qu'ils aient eu la possibilité d'agir, et qu'ils s'en soient abstenu (122).

Mais même dans cette hypothèse, est-il sain qu'un provider ait à juger de l'illégalité ou non d'un contenu, ceci n'est il pas le travail normalement réservé aux magistrats?
 
 

3) Entre Forum Shopping et déni de justice…

147- Les victimes d'infractions commises sur le réseau peuvent alors être tentées de poursuivre l'auteur dans le pays où il se trouve, en cas de poursuite jugée difficile en France. La plupart des infractions que nous connaissons étant incriminées ailleurs, et notamment en Europe, il est des chances pour que cet autre pays s'estime compétent, lui aussi, à régir l'espèce. Nous entrons alors dans la définition du Forum Shopping, qui consiste pour les plaideurs, en droit international privé, à choisir le tribunal le plus accueillant à leur égard, pour faire condamner la personne qui leur a porté préjudice. Ceci peut sembler intéressant pour les victimes, si ce n'est que le Forum Shopping est totalement exclu par le droit pénal international, un fait déterminé ne devant être régi que par une loi déterminée. Le danger est ici extrème, car une généralisation de cette pratique aboutirait à rendre le droit pénal tout à fait insécuritaire et trouver une justification à l'application d'une sanction deviendrait difficile, sauf à enfin reprendre une réflexion de fond sur le droit pénal, et élaborer véritablement un droit international pénal, à l'instar du droit international privé.
 
 

148- De la même manière, si la loi française ne s'estime pas compétente, la victime court le risque de se voir opposer une impossibilité de réparation, proche du déni de justice. Car la loi française, après avoir proclamé son incompétence, ne renvoit pas à une loi étrangère en substitution. C'est alors à la victime de la rechercher et de l'actionner, sous réserve de son existence.
 
 

149- A l'inverse et enfin, le principe non bis in idem peut se voir lui aussi remis en cause (123), car les champs étendus de compétence de chaque loi dont le pays est concerné par une infraction commise sur Internet provoquent fréquemment des conflits positifs.
 
 

150- Nous venons d'étudier le droit qui est appliqué sur Internet, et nous avons pu noter de nombreux disfonctionnements qui, s'ils ne provoquent pas le chaos et s'ils ne sont pas si dévastateurs que ce que nous en avons pu dire, ne serait-ce que par le faible volume des infractions commises sur Internet eu égard aux infractions commises dans chaque société "matérielle" (124), ne serait-ce que du fait du peu de personnes connectées au réseau par rapport au nombre d'êtres humains qui vivent sur notre planète, un problème existe, beaucoup en parlent, et il s'agit d'y remédier. Ce problème prend naissance dans la trop grande diversité des droits pénaux et des lois pénales applicables. Dans cette confusion, il faut se diriger vers un véritable droit pénal applicable sur Internet :
 
 

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CHAPITRE II - VERS UN DROIT PENAL APPLICABLE SUR INTERNET

151- Combattre la multiplicité des lois applicables sur Internet suppose de déterminer un droit unique qui s'y substituerait. Celui-ci peut être déterminé de façons multiples, et les débats doctrinaux ne manquent pas en la matière, débats dont l'examen sera utile en vue de la construction d' une véritable solution (Section 2). Celle-ci s'avère en effet urgente, malgré les ébauches de solutions (Section 1) qui voient le jour.
 
 

SECTION I - DES EBAUCHES DE SOLUTIONS

152- Les difficultés évoquées en premier chapitre sont l'objet des travaux des plus grands spécialistes. En résultent certaines pistes pour leur résorption : un certain droit a été élaboré (1§) pour une plus grande univocité juridique dans le cyber-espace, tandis qu'une volonté d'aller plus loin (2§) est clairement affichée de la part des Etats comme des Instances internationales.
 
 

Paragraphe 1 - Le droit élaboré

153- De nombreuses initiatives ont été prises, tant au niveau national (A) qu'au niveau international (B), afin que le droit pénal puisse appréhender au mieux la criminalité sur Internet.
 
 

A/ Les droits nationaux

154- Plusieurs pays ont procédé à des adaptations législatives (1) afin de mieux combattre les infractions qui ont cours sur Internet. Ceci laisse un espoir de parvenir à une plus grande homogénéité entre droits pénaux (2)
 
 

1) Les adaptations législatives

155- Sur l'appel des Instances européennes ou de leur propre initiative, nombreux sont les Etats qui, constatant les problèmes posés par les nouvelles formes de délinquance en relation avec l'ordinateur ou les réseaux informatiques, ont amendé leur droit pénal positif afin de pouvoir mieux y résister.
 
 

156- Ces modifications sont relatives à deux domaines, plus spécifiquement : la protection des mineurs et l'appréhension de la "criminalité informatique".
 
 

157- S'agissant de la protection des mineurs, peut être dressée une liste de pays qui ont adapté leur droit pénal d'une manière similaire à celle de la France :

La Finlande a entrepris une révision de son code pénal, qui sanctionne désormais de manière plus sévère la détention de matériel pornographique impliquant des enfants.

En Allemagne, une loi sur les services d'information et de communication (Informations-und Kommunikationsdienste-Gesetz-IuKDG (125) ) et un traité relatif aux services électroniques, signé entre chefs de gouvernement des Länder (Mediendienste-Staatsvertrag), prévoient notamment une interdiction des contenus illégaux et plusieurs mesures destinées à renforcer la protection des mineurs : l'instauration d'un mécanisme permettant de bloquer les messages préjudiciables aux enfants et la nomination obligatoire, pour les fournisseurs de services, soit d'un délégué à la protection de la jeunesse (Jugendschutz-Beauftragte), ayant une mission de conseil des divers acteurs d'Internet, soit d'un organisme d’autoréglementation assurant la même fonction.

De même, le Code pénal belge a été modifié en 1995, de telle manière qu'il réprime aujourd'hui la diffusion de matériel pornographique mettant en jeu des enfants au travers des nouveaux services d’information, de même que la simple détention de ce matériel, par téléchargement des informations concernées.

En Italie, un projet de loi pénale consacré à l'exploitation sexuelle des mineurs a vu le jour le 9 avril 1997. Certains de ses articles répriment notamment la diffusion et la divulgation de matériel pornographique.

En Espagne, le Code pénal a été amendé pour que certaines infractions traditionnelles puissent être appréhendées quoique commises en ligne.
 
 

158- S'agissant de la criminalité informatique et des efforts pour une plus grande compatibilité entre le droit et ces infractions d'une nouvelle nature, il en est de même pour plusieurs pays :

En Belgique, un projet de loi, soumis au Conseil des ministres à l'automne 1997, visait à adapter le cadre juridique à la lutte contre la criminalité sur les réseaux informatiques, en repensant les infractions traditionnelles comme en incriminant de façon efficace les délits informatiques.

L'Allemagne, par les deux textes législatifs sus-énoncés, a procédé à une claire redéfinition des compétences entre Bund, Länder et autorégulation privée, quant à la réglementation des réseaux de communication. Il en résulte notamment une claire fixation de l'étendue du contrôle de l'Etat, ainsi qu'une clarification des responsabilités qui incombent aux fournisseurs et aux utilisateurs.

De même, ont modifié leur arsenal législatif de manière plus ou moins poussée la Grèce, le Liechtenstein, la Norvège, la Suède, l'Australie, le Canada, le Japon ainsi que les Etats-Unis, s'agissant du droit fédéral comme des droits des Etats fédérés.

Enfin, certains pays estiment que leur arsenal législatif en la matière ne nécessite aucune modification : il en est ainsi de la Finlande, à l'instar de l'Autriche dont le Code de procédures pénales (Strafprozessordnung) et le Code pénal (Strafgesetzbuch) sont estimés adaptés aux infractions commises sur Internet.
 
 

2) L'espoir d'une future homogénéité

159- La liste de pays dont les législations sont aujourd'hui adaptées à Internet, que nous venons de présenter et qui ne se veut en aucun cas exhaustive, peut susciter deux sentiments :
 
 

160- Le premier est que le trop plein législatif que nous connaissons en France existe également chez nos voisins, ce qui ne fait qu'accroître la densité des textes applicables sur Internet. Ceci est une réalité. Mais l'approche à en avoir doit être, nous semble-t'il, différente :
 
 

161- En effet, le second sentiment que l'on peut avoir et qui est plus optimiste, est que tous les pays, du moins en Europe occidentale, ont décidé de combattre la criminalité sur Internet, et tous le font en se fixant les mêmes objectifs : saisir correctement les informations "illégales" ou "préjudiciables", et en premier lieu celles qui favorisent les atteintes sexuelles à l'encontre des mineurs -entre autres par le biais de la pornographie enfantine-, prévenir et réprimer les atteintes aux systèmes informatiques, et réajuster le cadre législatif pour qu'il corresponde mieux à la réalité du Réseau des réseaux.
 
 

162- Il n'est alors pas irréaliste de penser que bientôt, les réflexions sur le phénomène que nous vivons ne cessant de s'amplifier, naîtrons des principes de droit pénal communs à une majorité de pays. Car en effet, l'obstacle majeur auquel s'est toujours heurté le droit pénal international est la souveraineté des Etats, qui se concrétise d'une part par le désir de chacun d'entre eux de régir une situation par laquelle ils s'estiment seuls concernés, et d'autre part par le rejet de toute forme de compromis sur les valeurs qu'ils ont décidé de protéger par le biais de leurs législations respectives. Et aujourd'hui les Etats réalisent qu'Internet les concernent chacun d'entre eux au même titre que leurs voisins, ce qui se manifeste souvent par une étude de la législation de l'autre afin d'y trouver les principes directeurs qui pourraient être adoptés au niveau interne. En outre, les points à étudier en priorité semblent faire l'unanimité.

Cet avis est d'ailleurs aussi celui du Conseil de l'Europe, selon lequel "Les manifestations de la criminalité informatique sont les mêmes dans tous les pays industriels; presque partout, les organes de poursuite sont aux prises avec des difficultés identiques lorsqu'il s'agit d'appliquer le droit pénal interne à cette nouvelle forme de criminalité; (…). Tout cela devait conduire à étudier la possibilité de dépasser le plan juridique interne en élaborant de ces stratégies communes destinées à assurer la répression internationale des nouveaux types de délits" (126).
 
 

163- Ce phénomène est consolidé par quelques démarches en vue de l'élaboration d'un droit véritablement international.
 
 

B/ Un certain droit pénal international

164- Au niveau international, plusieurs conventions (127) sont applicables à la criminalité sur les autoroutes de l'information (1), conventions qui favorisent encore la mise en place de principes communs en matière pénale (2).
 
 

1) Les conventions internationales

165- Plusieurs conventions internationales lient la France à de nombreux pays, tant au fond (b) qu'en matière procédurale (a). Leur application n'est cependant pas exempte de difficultés.
 
 

a) La procédure internationale

166- En premier lieu, de gros efforts ont été faits en matière d'extradition, procédure par laquelle un pays requérant demande à un pays requis le transfèrement d'un individu en vue de sa condamnation. Cette possibilité est en effet primordiale face à une délinquance transfrontière.
 
 

167- La Convention européenne d'extradition, du 13 déc 1957 (128), prévoyait cependant certaines conditions soulevant des difficultés : son article 2 posait une condition de double incrimination, l'infraction devant en outre soit être passible d'une peine d'emprisonnement d'un maximum d'au moins un an, soit avoir déjà fait l'objet d'une condamnation à une peine privative de liberté d'au moins quatre mois. De même, l'Etat requis pouvait refuser l'extradition pour une infraction commise en tout ou partie sur son territoire.

Dès lors cette convention ne fonctionnait pas dans de nombreux cas, du fait de la non homogénéité des droits pénaux des Etats signataires, du fait de l'hétérogénéité des sanctions nationales pour des incriminations similaires, et enfin en raison de la particularité première de l'infraction informatique, qui est d'être localisable en plusieurs lieux simultanément.

Quand aux deux premiers problèmes, une homogénéisation des législations tant au niveau de l'incrimination que de la sanction aurait été -et reste- une solution, selon le Comité européen pour les problèmes criminels (CEPC) (129) , et nous avons vu plus haut que la tendance actuelle allait en ce sens. Mais d'autres auteurs suggéraient au contraire la disparition de ces conditions, et nous verrons plus loin que cette question est délicate, à l'instar de celle posée par la troisième disposition de ce texte.
 
 

168- Pour remédier à certaines de ces difficultés et pour une meilleure lutte contre le crime organisé et le terrorisme, une nouvelle convention d'extradition a été adoptée en septembre 1997, dans le cadre de l'Union Européenne. Les conditions posant le plus de difficultés dans la répression des infractions sur Internet restent et demeurent cependant.
 
 

169- Dans le même ordre d'esprit, la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, du 20 avril 1959 (130), qui en 1993 liait déjà la France à 20 Etats membres du Conseil de l'Europe et à Israël, et qui laissera bientôt place à une nouvelle convention (intégrant notamment les questions liées aux "nouvelles technologies") actuellement en cours de négociation entre les quinze, permet notamment à l'autorité judiciaire d'un pays d'adresser une commission rogatoire aux autorités judiciaires compétentes d'un autre Etat, aux fins de sa bonne exécution.
 
 

170- Quelques problèmes seront cependant ici aussi à résoudre pour un bon fonctionnement de ces dispositions face aux infractions commises sur Internet : comme le note le CEPC dans son rapport (131), cette entraide judiciaire peut être refusée "si l'éxécution de la demande peut être de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels de la partie requise" (article 2.b de la convention), alors que fréquemment, les atteintes aux systèmes informatiques portent sur des données financières ou d'ordre privé, voire touchant à l'ordre public, de telles données pouvant être considérées comme relevant des intérêts essentiels de l'Etat. En outre, l'exécution pratique de cette convention peut être compromise en ce sens où l'objet des commissions rogatoires doit être "d'accomplir des actes d'instruction ou de communiquer des pièces à conviction, des dossiers ou des documents" (article 3 de la convention). Comme le note toujours le CEPC, la Recommandation n° R (85) 10 du Comité des ministres relative à l'application pratique de la Convention européenne d'entraide en matière pénale en ce qui concerne les commissions rogatoires pour l'interception de télécommunications "ne s'applique pas aux interceptions effectuées dans le cadre ou en provenance d'un système ou réseau informatique". Dès lors certaines difficultés seront certainement rencontrées par les Etats dans leurs recherches et tentatives de saisie des données numériques, du fait de leur caractère immatériel.
 
 

171- S'agissant de la transmission des procédures répressives, la Convention européenne y relative, ouverte à la signature en 1972, est de loin primordiale dans notre étude en ce qu'elle a pour objectif de résoudre les conflits positifs de compétence.
 
 

172- Mais, toujours, un effort doit être poursuivi pour que ses dispositions s'appliquent de manière effective et efficace : le CEPC note en premier lieu que, comme l'a fait remarquer le Comité restreint d'experts sur la compétence extra-territoriale (CRECE), "cette forme d'assistance juridique internationale n'a guère été utilisée jusqu'ici, même au sein de l'Europe". Internet implique cependant de nombreux Etats et ceci de manière systématique, lorsqu'il est l'objet d'une infraction. En outre, le CEPC note qu'à l'instar de ce qui se passe en matière d'extradition, seront à résoudre les problèmes posés par notamment l'exigence de double incrimination ou par le droit accordé à l'Etat requis de refuser la demande en fonction du lieu de commission de l'infraction.
 
 

173- Enfin, la Convention de 1923 pour la répression du trafic des publications obscènes, succédant à l'arrangement de Paris de 1910 sans toutefois s'y substituer, pourrait être d'une aide précieuse dans ce combat contre la délinquance sur les réseaux. Elle prévoit qu'en cas d'infraction commise sur le territoire d'un Etat contractant, "lorsqu'il y a lieu de croire que les objets de l'infraction ont été fabriqués sur le territoire ou importés du territoire d'une autre Partie, l'autorité désignée en vertu de l'arrangement du 4 mai 1910 signalera immédiatement les faits à l'autorité de cette autre Partie" et devra lui fournir des renseignements complets sur plusieurs points.
 
 

174- La difficulté que pose cette convention est toujours du même ordre : la procédure, pour être efficace, suppose une homogénéité des droits pénaux, notamment quant à la réalité que doit recouvrir la notion de "publications obscènes".
 
 

175- Ces diverses conventions peuvent être d'un grand secours dans cette entreprise mondiale de lutte contre la criminalité dans le cyber-espace. M. Alain Richard affirme d'ailleurs que "l'Europe est (…) le premier cadre dans lequel [les Etats souhaitent] définir et appliquer un régime harmonisé d'extradition et d'entraide judiciaire" (132). Des travaux d'adaptation des textes internationaux comme des législations internes s'avèrent cependant nécessaires pour une lutte efficace, comme nous l'examinerons plus loin. Il sera en effet primordial de parvenir à une plus grande unité du droit en Europe puis dans le monde, harmonisation à laquelle pourrait grandement contribuer le droit pénal matériel des infractions internationales :
 
 

b) Un ersatz de droit pénal matériel des infractions internationales

176- Ce droit pénal est quasiment inexistant, comme nous l'avons déjà évoqué. Il commence cependant à émerger dans certains secteurs juridiques.
 
 

177- Ainsi, en matière de droit d'auteur, même si chaque droit national possède ses propres règles et définitions et que des adaptations s'avèrent nécessaires, un début d'uniformisation est en place, du fait d'initiatives successives, telles la Convention de Berne qui institue certaines règles en matière de droit d'auteur international, suivie d'un livre vert de l'Union Européenne, ou le traité de l'OMPI sur le droit d'auteur adopté à Genève le 20 décembre 1996 par la "Conférence diplomatique sur certaines questions de droit d'auteur et de droits voisins", faisant pour l'essentiel entrer, dans la liste des œuvres protégées par la Convention de Berne, "les œuvres littéraires et artistiques utilisées, créées, et diffusées en ligne" (133). Me Christiane Féral-Schul déplore la timidité de ce dernier texte, par exemple en ce qu'il protège des œuvres déjà intégrées dans le droit d'auteur communautaire par la Directive n° 91/250/CE du 14 mai 1991 relative à la protection juridique des programmes d'ordinateur (134) et la Directive n° 96/9/CE du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données (135). Ce traité a néanmoins, selon le même commentateur, amélioré le niveau de protection des auteurs. Il convient de noter également l'existence d'un projet de directive sur le droit d'auteur dans la société de l'information, bien qu'il ne soit encore qu'à l'étude et que son efficacité soit encore relative dans une analyse prospective (136).
 
 

178- Le même effort d'harmonisation existe en matière de protection des informations nominatives : la directive n° 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (137), suivant une convention en la matière du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 (138), permet une meilleure homogénéité des législations européennes, pour une meilleure protection des personnes physiques..
 
 

179- Certes, dans les deux cas précités les règles européennes ou internationales s'en remettent aux Etats contractants quant à l'élaboration d'incriminations et de sanctions, ceux-ci n'ayant pour obligation unique que de prévenir certains faits ou actes, les moyens à employer à cet effet relevant de leur libre appréciation. Nous n'en sommes pas encore à un droit international, mais il n'en reste pas moins que ces tentatives d'harmonisation sont encourageantes, et démontrent une volonté unanime de remédier à certains maux.
 
 

180- De plus, à coté de cela, de nombreux autres textes de droit international ont pour objectif de protéger des valeurs jugées essentielles par leurs Parties signataires.
 
 

181- Il en est ainsi de la Convention du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui qui interdit notamment la participation intentionnelle à la réalisation d'une activité de proxénétisme (art.4).
 
 

182- Il en est de même de la Convention de Genève du 12 septembre 1923 pour la répression de la circulation et du trafic des publications obscènes, que nous avons déjà mentionné plus haut, qui, cependant et pour évoquer ce point encore une fois, ne définit pas ce qu'elle entend par "obscénité", ce qui est gênant pour les raisons déjà développées.
 
 

183- La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 7 mars 1966 (139) définit, elle, clairement la discrimination raciale, à son article 1, comme "toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politiques, économiques, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique". Cette convention prohibe notamment (article 4a) "toute diffusion d'idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tous les actes de violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d'une autre couleur ou d'une autre origine ethnique, de même que toute assistance apportée à des activités racistes, y compris leur financement" (140).
 
 

184- Enfin, une Convention internationale sur les droits de l'enfant a été ouverte à la signature le 26 janvier 1990, et est destinée en partie à protéger les mineurs des contenus illicites sur les réseaux, qu'ils soient victimes par perception d'images sur un site quelconque ou par mise en scène sur des photographies. Il a de plus été vivement recommandé aux Etats d'y adhérer, et ceci à de multiples occasions.(141)
 
 

185- Ce droit pénal international conventionnel est doublé de l'existence de principes communs aux pays d'Europe occidentale, mais également à ceux d'Europe centrale et orientale, en matière pénale :
 
 

2) Des principes communs en matière pénale

186- Ce que nous avons étudié plus haut nous démontre un effort des Etats dans le sens d'une plus grande harmonie des droits nationaux, pour une meilleure appréhension de secteurs juridiques spécifiques ou dans l'objectif d'une lutte commune contre certains actes jugés inacceptables. Les textes qui en résultent arrivent dès lors soit en complément soit en qualité de matière première de ce que M. Régis de Goutte appelle un "espace judiciaire pénal européen" et un certain "espace juridique pénal pan-européen" (142).
 
 

187- Espace judiciaire pénal européen en effet pour ce qui concerne les Etats membres des Communautés européennes et ceux du Conseil de l'Europe, avec pour base notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (143) et ses protocoles additionnels.
 
 

188- "Espace juridique pénal pan-européen" embryonnaire ensuite, avec la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). M. R. de Gouttes rappelle que dans le cadre de celle-ci, le document final de la réunion de Copenhague des 5-29 juin 1990, confirmé par la "Charte de Paris pour une nouvelle Europe" adoptée le 21 novembre 1990, consacre de "nombreux principes en matière pénale" ainsi qu'un "ensemble de normes relatives à l'état de droit et à la démocratie, aux libertés fondamentales, aux institutions démocratiques et aux minorités nationales", ces deux blocs résultant de travaux sur la dimension humaine.

Ces principes s'inspirent, toujours selon l'auteur, des grands textes internationaux en la matière, et entre autres de la CEDH et du Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques du 19 novembre 1966 (144). Parmi ceux-ci, et pour ce qui concerne notre étude, nous pouvons citer la nécessité de protéger les droits de l'enfant, en particulier contre toute forme de violence et d'exploitation (II-13), l'engagement des Etats à prendre toute mesure utile pour lutter contre la haine raciale et ethnique, l'antisémitisme, la xénophobie, ou toute discrimination (IV-40, 1à7), le droit de toute personne de disposer effectivement d'un recours et le droit des personnes et groupes de personnes concernés de déposer des plaintes à l'encontre d'actes discriminatoires, dont les actes racistes ou xénophobes (IV-40, 5).

Ces principes n'ont bien entendu pas de force juridique obligatoire car, comme le note M. R. de Gouttes, ils ne participent que "d'un engagement à caractère politique et non pas conventionnel". Leur proclamation est cependant encourageante, dès lors que l'on sait que la véritable difficulté dans la répression des infractions internationales, comme nous l'avons maintes fois énoncé, est la différence de conception qu'ont les différents pays de la planète de certaines valeurs, différence à laquelle seule une véritable volonté politique peut remédier. Il n'est d'ailleurs pas étonnant de constater que l'un des deux seuls pays participant à la CSCE à ne pas avoir ratifié le Pacte international sur les droits civils et politique, sont les Etats-Unis.
 
 

189- "Espace juridique pénal pan-européen" enfin, avec l'adhésion de pays d'Europe centrale et orientale au Conseil de l'Europe ou à certaines de ses conventions (dont la CEDH).

Quant à leur adhésion à certains accords en matière pénale en tant qu'Etat tiers, doit intervenir une décision du Comité des ministres prise en accord avec tous les pays membres du Conseil de l'Europe qui sont signataires de la convention en question.

S'agissant de l'adhésion de ces pays au Conseil de l'Europe, deux conditions sont requises : la signature et ratification de la CEDH, "en tant qu'instrument inspirant toute la philosophie du Conseil de l'Europe", selon les termes de M. R. de Gouttes, et l'adaptation des institutions et du système législatif interne pour un total respect des valeurs et principes démocratiques européens (145).
 
 

190- Cet espace pénal international ne résout certes pas toutes les difficultés, dont la principale, le choc des valeurs morales, a maintes fois été évoquée. Il est cependant révélateur d'une aspiration, d'une grande partie des Etats, à moins de conflits juridiques internationaux et plus d'entraide. Son étude nous sera également une aide à l'élaboration de principes directeurs pour un règlement efficace des infractions internationales auxquelles nous sommes confrontés par le biais d'Internet.
 
 

191- Mais avant que d'aborder ce point ultime, notons une volonté, de la part de tous, d'aller encore plus loin.
 
 

Paragraphe 2 - La volonté d'aller plus loin

192- Cette volonté émane des Etats comme de toutes les Instances internationales.
 
 

A/ Une volonté affichée des Etats

193- Cette volonté se manifeste par des initiatives, individuelles ou communes, prises dans le dessein de remédier aux problèmes causés par la délinquance sur Internet.
 
 

1) Les initiatives individuelles

194- A l'échelon national, des entreprises de toutes sortes ont vu le jour. Les résultats encourageants qu'elles ont eu, et que l'on peut lire dans le rapport intermédiaire sur le contenu illégal et préjudiciable sur Internet de l'Union Européenne du 4 juin 1997 (version 7) (146) pour ce qui est des Etats européens, peuvent être résumés en cinq points :
 
 

195- Tout d'abord, des associations et groupes, notamment de fournisseurs de services sur Internet, ont vu le jour de part et d'autre : il en est ainsi en Autriche, Belgique, Finlande, Grèce et Royaume-Uni.
 
 

196- Ensuite, des réflexions de fond sur le phénomène Internet ont donné naissance à de nombreux rapports et projets, en vue d'une meilleure application de la loi. C'est le cas du Danemark (étude des problèmes et des possibilités liés à la mise en oeuvre de la législation sur Internet et par exemple l’examen du contenu illégal sur Internet), de la Finlande (rapport du Comité finlandais sur la liberté d’expression relatif notamment au contenu illégal sur Internet et à la nécessité de clarifier les responsabilités des acteurs du réseau), de la France (mission interministérielle sur Internet, qui a donné naissance au rapport de Mme Falque-Pierrotin), de la Grèce (étude sur les contenus illégaux et préjudiciables sur Internet), de l'Irlande (examen des questions liées à l'utilisation illégale et préjudiciable d'Internet, du rôle de la législation par rapport à l'autoréglementation), des Pays Bas (document stratégique relatif à la "protection des mineurs dans le cadre des nouveaux moyens audiovisuels" et projet interdépartemental sur les "aspects législatifs de l'autoroute électronique") et de l'Allemagne ("rapport d'un groupe interdépartemental sur des questions relevant du droit pénal, du droit de la protection des données et du droit d'auteur suscité par Internet" (147) )
 
 

197- Certaines de ces réflexions ont d'ailleurs donné lieu à l'élaboration d'un code de bonne conduite sur Internet ou d'un projet d'autoréglementation ( France, Italie, Suède, Royaume-Uni et projet à l'étude au Danemark, au Luxembourg et aux Pays Bas ) ou à la mise en place de systèmes de filtrage et de codification de l'information en Belgique, en Allemagne et au Royaume-Uni (en collaboration avec des organismes spécialisés dans les systèmes de codification en Europe, Australie, Japon et Etats-Unis). Un tel projet est également à l'étude en Grèce, en Irlande et aux Pays Bas.
 
 

198- Parmi les autres projets réalisés, on peut citer la mise en place de lignes directes, publiques ou privées, dont l'objectif est principalement l'information des acteurs et utilisateurs d'Internet, voire la possibilité pour ces derniers de dénoncer les cas de diffusion d'images de pornographie enfantine dont ils peuvent avoir connaissance sur le réseau. C'est le cas de l'Autriche, de la Belgique, de la Finlande, de l'Allemagne, de la Grèce, des Pays Bas, du Royaume-Uni et ce projet est à l'étude au Danemark.
 
 

199- Il est enfin important de noter que c'est à la suite d'une initiative Belge que la question de la diffusion par réseaux d'images pornographiques impliquant des enfants a été portée à l'attention de l'OCDE. De même, la Hollande a mis en place une procédure d'avertissements, lesquels sont adressés aux auteurs et fournisseurs de services étrangers impliqués dans la diffusion d'images pédophiles, en cas de signalement sur la ligne directe. A la suite de quoi la police hollandaise en est avertie, et en informe à son tour la police du pays concerné.
 
 

200- Ces initiatives individuelles sont complétes par des initiatives communes :
 
 

2) Des initiatives communes

201- Certains pays ont adopté des projets communs dans leur lutte contre la criminalité informatique. C'est par exemple le cas du G7/P8 (les sept grands pays industrialisés et la Russie) qui a, les 9-10 décembre 1997, adopté à Washington un plan d'action "contre la criminalité liée aux technologies de pointe" (148), après en avoir fait de même en 1996 à propos du terrorisme et du crime organisé, et avoir adopté quarante recommandations sur la criminalité au sommet de Lyon. C'est aussi l'exemple du Conseil des Ministres en charge de la justice et des affaires intérieures qui s'est tenu début décembre 1997 à Bruxelles, et a évoqué les problèmes posés par la "Cybercriminalité".
 
 

202- Parmi les points adoptés lors du sommet de Washington des 9-10 décembre 1997, il convient de citer plusieurs décisions qui paraîssent importantes :
 
 

203- Les Etats s'engagent tout d'abord à "qualifier d'infraction l'usage délictueux de l'informatique et des télécommunications" (II.A), afin que toute législation soit capable de punir les atteintes à la "confidentialité, l'intégrité ou la disponibilité des données". En la matière les lois nationales ont été jugées suffisantes par les Huit, mais il est dit aussi qu'elles devront toujours être révisées si nécessaire.
 
 

204- Les Etats s'engagent ensuite à avoir "recours aux lois nationales dans les affaires internationales" (II.B), c'est-à-dire à diligenter une enquête "d'envergure" chaque fois que cela sera nécessaire, quand bien même la gravité de l'infraction et l'existence d'une double incrimination n'auraient pas encore été déterminées. Cette disposition a pour objectif une plus grande chance de répression de la criminalité informatique, qui doit faire l'objet d'une riposte rapide eu égard à la fluidité de l'information électronique. De même et comme le signale la Communication des Huits, seule l'enquête permet souvent l'établissement de ces conditions.
 
 

205- Est également prévue une solide structure d'expertise : une personne ou une unité devra dans chaque pays se consacrer à la "criminalité liée aux technologies de pointe" (I.A) ainsi que suivre une formation continue en matière d'enquêtes et de poursuites liées à cette criminalité dont les techniques sont en constante évolution (I.B). Les "matériels et logiciels les plus récents" (I. C) devront être mis à la disposition de ces experts, dont l'action devra être soutenue législativement et budgétairement par les "décideurs" -sous entendu les gouvernements et législateurs- (I.E), ces derniers devant en outre s'informer auprès de leurs experts en cas de lacunes dans leurs connaissances de ces nouvelles technologies (I.E). Enfin, ces experts devront être "disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre" pour pouvoir réagir rapidement en cas d'infraction sur un réseau, la trace de leurs auteurs risquant "d'être impossible à retrouver une fois la liaison informatique terminée" (I.D).
 
 

206- En matière de procédure internationale, certaines résolutions sont prises, qui laissent présager d'une plus grande efficacité des conventions à venir, et notamment celle d'entraide judiciaire qui est en cours de préparation.
 
 

207- Ces décisions concernent en premier lieu la localisation et l'identification des auteurs d'infractions sur les réseaux : le secteur industriel devra être encouragé à utiliser protocoles de communications sur Internet et technologies de pointe pour une plus fiable localisation des délinquants (III.A), les pouvoirs publics devront y apporter leur coopération pour des résultats optimaux (III.B), des procédures légales simplifiées doivent permettre en un temps record aux "services opérationnels" d'accéder directement aux données qu'ils recherchent aux fins de répression des infractions (III.C) et une plus grande souplesse en matière d'"échanges internationaux de données transactionnelles" (III.D), ce qui fait référence une fois de plus à l'entraide judiciaire.
 
 

208- Sont concernées en deuxième lieu les perquisitions et saisies, dont les procédures internationales doivent d'une part ne pas empêcher le "gel" immédiat, de manière "juridiquement valable", de toute preuve d'une infraction sur un réseau informatique (IV.A) et d'autre part permettre une recherche transfrontalière efficace en conciliant celle-ci avec la souveraineté de l'Etat concerné : les experts sont appellés sur ce point à proposer "un ensemble de directives concrètes allant dans ce sens"(IV.B).
 
 

209- Est concernée enfin l'extradition, qui devra à l'avenir être favorisée dans l'intérêt des victimes, à défaut de quoi le pays principalement chargé de l'enquête et des poursuites devra faire valoir "les droits et intérêts de tous les pays victimes" (V).
 
 

210- Nous pouvons nous apercevoir que, comme le note le journal électronique LMB, ces différentes dispositions concilient "le respect des approches nationales dans un domaine du droit qui est au cœur des questions de souveraineté, et la nécessité de rendre plus rapides et efficaces nos moyens d'entraide et de coopération" (149). Il convient d'ailleurs de noter que les Huit ont pour projet l'élaboration d'une Convention des Nations Unies sur la criminalité organisée, ce qui devrait permettre d'élever ces résolutions politiques au rang de droit conventionnel international. Tout ceci est encourageant, d'autant plus que ces initiatives sont fortement encadrées par les diverses Instances européennes et internationales :
 
 

B/ - Les initiatives internationales

211- Ces initiatives concernent plusieurs points sensibles que contribuent à mettre à mal les cyber-infractions.
 
 

212- En premier lieu, l'Union Européenne mène depuis plusieurs années une étude sur la société de l'information, dont est déjà résulté l'établissement d'un cadre commun pour la protection des consommateurs, de la propriété intellectuelle et de la vie privée. Outre la Directive de 1995 sur la protection des données à caractère personnelles, et la Directive concernant la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications, que nous avons déjà abordées et qui, elles, ont une force juridique obligatoire, notons que la Commission européenne a demandé au Conseil des ministres l'autorisation de négocier, au sein des instances du Conseil de l'Europe, l'élaboration de "lignes directrices sur la protection des personnes à l'égard de la collecte et du traitement des données à caractère personnel dans les inforoutes".
 
 

213- Un grand débat a été également lancé en ce qui concerne le commerce électronique et la cryptologie, et certains des éléments qui en résultent concernent directement le droit pénal, notamment quant à la lutte contre la délinquance financière sur Internet. Ainsi, L'OCDE mène actuellement une étude sur ces deux sujets.

De même, une conférence ministérielle européenne intitulée "Réseaux globaux d'information : matérialiser le potentiel" (150), a été organisée à Bonn du 6 au 8 juillet 1997 par la République fédérale d'Allemagne et la Commission européenne conjointement. Y ont pris part des ministres des pays de l'Union Européenne, de l'Association européenne de libre-échange et d'Europe centrale et orientale, des invités de haut rang des gouvernements des Etats-Unis d'Amérique, du Canada, du Japon, et de Russie, ainsi que des représentants de l'industrie, des utilisateurs et d'organisations européennes et internationales.

L'objectif de cette conférence était d'étendre la compréhension mutuelle sur l'utilisation des réseaux globaux d'information et de tenir un dialogue ouvert sur les possibilités qui s'offrent à la coopération européenne et internationale.
 
 

214- De lourds moyens ont encore été mis en œuvre en matière de lutte contre le racisme, que celui-ci soit commis in line ou non :

On peut féliciter par exemple les nombreuses initiatives du Conseil de l'Europe, lequel s'est principalement attaché, depuis sa création en 1949, "à développer un ensemble de règles visant à garantir les droits fondamentaux de la personne humaine et leur application effective", et qui lutte actuellement contre le racisme "en utilisant une approche globale, qui couvre l'ensemble des problèmes de la société et qui, avant tout, implique tous ses Etats membres sur un pied d'égalité" (151), cette lutte impliquant "toutes les structures de l'organisation" (152).

Citons encore les Recommandations de politique générale n°1 et 2 de l'ECRI (153), intitulées respectivement "La lutte contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance" et "Les organes spécialisés dans la lutte contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance au niveau national", de même que les Recommandations adoptées respectivement par l'Assemblée parlementaire et le Comité des ministres du Conseil de l'Europe dans la lutte contre le racisme et l'intolérance.
 
 

215- Le contenu illégal et préjudiciable sur Internet et la protection des mineurs, deux thèmes très fréquemment étudiés ensemble en ce sens que le second est souvent remis en cause par le premier, ont aussi fait l'objet d'une vaste mobilisation, dont il est ressorti plusieurs textes, parmi lesquels il faut mentionner la communication d'octobre 1996, relative au "contenu illicite et préjudiciable sur Internet", de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions (154) et les différents textes qui l'ont suivi, telle la Résolution du Conseil sur les messages à contenu illicite et préjudiciable diffusés sur Internet, du 17 février 1997 (155).

Un livre Vert "sur la protection des mineurs et de la dignité humaine dans les services audiovisuels et d'information" (156) a également été diffusé, reprenant pour partie les principes contenus dans la CEDH et faisant une large présentation du "contexte et [de la] problématique" de cette protection, des "règles et moyens de contrôle applicables aux contenus" diffusés sur Internet, et des "actions prioritaires" à mener. La Commission a par la suite émis une Communication sur le suivi de ce livre vert.
 
 

216- Il faut noter enfin la création par le Conseil de l'Europe, début 1997, d'un Comité d'experts sur la "criminalité dans le Cyber-espace", chargé d'élaborer un projet de convention internationale sur ce thème, son mandat prenant fin le 31 décembre 1999. Cette initiative est primordiale en ce sens qu'elle va permettre la mise en place d'un véritable droit pénal international conventionnel relatif à Internet, qui pourrait enfin mettre un terme aux difficultés que nous avons mentionné, sous réserves bien évidemment que cette entreprise nous conduise à terme à l'élaboration d'un véritable droit pénal des infractions internationales et que tous les pays concernés par le phénomène signent cette convention et la ratifient.

Certes, tous les pays évoqués se résument à l'ensemble de la planète et cette idée paraît un peu utopique, en ce sens qu'aucune convention internationale n'a jamais réussi à faire l'unanimité sur terre. Mais le cadre choisi, le Conseil de l'Europe, est le cadre idéal car il permettra l'adhésion à ce futur texte de pays non-membres de la Communauté européenne.
 
 

217- Mais, si tous les textes et projets vu plus haut sont également -et encore une fois- très encourageants de par la volonté qu'ils affichent et de par leur unanimité sur les questions de fond à résoudre par priorité (une clarification urgente de la responsabilité des acteurs d'Internet, la nécessité d'une action internationale -adoption par chaque pays de règles dont les fondements de base seraient communs, coopération internationale effective et cadre juridique international, "fut-il minimal" (157) - une véritable action politique), ils présentent tous ce point commun de n'avoir aucune valeur impérative, de n'être pas contraignants (158) ou de ne refléter aucune position officielle (159).
 
 

218- Il est donc urgent, si l'on veut parvenir à une véritable solution, de trouver un plan d'action international, qui se révélerait impératif pour les Etats signataires, et qui réussirait à résoudre les problèmes que nous avons tenté de faire ressortir, tout en conciliant la souveraineté des Etats pour le respect qui lui est dû comme pour que le plus grand nombre adhère au plan suscité.
 
 

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SECTION II - POUR UNE VERITABLE SOLUTION

219- En effet, la véritable solution est internationale, et il n'est pas une personne pour en douter. Mais plusieurs approches de l'action internationale sont possibles et il convient d'en déterminer la meilleure. Les premières disputes doctrinales ont dégagé de multiples idées de solutions, envisageant tour à tour un droit pénal de l'Internet ou un droit pénal pour Internet (§1). Grâce à l'apport de tous ces discours et après un temps de réflexion, il conviendra certainement de changer d'angle d'attaque et de glisser d'un droit pénal pour Internet à un droit pénal applicable sur Internet (§2).
 
 

Paragraphe 1 - D'un droit pénal de l'Internet à un droit pénal pour Internet

220- L'idée originale d'un droit de l'Internet (A) a souvent été émise, et elle constitue une approche radicalement différente de celle qui prétend déterminer un droit pénal pour Internet (B), celle-ci étant pourtant commandée par la lucidité, au détriment de la première.
 
 

A/ Le droit de l'Internet

221- Cette approche est révolutionnaire (1) eu égard à tout ce que nos sociétés ont connu jusqu'ici. Elle est cependant irréaliste (2) pour de multiples raisons.
 
 

1) Une approche révolutionnaire

222- "A l'espace de liberté [qu'était Internet], et d'échange non marchand de ses débuts, succède un espace économique au grand désarroi d'ailleurs de certains pionniers" (160). En effet, outre le fait que le commerce électronique évolue à une telle vitesse qu'il "risque [bientôt] de remplacer une bonne partie des infrastructures commerciales existant dans le monde" (161), de nombreux accords sont passés sur Internet tous les jours, qu'ils aient pour objet une fourniture de service ou une concession de droit d'utilisation d'œuvre protégée par le droit d'auteur. Tout y est dès lors affaire de contrat : entre particuliers et fournisseurs d'accès, entre auteurs et fournisseurs de contenu… Cette réalité, outre le risque de "balkanisation du réseau" (162) qu'elle présente, comme certains l'annoncent, mais qui n'est pas de notre propos, nous oblige à étudier de plus près la manière dont ces échanges sont abordées par leurs différents acteurs. Et c'est alors que l'on découvre que les contrats ainsi passés sont complets, d'une précision infinie, due pour sa plus grande part à l'incertitude juridique qui règne sur le réseau, et constituent ainsi une loi propre aux parties qui y ont adhéré, s'appliquant en priorité par rapport aux règles de conflits instaurées par le droit international privé, et faisant souvent référence à une loi étatique spécifique sur des points précis (163).
 
 

223- Nous voyons ici l'émergence de "coutumes", selon le terme de M. Vivant, qu'elles se concrétisent par des usages contractuels ou un code de bonne conduite sur Internet. Il n'est alors plus enfantin de croire, à l'unisson de plusieurs auteurs, à une possible "Lex mercatoria" (164), au sens de "loi des acteurs" comme le précise M. Vivant, c'est-à dire à une loi marchande aménagée par les acteurs et pour eux, qui primerait les règles de conflits de droit international. Une loi, surtout, qui serait cette fois réellement respectée internationalement, ce qu'aucune convention n'a su faire jusqu'à présent.
 
 

224- Les questions de droit international privé n'entrent bien entendu pas dans notre étude, le droit pénal international -et plus généralement le droit pénal- participant d'une toute autre logique. Mais tentons un instant une approche nouvelle d'Internet, et efforçons nous de le voir comme un cyber-espace ou un septième continent, c'est à dire un monde à part entière dont les frontières seraient d'une nature nouvelle, constituées par chaque cable téléphonique et chaque écran d'ordinateur situé dans le monde. Cette société virtuelle -que nous nommerons ainsi par soucis de simplicité, par opposition à nos sociétés "matérielles"-, "l'Internet", serait alors une société entière et définie, dont la population aurait peut-être légitimité à revendiquer un droit qui lui serait spécialement applicable, ou plus exactement à élaborer ce droit et décider des instances qui auraient vocation à le faire respecter, comme il est requis dans toute démocratie.
 
 

225- Ces propos, que l'on retrouve d'une manière moins extrème chez certains auteurs, suivent tout à fait l'idée d'une sorte de lex mercatoria transposée à la matière pénale. Et outre son extravagance, elle n'est pas exempte de légitimité et de force à résoudre les difficultés que nous pose Internet.
 
 

226- Légitimité, car dans cette approche, un territoire souverain a droit à ses propres règles. Dans la même perspective, les pionniers de la société de l'information ont été des particuliers, l'armée puis la recherche ne s'étant servi au départ des réseaux électroniques utilisant la commutation par paquets qu'en tant qu'instrument rapide, sécurisé et quasiment indestructible de véhiculation de l'information. Aucun Etat ne contrôle le réseau en raison de l'impossibilité matérielle d'agir sur une information et une structure qui sont par essence transnationales, et le libéralisme économique prend place de façon de plus en plus flagrante dans ce monde virtuel, menaçant plus de jour en jour la liberté d'expression -quelque soit la conception que l'on ait de cette liberté-, les lieux où elle peut se manifester étant menacés de disparition (165).

Le maintien de cette liberté d'expression est cependant le combat de tous les cybercitoyens, tous confondus et à la seule exception de ceux dont les intérêts sont purement économiques, qu'ils soient tenants de la théorie du droit ou de celle du non-droit sur l'Internet. Tous, de même, admettent dans des proportions plus ou moins étendues que les dérives portant atteinte à la dignité humaine et aux droits de l'homme doivent être empêchées. Et ceci à bon escient car comme nous le disait Winthrop, magistrat cité par Tocqueville, cette "sorte de liberté corrompue dont l'usage est commun aux animaux comme à l'homme et qui consiste à faire tout ce qui plaît (…) est l'ennemie de toute autorité, (…)avec elle nous devenons inférieurs à nous mêmes; elle est l'ennemie de la vérité et de la paix" (166). Les quelques partisans des ignominies que l'on peut lire sur l'Internet ne sont que l'exception que connaissent et qu'ont connu toutes nos sociétés "tridimentionnelles", pour employer encore une expression de M. Vivant (167).
 
 

227- Nous parlons ici de liberté d'expression. Mais dès lors qu'elle est réclamée par un "peuple" -et c'est bien une telle approche que nous avons choisi ici-, et qu'aucune autorité -autorités Etatiques telles que nous les connaissons ou autorité spécifique sur l'Internet- n'est légitime à la lui refuser, donc en résumé dès lors que rien ne s'oppose à son existence, rien ne s'oppose non plus à ce que les membres de cette société virtuelle disposent également des autres libertés, et en premier lieu de la liberté politique. Et Raymond Aron appelle "liberté politique celle des libertés formelles qui assure au citoyen une participation à la chose publique, qui lui donne le sentiment que, par l'intermédiaire de ses élus, éventuellement aussi de ses opinions, il exerce une influence sur le destin de la collectivité" (168). Bien sûr les notions de "chose publique" et de "politique" sont à adapter à la réalité du réseau. Mais cette liberté permettrait alors aux internautes de choisir leurs institutions et lois, dans le respect du jeu démocratique. La démocratie serait d'ailleurs réelle dans ce monde, non une "pseudo démocratie" (169) telle que nous la connaissons, car la participation des citoyens pourrait être constante et directe, en raison des liaisons en temps réel que permet la technologie, ceci en totale franchise des distances.
 
 

228- Arrivons en à la délinquance liée à l'informatique : il nous a été donné précédemment de constater que les obstacles à sa répression étaient principalement la disparité entre les droits nationaux applicables, puis la conservation de la trace de l'auteur des faits et des preuves de son passage, et enfin la condamnation effective de ce dernier.
 
 

229- Le premier problème n'existe plus dans notre approche où le droit est désormais unique et applicable à tous les internautes. Quant au fait de retrouver la trace de l'auteur des faits, les difficultés sont mineures : la technique le permet de nos jours et sa mise en œuvre est tout à fait possible dès lors que les internautes, et probablement l'instance virtuelle à laquelle ils confieront certaines tâches, aura pris une décision en ce sens.
 
 

230- Pour la condamnation effective du délinquant ou criminel, nous nous heurtons par contre à l'une des difficultés qui nous permettront de rejeter l'approche actuelle comme irréaliste. En effet, l'auteur d'une infraction est le citoyen d'un pays avant d'appartenir à un monde virtuel. Une condamnation effective et une sanction appliquée supposent l'intervention d'une autorité étatique "réelle", c'est-à-dire d'un pays tel que nous les connaissons.
 
 

2) Une approche irréaliste

231- En effet, quand bien même la souveraineté de l'Internet serait totalement reconnue par nos pays, jusqu'au point ultime où une juridiction virtuelle serait en mesure d'entrer en condamnation à l'encontre d'un délinquant sur le fondement d'un droit pénal de l'Internet, la peine ne pourra être effectuée que sur le sol d'un pays situé sur notre planète. Pour que cela soit réalisable, la reconnaissance de "l'Internet" doit être mondiale, et les règles d'extradition particulières pour ce cas (dans lequel l'auteur pourrait être condamné au lieu où il se trouve, ou au lieu où il demeure).
 
 

232- Une reconnaissance mondiale n'est pas une idée radicalement ridicule en ce sens où les cyber-citoyens sont également des citoyens : si tous les peuples demandent un débat sur le sujet et l'adoption de règles spécifiques pour un monde spécifique, les Etats, représentatifs de la souveraineté populaire -tout du moins en théorie-, ne pourraient que l'accorder. Mais le ridicule prend toute sa dimension si l'on retient une donnée essentielle, déjà rappelée mais trop souvent oubliée : les internautes représentent à l'heure actuelle 60 millions de personnes, et 2,5 % de la population francaise. Les autres habitants de la planète ne se sentent absolument pas concernés par le phénomène, ayant pour leur grande majorité des problèmes de première nécessité au combien plus urgents à résoudre. Le poids des hommes ne sera donc pas suffisant contre les Etats, qui n'ont jamais vu en Internet un monde souverain.
 
 

233- Cette non reconnaissance mondiale rendra dès lors cette éventuelle loi pénale de l'Internet ineffective, car l'extradition ne pouvant être effectuée au travers d'un cable téléphonique, une décision d'un Etat "matériel" devra forçément intervenir à un quelqu'endroit de la chaîne judiciaire. Et une loi ineffective ne sert à rien, quand bien même elle présenterait l'avantage d'être univoque.
 
 

234- Cette thèse est enfin irréaliste -s'il était encore nécessaire de le justifier- dans ses fondements même : répétons encore une fois qu'un internaute est aussi habitant d'un pays "matériel", et dès lors, en cas d'infraction par lui commise, à supposer qu'une répression par les autorités virtuelles soit possible, il se verrait appliquer une sanction, par exemple pour vol dans le cyber-espace, qui s'avérerait être différente de la sanction qui lui serait appliquée pour la commission du même acte dans sa société d'origine. Il peut être objecté cependant, ici, que ce problème de disparité entre les sanctions, d'un pays à un autre, est connu du droit pénal international, et qu'il ne serait pas illogique qu'il en soit de même s'agissant d'un Internet élevé au rang de nos nations. Cependant le passage d'un monde à l'autre ne se fait que par le biais d'un écran d'ordinateur ou d'une imprimante : serait-il logique, dès lors, qu'un message préjudiciable (n'impliquant pas d'enfant) soit libre sur le réseau (170), en libre lecture, donc, sur l'écran d'un internaute se trouvant dans son pays d'origine, mais que ce même message fasse l'objet d'une répression dès sa sortie sur imprimante sur ce même territoire?
 
 

235- Internet n'est en effet qu'une technique, et ce qu'il s'y passe se passe simultanément sur le sol d'un pays, voir sur ceux de plusieurs, même si la localisation du fait en question n'est pas toujours évidente. Et une technique n'a aucune légitimité à revendiquer un droit spécial et autonome. M. Chassaing a d'ailleurs précisé que "l'Internet n'existe pas juridiquement. Existent diverses activités impliquant le fonctionnement de machines chargées soit de gérer des données soit de les stocker" (171). L'approche intellectuelle peut certes parfois primer sur les considérations techniques, et dès lors influer sur le droit, mais pas l'affabulation. A l'instar du téléphone ou du minitel, Internet se doit d'être régi par nos droits pénaux nationaux.
 
 

B/ Un droit national parmi des droits nationaux

236- Nous avons vu que nos droits pénaux doivent régir Internet, qu'ils y parviennent, et que les difficultés qu'il rencontrent à cette occasion ne pourront être réglées que dans une perspective internationale. Une approche de celle-ci peut être alors une coopération véritable (2) entre les Etats aux fins de déterminer un droit unique applicable sur Internet (1), parmi ceux en présence.
 
 

1) La détermination d'un droit unique applicable sur Internet

237- Le droit applicable sur Internet doit être unique pour être univoque. Il n'est pas sain que toute information produite sur le réseau se doive d'être en conformité avec plus de deux cent droits pénaux différents. L'une des solution serait alors, à l'instar de ce qui a été mis en place en droit international privé, de déterminer les critères adéquats qui permettraient de choisir, pour chaque situation infractionnelle, un droit national unique applicable. En d'autres termes, il s'agit d'élaborer des règles de conflits.
 
 

238- A cette fin, plusieurs chantiers sont à mettre en œuvre.
 
 

239- Il convient tout d'abord de "s'attaquer" à la souveraineté nationale : il ne s'agit bien entendu pas de la remettre en cause, mais plutôt de la repenser avec intelligence. Comme le dit Melle Nancy Risacher, rapportant le discours du Sénateur René Trégouët dans son rapport sur les "Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication", rendu public en mars 1998, "l'ouverture, la convivialité, la solidarité, l'humilité et l'intelligence doivent être les caractéristiques principales de cette nouvelle Société de l'information" (172). Ces lignes sont principalement dédiées par leur père aux utilisateurs d'Internet, mais nous pensons qu'elles doivent en premier lieu constituer une ligne directrice pour les autorités étatiques -nous entendons, sous cette expression, les autorités ayant pour charge d'élaborer la loi ou de la faire appliquer-, sans la collaboration desquelles le réseau deviendra un tel champs de bataille que les particuliers auront du mal à faire preuve "d'objectivité" et "d'esprit critique" (173).
 
 

240- Repenser la souveraineté, et ceci en fonction de la réalité d'Internet : c'est sans doute pour partie ce que nous enseignerait aujourd'hui Beccaria quant au fait de repenser l'organisation sociale, tel que nous le mentionnions en introduction.

Repenser la souveraineté pour que le champ d'application territoriale de la loi pénale ne soit plus aussi expansif qu'à l'heure actuelle (174). A cette fin il faudrait en premier lieu mettre en œuvre des critères de compétence, ce qui peut se faire au moyen de deux démarches différentes :
 
 

241- La première consiste à reprendre certaines idées du droit international privé, telles que les règles dites "du pays d'émission" ou du pays de réception". En effet, beaucoup critiquent la théorie prétorienne, aménagée législativement, de l'ubiquité (175), qui consiste à considérer tout acte constitutif d'une infraction comme étant facteur d'application de la loi nationale -française, pour ce qui nous concerne-, sans aucune hiérarchie entre ces facteurs, ce qui a pour conséquence une application du droit pénal français à toute information délictueuse, qu'elle soit indifférement émise de France ou reçue en France.
 
 

242- En droit international privé le débat quant à la théorie à appliquer entre celle de la réception et celle de l'émission reste ouvert :
 
 

243- La théorie qui consiste à appliquer la loi du pays de réception, c'est à dire celle du lieu où le préjudice est subi, peut-être intéressante en ce qu'elle permet de "contrôler in fine le contenu des services et permet d'assurer effectivement l'exécution des décisions de justice. Au surplus, elle garantit le principe de souveraineté nationale" (176). Cette option est d'ailleurs celle qui semble être préférée de la jurisprudence, comme le note L. Costes (177), lequel lui accorde également sa faveur. Elle présente pourtant le défaut majeur de ne pas résoudre le problème que nous évoquions plus haut : l'individu qui envoie un message sur Internet doit ici le faire dans le respect de tous les droits de la planète, sous peine de voir un pays quelconque entrer en condamnation à son encontre. Cela revient, répétons le, d'une part à supprimer toute liberté d'expression sur Internet et d'autre part à ignorer une réalité, quand bien même celle-ci serait en désaccord avec les textes : il est déjà relativement difficile de ne pas ignorer sa propre loi, que l'on soit profane ou juriste, il est alors inconcevable de demander à quiconque de connaître celles des pays qui lui sont voisins.
 
 

244- La théorie de l'émission semble en effet plus appropriée, et elle a notamment été retenue par la Directive européenne "Télévision sans frontière" n° 89/552/CEE du 3 octobre 1989 (178). Transposée au droit pénal international, elle présenterait l'avantage incontestable de permettre d'appréhender le véritable auteur des faits (c'est-à-dire l'auteur ou le diffuseur du message incriminé, l'auteur de l'atteinte à un système…) et de le faire juger devant le tribunal du lieu de commission de l'infraction -la commission étant entendue ici comme comprenant l'élément intentionnel et l'élément matériel de l'infraction, à l'exception des conséquences dommageables, qui parfois entrent également dans le texte d'incrimination en qualité d'éléments constitutifs-, et bien entendu, selon la loi du lieu du délit. Tout ceci bien entendu sous réserve que la loi d'émission soit aussi celle de l'auteur de l'infraction. Mais, dans le cas contraire, le conflit positif de compétence susceptible d'en résulter pourrait être alors résolu par la mise en place d'un second critère de compétence, choisi parmi ceux que nous examinerons plus loin.

Le G7/P8, qui, rappelons-le, a manifesté une réelle volonté politique -et non plus cette fois juridique- d'éradiquer la criminalité informatique, semble d'ailleurs aller dans ce sens, bien que sans le dire expressément : il est effectivement inscrit, au point V du plan d'action contre la criminalité liée aux technologies de pointe, que "le pays principalement chargé de l'enquête et des poursuites" dans un cas d'infraction sur Internet, sera, "en toute probabilité, le pays dans lequel se trouve le défendeur" (179).
 
 

245- Cette théorie présente cependant elle aussi des inconvénients : le principal est d'ignorer les victimes des cyber-infractions, si la loi pénale du lieu d'émission ne réprime pas les faits en question. Prenons l'exemple d'un message porteur de haine raciale venant des Etats-Unis : l'écrivain des lignes litigieuses ne sera pas pénalement sanctionnable, et dès lors la victime française, se sentant atteinte dans sa dignité par ces propos et se croyant par ailleurs protégée par sa législation nationale, n'aura en réalité aucun recours.

La seconde difficulté que pose ce choix est encore celle que nous n'avons de cesse de mentionner : elle a pour source un choc de valeurs morales nationales. Car si nous croyons possible un débat international sur certains assouplissements à apporter aux souverainetés nationales, ne serait-ce que car les fléaux que les Etats veulent combattre sur Internet ne seront un jour éliminés qu'à ce prix, il est vain de croire que les pays transigeront sur les valeurs qu'ils considèrent comme essentielles : ainsi l'Europe ne supportera jamais la diffusion de messages antisémites, à l'instar des Etats d'Amérique qui ne permettront jamais une quelconque restriction de leur liberté d'expression.

Dès lors, l'adoption de ce critère de l'émission par une quelconque convention inter-étatique n'aboutirait qu'à une absence généralisée de signatures et de ratifications.
 
 

246- Les thèses que nous venons d'étudier présentent donc toutes les deux des inconvénients qu'il sera difficile d'ignorer. Mais ces derniers peuvent malgré tout être relativisés au regard d'un troisième critère de choix de la loi applicable, qui pourrait aisément être combiné avec l'un ou l'autre des deux ci-dessus énoncés : il s'agit du critère que nous nommerons "d'intérêt".
 
 

247- L'étude de ce critère constitue la seconde approche que nous proposions en début de paragraphe : elle consiste à revenir à la cause même de la théorie de l'ubiquité (c'est-à-dire à l'absence de hiérarchie entre les divers facteurs d'application de la loi que sont les éléments constitutifs de l'infraction), plutôt que de ne s'attacher qu'à ses conséquences (à savoir l'application de la loi d'un pays en vertu de sa qualité d'émetteur ou de récepteur).
 
 

248- Le premier critère d'application de la loi pénale française est le principe de territorialité, comme nous l'avons déjà vu, puis viennent respectivement les critères de compétence personnelle et réelle.
 
 

249- Un premier effort pourrait ici être envisagé en cas d'infraction transnationale : il s'agirait simplement d'appliquer cette hiérarchie, respectée au niveau interne, à l'ordre international, en combinaison avec l'une des deux thèses énoncées plus haut (notons que dans l'ordre international, la compétence territoriale s'applique en premier lieu en tant que règle générale, mais que le principe de compétence réelle s'y substitue dès lors que les conditions en sont remplies -en vertu de la règle specilia generalibus derogant-, et que ces deux règles de compétence n'admettent ni l'une ni l'autre "la priorité de la loi étrangère").
 
 

250- Cette solution permettrait de résoudre nombre de problèmes. Elle est cependant difficilement envisageable car elle ne tient pas compte de l'intérêt réel qu'a l'Etat à vouloir poursuivre l'auteur d'une infraction : si elle était appliquée à l'échelle internationale, l'auteur français d'un message révisionniste envoyé à partir des Etats-Unis ne serait punissable en France qu'en raison d'une application éventuelle de la loi de réception (il en est de même à l'heure actuelle en vertu de la théorie positive de l'ubiquité), et il ne le serait donc pas du tout si la loi du pays d'émission était envisagée, l'application territoriale de la loi d'émission primant ici sur l'application territoriale de la loi de réception, et donc a fortiori sur les critères de compétence personnelle de cette même dernière loi.
 
 

251- L'idée est donc bien là : il s'agit de définir ces critères d'application de la loi en fonction de l'intérêt qu'a l'Etat à poursuivre une infraction. Et nombreux sont ceux qui le préconisent, qu'ils parlent de "loi la mieux adaptée au rapport de droit considéré" (180), ou de "considération légitime de l'intérêt étranger" (181), "de la loi qui présente les liens les plus étroits avec le délit", de loi de "l'enracinement social" (182), voire, en ne se situant qu'au niveau judiciaire et non plus législatif -mais l'idée est la même-, "d'opportune utilisation du principe… d'opportunité des poursuites" (183).
 
 

252- Cette méthode pourrait consister à appliquer une loi nationale en fonction de "sphères d'intérêt" par elle ou internationalement définies, "en y aménageant des zones d'intérêts secondaires" (184).
 
 

253- Une autre des solutions proposées en son cadre (théorie de la loi de "l'enracinement social") -mais qui ne diffère pas sensiblement de la précédente- est de retenir, en ce qui concerne la compétence judiciaire, le "lieu de manifestation du fait générateur de l'infraction, qui exprime le mieux le comportement antisocial de l'agent" (lieu d'émission). Elle donne ensuite préférence, pour la compétence législative, au "lieu de résultat" (loi du pays de réception) quand celle-ci coincide avec la loi nationale des parties. Un autre auteur parlera à propos de cette même compétence législative de "la loi qui présente le plus grand nombre de points de rattachement avec le rapport juridique considéré" (théorie de la "loi la mieux adaptée au rapport de droit considéré").
 
 

254- Les thèses diffèrent un peu, mais, comme le dit à juste titre C. Lombois, "peu importent, pour le moment, les moyens; l'essentiel est la méthode. Il est faux que tous les systèmes répressifs soient également intéressés; il est excessif que le système qui se déclare intéressé se comporte comme s'il était le seul à l'être : la bonne méthode c'est, après découverte de l'élément qui détermine la compétence du droit interne, d'avoir, à l'élément d'extranéité, l'égard qu'il mérite" (185).
 
 

255- Ces différents critères d'application d'une loi ou d'une autre permettraient de retenir le lieu d'émission ou celui de réception d'une manière intelligente, en fonction de certaines priorités. Un pays serait alors dans certains cas légitime à revendiquer l'application de son droit à l'un de ses nationaux, en quelqu'endroit qu'il se trouve, "sauf à s'abstenir quand [l'infraction a] été déjà [réprimée] par le pays du lieu de commission, intéressé lui aussi" (186), ce qui résoudrait le problème d'une éventuelle double condamnation. De même, ces critères, déterminés clairement, acceptés conventionnellement, remédieraient à beaucoup des autres difficultés vues jusqu'ici, dont l'ignorance quant à la loi applicable, son ineffectivité et l'application simultanée de droits contradictoires. Et "la souveraineté y gagnerait à voir un délit bien et justement réprimé" (187).
 
 

256- Il reste à noter que ce que nous venons de dire suppose une application par le juge national d'une loi pénale étrangère, et donc une disjonction des compétences législative et juridictionnelle, ce que la jurisprudence francaise semble se refuser à faire, alors même qu'elle le fait pour des questions extra-pénales (188). Pourtant, "si une seule et même loi doit s'appliquer et à la définition et à la sanction du délit, rien n'impose que cette loi soit appliquée, seulement, par le juge qui relève de la même souveraineté" (189).
 
 

257- De même et enfin, ces possibles solutions ne peuvent être productives que dans le cadre d'une réelle activité commune
 
 

2) Une réelle activité internationale

258- Cette coopération doit être retrouvée à deux stades : dans la détermination des critères de compétence, et en matière de procédure, pour leur jeu effectif.
 
 

259- Quant à l'élaboration des critères de compétence tout d'abord, la concertation doit être véritable et véritablement internationale. Notons que le Comité d'expert sur la criminalité dans le cyber-espace, mandaté par le Conseil de l'Europe, est à ce jour en train d'élaborer un projet de convention internationale. Le texte qui en résultera reprendra peut-être en partie ce que nous venons de voir.
 
 

260- Pour ce qui concerne la coopération en matière de procédure judiciaire, plusieurs points sont à réfléchir, comme l'ont noté d'ailleurs différentes études, tel le rapport de l'OCDE (190) ou la Recommandation R (95) 13 du Conseil de l'Europe (191).
 
 

261- Tout d'abord, une plus grande souplesse dans les règles d'extradition est nécessaire.
 
 

262- Ensuite, En matière d'entraide judiciaire, les "perquisitions [et saisies] dans des réseaux informatiques transfrontaliers" (192) doivent être facilitées, en ce qu'elles constituent, selon les Communautés européennes, l'un des instruments primordiaux en matière de lutte contre la cyber-criminalité. L'OCDE a également beaucoup insisté sur ce point.
 
 

263- Tout d'abord, dans ce cadre, une "saisine d'urgence des services répressifs nationaux par leurs homologues étrangers" doit être possible, celle-ci devant être mise en place dans "un cadre législatif de coopération parfaitement adapté" (193). En effet, les traces laissées par les délinquants sont souvent éphémères, et leur captation immédiate est primordiale.
 
 

264- Ensuite, les problèmes liés à la "pénétration directe" doivent être résolus : en effet, rechercher la preuve d'une infraction sur le réseau oblige souvent les enquêteurs à se transporter "virtuellement" dans un pays étranger : ceci peut poser problème, en ce que l'Etat concerné peut vouloir s'y opposer, si les données recherchées sont dites "sensibles". Pour qu'une intervention rapide et efficace soit possible en ce domaine, il convient de "faire preuve d'imagination pour [qu'il soit possible de] répondre "en temps réel" à des infractions qui peuvent à la fois être très graves mais ne laisser que peu de traces" (194).

L'une des solutions pourrait être par exemple de n'habiliter, dans chaque pays, qu' un groupe de personnes -qui se composerait de représentants de chaque Etat voisin, assermentés dans leur pays d'origine-, à opérer cette recherche. A l'instar des "experts" que le G7/P8 préconise, ces personnes seraient disponibles vingt quatre heures sur vingt quatre, et disposeraient des moyens techniques nécessaires à leur mission. Ensuite, une fois les preuves recueillies, il reviendrait à l'Etat "ingéré" de décider ou non de leur communication à l'Etat "poursuivant", à défaut de quoi ce premier Etat pourrait par exemple s'engager à poursuivre l'auteur de l'infraction sur son propre territoire, tout en prenant en charge la réparation des victimes qui ne seraient pas de ses nationaux.
 
 

265- Cette recherche de preuves doit de même être facilitée de deux manières. Il est nécessaire, d'une part, que la preuve électronique (c'est-à-dire l'information enregistrée sur un disque ou une bande magnétique) bénéficie des moyens techniques nécessaires à son établissement, ainsi qu'en appelle le Conseil de l'Europe (195). Ces moyens existent, et il s'agit de les mettre en œuvre.

Les informations ainsi récupérées doivent d'autre part être admises au rang des preuves juridiquement valables (196). La France a d'ailleurs commencé à prendre cette direction, en intégrant, dans l'incrimination de faux en écriture (article 441-1 NCP), "tout support de la volonté juridique". Selon M. Devèze (197), sans élever ce support au rang de preuve, c'est déjà en reconnaître la réalité et lui accorder une certaine valeur, ce qui constitue une première démarche positive. Nous pouvons cependant émettre des doutes sur une initiative purement nationale qui irait au-delà.
 
 

266- Les aménagements nécessaires aux procédures de coopération judiciaire semblent nombreux. Cependant il convient de noter que, selon le rapport sur la Conférence de Bonn, les problèmes n'existent que très peu sur le plan policier et judiciaire quand les lois des pays d'émission et de réception prévoient les mêmes incriminations. Cette coopération ne devrait donc pas, à l'avenir, poser trop de problèmes pour sa mise en œuvre et ses nécessaires aménagements, si des critères d'application des lois pénales, tels que nous les avons étudiés plus haut, sont mis en œuvre. Car dès lors les exigences de double incrimination qui existent dans de nombreux textes perdraient de leur pertinence.

Et cette condition est celle qui pose le plus de problèmes à la répression nationale d'infractions internationales.
 
 

267- Cependant, la mise en place de ces critères ne suffit pas à faire tomber cette condition en désuétude : un pays peu très bien admettre la compétence de la loi étrangère, mais refuser tout de même l'extradition en raison d'un fait qui ne constitue pas une infraction pour ses nationaux. Il convient alors de régler aussi cette difficulté.
 
 

268- L'une des solutions maintes fois proposées à ce sujet est une harmonisation des législations : il est utopique d'y croire encore lorsqu'on sait que la quasiment seule infraction posant un problème de différence entre législations est la diffusion d'idées à teneur raciste ou xénophobe (198), et que les Etats-Unis protègent ces faits de leur Constitution. Et en tout état de cause, faire abdiquer un Etat sur ses valeurs morales n'est pas du ressort du droit. La solution - si solution il y a- ne peut être que politique, comme beaucoup l'ont dit, et il ne nous revient pas de l'étudier.
 
 

269- La seconde solution proposée -et pour nous la meilleure-, est de faire simplement disparaître cette condition. C'est également l'avis de plusieurs, alors que L'OCDE préconisait déjà en 1986 d'étudier "la pertinence" (199) de ce principe de la double incrimination. Deux raisons à cela :
 
 

270- Tout d'abord, il ne semble pas logique de reconnaître la compétence d'une loi étrangère tout en refusant son application, quand bien même à l'un de ses nationaux : car reconnaître sa compétence, c'est reconnaître sa légitimité à s'appliquer, donc également, si l'on veut être pertinent, sa légitimité intrinsèque (200). M. C. Lombois s'interroge d'ailleurs en ces termes : "si l'on fait confiance aux juges étrangers, pourquoi hésiter à s'en remettre aux lois étrangères?" (201).
 
 

271- La seconde justification que l'on pourrait apporter à cette thèse s'inscrit dans une logique de raison. Nos difficultés ne seront résolues qu'après une réelle concertation, et des concessions, faites par chacun. L'objectif est d'adopter les règles internationales qui apporteront plus de bénéfice aux Etats qu'il n'en subiront de perte - d'une partie de leur souveraineté, notamment-. Cet objectif a souvent été réalisé dans l'histoire, par cette même méthode : les hommes, en sortant de l'état de nature, ont renoncé à certaines de leurs libertés pour, en échange, recevoir la protection de leur contrat social ; les Etats d'Europe, en ratifiant par exemple le traité de Maastricht, ont renoncé à certaines de leur compétences pour qu'une politique commune soit mise en place dans bien des secteurs…
 
 

272- Ces concessions doivent cependant être plus importantes pour certains Etats, qui se distinguent trop nettement de la majorité : tel est par exemple le cas des Etats d'Europe centrale ou orientale qui doivent, pour pouvoir adhérer au Conseil de l'Europe, réviser leurs institutions et législations internes afin de se mettre en conformité avec nos principes démocratiques. Les Etats-Unis d'Amérique (et la même reflexion peut s'appliquer à d'autres pays tels la Chine) devraient, dans la même perspective, accorder cette concession qui consisterait à admettre que leur conception de la liberté d'expression est spécifique et qu'elle ne doit pas sortir de leurs frontières, que par conséquent leurs nationaux ne doivent pas la pratiquer au delà de leur écran d'ordinateur, et ceci sur un fondement qui pourrait prétendre à rivaliser avec leur principe constitutionnel de liberté d'expression, à savoir celui du respect de la liberté -dans le sens de conception de la liberté- des autres. Ne dit on pas d'ailleurs, à juste titre, que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres?
 
 

273- Les pistes proposées permettraient de réprimer correctement la criminalité sur Internet. Cependant, se poseront toujours des problèmes, comme il s'en est toujours posé en droit international -privé ou pénal-, en ce que beaucoup de conventions sont souvent restées ineffectives du fait du peu d'Etats qui y ont adhéré, en ce que certaines d'entre ces conventions ont -trop- souvent aménagé une possibilité pour les Etats "d'échapper" à leur application sur des modalités quelconques, et enfin en ce que le juge n'en fait pas toujours la bonne application qu'il se devrait.
 
 

274- Il conviendrait donc, parallèlement à la mise en oeuvre de ces propositions -qui permettent de garantir le respect "des principales libertés individuelles et de l'ordre public" (202) - de continuer la réflexion (la démarche trop hâtive est à proscrire : elle serait "contre productive" (203) ), pour élaborer par la suite un système encore meilleur, et passer d'un droit pénal pour Internet à un droit pénal applicable sur Internet.
 
 

Paragraphe 2 - D'un droit pénal pour Internet à un droit pénal applicable sur Internet

275- Ce droit pénal auquel nous faisons allusion est encore d'une autre nature (A) et devra être élaboré dans un cadre particulier (C), selon des modalités (B) spécifiques.
 
 

A/ Un droit d'une autre nature

276- Nous avons vu qu'élaborer un droit pénal de l'Internet était une idée fantaisiste, et que déterminer un droit pénal pour Internet était une voie envisageable, mais non exempte d'obstacles. Se dessinent alors, entre ces deux hypothèses, les contours d'une troisième solution, qui pour nous est la meilleure, et qui semble en outre être appelée des vœux de tous les experts qui ont travaillé sur le sujet : il s'agit d'un droit applicable sur Internet, c'est à dire d'un véritable droit, unique, appliqué par tout pays dans des circonstances similaires.
 
 

277- Il ne s'agit pas ici d'un droit pour Internet, choisi parmi de multiples droits, déterminé abstraitement par des règles de conflit, et donc susceptible de produire des solutions différentes pour des faits identiques, en raison du sol sur lequel ces derniers se produisent.
 
 

278- Il ne s'agit pas non plus d'un droit de l'Internet, car l'approche n'est plus cette fois interne au réseau, mais elle lui est externe : il s'agit d'une entreprise internationale, qui élabore un droit général à partir des différents droits de la planète. Ce droit est alors unique et a vocation à s'appliquer à chaque cas d'espèce.
 
 

279- "La coopération internationale [étant] aujourd'hui une voie obligée" (204), ce projet ne semble pas illusoire : la concertation internationale aura lieu, elle commence à se mettre en place. Dès lors, élaborer un droit "commun" ne semble pas plus délicat que de trouver un consensus sur des règles de conflit de lois pénales dans l'espace.
 
 

280- Ce droit dont nous parlons devra être élaboré dans un cadre spécifique, que nous examinerons après en avoir vu ses modalités.
 
 

B/ Les modalités

281- Ce droit peut être élaboré de deux manières différentes : nous préconisons celle qui prévoit une application de l'incrimination la plus stricte (1), tandis que d'autres sont favorables à une base pénale commune (2).
 
 

1) Le système de l'incrimination la plus stricte

282- Cette idée nous vient des Etats-Unis, qui adoptent, en matière d'obscénité, le principe de l'application de la loi pénale la plus restrictive, "dans les rapports entre [leurs] différents droits", selon une formule de M. Chassaing (205). Celui-ci nous confie qu'en effet, en vertu de ce critère, "les diffuseurs doivent se conformer au standard de l'Etat le plus restrictif".

Cette idée emporte la défaveur de l'auteur que nous venons de citer, en ce sens qu'"il paraît irréaliste (…) d'exiger qu'un individu intervenant sur le réseau se conforme à tous les droits du monde sous prétexte que son message est susceptible d'être lu dans l'ensemble de la planète" (206). Nous sommes en accord avec ces lignes, mais nous pensons qu'il serait opportun de les relativiser.
 
 

283- Il est certain qu'on ne peut demander à quiconque de respecter plus de deux cents droits pénaux lorsqu'il met en ligne une information : comme nous l'avons déjà dit, ceci serait liberticide. Mais il ne s'agit pas ici de cela. L'idée est plutôt de trouver un consensus, après avoir examiné les disparités des droits en présence, dans lequel chaque Etat accepterait des limitations supplémentaires à certaines de ses libertés, uniquement pour ce qui concerne la diffusion d'information sur les réseaux (ou de manipulation litigieuse de ces derniers), à charge de réciprocité pour ce qui concerne les limites qu'il connaît lui même sur son sol. En d'autres termes, la formule pourraient se résumer ainsi : accepter les limites de l'autre pour qu'il accepte nos propres limites.

Cela reviendrait concrêtement à accepter, pour l'Etat français, de réprimer ses nationaux qui diffuseraient sur Internet -ou un quelconque réseau électronique transnational- des messages pornographiques ou à caractère obscène, quand bien même aucun enfant ne serait susceptible de les voir, dès lors que ces informations sont susceptibles d'être perçues aux Etats-Unis (c'est-à-dire quasiment dans tous les cas). A l'inverse et en échange, l'Etat américain accepterait de réprimer ses nationaux pour avoir diffusé sur ce même réseau des idées discriminatoires.
 
 

284- Nous avions auparavant déjà évoqué cette idée, estimant que des concessions étaient nécessaires dans toute entreprise commune. Nous affirmons ici son opportunité, en ce qu'elle permettrait le respect de chacun, tout en préservant la souveraineté et les conceptions de la liberté de tous. Elle paraît en outre plus saine que celle qui consiste à subir les débordements de tout le monde, car personne n'y gagne.
 
 

285- Nous comprenons bien sûr ceux qui nous rétorqueront que si l'on ne peut plus émettre telle photographie de charme sur le réseau, ou telle critique, la liberté n'est plus réelle, Internet n'est plus Internet. Et nous même préfèrerions pouvoir jouir d'une liberté totale sur celui-ci, avoir enfin un lieu où l'on peut dire et voir n'importe quoi : cela permet l'évasion, dans un monde qui se veut justement virtuel. Cependant, Internet n'est pas un monde imaginaire où l'on peut rire de tout car l'on connaît son interlocuteur. C'est, qu'on le veuille ou non, un lieu social, où les hommes peuvent être heureux ou émus, où ils peuvent souffrir. C'est donc un lieu où chacun doit respecter les idées et la personne de l'Autre : respecter une idée revient à admettre la légitimité de son existence, et respecter une personne commande de ne pas la blesser… même par le biais d'une idée. Car avoir cette dernière n'autorise pas le fait de la répandre (207).
 
 

286- Et c'est d'ailleurs en cela, pour finir, qu'Internet est réellement nouveau : dès lors que nous nous connectons, et ceci en permanence, nous devons vivre en société avec des hommes profondément différents de nous-même sur le plan culturel, social, idéologique ou religieux. Tous -ou presque- les sols terrestres qui ont connu un tel mélange de populations différentes ont été des lieux de conflits, car l'Homme a un penchant naturel à estimer que ses idées sont LES idées. Nous avons enfin l'opportunité de prouver qu'un tel lieu peut justement être magnifique du fait de son hétéroclysme. Pour y parvenir, il nous faut être intransigeants sur le respect de l'Autre.
 
 

287- Bien entendu le discours ne peut être aussi simple : il existe des cas extrèmes pour lesquels cette solution sera plus difficilement envisageable. Tel sera par exemple le cas de la conception afghane de la femme, qui refuse toute vision publique du corps de celle-ci. Si nous voulions aller jusqu'au bout de notre raisonnement précédent, les conceptions plus libérales devraient se conformer à cette approche sévère de la différence des sexes. Mais cela ne sera pas accepté, et pour une raison qui peut justement nous aider à faire tomber l'obstacle : ce qui doit être respecté par tous, c'est la liberté : liberté qui doit avoir ses limites pour sa propre survie. La liberté peut ensuite être l'objet de conceptions différentes : mais cela ne l'empêche pas de subsister. C'est pourquoi, si les propos provenant des Etats-Unis sont condamnables, le fondement de leur permissivité ne l'est pas. Mais peut-on parler de liberté dans les conceptions extrémistes? Nous ne le pensons pas, de même que l'Etat américain, s'il permet les propos, ne permet pas les passages à l'acte.
 
 

288- Et ceci nous permet d'en arriver à la manière dont ces incriminations "les plus strictes" doivent être déterminées pour un bon fonctionnement du système : dans le respect des principes fondamentaux reconnus comme universels. Et si la seule difficulté à laquelle nous nous heurtons à ce point de notre discours est la non-reconnaissance mondiale de ces principes, cela n'est plus de notre ressort et n'est pas né avec la société de l'information. C'est un combat de tous les jours que nos Etats doivent mener pour y remédier, et les résultats obtenus jusqu'à présent sont satisfaisant, même s'il est encore trop de pays où les droits de l'homme sont bafoués.
 
 

2) Un système de protection des valeurs communes

289- Cette harmonisation peut être exploitée en complément d'éventuelles règles de conflits, voire en complément de notre système actuel de droit pénal international, quelque peu amélioré en matière de coopération interétatique. Mais elle peut surtout être complémentaire à un sytème d'application de "l'incrimination la plus stricte", pour un meilleur respect universel des principes fondamentaux des droits de l'Homme.
 
 

290- Dans l'un et l'autre cas, elle consiste en une définition, en harmonie avec nos principes démocratiques, des principes pénaux communs -ou qui doivent devenir communs-, à l'instar de ce qui a déjà été fait à l'aide de conventions telle la CEDH, pour n'en citer qu'une. Définition de principes pénaux, mais également de comportements à réprimer (208), et surtout de sanctions pénales précises à leur appliquer. Un veritable droit de base des infractions internationales pourrait ainsi être mis en place.
 
 

291- Tous les organismes et Instances internationales, tous les rapports, qu'ils aient été émis au niveau national ou transnational, mentionnent la nécessité d'une telle harmonisation, en vue d'une base juridique qui serait commune à tous : Les Etats du P8 parlent de "régime internationalement reconnu, fut-il minimal" (209) tandis que le Sénateur Trégouët demande la définition d'un système de valeurs, dans cette nouvelle société de l'information, car "plus encore que l'avancée technique qu'il traduit, c'est le phénomène de société illustré par l'explosion d'Internet qui en constitue l'aspect le plus remarquable" (210). Mme Falque-Pierrotin parle encore, à propos du réseau, d'un "nouvel espace social justifiant l'élaboration de nouvelles règles de comportement", règles d'une "nouvelle civilité" (211). Nous pourrions en citer bien d'autres (212).
 
 

292- Il faut donc légiférer mais cette fois internationalement, et non plus pour réprimer tel comportement spécifique, mais pour appréhender des difficultés de manière globale, après une mûre réflexion sur les fondements des lois, et de la Loi que l'on prétend universelle.
 
 

293- Cette activité législative doit en outre s'effectuer dans un cadre spécifique.
 
 

C/ Le cadre

294- Le cadre du Conseil de l'Europe, tel qu'il a été choisi pour l'élaboration de la future convention internationale sur la répression du crime dans le cyber-espace, paraît idéal en ce qu'il permettra l'adhésion à ce texte d'Etats qui ne font pour autant pas partie de l'Europe. Le simple reproche que l'on peut faire à ce choix est que ces Etats "tiers" doivent répondre à certains critères démocratiques, au niveau institutionnel et constitutionnel, pour adhérer au Conseil, de même -mais dans une moindre mesure- que s'ils veulent uniquement signer et ratifier une convention, en ce qu'ils doivent se soumettre à l'approbation de ceux des quarante pays membres qui l'ont déjà fait.
 
 

295- Bien sûr ces conditions ne sont pas à remettre en cause : la politique du Conseil de l'Europe est juste, et il n'est pas concevable qu'un Etat ne répondant pas à ces critères en devienne membre. Mais quant à la criminalité sur Internet, ne serait-il pas envisageable qu'un pays, non "parfaitement démocratique", puisse tout de même s'engager dans cette lutte à nos côtés, tout en se voyant imposer des conditions un peu plus sévères ?

Par exemple, en application de "l'incrimination la plus stricte" telle que nous l'avons entendue, si les concessions réciproques sur les libertés ont été admises, il serait envisageable d'obliger cet Etat, soit à s'engager à juger l'auteur des faits selon nos principes démocratiques (avec certaines garanties à l'appui), soit à admettre son défèrement devant une juridiction européenne.
 
 

296- Cette solution, quelque peu nouvelle, ne semble pas inconcevable en ce que la concession pour l'Etat "tiers" est moins importante que celle qu'entraînerait une véritable réforme interne, et elle nous paraît même très intéressante prospectivement, en ce que ce pays aurait fait une première démarche vers la démocratie et les droits de l'Homme, démarche qui serait alors plus facilement généralisable à l'ensemble de ses institutions.
 
 

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CONCLUSION

297- Nous avons parlé de droit pénal, tout au long de notre étude. Mais de nombreuses personnes proposent d'autres techniques qui permettraient une amélioration de la vie sociale sur Internet, sans pour autant que le droit pénal n'y intervienne : il s'agit notamment d'éduquer le cyber-citoyen (213), de sécuriser les réseaux (214), de recourir mieux et plus souvent au contrat, ou d'élaborer une charte de l'Internet, par laquelle ses acteurs s'autoréglementeraient.
 
 

298- Certaines de ces propositions, et notamment la première, sont effectivement très intéressantes et pourraient être d'une aide précieuse.
 
 

299- D'autres, tels les codes d'autoréglementation ou de déontologie qui fleurissent de toutes parts, sont dangereuses : l'autorégulation est une bonne chose, mais elle ne doit en aucun cas dépasser son cadre de compétence, elle ne doit en aucun cas empiéter sur le domaine du droit pénal : il est effarant de constater que certains demandent un "code déontologique à valeur réglementaire, pourvu de sanctions adaptées" (215) : les sanctions délictuelles et criminelles, apanage du droit pénal, ne peuvent être déterminées que par la voie législative, le règlement n'ayant que des compétences techniques. Ce serait encore créer des zones, contestables, de droit pénal "administratif". "Le salut ne peut venir que (…) de l'Etat et de la loi", selon Me S. Lilti (216). En l'espèce, nous dirions : des Etats, mais avant tout des lois.
 
 

300- Ces Etats et ces lois devront retourner à l'essentiel, pour repenser l'organisation sociale : ce que Beccaria aurait voulu dire en ce sens, finalement, s'il avait été à nos côtés, c'est qu'il faut comprendre que des disparités existent, et qu'elles ne seront résolues qu'au travers d'un compromis. Il s'agit donc de refaire un "contrat social", où chacun concèdera une partie de sa liberté, et d'incriminer en fonction : ce qui reviendra à combiner les diverses concessions pour en faire des lois applicables.
 
 

301- Plusieurs pistes ont été proposées dans cet objectif. La meilleure, selon nous, se résume en deux étapes successives : il s'agirait, dans un premier temps, d'élaborer des règles de conflit de lois pénales, tout en organisant un débat international qui entraînerait, dans un second temps, l'élaboration d'un droit pénal applicable aux infractions "cybernétiques", ceci en déterminant de manière précise les comportements à réprimer, de même que leurs définitions et leurs sanctions. Dans cette entreprise, l'application du système de "l'incrimination la plus stricte" serait de rigueur, dans le respect, toujours, des principes fondamentaux qui gouvernent nos sociétés démocratiques, en cas de conflit entre les valeurs protégées par chaque Etat.
 
 

302- Et peut être que ce droit pénal applicable sur Internet constituerait le prémice d'un futur droit pénal des infractions internationales, comme l'appellent de leurs vœux tous les plus grands pénalistes.
 
 

Si cela s'avérait, l'informatique, après nous avoir posé les plus grandes difficultés, après avoir réveillé tous les disfonctionnements de nos systèmes juridiques, apparaîtrait comme un élément fondamental dans le rapprochement de nos sociétés.
 
 

Et du statut de "péril" pour la "démocratie", Internet passerait à celui de moteur dans la construction d'une société internationale plus sécure, plus juste et plus respectueuse des droits de l'Homme.
 
 

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 NOTES
 













(1) Cesare Beccaria, Des délits et des peines, Librairie Droz, Genève, 1965, § XLI. "Moyens de prévenir les délits"; Cette œuvre peut être trouvée aux éditions Flammarion, Paris, 1991 ; et la citation p. 169.
 
 

(2) Le marquis Cesare Beccaria, dont l'essai, intitulé Dei delitti e delle pene, est publié anonymement pour la première fois à Livourne, en 1764.
 
 

(3) 45 000 réseaux participaient à son maillage en 1996, selon T. Piette-Coudol et A. Bertrand, in Internet et la loi, dalloz, 1997, p. 3.
 
 

(4) Voir notamment T. Piette-Coudol et A. Bertrand, op. précit.
 
 

(5) Voir notamment J.- F. Chassaing, "L'Internet et le droit pénal", rec. Dalloz 1996, chron. p. 329.
 
 

(6) D.Y.Garat, Mémoires historiques sur la vie de Mr. Suard, sur ses écrits et sur le XVIII° siècle, Belin, 1829, t. II, p. 207 ; cité par M. R. Badinter dans sa préface du traité de C. Beccaria, op. préc., Flammarion, Paris, 1991, p. 18. Garat était écrivain à la fin de l'Ancien Régime et ministre de la justice lors du procès de Louis XIV.
 
 

(7) P. Nicoleau, "la protection des données sur les autoroutes de l'information", rec. Dalloz 1996, chron. p. 111.
 
 

(8) Nous pensons ici à certaines personnes immobilisées ou tétraplégiques.
 
 

(9) Nous inclus, car nous allons en faire de même tout au long de cette étude…
 
 

(10) TCP/IP: Transmission Control Protocol over Internet Protocol.
 
 

(11) Conservatoire National des Arts et Métiers.
 
 

(12) Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique.
 
 

(13) Cette affirmation est cependant moins vraie aujourd'hui, du fait de récentes évolutions techniques.
 
 

(14) Rapport de l'Association des Utilisateurs d'Internet, "Pour une intégration sereine et un développement harmonieux d'Internet dans la société française", du 04.06.96. Ce document peut être trouvé à l'adresse suivante : http://www.aui.fr/documents/integration-internet-070696.html
 
 

(15) Exp. des syst. d'inf., juillet 1998, p. 161.
 
 

(16) Pour une étude de fond sur la question, se reporter à H. I. Schiller, "vers un nouveau siècle d'impérialisme américain", le Monde diplomatique, août 1998, p.18.
 
 

(17) M. Vivant, "Internet et modes de régulation", http://www.planete.net/code-internet/vivant1.html
 
 

(18) J.-F. Chassaing, art. précit. en note 4, p. 5.
 
 

(19) Ce fait est d'ailleurs admis par le Comité européen pour les problèmes criminels, dans son rapport sur la criminalité informatique de 1990, qui constate que "les décisions de politique juridique (…) font du recours au droit pénal l'un des moyens de contrôle social les plus incisifs dont l'Etat dispose". Comité européen pour les problèmes criminels, La criminalité Informatique (Recommandation n° R (89) 9 sur la criminalité en relation avec l'ordinateur et rapport final du Comité européen pour les problèmes criminels), Strasbourg, Conseil de l'Europe, Service de l'édition et de la documentation, 1990, ISBN 92-871-1791-8.
 
 

(20) Etude de la "responsabilité liée au contenu sur Internet", d'Industrie Canada, que l'on peut trouver à partir de l'adresse suivante : http://strategis.ic.gc.ca
 
 

(21) Citation mentionnée par M. D. Belot sur son site dénommé "Cyber-citoyen", que l'on peut trouver à l'adresse http://www.chez.com/belotdidier/accueil.html
 
 

(22) La CILI rassemble notamment l'American Civil Liberties Union (ACLU), the Electronic Privacy Information Center (EPIC), Human Right Watch, l'Internet Society (ISOC), l'Association des Utilisateurs d'Internet (AUI). La déclaration d'intention de cette "coalition", telle qu'elle se désigne elle-même, peut être trouvée à l'adresse suivante : http://www.aclu.org/gilc/stat-fr.html
 
 

(23) Me Stéphane Lilti, "Pour faire barrage à l' "indignité on line"", exp. des syst. d'information, juin 1998, interview p. 179.
 
 

(24) La CILI exprime l'exigence que "Les lois imposant des restrictions sur le contenu de l'expression électronique distinguent entre la responsabilité des fournisseurs de contenu et la responsabilité des transporteurs d'information", document Internet précit. en note 25.
 
 

(25) Groupe des sept pays les plus industrialisés.
 
 

(26) Organisation de Coopération et de Développement Economique
 
 

(27) Rapport de l'AUI, précit. en note 14.
 
 

(28) Rapport précit.
 
 

(29) Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social ou principes de droit politique, 1762. Cette œuvre peut être trouvée à de nombreuses éditions, notamment à la bibliothèque de la Pléiade, Tome 3 des œuvres complètes de J. - J. Rousseau, Paris, Gallimard., ou aux éditions du seuil, 1977.
 
 

(30) Me N. Brault, "Le droit applicable à Internet : De l'abîme aux sommets", 28 mars 1997, que l'on peut trouver à l'adresse suivante : http://www.grolier.fr/cyberlexnet/COM/A970428.htm
 
 

(31) M. Vivant, art. précit. en note 17.
 
 

(32) Document thématique de la Conférence de Bonn des 6, 7, 8 juillet 1997, qui peut être trouvé à l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/bonn/conference.html
 
 

(33) M. Vivant, "Internet et modes de régulation", http://www.planete.net/code-internet/vivant1.html : dans les contrats de providers, l'utilisateur se voit souvent imposer certaines interdictions, sanctionnées par des dispositions de droit étatique expressement désignées.
 
 

(34) M. N. Ros de Lochounoff ("La société d'information : histoire technique, histoire politique, les juristes…", Dossier spécial Internet, GP 25-26 octobre 1996, p. 47) nous dit que des infractions ont cours sur Internet en totale "franchise du droit" car les juristes y voient un "monde étranger réservé à certains spécialistes", d'où un décalage entre "les doctrines officielles ou universitaires et les réalité quotidiennes", tandis que A. L. Shapiro ("Internet : la démocratie en péril ?, Courr. intern. n° 258 du 12 au 18 octobre 1995, p. 8) remarque qu' "il est frappant de constater que le rachat du cyber-espace n'a suscité pratiquement aucune critique, contrairement à n'importe quelle évolution dans ce domaine". Voir également Me S. Lilti (art. précit. en note 23, p. 176) concernant une affaire judiciaire engagée par l'Union des Etudiants Juifs de France.
 
 

(35) A. Huet et R. Koering-Joulin, in Droit pénal international, PUF, première édition, 1994, p. 23.
 
 

(36) C. Lombois, in Droit pénal international, précis Dalloz, deuxième édition, 1979, p.14.
 
 

(37) "The Cyberspace is not a no-law land" est le titre d'une étude sur la responsabilité en matière de contenu d'Internet, commandé par Industrie Canada, et diffusé le 11 mars 1997. Le texte est disponible en français à l'adresse Suivante : "Etude Internet", Bypress Printing and Copy Centre, Tour Jean-Edmonds Nord, 300 Slater, Ottawa (Ont.), KIP 6A6. Ce texte est également disponible en plusieurs versions à partir de l'adresse suivante : http://strategis.ic.gc.ca
 
 

(38) Il s'agit notamment des crimes contre l'humanité, des crimes contre la paix, et des crimes de guerre, selon les principes de Nuremberg, adoptés par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 14 décembre 1974.
 
 

(39) Pour un développement plus complet de la question, se reporter à C. Lombois, op. précit. note 36, p.306.
 
 

(40) Cass. Crim. 2 février 77, Bull.crim. n° 41.
 
 

(41) Voir les notes, sous l'article 113-2 NCP, édition Dalloz, 1998/1999.
 
 

(42) Crim. 23 avr. 1981, Rev. Sc. Crim. 1982. 609, obs. Vitu.
 
 

(43) Crim. 19 avr. 1983 : Bull. crim. n° 108.
 
 

(44) Paris, 8 janv. 93 : Gaz. Pal. 1994. 1. 327, note J.-P. M. Voir également C. Lombois, op. préc. en note 36, p. 270.
 
 

(45) Article 113-3 NCP.
 
 

(46) Article 114-4 NCP.
 
 

(47) Article 113-5 NCP.
 
 

(48) Une condamnation pour complicité à l'étranger d'une infraction soumise à la loi française est inversement possible. Voir C. Lombois, op. préc. en note 36, n° 265.
 
 

(49) Cette théorie a d'ailleurs été consacrée par le décrêt du 1er septembre 1992 (J.O. du 2 septembre 1992) relatif aux services de radiodiffusion sonore et de télédiffusion distribués par cable, selon lequel ses dispositions sont applicables aux services qui ont "établi leur activité hors de France dans le seul but de se soustraire aux règles qui leur seraient applicables s'ils étaient établis en France". Voir également Me Brault, art. précit. en note 30.
 
 

(50) Article 113-12 NCP.
 
 

(51) C. Lombois, op. précit. en note 36, n° 292.
 
 

(52) Article 113-8 NCP.
 
 

(53) Article 113-9 NCP.
 
 

(54) Nous renvoyons, sur cette question, aux développements de C. Lombois, in Droit pénal international, précis Dalloz, deuxième édition, 1979, p. 380.
 
 

(55) Article 113-10 NCP.
 
 

(56) Qui ne correspond pas forcément au lieu où le dommage a été subi.
 
 

(57) TGI Privas, 3 septembre 1997, exp. des syst. d'inf., n°213, p. 79. Voir également le commentaire de M. Jean Frayssinet, "Internet et protection des données personnelles [ou comment (mal) régler un conflit personnel par internautes interposés…]", exp. des syst. d'inf., avril 1998, doctrine p. 99.
 
 

(58) J. Frayssinet, op. précit.
 
 

(59) Le projet de loi, adopté en première lecture par l'Assemblée Nationale le premier octobre 1997, JO Sénat, 2 oct. 1997, n°11, a donné naissance à la Loi n° 98-468, 17 juin 1998, JO 18 juin, p. 9255.
 
 

(60) Nous verrons plus loin (V/infra n°111 et note 89) que ce dispositif, loin de mieux adapter notre législation à Internet, provoque de nouvelles questions.
 
 

(61) Exp. des syst. d'inf., décembre 1997, n°210, première page.
 
 

(62) TGI Paris, Ordonnance de référé 12 juin 1996 (UEJF), consultable à l'adresse : http://www.aui.fr/affaires/UEFJ/ordonnance.html . Si le juge a rejeté la demande, c'est surtout en raison de ses caractères généraux et imprécis, et non en raison de l'impuissance du droit à réprimer les information illégales sur Internet.
 
 

(63) TGI Draguignan, 21 août 1997, cité dans exp. des syst. d'inf., octobre 97, références p. 294.
 
 

(64) Plusieurs décisions de justice sont intervenues en la matière : Concernant la reproduction d'une base de donnée sur Internet : voir T. Com. Nanterre," Edirom/Global Market Network", 27 janvier 1998, Exp. des syst. d'inf., mai 1998, p. 157 et commentaire p.149 ; pour la reproduction de paroles de chansons : TGI Paris, 14 août 1996, réf., 2 espèces (Brel et Sardou), Dalloz 96, jur. p.490, note P. -Y. Gautier ; JCP 1996, II, n°22727, obs. Olivier et E. Barbry ; pour une contrefaçon en ligne de logiciel, et une première condamnation en "nature", voir T. Com. Paris, 3 mars 1997, JCP 1997, II, 22840, note F. Olivier et E. Barbry ; ou http://www.legalis.net/legalnet/judiciaire/asi.htm, cité par P. -Y. Gautier, "Suite à la promenade à travers un site immatériel : des condamnations de justice en nature sur l'Internet", Dalloz 1997, chron. p. 176.
 
 

(65) TGI Paris, Aff. Queneau contre Christian L., Exp. des syst. d'inf., juin-juillet 1997, n°206, p. 242.
 
 

(66) Cass.Crim. 13 mai 1965, Bull. Crim. n°139. Idem Cass.Crim. 9 juin 1977, Rev. sc. crim. 1978. 97, obs. Levasseur.
 
 

(67) J. -F. Chassaing, "L'Internet et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p.329.
 
 

(68) J.-F. Chassaing, op. précit., qui cite le cas de l'affaire Y. Rocher (TGI Paris, 16 avril 1996), dans laquelle le tribunal a fait injonction à ladite société de faire cesser toute diffusion sur le réseau des propos qu'elle avait tenu à l'égard du groupe BNP. Ces informations litigieuses, diffusées sur le réseau Usenet, avaient dès lors été recopiées sur des milliers d'ordinateurs ce qui rendait l'ordonnance "techniquement et pratiquement impossible", s'agissant des informations déjà émises.
 
 

(69) Une estimation évalue à 44% les méfaits informatiques ayant pour objet le vol d'argent, selon Marc Pinguet, Chef de service et Adjoint au Directeur général des douanes et droits indirects. Voir "La douane et la Cyber-délinquance", GP vendredi 25, samedi 26 oct., dossier spécial Internet, p.53.
 
 

(70) Marc Pinguet op. précit., p. 54. L'auteur cite notamment la création, par décret du 9 mai 1990, de la cellule française "TRACFIN", "centrale du renseignement financier et cellule de coordination", pour la lutte contre les virements éléctroniques de fonds.
 
 

(71) Recommandation n° R (89) 9 sur la criminalité en relation avec l'ordinateur et rapport final du Comité Européen pour les problèmes criminels, Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1990.
 
 

(72) Pour un exemple de condamnation pour maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données et pour entrave au fonctionnement de celui-ci : CA Paris (11° chambre, sect. A), 14 janv. 1997, Légipresse n°146, novembre 1997, Inf. d'actualité, I, 133 ; Juris-data, référence 020128.
 
 

(73) Terme employé par M. N. Ros de Lochounoff, " La société d'information : histoire technique, histoire politique, les juristes…", GP vendredi 25, samedi 26 octobre 1996, dossier spécial Internet, p. 32.
 
 

(74) Art. précit., p. 48.
 
 

(75) Art. précit.
 
 

(76) Mission interministérielle sur l'Internet, 16 mars 1996 - 16 juin 1996, Rapport de Mme Isabelle Falque-Pierrotin, disponible notamment à l'adresse : http://www.telecom.gouv.fr/francais/comdis/cp240496.htm
 
 

(77) Dans ce cas, Me S. Lilti préconise que soit considéré comme éditeur, au sens de la loi de 1881 sur la presse, la personne qui héberge une information sur son ordinateur. "Pour faire barrage à l'"indignité on line"", interview, exp. des syst. d'inf., juin 1996, p.175.

Mme Falque-Pierrotin estime quant à elle que devrait être mis en place un système simplifié de responsabilité en cascade, adapté au réseau, rapport précit.
 
 

(78) C.A. Metz, 22 mai 1991, JCP 1992. IV. 1841.
 
 

(79) Parenthèse ajoutée par Mme Isabelle Falque-Pierrotin, rapport précit. en note 76, qui nous dit également que M. J. Toubon, alors Ministre de la Justice, "a précisé que le terme de "correspondances" devait être entendu au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, à savoir comme une communication d'une personne à une autre".
 
 

(80) N Gautraud, "Internet, le législateur et le juge", dossier spécial Internet, Gaz. du Palais, 25-26 octobre 1996.
 
 

(81) Décision citée par N. Gautraud, art. précit.. Elle peut être trouvée aux adresses suivantes : http://www.argia.fr et http://www.eff.org
 
 

(82) Pour un développement complet de la question, voir le rapport de Mme Falque-Pierrotin, précit. en note 76.
 
 

(83) N. Gautraud, art. précit. en note 80.
 
 

(84) Me N. Brault, "Le droit applicable à Internet : De l'abîme aux sommets", 28 mars 1997, que l'on peut trouver à l'adresse suivante : http://www.grolier.fr/cyberlexnet/COM/A970428.htm
 
 

(85) Principe selon lequel un même fait ne peut donner lieu à plusieurs condamnations.
 
 

(86) Yves Mayaud, cours de droit pénal des affaires de Maîtrise de droit privé mention "Carrières Judiciaires" de l'Université Lyon 3, 1997.
 
 

(87) Il convient de signaler qu'un débat doctrinal oppose les auteurs sur ce critère de "valeur sociale protégée", débat auquel il n'est pas de notre ressort de prendre part. La Cour de Cassation estime notamment que plusieurs peines peuvent être prononcées pour des faits procédant d'une même action coupable, lorsque ces faits "sont distincts dans leurs éléments constitutifs" : Cass. crim. 3 mai 1960, Bull. crim. n° 236.
 
 

(88) Les textes spéciaux dérogent aux textes qui ont une portée générale.
 
 

(89) M. Sébastien Cavenet, sur le site Internet de JurisNet, critique vivement ces nouvelles dispositions, et nous renvoie à la lecture du dossier "d'IRIS", à http://girafe.ensba.fr/iris/lejuriste/pedophilie.htm
 
 

(90) V/supra n°70, et note 57.
 
 

(91) M. Jean Frayssinet, "Internet et protection des données personnelles [ou comment (mal) régler un conflit personnel par internautes interposés…]", exp. des syst. d'inf., avril 1998, doctrine p. 99.
 
 

(92) Cet article n'aurait cependant pas saisi les commentaires accompagnant les photos, n'offrant sa protection qu'aux paroles et images : M. Frayssinet, dans son commentaire, le regrette et souhaiterait une extension de l'incrimination… ce qui offrirait une possibilité supplémentaire de cumul.
 
 

(93) Car toutes les atteintes portées à la société, l'homicide y compris, ont été sanctionnées.
 
 

(94) Pour un exemple, voir C.A. Grenoble, 15/02/1995, Juris-data, réf. 004145, ou CA Paris, 03 juillet 1991, Juris-data, réf. 023592, où l'on peut remarquer que le vol et l'élimination d'informations nominatives sont considérés comme un vol et une destruction "d'objet mobilier".
 
 

(95) M. J.- F. Chassaing (art. précit. en note 67, notes de l'auteur n°45 et n°46) pense également que les supports magnétiques devraient se voir appliquer ce régime.
 
 

(96) Sabine Marcellin-Taupenas, Lamy droit de l'informatique, supplément n° 74, octobre 1995, p.1.
 
 

(97) Michel Vivant, "Cybermonde : Droit et droits des réseaux", JCP 1996, éd. G, doctrine n° 3969.
 
 

(98) Il est difficile de ne pas s'indigner en lisant, par exemple, qu' Hitler mérite une juste vénération (voir Casimir J., "Racistes de tous les pays…", The Sydney Morning Herald, reproduit et traduit dans Courr. Intern., 12/18 oct. 1995 p. 11, cité in Lamy Droit de l'Informatique, édition 1997, n° 2120.
 
 

(99) M. Vivant, art. précit. en note 97.
 
 

(100) Pour nos propositions de solutions, voir chapitre II.
 
 

(101) Le lecteur intéressé pourra se reporter à l'article de Joseph S. Tuman, "Contrôle de constitutionnalité de la loi américaine réglementant l'obscénité sur Internet", légipresse avril 1997, n° 140, II, p. 47.
 
 

(102) Le 26 juin 1997. Exp. des syst. d'inf., août/septembre 1997, références p. 254.
 
 

(103) Exp.des syst. d'inf., art. précit.
 
 

(104) M. Denis Duclos, "La culture de la haine, des campus aux mégalopoles", in Ravages de la technoscience, Le Monde diplomatique, Manière de voir n° 38, mars-avril 1998, p. 56.
 
 

(105) M. Bernard Cassen, "Apprendre à savoir sur les savoirs", in Ravages de la technoscience, Le Monde diplomatique précité, p. 96.
 
 

(106) P.- Y. Gautier, "Du droit applicable dans le "village planétaire", au titre de l'usage immatériel des œuvres", Dalloz 1996, 16° cahier, chronique p. 131.
 
 

(107) Cette parenthèse est de l'auteur de la citation.
 
 

(108) La décompilation, version communautaire et allégée du "reverse engineering" ou "ingénierie inverse" connu aux Etats-Unis, permet à la personne habilitée à se servir d'un logiciel de reproduire le code de celui-ci ou de traduire la forme de ce code, à des fins - et uniquement - d'interopérabilité avec d'autres logiciels. Pour un développement de la question, voir Lamy droit de l'informatique, 1997, n° 141.
 
 

(109) Philippe Challine, "L'informatique, outil d'évaluation de l'impact du droit sur le milieu", exp. des syst. d'inf., octobre 1997, interview, p. 301.
 
 

(110) Philippe Challine, art. précit.
 
 

(111) Expression employée par M. Alain Richard, dans le discours qu'il a prononcé lors de la session ministérielle "Justice-Intérieur" du G7/P8, à Washington le 10 décembre 1997.
 
 

(112) Cesare Beccaria, op. précit. en note 1, p. 70.
 
 

(113) Selon l'adage Nemo censetur ignorare legem, selon lequel il n'est pas possible d'arguer de son ignorance du droit pour échapper à ses obligations.
 
 

(114)Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés, à laquelle doit être adressée, en vertu de l'article 16 de la loi du 6 janvier 1978, les créations de fichiers automatisés d'informations nominatives, sauf cas particuliers..
 
 

(115) V/supra, n° 89.
 
 

(116) Le texte est disponible en français à l'adresse Suivante : "Etude Internet", Bypress Printing and Copy Centre, Tour Jean-Edmonds Nord, 300 Slater, Ottawa (Ont.), KIP 6A6. Ce texte est également disponible en plusieurs versions à partir de l'adresse suivante : http://strategis.ic.gc.ca
 
 

(117)Philippe Challine, art. précit. en note 109, p.302. Voir aussi J. -F. Chassaing, "L'Internet et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p. 329., pour lequel "La création d'un sentiment d'insécurité par l'utilisation désordonnée des poursuites pénales susceptibles de conduire à autocensurer des activités parfaitement légales paraît contraire à l'objet même du droit pénal qui est la sécurité".
 
 

(118) Op. précit. en note 1, p. 68.
 
 

(119) Nous pouvons citer l'exemple des arrêts CA Rennes, 24 juin 1986, et Cass.Crim. 3 nov. 1987, commentés par M. J. Frayssinet au JCP 1988, éd. G, doctrine n° 3323, ou Cass. Crim. 12 nov. 96, Rev. sc. crim., p. 144, pour laquelle (selon le sommaire) il semble que le fait de distribuer un logiciel infecté d'un virus sans avoir informé le client de la présence de celui-ci, constitue le délit de fausser le fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données, tel que prévu par la loi Godfrain.
 
 

(120) Cette interprétation extensive n'est cependant pas toujours nécessaire du fait de la rédaction législative, qui vient en aide au juge en lui permettant certaines fois de pouvoir faire entrer toute une série de comportements sous un seul terme, tel le délit d'entrave, que nous pouvons rencontrer dans plusieurs branches du droit.
 
 

(121) Un problème se pose également pour la détermination de la personne qui doit être qualifiée de "directeur de publication", lequel est désigné responsable de la diffusion d'information litigieuse, selon la loi de 1881.
 
 

(122) Ceci est constaté par de nombreux auteurs ainsi que dans de nombreux rapports (notamment celui de Mme Falque-Pierrotin), et se retrouve dans le raisonnement actuel des juges.
 
 

(123) Est également de cet avis Me N. Brault, "Le droit applicable à Internet : De l'abîme aux sommets", 28 mars 1997, que l'on peut trouver à l'adresse suivante : http://www.grolier.fr/cyberlexnet/COM/A970428.htm
 
 

(124) Selon les satistiques présentées par M. Marc Pinguet, "La douane et la Cyber-délinquance", GP vendredi 25, samedi 26 oct., dossier spécial Internet, p.53.
 
 

(125) Le texte peut être trouvé aux adresses suivantes : http://www.iid.de/rahmen/iukdg.html pour la version allemande ou http://www.iid.en/rahmen/iukdge.html pour la version anglaise.
 
 

(126) Rapport du Comité européen pour les problèmes criminels, "La criminalité informatique", Strasbourg, Conseil de l'Europe, Service de l'édition et de la documentation, 1990, p. 21.
 
 

(127) Pour un exposé plus complet de la question, voir le rapport du Comité européen pour les problèmes criminels, précité, p. 98.
 
 

(128) Cette Convention peut être trouvée à l'adresse suivante : http://www.coe.fr/fr/txtjur/24fr.htm
 
 

(129) Rapport du CEPC, précit. en note 126, p. 99.
 
 

(130) Cette Convention peut être trouvée à l'adresse suivante : http://www.coe.fr/fr/txtjur/98fr.htm
 
 

(131) Rapport du CEPC, précit. en note 126, p.101.
 
 

(132) M. Alain Richard, Ministre de la défense, dans son discours lors de la session ministérielle "Justice Intérieur" du G7/P8.
 
 

(133) Pour une étude plus complète de cette question, voir Lamy droit de l'informatique, cahiers, supplément n° 90, mars 1997, p.1.
 
 

(134) JOCE 17 mai 1991, n° L122.
 
 

(135) JOCE 27 mars 1996, n° L77, p. 20.
 
 

(136) L'une de ses dispositions prévoit que les Etats peuvent conserver leurs règles particulières, ce qui est, comme le notent Lionel Costes et Nancy Risacher, "paradoxal dès lors que la finalité poursuivie est l'établissement d'un grand marché de l'information…". Voir Bull. d'actualité Lamy droit de l'informatique, n° 104, juin 1998, p. 15.
 
 

(137) JOCE 23 novembre 1995, n° L 281, p. 31. Cette convention peut également être trouvée à l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/legal/fr/dataprot/directiv/direct.html
 
 

(138) Cette Convention a fait l'objet en France d'une publication par le décret n° 85-1203 du 15 novembre 1985, JO du 20 novembre 1985, p. 13436. Son texte est disponible à l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/legal/fr/dataprot/conseuro/conv.html
 
 

(139) Entrée en vigueur en France le 27 août 1971, JO du 10 novembre 1971.
 
 

(140) A. Huet et R. Koering-Joulin, in Droit pénal international, PUF, première édition, 1994, n° 67.
 
 

(141) Voir notamment l'article II-13 du document final de la réunion de Copenhague.
 
 

(142) Régis de Gouttes, "Vers un espace judiciaire pénal pan-européen?", Dalloz 1991, chron. p. 154.
 
 

(143) Entrée en vigueur en France le 3 mai 1974, JO du 4 mai 1974.
 
 

(144) Entré en vigueur en France le 4 février 1981, JO du 1er février 1981.
 
 

(145) Pour un développement plus complet de la question, voir M. R. de Gouttes, art. précit. en note 142.
 
 

(146) Ce texte peut être trouvé à l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/legal/fr/internet/wp2fr-3.html
 
 

(147) "Le nouveau média interroge le droit", Office fédéral de la Justice, Berne, mai 1996. Le texte peut être trouvé à l'adresse suivante : www.admin.ch/bj/infrecht/internet/inbearf.htm#INDEX
 
 

(148) Session ministérielle "Justice-Intérieur" du G7/P8, Document Américain distribué le 24 novembre 1997, aimablement communiqué par Mlle Nancy Risacher. Un communiqué de presse peut cependant être trouvé à ce sujet sur le site "LMB", à l'adresse suivante : http://www.lmb.Cnrs.fr/aelarchiv/actu87.html#RTFToC2
 
 

(149) Article Internet précité.
 
 

(150) Le texte de la conférence peut être trouvé à l'adresse suivante : http://www2.echo-lu/bonn/conference.html
 
 

(151) "Le Conseil de l'Europe et la lutte contre le racisme et l'intolérance". Cette page peut être trouvée sur le site du Conseil de l'Europe, à l'adresse suivante : http://www.ecri.coe.fr/fr/01/01/f01010001.htm
 
 

(152) "le Comité des Ministres qui supervise le programme intergouvernemental d'activités, l'Assemblée parlementaire, le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe, les instances conventionnelles de contrôle des traités ". Page Internet précitée.
 
 

(153) Commission Européenne Contre le Racisme et l'Intolérance, mandatée en 1993 par le Conseil de l'Europe pour lutter contre le racisme et l'intolérance.
 
 

(154) Le texte peut être trouvé à l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/legal/fr/internet/communic.html
 
 

(155) Le texte peut être trouvé à l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/legal/fr/internet/resolfr.html
 
 

(156) Le texte est disponible à l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/legal/fr/internet/gpfr-toc.html
 
 

(157) Ceci a été précisé par M. Alain Richard dans son discours lors de la session ministérielle "Justice-intérieur" du G7/P8, précité.
 
 

(158) Ce sont notamment le cas des différentes recommandations que la Commission européenne veut négocier dans le cadre du Conseil de l'Europe, même si les Etats seraient débiteurs de certaines obligations.
 
 

(159) Voir le document thématique de la Conférence de Bonn des 6, 7, 8 juillet 1997, qui peut être trouvé à l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/bonn/conference.html
 
 

(160) Annie Kahn, "Internet, de l'enfer au paradis", Le Monde, 18 novembre 1996, p. 32.
 
 

(161) Scott McNeally, président de Sun Microsystems, cité par Joe Flower, "Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Net et sur son avenir", dans : "Internet, la démocratie en péril ?", Courr. Intern. n° 258, 12/18 octobre 1995, p.10.
 
 

(162) Joe Flower, art. précit., p. 10.
 
 

(163) Pour une étude plus complète de la question, voir l'article de M. Vivant, "Internet et modes de régulation", à l'adresse http://www.planete.net/code-internet/vivant1.html ou voir celui de P.- Y. Gautier, "l'esprit des réseaux", exp. des syst. d'inf., janvier 1997, p. 15 puis p. 17.
 
 

(164) Formule de Goldman, selon M. Vivant, art. précit. en note 163.
 
 

(165) Voir l'article de M. Andrew L. Shapiro, "Internet : la démocratie en péril ?", Courr. intern. n° 258 du 12 au 18 octobre 1995, p.8.
 
 

(166) Tocqueville, notes publiées par J.-P. Mayer dans la R.N.F. du 1er avril 1959 et dans la Revue internationale de philosophie, 1959, n° 49, fasc. 3 ; I, 1, 1ere p., chap. II, p. 41 ; cité par Raymond Aron in Essai sur les libertés, éditions Hachette, collection Pluriel, 1991, p. 33.
 
 

(167) M. Vivant, Internet et modes de régulation, précit. en note 163.
 
 

(168) Raymond Aron, op. précit., p. 138.
 
 

(169) Expression de M. Cornélius Castoriadis, lors d'un entretien de novembre 1996 sur France-Inter, duquel a été tiré un texte paru dans Le monde diplomatique sous le titre de "contre le conformisme généralisé, stopper la montée de l'insignifiance", Le monde diplomatique, août 1998, p. 22. Cette expression est utilisée pour désigner la démocratie représentative, qui pour l'auteur n'est pas une vraie démocratie, le citoyen n'étant vraiment libre de faire ses choix que le jour de chaque élection, et les options étant de toute manières "définies d'avance".
 
 

(170) Il est possible d'imaginer que les règles de ce monde virtuel soient le résultat d'un compromis entre les différentes conceptions existantes de la liberté d'expression, en maintenant pour base minimale les principes fondamentaux de nos démocraties…
 
 

(171) M. Jean François Chassaing, "L'Internet et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p. 329.
 
 

(172) Melle Nancy Risacher, "A propos "des pyramides du pouvoir aux réseaux de savoirs - comment les nouvelles technologies de l'information vont aider la France à entrer dans le XXI° siècle ?" : Rapport du Sénateur René Trégouët", Bull. d'act. Lamy droit de l'informatique et des réseaux, n° 104, C, juin 1998, p. 11.
 
 

(173) Melle Nancy Risacher, art. précit.
 
 

(174) L'application territoriale de la loi française est trop importante, et son application extraterritoriale est exhorbitante, selon M. Chassaing (art. précit. en note 171). De même, sur l'application aux uniques nationaux (article 3 du code civil) des lois de police (loi Evin, ou sur la publicité mensongère), voir T. Piette-Coudol et A. Bertrand, in Internet et la loi, dalloz, 1997, p. 51/52.
 
 

(175) Voir par exemple M. Chassaing, art. précit. en note 171; C. Lombois, op. précit. en note 54.
 
 

(176) N Gautraud, "Internet, le législateur et le juge", dossier spécial Internet, Gaz. Du Palais, 25-26 octobre 1996, p. 63.
 
 

(177) Lionel Costes,"Quel cadre juridique pour Internet ?", supplément Lamy droit de l'informatique, n° 98, décembre 1997, p. 1.
 
 

(178) Celle-ci admet l'obligation de conformité à la loi de réception, cependant, en cas de diffusion vers ce pays exclusivement. Pour M. Chassaing ceci est une bonne disposition, la localisation en France y étant justifiée par la théorie de l'action comme celle de l'ubiquité. (J. -F. Chassaing, "L'Internet et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p. 329).
 
 

(179) Session ministérielle "Justice-Intérieur" du G7/P8, précitée en note 148.
 
 

(180) Le Calvez, Rev. sc. crim. 1980, p. 340, cité par A. Huet et R. Koering-Joulin, in Droit pénal international, PUF, première édition, 1994, p. 183, n° 115. Pour l'auteur, la loi "la mieux adaptée au rapport de droit considéré" est celle de l'Etat atteint dans ses intérêts propres, alors que sont simultanément atteintes des valeurs "protégées de manière identique par une communauté d'Etats"
 
 

(181) C. Lombois, in Droit pénal international, précis Dalloz, deuxième édition, 1979, p. 289, n° 243.
 
 

(182) Koering-Joulin, thèse, p. 348 ; citée par A. Huet et R. Koering-Joulin, in Droit pénal international, p.183, n° 115.
 
 

(183) M. Vivant, art. précit. en note 163.
 
 

(184) C. Lombois, op. précit. p. 289 n° 243.
 
 

(185) C. Lombois, op. précit. p. 290 n° 244.
 
 

(186) C. Lombois, op. précit. p. 290 n° 244.
 
 

(187) C. Lombois, op. précit. p. 290.
 
 

(188) A. Huet et R. Koering-Joulin, op. précit. en note 182, p.182, n° 114.
 
 

(189) C. Lombois, op. précit., p. 288, n° 242.
 
 

(190) "La fraude liée à l'informatique : analyse des politiques juridiques", OCDE, Paris, 1986.
 
 

(191) "Problèmes de procédure pénale liés à la technologie de l'information", Editions du Conseil de l'Europe, 1996.
 
 

(192) ""Les aspects juridiques de la sécurité et de la criminalité informatique"-analyse comparative et suggestions futures-" Commission des Communauté Européennes, Comité juridique consultatif, 1987.
 
 

(193) M. Alain Richard, Ministre de la défense, dans son discours lors de la session ministérielle "Justice Intérieur" du G7/P8.
 
 

(194) Discours précit.
 
 

(195) Recommandation R (95) 13, précit. en note 192.
 
 

(196) Pour une étude complète de la question, se repporter à E. Passant, mémoire de DEA Informatique et Droit, Université Montpellier 1, 1997.
 
 

(197) M. Devèze, cours de D.E.A. "Informatique et Droit" de l'Université Montpellier 1, 1998.
 
 

(198) M. J. -F. Chassaing, "L'Internet et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p.329.
 
 

(199) Rapport précit. en note 190.
 
 

(200) Cette déduction n'est pas évidente : une loi peut être reconnue comme applicable selon des critères abstraits de détermination, et être cependant contestable dans son contenu : mais nous estimons que dès l'instant où l'on élabore des règles pour que les conflits se règlent dans le respect de la souveraineté de chacun, cette souveraineté doit être respectée jusqu'au bout.
 
 

(201) C. Lombois, op. précit. en note 181, p. 291.
 
 

(202) Cette expression, extraite du rapport de Mme Falque-Pierrotin, y est utilisée à propos de "l'arsenal juridique actuel".
 
 

(203) Mission interministérielle sur l'Internet, 16 mars 1996 - 16 juin 1996, Rapport de Mme Isabelle Falque-Pierrotin, disponible notamment à l'adresse : http://www.telecom.gouv.fr/francais/comdis/cp240496.htm
 
 

(204) Plan du G7/P8, précit. en note 148. Voir, de même, le communiqué sur la Conférence de Bonn, précit. en note 159.
 
 

(205) J.-F. Chassaing ("L'Internet et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p.329.), se référant à O. Hance, in Business et droit d'Internet, Best of Edition, Paris, 1996, p. 100.
 
 

(206) J.-F. Chassaing, art. précit.; Dans le même sens, voir M.Yves Eudes , "Internet, l'Europe et la censure", le monde, supp. Multimédia des 23-24 février 1997.
 
 

(207) Nous désirons ici citer C. Lombois, op. préc. en note 201, p. 249, qui, à propos de la convention de New-York contre la disrimination raciale, a pu préciser que les idées sont permises et que seule leur diffusion ne l'est pas : "Il n'est question que d'éviter l'effet de masse de théories dont l'histoire a révélé les dangers abominables. La sottise individuelle est hors d'atteinte du droit".
 
 

(208) Pour C. Lombois, chaque comportement réprimé au niveau international doit encore être "défini et comme punissable" pour que le droit soit effectif et donc utile. C. Lombois, op. précit., p. 223, n° 188.
 
 

(209) M. Alain Richard, Ministre de la défense, dans son discours lors de la session ministérielle "Justice Intérieur" du G7/P8.
 
 

(210) Melle Nancy Risacher, "A propos "des pyramides du pouvoir aux réseaux de savoirs - comment les nouvelles technologies de l'information vont aider la France à entrer dans le XXI° siècle ?" : Rapport du Sénateur René Trégouët", Bull. d'act. Lamy droit de l'informatique et des réseaux, n° 104, C, juin 1998.
 
 

(211) Mission interministérielle sur l'Internet, 16 mars 1996 - 16 juin 1996, Rapport de Mme Isabelle Falque-Pierrotin, partie 4, "propositions et pistes de réflexion". Ce texte est disponible notamment à l'adresse : http://www.telecom.gouv.fr/francais/comdis/cp240496.htm
 
 

(212) Voir le communiqué sur la Conférence de Bonn, précité en note 159, partie II, le rapport du Commissaire Bangemann au Conseil européen en 1994…
 
 

(213) Voir le Rapport du Sénateur Trégouët, précit. à la note 210, p.11; ou le Rapport Falque-Pierrotin, partie 4.
 
 

(214) Voir notamment Me N. Brault, "Le droit applicable à Internet : De l'abîme aux sommets", 28 mars 1997, n° 9, que l'on peut trouver à l'adresse suivante : http://www.grolier.fr/cyberlexnet/COM/A970428.htm
 
 

(215) Me S. Lilti, "Pour faire barrage à l'"indignité on line"", interview, exp. des syst. d'inf., juin 1996, p. 179.
 
 

(216) Me S. Lilti, art. précit., p. 177.

 


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