|
Le Droit Pénal Applicable
sur Mémoire de D.E.A. Informatique et Droit
Sous la direction de Monsieur le
Professeur Michel Vivant Université de Montpellier 1 Formation doctorale : Informatique et Droit Sections du CNU : 01 Droit privé et sciences
criminelles
Je remercie, pour l'aide et le soutien qu'ils m'ont apporté dans la rédaction de ce mémoire, mes parents, mes amis, les auteurs auxquels je me suis adressée, ainsi que les responsables que j'ai pu contacter au sein des Institutions de l'Union Européenne, du Conseil de l'Europe et d'Industrie Canada. Je remercie enfin et plus particulièrement Monsieur le Professeur Michel Vivant, dont la collaboration m'a été fort précieuse. A mes parents,
LISTE DES PRINCIPALES
ABREVIATIONS CHAPITRE I - LE DROIT PENAL APPLIQUE SUR INTERNET SECTION I - L'APPLICATION DE TOUS LES DROITS DE LA PLANETE Paragraphe 1 - le principe d'application territoriale du droit national A - Localisation nationale d'infractions internationales B - Localisation nationale par extension Paragraphe 2 - l'application extraterritoriale du droit national B - La compétence réelle SECTION II - LES CONFLITS MATERIELS DE LOIS PENALES INTERNES Paragraphe 1 - Les infractions classiques A - Internet, lieu de l'infraction B - Internet, instrument de l'infraction Paragraphe 2 - Les infractions spécifiques à l'informatique Paragraphe 3 - Les infractions classiques posant un problème de qualification A - Les problèmes de qualification B - Les cumuls d'incriminations C - Le défaut de cohésion
entre fait et droit SECTION III - LES CONSEQUENCES DE L'APPLICATION DE TOUTES LES LOIS Paragraphe 1 - Le choc des valeurs morales Paragraphe 2 - l'affaiblissement du droit pénal A - Le déclin de la légitimité de la loi pénale B - Une mauvaise application de la loi pénale
CHAPITRE II - VERS UN DROIT PENAL APPLICABLE SUR INTERNET SECTION I - DES EBAUCHES DE SOLUTIONS Paragraphe 1 - Le droit élaboré B - Un certain droit pénal international
Paragraphe 2 - La volonté d'aller plus loin A - Une volonté affichée des Etats B - Les initiatives internationales SECTION II - POUR UNE VERITABLE SOLUTION Paragraphe 1 - D'un droit pénal de l'Internet à un droit pénal pour Internet B - Un droit national parmi les droits nationaux Paragraphe 2 - D'un droit pénal pour Internet à un droit pénal applicable sur Internet A - Un droit d'une autre nature C - Le cadre Ancien C. pén. Ancien code pénal
1- "Il n'est pas possible de réduire l'activité tumultueuse
des humains à un ordre géométrique exempt d'irrégularité et de confusion. De même
que les lois simples et constantes de la nature ne peuvent éviter les perturbations qui
surviennent dans le cours des planètes, les lois humaines sont incapables d'empêcher le
trouble et le désordre résultant des forces d'attraction innombrables et opposées du
plaisir et de la douleur. C'est pourtant la chimère que poursuivent les hommes aux
facultés limitées quand ils ont en main le pouvoir. Lorsqu'on défend une foule d'actes
indifférents, on ne prévient pas des délits qui ne sauraient en résulter, mais on en
crée de nouveaux en déplacant arbitrairement, entre le vice et la vertu, des limites que
l'on proclame cependant éternelles et immuables. (
) Si l'on veut prévenir les
délits, il faut faire en sorte que les lois soient claires et simples, et que tous les
membres de la nation unissent leurs forces pour les défendre, sans qu'aucun puisse
travailler à les détruire."(1) 2- Ces lignes, écrites il y a plus de deux siècles par
l'initiateur des principes fondamentaux (2) de notre droit
pénal positif, devront nous servir de guide dans l'étude qui est la nôtre, celle du
droit pénal applicable sur Internet. Car ce droit a justement pour objectif de prévenir
et réprimer les délits et les crimes, alors que ce réseau de réseaux (3), dont la qualité de réseau lui a été parfois contestée (4), dénommé tour à tour village planétaire, espace
cybernétique ou cybermonde, société de l'information, autoroute de l'information, outil
voire simple potentialité (5), est l'instrument comme le
siège d'une multitude d'infractions qui sont favorisées par son développement et la
nouveauté de sa technologie. La raison en est que le droit n'est souvent pas en cohésion
avec ce qu'il prétend régir, et les Législateurs de tous pays tentent souvent d'y
remédier en élaborant de nouvelles incriminations qui jettent plus de troubles qu'elles
ne résolvent de difficultés. 3- " Beccaria (
) a tiré cette grande conclusion que les
crimes ne peuvent être prévenus, et les lois criminelles justes et bonnes que lorsque
l'organisation sociale toute entière est refaite dans un siècle de vraies
Lumières" (6). Telle est donc certainement la tâche
qui nous incombe, s'agissant d'Internet. Il s'agira de repenser l'organisation sociale sur
le réseau, si l'on veut qu'un droit pénal s'y applique de manière adéquate. Mais avant
que d'examiner ce point, il nous faut répondre à une question préalable : un droit
pénal a t-il vocation à s'appliquer à Internet ? pour le savoir, il faut déterminer ce
qu'est Internet, si l'on peut y parler d'organisation sociale, et donc par là même
qualifier Internet de lieu social. 4- La réponse est manifestement positive : que l'on considère que
l'échange se fasse dans le cyber-espace, c'est-à-dire en un lieu virtuel, ou que l'on
estime qu'il se fasse sur un, voire plusieurs écrans d'ordinateurs, simultanément ou
non, donc en des lieux concrêts donnés et à un moment donné, et ceci par
l'intermédiaire d'une technique de communication, il ne peut être mis en doute
qu'échange il y a, et qu'Internet en est, selon la perception que l'on en a, soit le
siège, soit l'instrument. 5- Les échanges entre les hommes étant constitutifs de relations
sociales, et le droit ayant pour vocation de régir ces dernières, Internet doit donc
être régi par le droit. 6- Mais que veulent exactement les utilisateurs d'Internet ?
désirent ils y voir une société, un centre commercial planétaire, un vivier
d'informations, un outil de communication de l'information qui, s'il s'accompagne d'un
apprentissage de l'exploitation de celle-ci, peut mener le plus grand nombre à la
connaissance? 7- La réponse à cette interrogation ne peut cette fois être que
multiforme : en effet certains ne voient en Internet qu'un outil qui, à l'instar du
téléphone mais de manière plus conviviale et performante, permet la communication.
D'autres à l'inverse y voient un septième continent, nouveau paradigme de notre
société, tandis que beaucoup ne croient pas aux potentiels de société et d'apport de
connaissance que pourrait offrir le réseau, la grande majorité des hommes en étant
exclus (7). Pour d'autres encore, Internet est LA société,
en ce qu'il constitue le seul lieu où la rencontre d'autrui est possible (8). La majorité des internautes, enfin, spécialistes inclus,
semble ne pas s'être posée la question et qualifie tour à tour Internet de mouvement,
d'outil, d'espace cybernétique, d'univers, et ceci au sein même d'un unique discours.
Personne(9) ne peut le leur reprocher, ceci n'étant que la
conséquence de l'incertitude que fait régner le réseau sur les notions et définitions
qui nous sont communes. Mais cela nous permet d'affirmer qu'il ne sert à rien de tenter
de faire entrer dans une catégorie définie quelque chose qui par essence ne pourra
jamais y correspondre, et qu'Internet est tout ceci à la fois, et est perçu comme tel
par la voie générale de ses utilisateurs. Tout ceci à la fois, donc une société où l'on trouve de tout, du
simple moyen de communication à la correspondance la plus intime, en passant par les
relations commerciales.. et ceci dans une atmosphère qui se voudrait sécurisée par le
droit. 8- En conclusion, l'application du droit ou tout du moins le respect
de certains droits -ce qui pour nous ne paraît pas dissociable-, est désirée de tous,
qu'ils en aient conscience ou non. 9- Parmi ceux qui n'en n'ont pas conscience se trouvent entre autres
les partisans du "non-droit" sur Internet. Ils estiment que la société
virtuelle est tant différente des nôtres que les droits jusqu'ici élaborés n'ont pas
vocation à s'y appliquer : la liberté sur le net est une conséquence de ses origines
comme de sa nature intrinsèque, quand bien même celui-ci serait un lieu social. Il
convient alors d'examiner leurs thèses, pour en apprécier la pertinence : 10- La liberté est tout d'abord conséquence du réseau, pour
certains, de par ses origines : il faut en effet rappeler qu'Internet est né d'un projet
de la défense américaine, le réseau Arpanet, développé en 1969 au cours de la guerre
froide. Il permettait, grâce à son mode de transmission de l'information par paquets de
données ainsi que son maillage, de relier des ordinateurs aux quatre coins du globe sans
craindre l'endommagement éventuel d'une partie de sa structure. Son extension et
l'invention de nouveaux protocoles de transfert de données (notamment le protocole TCP/IP
(10), langage numérique utilisé aujourd'hui sur Internet)
amenèrent la défense américaine à isoler la partie militaire du réseau (Milnet), en
1983. Arpanet fut ensuite intégré au réseau NSFnet. Son amélioration, rendue
nécessaire par le nombre croissant d'utilisateurs, entraîna ensuite l'apparition du
réseau BITnet, précurseur d'Internet, quelques temps plus tard. En France, c'est seulement en 1980 que les chercheurs du CNAM (11) et de l'INRIA (12)
s'intéressèrent au phénomène : les laboratoires nationaux furent mis en ligne, de
même que des centres lyonnais de physique. Le CNAM abandonna le projet mais l'INRIA, en
1992, créa notamment, en association avec EDF, le CEA, le Cnes, le CNRS et le Ministère
de l'enseignement supérieur, un réseau national d'interconnexion réservé aux
chercheurs et aux enseignants, dénommé Renater. D'autres opérateurs participèrent par
la suite à cette interconnexion. Ces origines militaires et universitaires font dès lors du réseau
un espace libre, que le droit n'a pas légitimité à régir. De même, le fait que les
données soient scindées en paquets qui ne transitent pas par les mêmes voies, ce qui
rend quasiment impossible la reconstitution du cheminement de l'information entre
l'émetteur et le recepteur (13), est encore un obstacle à
la reconnaissance de l'application du droit, dont la réalité n'est pas en cohésion avec
celle d'Internet. 11- La liberté est encore conséquence du réseau, pour d'autres,
en ce qu'il révolutionne nos conceptions géographiques et techniques. 12 - Internet est tout d'abord véritablement et totalement
international : il n'est localisé sur aucun sol spécifique, car il est partout à la
fois : il emprunte les lignes téléphoniques de tous les pays sans considération de
frontières, et son "maillage (
) est tel qu'il n'est pas possible de
déterminer a priori le chemin que suivront les données pour être acheminées d'un point
à un autre" (14) de la planète. 13 - Son architecture, ensuite, est distribuée et non hiérarchique
: il fédère une multitude de réseaux, différents quant à leurs natures, origines et
fonctionnements. Les ordinateurs qui y sont connectés appartiennent indifféremment à
des établissements publics, des organismes privés à but lucratif ou non, ou à des
particuliers. Le réseau des réseaux n'"appartient"donc à personne et connaît
une gestion totalement décentralisée. 14 - Il échappe dès lors à tout contrôle étatique ou d'une
quelconque autorité souveraine. Certains Etats ont bien entendu tenté de contrôler
Internet, ce qui ne paraît pas fondamentalement illégitime, en ce sens qu'un contrôle
minimum permettrait de "sauvegarder le droit à l'expression des minorités" (15), face aux monopoles financiers ou politiques qui ôtent
aujourd'hui à l'utilisateur toute réelle liberté d'accès et de parcours sur Internet (16). Mais, ils se sont heurtés à la contradiction qu'il y a,
comme le souligne M.Vivant, "entre un phénomène qui ignore les frontières et des
entités qui n'existent et n'ont compétence qu'à l'intérieur de frontières
données" (17). Toute tentative de contrôle public
s'avère inefficace, car il est impossible d'empêcher la réception d'une information :
on ne peut empêcher un individu de se connecter à un serveur diffusant des données
contraires à notre droit pénal, ce serveur peut se délocaliser facilement en cas
d'interdiction administrative, et en tout état de cause la fermeture d'un site n'empêche
pas le "re-routage" des informations litigieuses par un chemin différent, à
partir d'un autre site. La seule possibilité pour l'Etat d'avoir ce contrôle, est pour lui
de prendre "en main la totalité du fonctionnement de l'Internet, ce qui est le cas
de Singapour" (18). Mais il ne nous semble pas que
cette méthode totalitaire soit une solution idéale. 15 - L'Etat est donc absent du réseau. Il est pourtant constant que
le droit pénal est l'expression de l'autorité étatique, qui exerce à travers lui son
contrôle social (19) : par déduction, le droit pénal est
absent d'Internet. 16 - La liberté, enfin, peut encore être vue comme une
conséquence du réseau en ce que la technologie qu'il recouvre fait exploser les notions
juridiques traditionnelles, à l'instar de nos notions géographiques : et lorsque les
premières informations litigieuses ont été perçues, beaucoup ont estimé que les
problèmes étaient nouveaux, qu' il existait un vide juridique. Internet peut en effet
correspondre à la fois aux définitions juridiques de l'audiovisuel, de la
télécommunication, ou de l'informatique. De même, si en général il y a, dans tout
processus de communication, un émetteur, un récepteur et d'éventuels intermédiaires,
Internet offre cette possibilité pour tout internaute d'être tour à tour serveur (en
hébergeant un document sur son site), simple émetteur ou réémetteur et récepteur
d'informations. 17 - Sur ces justifications, donc, de nombreuses personnes
revendiquent une totale liberté sur le net, et veulent un espace "sans lois et sans
contrôle" (20). Nous pouvons citer par exemple M. John
P. Barlow qui prône, dans sa "déclaration d'indépendance du cyber-espace",
une société nouvelle, en marge de toute application d'un quelconque droit existant sur
la planète. Et ses intentions sont pourtant des plus pures : " Nous allons créer
une civilisation de l'esprit dans le cyberspace. Puisse-t-elle être plus juste et plus
humaine que le monde qu'ont construit vos gouvernements auparavant. " (21) De même, plusieurs organisations militent de manière plus ou moins
virulente pour qu'Internet reste libre : le cas le plus frappant reste la "Campagne
Internationale pour la Liberté sur Internet" (CILI), connue encore sous le nom de
"Global Internet Liberty Campaign" (GILC), créée lors de la réunion annuelle
de l'Internet Society (ISOC) à Montréal en 1996 (22).
Cette organisation estime que "les frontières nationales n'ont aucun sens sur
Internet", que les actions gouvernementales ou internationales "peuvent affecter
de façon majeure les droits des citoyens dans le monde", et que "les
utilisateurs d'Internet doivent travailler ensemble pour protéger la liberté
d'expression et le droit à la vie privée". 18- Mais est-ce-à dire que ces "militants" de tous bords
demandent une liberté totale? Il semble que non, pour la plupart, et que l'idée soit
plus ici la revendication d'un "droit de l'Internet" ou celle d'un droit minimal
accompagné d'une autoréglementation. 19- Revendication, pour les premiers, d'un "droit" de
l'Internet, ou plus exactement de "règles" de l'Internet, qui seraient
élaborées par les internautes et qui ne seraient destinées à s'appliquer que dans ce
monde autonome auquel le réseau semble correspondre. Cette idée n'est pas dénuée
d'intérêt, et nous irons même jusqu'à l'aborder en deuxième chapitre de cette étude.
Mais nous pouvons déjà relever l'un de ses points faibles, à savoir que des
"règles" sans sanctions ne se sont jamais révélées efficaces. Me Stéphane
Lilti a d'ailleurs pu écrire que "l'expérience montre que tout système
exclusivement fondé sur la sagesse des hommes est un mauvais système" (23). Et si des sanctions telles que le boycott, ou autres
pratiques destinées à "chasser" du réseau un contrevenant aux principes y
établis venaient à être prises, comme cela a déjà été suggéré, alors nous nous
rapprocherions d'une certaine forme de droit pénal, sans toutefois y retrouver les
garanties judiciaires que notre système étatique apporte aux personnes mises en cause.
20- Revendication, pour les autres, d'une intervention minimale du
droit, accompagnée de règles élaborées par les cyber-citoyens. Cette approche révèle
cependant plusieurs contradictions. 21- Si la CILI, par exemple, reconnaît que des lois peuvent imposer
des restrictions "sur le contenu de l'expression électronique" (24), elle estime en revanche, répétons le, que "les
actions des gouvernements et des organisations multinationales comme le G7 (25) et l'OCDE (26) peuvent
affecter de façon majeure les droits des citoyens dans le monde". Or, elle soutient
"la prohibition [sur Internet] de toute discrimination" basée entre autres sur
la race, la couleur, le sexe ou les opinions, de la même manière qu'elle demande la
protection des informations nominatives qui y circulent. Cette coalition revendique donc la protection de droits inhérents
à la personne humaine. C'est pourtant ce que recherchent également le G7 et l'OCDE, au
travers de leurs différentes initiatives. Certes, ces derniers veulent faire appel au
droit et aux systèmes juridictionnels de nos Etats pour y parvenir. Mais personne n'a
encore jamais trouvé plus efficace que des institutions démocratiques pour assurer
l'effectivité d'une telle protection. 22- Contradiction, encore, dans l'appartenance à la CILI de l'AUI,
qui estime -à juste titre- qu'Internet n'est pas un monde "virtuel" mais une
continuation de notre monde réel, qu'il "n'est rien d'autre qu'une infrastructure de
communication de données numériques, sur laquelle s'appuient des services", et que
sa "démystification passe par par la démonstration qu' [il] n'échappe pas aux
règles sociales" (27). Est-il justifié, dès lors, de
réclamer une protection privée de la liberté d'expression et de la vie privée, qui
serait applicable à une partie de notre société réelle ? 23- Non, bien sûr. Les approches d'Internet en tant que
"monde" virtuel ne sont que pures appréhensions de l'esprit, et il semble
opportun de raisonner avec les concepts qui ont cours dans notre univers, ne serait-ce que
car tous les acteurs d'Internet, loin d'être des créatures virtuelles ayant légitimité
à revendiquer leurs propres lois, sont de concrêts êtres humains, titulaires d'une
nationalité définie, et de ce fait "assujettis à leurs droits nationaux
respectifs".(28) 24- Nous pouvons également répondre à tous les arguments qui ont
été vus plus haut qu'Internet, avant d'être un cyber-monde, a eu pour vocation d'être
un outil professionnel, quand bien même aurait-il été mis au point par des chercheurs
américains. Et un outil est un élément d'une société réelle, auquel les règles de
celle-ci s'appliquent. De la même manière, une absence de contrôle étatique ne
justifie pas l'absence de son droit de regard sur un phénomène qui peut l'atteindre dans
ses intérêts fondamentaux, et à l'égard duquel il est légitime à vouloir se
protéger. Enfin, ce n'est pas non plus car le droit appréhende difficilement une
situation du fait de sa nouveauté qu'il n'est pas en mesure d'y remédier : depuis le
contrat social de Rousseau (29), les lois se sont toujours
adaptées aux évolutions, et si ce n'est de par leur caractère général et abstrait
comme il se devrait, c'est tout du moins de par l'intervention du Législateur, voire du
juge. 25- Il ne fait désormais plus aucun doute que le droit doive être
présent sur Internet. Le vide juridique est un "mythe dépassé" (30), et si l'on ne devait n'y apporter qu'une seule
justification, au delà de toutes les considérations techniques et notionnelles qui
viennent d'être rappelées, ce serait celle si justement énoncée par M. Vivant :
"il n'y a pas à hésiter à une intervention légale dès lors que l'on croit à
certaines valeurs" (31). Ainsi, "Ce qui est
illicite hors ligne doit le rester sur les réseaux".(32)
26- Et les décisions de justice de plus en plus nombreuses
concernant Internet renforcent cette réalité. Il en est de même de la présence
"de fait" du droit sur le réseau (33), même si
l'éveil est lent et que le réflexe "droit" n'est pas encore total .(34) 27- Droit, mais quel droit ? Il convient de voir ce qu'il devrait
être, puis ce qu'il est. 28- Comme nous l'aurait enseigné Beccaria, ce droit, pour être
véritablement adapté à Internet, doit être déterminé en fonction de la réalité
sociétale que le réseau recouvre. Cette société doit être examinée dans son
organisation de fait, c'est à dire dans la manière dont ses membres ont commencé à y
évoluer et ce à quoi ils aspirent en son sein. Il faut ensuite étudier l'organisation
sociale d'Internet telle qu'elle est perçue par les règles qui tentent de s'y appliquer,
c'est à dire nos différents droits nationaux., voire un droit international. Et si cette
dernière organisation ne correspond pas à la réalité dont nous parlions plus haut, il
faut alors la repenser. La repenser, pour la refaire. Repenser et refaire le droit, donc,
corollairement. Et cette fois en partant du phénomène à saisir et non plus du droit
existant, à l'inverse de ce qu'il a toujours été fait. 29- Nous avons vu plus haut que la voie générale des utilisateurs
d'Internet désire un nouveau type de société, sans frontières, qui permettrait autant
la simple communication que la recherche d'information ou le commerce, ceci dans le
respect et des droits humains et de la structure technique d'Internet. 30- La question est alors de savoir si notre droit pénal national,
si les droit pénaux nationaux, ou si un droit pénal international sont capables de
remplir cette mission. Il semble en effet que des difficultés soient rencontrées à
cette occasion, car Internet n'est localisé en aucune définition juridique connue ni en
aucun lieu précis. 31- Aucune définition juridique n'est réellement adaptée, ce qui
pose souvent de sérieux problèmes de qualification des faits et actes qui voient le jour
sur ou pour Internet, et qui pose par là même des conflits de lois internes. 32- Aucun lieu précis, car le réseau couvre toute la planète, et
les liens hypertextes permettent de passer d'un territoire à un autre en quelques
secondes. Seule une page déterminée peut être localisée avec certitude, encore que les
choses ne soient pas aussi évidentes concernant le réseau Usenet, dont dépendent les
newsgroups. Notons d'ailleurs ici que nous inclurons l'étude de ce réseau quand nous
parlerons d'Internet : car s'il n'en fait pas réellement partie, il a des liens avec lui,
et peut être rejoint à partir de lui. Il soulève de plus les même problèmes
qu'Internet. 33- A défaut d'un droit pénal spécialement dédié à Internet
comme d'une localisation précise, à défaut d'un droit pénal véritablement
international, il est évident que le droit pénal ayant vocation à s'appliquer sur le
réseau est alors celui de chaque pays, et au sein de chacun de ceux-ci, de plusieurs
textes. Nous en arrivons donc à cette hypothèse inverse, dans laquelle Internet est
submergé par une multitude de droits différents, qui se veulent souvent contradictoires.
34- Pour voir comment ces différents droits peuvent régir internet
sans l'étouffer, il nous faudra examiner les éventuelles propositions du droit pénal
international, c'est à dire de la "branche du droit criminel qui règle l'ensemble
des problèmes qui se posent au plan international" (35).
Cette expression étant, comme chacun sait, source de confusion, nous l'entendrons comme
regroupant à la fois les règles internationales prévoyant une incrimination -c'est à
dire le droit pénal véritablement international-, et les règles de droit pénal interne
destinées à s'appliquer en cas d'infraction internationale, c'est-à-dire en cas de
comportement infractionnel présentant un élément d'extranéité. Par soucis de
clareté, et pour ne pas entrer dans un débat qui est étranger à notre propos, nous
utiliserons, pour désigner respectivement chacune de ces deux "sous-classes" du
droit pénal international, les expressions retenues par le Professeur Claude Lombois, à
savoir celles de "droit des infractions internationales", et de "droit
pénal extranational".(36) 35- Après avoir examiné les solutions proposées par ces deux
branches du droit pénal international, c'est-à-dire après avoir étudié le droit tel
qu'il est à l'heure actuelle appliqué sur Internet (Chapitre 1), nous serons amenés à
reconnaître que les problemes persistent et que les solutions sont à rechercher
ailleurs. Il faudra alors déterminer si le droit pénal que nous voulons voir appliquer
à Internet doit être un droit national, hypothèse dans laquelle il faudra alors
déterminer les critères de son application pour une justice et une répression
qualitativement optimale, ou s'il est opportun d'envisager un droit spécialement dédié
à Internet, que l'approche de celui-ci soit interne ou externe au réseau. Un tel droit
sera alors naturellement à justifier quant à son existence et à son élaboration. En
résumé, nous aborderons les solutions qui pourraient nous conduire vers un droit
applicable sur Internet (Chapitre II). CHAPITRE I - LE DROIT PENAL APPLIQUE SUR INTERNET 36- Comme nous l'avons vu, loin d'être un "no-law
land" (37), Internet est susceptible de se voir
appliquer tous les droits de la planète (Section 1). Et c'est ce fait qui constitue la
véritable difficulté. Car les frontières sont remises en cause et les situations
faisant appel au droit pénal international, hier exceptionnelles, sont aujourd'hui
quotidiennes et concernent un plus grand nombre de pays qu'autrefois, pour chaque
comportement délictueux. Internet pose également des problèmes de qualification en
droit interne (Section 2). Les conflits de lois et de droits qui en résultent posent de
sérieuses difficultés (Section 3). SECTION I - L'APPLICATION DE TOUS LES DROITS DE LA PLANETE 37- En cas d'infraction internationale, c'est à dire d'infraction
dont les éléments constitutifs ne peuvent être rattachés à un territoire unique, et
au contraire du droit international privé qui dans de telles circonstances désigne une
loi nationale unique applicable selon des critères déterminés, la branche du droit
pénal international que constitue le droit pénal extranational se contente de renvoyer
aux lois internes, qui déterminent elles mêmes leur champ d'application territorial, se
contentant chacune de dire si elle a compétence ou non pour régir un fait. Ceci, sans
renvoyer à défaut à une loi étrangère, ni même se préoccuper de savoir si une telle
loi est applicable, voire plus légitime à s'appliquer que la loi française. 38- Quant au droit pénal des infractions internationales, il
n'existe que pour certaines infractions qui n'ont heureusement pas cours dans le
cyber-espace.(38) 39- Il convient donc d'examiner ce que les droits pénaux internes proposent. A cette fin nous nous attacherons plus spécialement au droit pénal français, tout en conservant à l'esprit que la plupart des autres pays, notamment d'Europe occidentale, ont adopté des règles similaires. Et nous verrons que si le principe est celui de l'application
territoriale du droit (§1), celui ci connaît également une application
extra-territoriale (§2) Paragraphe 1 - le principe d'application territoriale du droit national 40- Le droit français s'applique sur le territoire français, et,
par extension de compétence, à certaines infractions commises hors de France mais
réputées l'avoir été en France. La question à étudier est alors celle de savoir
selon quels critères une infraction est localisée en France, ce qui nous démontrera que
notre droit, quand bien même étudié uniquement dans son application territoriale,
permet en réalité de réprimer nombre d'infractions commises en grande partie, voire en
totalité, hors de notre territoire, donc une large part de celle commises sur Internet.
41- Il convient de mentionner ici l'existence du principe de
solidarité des compétences judiciaires et législative pénales, que celui-ci soit
justifié ou non. Ainsi, la compétence du droit pénal français entrainera
automatiquement celle des juges de ce même pays. A/ Localisation nationale d'infractions internationales 42- Le droit pénal français est applicable à la grande majorité
des infractions commises sur Internet. En effet, l'alinéa premier de l'article 113-2 du
nouveau code pénal (NCP) dispose que "La loi pénale française est applicable
aux infractions commises sur le territoire de la République". Ce rattachement du
délit au territoire, choix de notre droit comme de bien d'autres, pour la raison
principale que le territoire est rattaché à la souveraineté, semble opportun. 43- La détermination de la localisation de l'infraction est
cependant beaucoup plus expansive : "L'infraction est réputée commise sur le
territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce
territoire" (article 113-2 al.2 NCP). Remarquons ici que la loi de 1992, en
réformant le nouveau code pénal, a modifié la rédaction de l'article 693 de l'ancien
code pénal, selon lequel était réputée commise sur le territoire toute infraction
"dont un acte caractérisant un de ses éléments constitutifs a été accompli en
France". Cette nouvelle rédaction n'est pas innocente, et permet d'englober
certains éléments constitutifs purement passifs qui ne correspondent pas à des actions,
de même que l'élément moral de l'infraction (qui était toutefois un facteur
jurisprudentiel de rattachement au territoire de la République, par l'extension par
assimilation (39) ). 44- De plus, dès 1882, la jurisprudence a opté pour une
équivalence des faits constitutifs, ce que la doctrine désigne sous l'expression de
"théorie de l'ubiquité". Il suffit dès lors que n'importe lequel de ces faits
ait eu lieu sur le territoire français, à savoir l'acte incriminé ou le résultat
dommageable, pour fonder indifféremment la compétence du droit pénal français. Ainsi,
celui-ci aura vocation à réprimer des propos disponibles sur Internet incitant à la
haine raciale, qu'ils soient émis à partir du sol français, ou qu'ils y soient
uniquement reçus. De même, la contrefaçon à l'étranger d'une uvre protégée
est soumise à la loi française dès l'instant où l'atteinte aux droits d'auteurs est
ressentie en France, lieu du domicile de la victime (40).
45- De cette compétence territoriale du droit pénal résultent de
bien compréhensibles conflits positifs de compétence, dès lors que l'un des autres
éléments constitutifs de l'infraction réprimée par le droit français trouve son lieu
de réalisation sur le territoire d'un autre Etat prévoyant des règles similaires
d'application territoriale de son droit pénal. Et ce problème est encore aggravé par le
système français de localisation nationale d'infractions par extension : B/ Localisation nationale par extension 46- Ces extensions de compétence législative sont à la fois
jurisprudentielles et légales. 1) Extensions jurisprudentielles 47- Deux extensions prétoriennes de la compétence de la loi
française ont été créées : l'extension par indivisibilité, et l'extension par
assimilation (41). 48- L'extension par indivisibilité permet au juge d'étendre la
compétence de la loi française aux "faits commis à l'étranger par un étranger
dès lors que ces faits apparaissent comme formant un tout indivisible avec les
infractions également imputées en France à cet étranger et dont elle est légalement
saisie" (42). 49- L'extension par assimilation, en revanche, permet de localiser
en France une infraction en assimilant certains actes commis en France à un élément
constitutif de cette infraction (ou à un "acte caractérisant un de ses
éléments constitutifs", sous l'ancien code pénal). Ainsi, est considérée
comme commise en France "la tentative de tromperie sur la nature ou les qualités
substantielles de toute marchandise lorsque ces dernières sont offertes à la vente en
France, alors même que le vendeur serait un ressortissant étranger et les marchandises
seraient livrées à l'étranger" (43). Il en est
de même d'un délit d'escroquerie, dès l'instant que seul l'un des éléments d'une mise
en scène est commis en France, et qu'il entre dans le cadre des manoeuvres frauduleuses
prévues par l'article 313-1 NCP (ancien article 405 c.pén.). Ceci, alors même qu'il est
constant qu'un tel acte ne caractérise pas à lui seul cet élément constitutif de
l'infraction (44). 50- Les deux affaires précitées ont été jugées pour des faits
commis sans relation avec un quelconque réseau informatique, mais elles sont parfaitement
transposables à ce qui nous occupe. En effet, si, respectivement, l'offre de la première
affaire ou la mise en scène de la seconde avait été faite par l'intermédiaire
d'Internet et touché un citoyen français, la solution jurisprudentielle aurait été la
même. Il est donc possible d'apprécier, déjà à ce stade, toute l'étendue de la
compétence du droit français. 51- Les extensions légales de la compétence française sont au
nombre de trois, et peuvent être traitées en deux catégories : 52- Elles concernent tout d'abord les infractions commises à bord des navires battant pavillon français, des navires de la marine nationale (et ici la loi française sera exclusivement compétente), ou à l'encontre de l'un ou l'autre de ces navires, en quelques lieux qu'ils se trouvent (45). Elle l'est de même aux infractions commises à bord des aéronefs militaires français (et ici la compétence de la loi française est exclusive) ou immatriculés en France ou à l'encontre de l'un ou l'autre de ces aéronefs, et ceci en quelques lieux qu'ils se trouvent (46). Le droit français va même encore plus loin : il s'applique aux
crimes et délits commis à bord des aéronefs non immatriculés en France, et sous
réserve de l'absence d'un jugement définitif à l'étranger pour les mêmes faits, la
peine à cette occasion prononcée devant avoir été effectuée ou être prescrite,
lorsque l'appareil atterrit en France après le crime ou le délit. 53- Ces hypothèses peuvent tendre à faire sourire, étant très
spécifiques et semblant hors de propos. Mais nous nous devons de les mentionner pour
être exhaustifs, car l'Internet par cable téléphonique est voué à laisser bientôt
une large part à l'Internet utilisant les réseaux aériens, et il suffit qu'un
ordinateur connecté soit présent dans l'un quelconque des bâtiments précités pour
qu'une infraction puisse être commise à leur bord. De même, une infraction à leur
encontre peut tout à fait être conspirée par l'intermédiaire du réseau. 54- La seconde catégorie d'extensions légales concerne la
complicité accordée en France, à un crime ou un délit perpétré à l'étranger,
"si le crime ou le délit est puni à la fois par la loi française et par la loi
étrangère et s'il a été constaté par une décision définitive de la juridiction
étrangère" (47). Mais il est évident que cette
extension ne concernera que peu de cas du fait des restrictions qu'elle pose, et qu'il
n'est donc pas nécessaire de s'y arrêter longuement (48).
55- Enfin, mentionnons la théorie générale de la fraude à la
loi, qui permet d'appliquer la loi française aux infractions perpétrées à l'étranger,
quand leur auteur les y a commises dans le seul but de se soustraire à l'application de
la loi française (49). Et sauf la revendication par
celui-ci du bénéfice du droit européen. Paragraphe 2 - l'application extra-territoriale du droit national 56- Le droit français s'applique encore hors du territoire de la
République dans trois cas. Il est tout d'abord compétent pour les "infractions
commises au-delà de la mer territoriale, dès lors que les conventions internationales et
la loi le prévoient" (50). Il l'est ensuite en
vertu de deux types de compétence complémentaires : la compétence personnelle (A) et la
compétence réelle (B). D'application subsidiaire dans l'ordre interne, elles ne sont
facteurs de compétence française que lorsque l'infraction ne peut être réputée
commise sur le territoire de la République. Et la compétence personnelle sera toujours
examinée de prime abord : ainsi, quand l'auteur de l'infraction commise à l'étranger
est français, le critère personnel suffira à fonder la compétence des juridictions
françaises, sans considération de la nature de l'infraction. En conclusion, la
compétence réelle "n'est faite que pour les infractions commises à l'étranger par
des étrangers" (51). 57- Elle peut être générale (1) ou spéciale (2). 1) la compétence personnelle générale 58- Cette compétence est déterminée par la nationalité de
l'auteur (compétence personnelle active) ou de la victime (compétence personnelle
passive) de l'infraction considérée. 59- Les règles relatives à la compétence personnelle, active et passive, sont prévues par les articles 113-6 à 113-9 du NCP. Elles permettent de faire tomber sous le coup de la loi française toute infraction dont l'auteur ou la victime est de nationalité française, et ceci avec des nuances selon la gravité de l'infraction, celle-ci étant déterminée par la loi française. Ainsi, la compétence personnelle active comme passive est possible
en matière criminelle, sans autres restrictions. Il en est de même en matière
délictuelle, à ceci près qu'il existe une exigence de double incrimination en matière
de compétence active, et une exigence tenant à la nature de la sanction en matière de
compétence passive : l'auteur français d'un délit commis à l'étranger ne peut en
effet être poursuivi selon la loi française qu'à la condition que les faits qui lui
sont reprochés soient également punis par la législation de ce premier pays. De même,
la victime française d'un délit commis à l'étranger ne peut en poursuivre l'auteur
selon la loi française, que cet auteur soit français ou étranger, que si ce délit est
puni d'emprisonnement. Enfin, en matière contractuelle, la compétence personnelle ne
peut pas jouer. 60- En outre, certaines règles spécifiques concernant les deux cas de compétence personnelle sont à mentionner : En premier lieu, la compétence personnelle active joue, pour les délits et les crimes, alors même que l'auteur des faits aurait acquis la nationalité française postérieurement au fait qui lui est imputé. En deuxième lieu, pour tous les cas de compétence personnelle, la poursuite des délits ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public. Elle doit de plus être précédée soit d'une plainte de la victime ou de ses ayants droits, soit d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait à été commis (52). Enfin et pour toutes ces hypothèses, "aucune poursuite ne
peut être exercée contre une personne justifiant qu'elle a été jugée définitivement
à l'étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été
subie ou prescrite" (53). 2) les cas de compétence personnelle spéciale 61- A côté de cette compétence personnelle dite générale,
existent des cas de compétence personnelle spéciale, soumis à des conditions
particulières, et fondés cette fois non plus uniquement sur la nationalité des
personnes impliquées dans l'infraction, mais sur tout élément pouvant les rattacher à
la souveraineté française. 62- Ces cas concernent plusieurs catégories d'infractions qui ne seront pas toutes traitées ici en raison de leur faible probabilité à fonder la compétence du droit français dans le cadre d'une infraction commise sur Internet (54). Nous pouvons toutefois citer le cas des crimes et délits, sous
réserve d'une condamnation définitive à l'étranger pour les mêmes faits, la peine à
cette occasion prononcée devant avoir été effectuée ou être prescrite, commis à bord
ou à l'encontre des aéronefs non immatriculés en France, lorsque la nationalité de
l'auteur ou de la victime est française ou encore lorsque l'aéronef a été donné en
location sans équipage à une personne dont le siège principal de l'exploitation ou, à
défaut, la résidence permanente, est localisé en France. 63- La loi française s'applique à des infractions qui n'ont aucun
lien avec le territoire français, et qui n'impliquent aucune personne de nationalité
française, avec pour seul critère de compétence, nécessaire mais suffisant, la nature
de l'infraction. 64- Le droit pénal français a ainsi compétence pour régir les
crimes et délits qualifiés d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation et
réprimés par le titre 1er du livre IV du NCP, alors même qu'ils sont commis
hors du territoire français. Il s'applique également à la falsification et à la
contrefaçon du sceau de l'Etat, de pièces de monnaie, de billets de banque ou d'effets
publics, telles que ces infractions sont réprimées par les articles 442-1, 443-1 et
444-1 du même code dans le cadre de la compétence territoriale classique, quand ces
infractions sont commises à l'étranger. Il s'applique enfin à tout crime ou délit
contre les agents ou les locaux diplomatiques ou consulaires français, commis hors du
territoire de la République (55). 65- Ce long mais nécessaire développement sur le champ
d'application du droit pénal français nous démontre que celui-ci est applicable à
l'ensemble des infractions commises sur le réseau, dès l'instant que notre pays s'estime
concerné par les actes en question. Mais une fois ceci admis, qu'en est-il au niveau
interne ? car il ne suffit pas à un droit d'être territorialement compétent pour
pouvoir réprimer une infraction pénale : encore celle-ci doit-elle être expressément
prévue par un texte de loi, d'interprêtation stricte, comme chacun sait. Il convient
donc d'étudier à présent l'état de notre droit pénal spécial. SECTION II - LES CONFLITS MATERIELS DE LOIS PENALES INTERNES 66- Le raisonnement par analogie est prohibé, en droit pénal
français. Mais les comportements délictueux qui ont cours sur Internet sont d'une grande
nouveauté de par leur ampleur et leur technicité. Il nous incombe alors de rechercher si
ces comportements entrent dans les prévisions des textes, de par leurs éléments
constitutifs. De cette recherche naîtra la constatation suivante : certaines infractions
sont classiques (1§), d'autres sont totalement nouvelles (§2), tandis qu'une troisième
catégorie provoque des conflits de textes de loi (3§). Paragraphe 1 - Les infractions classiques 67- La plupart des infractions commises sur Internet ne diffèrent
en rien des infractions classiques telles que réprimées par notre nouveau Code pénal,
qui peut les appréhender de la même manière que si elles étaient commise hors ligne.
Elles peuvent être présentées sous la forme de deux catégorie : certaines sont
commises sur Internet (1), d'autres le sont par lui (2), précision faite que nous
entendons ici sous le terme de "commission", le lieu où est attendu par
l'auteur le résultat délictueux (56). A/ Internet, lieu de l'infraction 68- Internet permet en premier lieu la commission de toutes les
infractions emportant émission, transfert ou échange d'information. Ainsi et par
exemple, les atteintes à la vie privée peuvent y être sanctionnées sans difficultés.
Citons par exemple l'article 226-2, 2° NCP, qui réprime le fait de commettre cette
atteinte "par fixation, enregistrement ou transmission, sans le consentement de
celle ci, de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé". 69- De même, les atteintes aux données nominatives sont
protégées par les dispositions pénales de la loi du 6 janvier 1978 relative à
l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dispositions insérées en grande partie
dans le nouveau Code pénal par la loi du 16 décembre 1992, sous le titre des
"atteintes aux droits de la personne résultant de fichiers ou de traitements
informatiques" et sous couvert des articles 226-18 à 226-24 du NCP. 70- Cette dernière loi est très fréquemment sollicitée pour
réprimer les infractions commises sur Internet : Le Tribunal de Grande Instance de Privas
(57)a par exemple condamné un étudiant en informatique,
pour s'être vengé de sa petite amie en stockant dans sa page d'accueil personnelle (ou
home page), des photographies scannérisées de celle-ci, à son insu, présentant un
caractère fortement pornographique et accompagnées de commentaires sur les murs de
la jeune fille. Les juges ont fondé leur condamnation sur l'article 226-19 al. 1 du NCP ,
qui réprime "le fait, hors les cas prévus par la loi, de mettre ou de conserver
en mémoire informatisée, sans l'accord express de l'intéressé, des données
nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou
les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales ou
les murs des personnes", la sanction étant de cinq ans d'emprisonnement et
de deux millions de francs d'amende. 71- L'étudiant a été condamné ici sur la notion de murs
prévue par l'article précité, et pour avoir procédé ainsi à l'insu de
l'intéressée. Mais, comme le note à juste titre M. J. Frayssinet (58), la condamnation aurait pu intervenir sur le fondement de
l'article 227-24, si la petite amie en question avait donné son consentement pour la
diffusion de ses photos. 72- En effet, cet article 227-24, qui reprend, en l'élargissant,
l'incrimination d'outrage aux bonnes murs de l'ancien Code pénal, s'applique
également à Internet, et fait partie des dispositions pénales réprimant la mise en
péril des mineurs : il réprime le fait "soit de fabriquer, de transporter, de
diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à
caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la
dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, (
) lorsque ce message est
susceptible d'être vu ou perçu par un mineur". 73- Il en est de même pour le fait de fixer, d'enregistrer ou de
transmettre, en vue de sa diffusion, l'image d'un mineur présentant un caractère
pornographique (227-23 NCP), ou la diffusion de cette image. De nombreux réseaux
pédophiles ont pu être ainsi démantelés, et leurs acteurs condamnés. 74- Notons ici qu'un dispositif législatif (59) est venu renforcer la prévention et la répression des
atteintes sexuelles ainsi que la protection des mineurs victimes de ces infractions,
lorsqu'elles impliquent l'utilisation des nouveaux moyens de télécommunication. Ainsi,
l'article 227-23 précité, l'article 225-7 relatif au proxénétisme, de même que les
articles 222-4, 222-28, 227-22, 222-26 du NCP, sont complétés par un alinéa prévoyant
spécifiquement le cas ou la victime de tels crimes et délits a été mise en contact
avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation d'un réseau de télécommunications, pour
la diffusion des messages à destination d'un public non déterminé. (60) 75- En outre, les incriminations de discrimination (article 225-1
NCP), de diffamation non publique (R 624-3), d'injure non publique (R 624-4), de
provocation non publique à la discrimination et à la haine raciale (R.625-7 NCP), sont
également parfaitement applicables au réseau. En témoigne par exemple la mise en examen
de M. Faurisson par le juge Valat, le 10 novembre 1997, pour avoir été l'auteur d'un
texte négationniste sur Internet, intitulé "Les visions cornues de
l'Holocauste" (61). Et ceci alors même que l'une des
premières affaires en la matière avait malheureusement pu décevoir et contribuer à
développer la thèse de l'impuissance du droit face au réseau (62).
76- A l'instar des infractions contre les marques (63), les infractions contre les uvres de l'esprit se
voient également réprimées au travers du délit de contrefaçon, qu'elles soient
commises sur Internet ou non, et ceci dès lors que lesdites uvres reproduites sont
originales et par là-même protégées par le droit d'auteur (64).
En effet, comme l'a affirmé explicitement une ordonnance de référé du 5 mai 1997 (65), "la numérisation d'une uvre", qui
consiste en sa traduction d'un langage littéraire ou analogique en un langage numérique,
c'est à dire une suite de deux valeurs correspondant au 0 et au 1, "constitue une
reproduction de l'uvre qui requiert en tant que telle, lorsqu'il s'agit d'une
uvre originale, l'autorisation préalable de l'auteur ou de ses ayants droit".
B/ Internet, instrument de l'infraction 77- En second lieu, Internet permet la commission de certaines
infractions classiques en ne servant que d'instrumentum à leur réalisation. Il en
serait ainsi, par exemple, d'un homme qui commettrait un meurtre sur la personne de sa
femme placée sous monitoring, en s'introduisant, via Internet, dans le réseau
informatique de l'hôpital. Cet acte devrait logiquement être qualifié de meurtre, le
réseau n'étant que "l'instrument" du crime. La chambre criminelle de la Cour
de Cassation estime d'ailleurs qu'un "homicide volontaire peut résulter de moyens
multiples et successifs employés pendant un temps plus ou moins long, ce qui implique que
le crime n'est pas nécessairement commis en un lieu unique" (66). L'élément intentionnel serait concrétisé, dans de
telles circonstances, par l'intrusion frauduleuse dans le système informatique de
l'établissement et l'intervention sur les données y contenues. 78- Peuvent de la même manière être commis sur le réseau des
réseaux une escroquerie ou un abus de confiance. 79- Ainsi, cette énumération, qui ne prétend en aucun cas être
exhaustive, démontre que si "L'Internet facilite (
) la commission de certaines
infractions, comme l'existence de ponts sur l'Isère facilitait la contrebande de
Mandrin" (67), ces dernières sont pour la plupart
classiques et notre droit pénal est parfaitement apte à les appréhender. Les seules
difficultés sont alors leur répression effective. En effet, si par exemple une
condamnation pour diffamation sur le réseau intervient, il paraît difficile de faire
cesser la diffusion de l'information litigieuse, et ceci malgré l'injonction d'un juge,
dès lors que le message incriminé a été diffusé à "plusieurs milliers de
personnes réparties dans le monde entier" (68). De
même, si les délits économiques (détournements de fonds par la voie informatique) ou
blanchiments peuvent être réprimés quelque soit la méthode utilisée pour leur
réalisation, les réseaux électroniques offrent de telles possiblités de vitesse de
circulation de l'information comme d'interconnexion entre les serveurs que tout suivi de
celle-ci, comme toute repression, devient rapidement très difficile, faute de moyens
policiers et de coopération internationale (69), et ceci
malgré les "stratégies offensives" (70)
développées par certains Etats en la matière. 80- D'autres infractions, cependant, sont totalement nouvelles et
une intervention du Législateur s'est avérée ou s'avère nécessaire : Paragraphe 2 - Les infractions spécifiques à l'informatique 81- Avec l'avènement de l'informatique, de nouvelles infractions
sont apparues, telles la fraude informatique ou l'utilisation non autorisée de programmes
informatiques protégés, et notre droit pénal traditionnel, avec ses incriminations de
vol, d'escroquerie ou de collecte frauduleuse ou illicite de données nominatives, ne
permettait que très difficilement leur répression. Le Législateur français a donc dû
intervenir pour les incriminer spécifiquement, à l'instar de ses homologues -entre
autres- danois ou américain, et ceci notamment sur l'appel d'Instances internationales
tel l'OCDE ou le Conseil de l'Europe (71). Mais tous les
pays n'ont pas encore procédé à ces modifications. 82- La loi française qui en est résultée en 1988, dite "Loi Godfrain", du nom de son initiateur, permet aujourd'hui d'appréhender les nombreux méfaits ci-dessous énoncés, avec cette précision que les personnes morales peuvent en être aussi déclarées responsables :
83- Mais cette "révolution technologique" (73) engendre aussi des troubles auxquels le droit pénal ne sait que très mal apporter de réponses. Dès lors, il reste silencieux ou s'enrichit de dispositions dépourvues de sens, bien que lourdement sanctionnées. C'est ce que certains dénoncent, et notamment M. N. Ros de Lochounoff (74), concernant respectivement le droit pénal de l'économie, et la transposition française de la Directive sur les programmes d'ordinateurs, harmonisant les législations en la matière. 84- Le travail du Législateur n'est donc pas terminé. Mais
peut-être conviendrait-il mieux, au lieu d'élaborer des lois ponctuelles à chaque fois
qu'une nouvelle difficulté survient, de repenser chaque secteur du droit en fonction de
l'évolution de la société, pour "une cohérence plus forte entre le droit et la
technique" (75). 85- Car ne sont pas uniquement concernées quelques branches
juridiques. Si Internet est le siège ou l'instrument d'une minorité d'infractions
totalement nouvelles, il est cependant le témoin d'une multitude d'actes malveillants
qui, bien que connus de notre société, bousculent à tel point les notions juridiques
traditionnelles qu'il devient difficile de les appréhender de manière sereine et
conforme à nos principes fondamentaux de droit pénal : Paragraphe 3 - Les infractions classiques posant un problème de qualification 86- Mme Falque Pierrotin a pu écrire avec discernement que "La
spécificité de l'Internet repose sur l'imbrication des services et des acteurs qui rend
difficile l'application a priori d'un régime juridique déterminé et global" (76). Ceci a des conséquences en droit pénal, certaines des
dispositions de celui-ci supposant souvent, pour leur application, déterminé le régime
juridique applicable à l'espèce (ainsi, les délits de presse ne peuvent permettre de
sanctionner des infractions, dont les éléments constitutifs seraient par ailleurs
réunis, qui seraient commises par un vecteur d'information non qualifié de presse).
Plusieurs difficultés vont alors survenir, ces dernières pouvant être classées en
trois catégories : le problème de qualification (1), le cumul d'incriminations (2),
l'incohérence du fait et du droit (3). A/ Les problèmes de qualification 87- Comme nous l'avons déjà mentionné, Internet bouleverse les
définitions juridiques classiques, et en premier lieu celles du droit de la
communication, fondées sur la distinction entre correspondance privée et communication
audiovisuelle. Cette distinction est pourtant fondamentale, car qualifier les échanges
qui ont lieu sur le réseau de l'une ou de l'autre entrainera des conséquences pénales
différentes. 88- Par exemple, les délits de presse établis par la loi de 1881
(loi applicable à "tout moyen de communication audiovisuelle", termes y
ajoutés par une loi du 13 décembre 1985) requièrent l'existence d'une publicité, d'un
"public" qui en serait le destinataire (article 23 de cette loi). A défaut,
autrement dit en cas de correspondance privée, des propos racistes ne pourront pas être
poursuivis sur le fondement de cette loi, mais uniquement sur la base des articles R 624-3
et R 624-4 NCP (diffamation et injure non publiques présentant un caractère raciste ou
discriminatoire), ou R 625-7 (provocation non publique à la discrimination). 89- Nous pouvons également citer le cas de la loi du 30 septembre
1986 relative à la liberté de communication audiovisuelle, qui prévoit à son article
43 un régime de déclaration au Procureur de la République de toute création de
services de communication audiovisuelle autre que ceux distribués sur réseaux cablés ou
hertziens, obligation qui n'existe pas en cas de service de télécommunications. 90- De même, et au contraire des informations émises par le biais
d'une communication audiovisuelle, les correspondances privées sont protégées par le
secret, conformément à la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances
émises par la voie des télécommunications. Est ainsi réprimé par l'article 226-15 NCP
"Le fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de
détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers,
ou d'en prendre frauduleusement connaissance". Est puni des mêmes peines (un an
d'emprisonnement et trois cent mille francs d'amende) "le fait, commis de mauvaise
foi, d'intercepter, de détourner, d'utiliser, ou de divulguer des correspondances
émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à
l'installation d'appareils conçus pour réaliser de telles interceptions" (sauf
interception judiciaire ou administrative, selon les procédures qui les gouvernent).
91- Enfin, certaines incriminations prévues par le nouveau Code
pénal, telle celle de l'article 227-24 que nous avons ci-dessus étudié, prévoient que
"lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises par la voie de
la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui
régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des
personnes responsables". Cette mention renvoit à l'article 93-3 de la loi du 29
juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui dispose que le directeur de la
publication de ce service sera pénalement responsable du message incriminé dès lors que
celui-ci aura fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public. Selon
la circulaire du 14 mai 1993, le Parlement a ainsi voulu lutter, en adoptant cette
disposition, contre les excès de certaines messageries conviviales communément
désignées sous le terme de "minitels roses". Dès lors, cette disposition ne
pourra s'appliquer à Internet que si les documents incriminés sont réputés avoir été
diffusés par voie de presse audiovisuelle. Mais un autre problème se pose en aval :
celui de savoir qui assume cette fonction éditoriale, sur le réseau. Car, encore une
fois, les définitions traditionnelles ont du mal à s'adapter à la technique (77). 92- Donc, de la qualification choisie, entre service de
télécommunications et service de communication audiovisuelle, dépendront les
dispositions de droit pénal applicables. Mais la question qu'il convient de se poser est
celle-ci : ces différents régimes sont ils transposables à Internet ? 93- Les textes relatifs à ces deux secteurs de la
télécommunication sont effectivement l'un comme l'autre légitimes à régir le réseau
Internet : 94- En effet, la communication audiovisuelle est définie à
l'article 2 al. 2 de la loi de 1986 sur la liberté de l'audiovisuel, comme "toute
mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de
télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de
toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée". 95- Selon Mme Falque-Pierrotin, cette définition peut être appliquée à Internet, notamment car la circulaire du 17 fevrier 88, précisant les services entrant dans cet article, donne des éléments en faveur du réseau. Cette même circulaire indique que le message doit être destiné "indifféremment au public ou à des catégories de public, c'est à dire un ensemble d'individus indifférenciés, sans que son contenu soit fonction de considérations fondées sur la personne".Il doit être "à l'origine mis à la disposition de tous les usagers du service, à titre onéreux ou gratuit". Il convient cependant de signaler ici que les juges en ont décidé
autrement s'agissant du minitel, ce dernier "étant visuel et non audio, il n'est
pas un moyen audiovisuel au sens de l'article 23 de la loi sur la presse" (78). Ceci ne fait que contribuer à la confusion ambiante, car
l'on saisit mal la raison d'une discrimination entre minitel et Internet, malgré les
quelques caractéristiques qui les séparent. 96- Les correspondances transmises par la voie des
télécommunications englobent quant à elles, selon la loi du 10 juillet 1991, "toute
transmission, émission ou réception de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de
renseignements de toute nature par fil optique, radioélectricité ou autres systèmes
électromagnétiques". Cette définition est également applicable au réseau, à
l'instar de la loi de 1991 relative au secret des correspondances privées, et ceci en
application de la circulaire du 17 février 1988 selon laquelle "il y a
correspondance privée lorsque le message est exclusivement destiné à une personne
(ou plusieurs) (79) physique ou morale,
déterminée ou individualisée". 97- Les deux régimes juridiques sont applicables. Alors lequel
appliquer ? La réponse à cette question est très délicate, car certains des services
proposés sur Internet entrent dans la première catégorie, d'autres répondent à la
définition de la deuxième, tandis que d'autres encore peuvent être tour à tour
communication audiovisuelle ou correspondance privée. A cela s'ajoute un désaccord, sur
la qualification de chaque service, entre les auteurs ou les juges. 98- N. Gautraud a d'ailleurs pu écrire qu' "Internet ne peut
à l'évidence être purement et simplement assimilé à de la radiodiffusion". Il
"recouvre des formes élaborées de communication individuelle interactive, de
multiples formes intermédiaires entre la communication individuelle et la communication
de masse, ainsi que des services électroniques d'information" (80). Les juges de 1ère instance de la Cour du
district est de Pennsylvanie estiment quant à eux qu' Internet est une "conversation
mondiale sans fin" (81). 99- En effet, selon les critères de distinction communément admis (82), l'élément de publicité dépend des personnes touchées
par l'information (public indéterminé, imprévisible, non cimenté par une communauté
d'intérêt), mais non de leur nombre ou du lieu où ce "public" se trouve.
Certains, dont les juges, estiment également que l'intention de l'initiateur du courrier
est primordiale, et qu'il faut rechercher s'il souhaitait toucher uniquement une personne
déterminée ou non. Ainsi, un courrier électronique (E-mail, ou mél) peut être une
correspondance privée quand l'émetteur de l'information s'adresse à un ou plusieurs
destinataires déterminés, alors qu'il devient une communication au public dès lors que
les messages sont envoyés au hasard à de nombreuses personnes, quand bien même liées
par un critère déterminé (appartenance à tel secteur professionnel
). Un forum de
discussion de même qu'une liste de diffusion semblent a priori publics. De même, un site
Internet ne donnant pas lieu à restriction d'accès ou un home page sont soumis aux
règles concernant la communication audiovisuelle. 100- Ces dictinctions sont dangereuses, en ce que la plupart
d'entres elles resteront incertaines jusqu'à une qualification judiciaire. Comme le
préconise Nathalie Gautraud, il est urgent de reconnaître la spécificité d'Internet
"afin de créer un cadre réglementaire adapté à ces techniques nouvelles
d'information et de communication tout en assurant la protection du citoyen"(83) . Me N. Brault appelle également de ses vux
"la définition d'un régime juridique plus homogène pour l'ensemble des services en
ligne, fondé sur une distinction entre la nature des services, par opposition entre les
correspondances privées d'une part (messagerie électronique (
)), et la
communication audiovisuelle d'autre part" (84), bien
que cette aproche ne semble pas être la meilleure car comme nous l'avons dit, un E-mail
peut très bien relever des unes ou de l'autre. B/ Les cumuls d'incriminations 101- Nous l'avons vu, les incriminations de droit commun, les incriminations spécifiques aux délits informatiques, de presse, ou commis à l'encontre des donnés personnelles, permettent de couvrir la quasi-totalité des infractions commises sur Internet. Le problème est que cette classification même n'a aucune signification sur ce réseau, et peut y être commise une infraction de droit commun (le meurtre, par exemple), au moyen d'une atteinte à des données personnelles (falsification des données médicales relatives à une patiente sous monitoring), atteinte commise elle même au moyen d' une atteinte à un système informatique (accès frauduleux au système de traitement automatisé de l'hôpital). En ce cas, la solution proposée par le droit pénal général est connue : il s'agit de déterminer si ce concours possible d'incriminations constitue un concours d'infractions, idéal ou réel. 102- Il y a concours réel d'infraction, selon l'article 132-2 NCP, "lorsqu'une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction". Ce sera le cas par exemple de l'accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données (article 323-1 NCP), suivi d'une collecte frauduleuse ou illicite d'informations nominatives contenues dans ce système (article 226-18 NCP), puis de l'utilisation de ces données pour commettre une escroquerie à l'encontre d'un tiers (article 313-1 NCP). Ces diverses infractions, réalisées successivement, et sans intervention, entre chacune d'elles, d'un jugement définitif, seront en concours réel. Il en sera de même si leur auteur est poursuivi pour les deux premières, avant que la troisième ne soit découverte quelques mois plus tard : car aucune décision ne sera intervenue entre la consommation de chaque acte. 103- Le concours réel aboutit alors à autant de poursuites, et
éventuellement de condamnations, qu'il existe d'infractions commises. Et cela ne fait pas
échec au principe non bis in idem(85), car à chaque
poursuite correspond un fait distinct. 104- Il y a en revanche concours idéal d'infractions, expression à
laquelle M. Yves Mayaud préfère la terminologie, à notre avis plus appropriée, de
"conflit de qualification légale" (86), lorsqu'un
unique fait contraire à la loi pénale est susceptible de plusieurs qualifications.
105- Ainsi, le fait de divulguer sur Internet des informations
concernant une personne physique, de nature à porter atteinte à sa considération et
sans l'accord de celle-ci, peut être saisi par l'article 29 de la loi de 1881 sur la
presse, réprimant la diffamation, comme par l'article 226-22 NCP, qui sanctionne la
divulgation à un tiers non autorisé de données nominatives ayant pour effet de porter
atteinte, notamment, à la considération de l'intéressé. 106- Ce cumul est a priori prohibé, en raison de la règle non
bis in idem. Cependant la majorité des auteurs appelle à faire une distinction, au
sein de cette classe de concours : 107- Lorsque les différentes qualifications applicables au même
fait protègent la même valeur sociale (87) (l'honneur ou
la dignité, dans notre exemple; l'intégrité physique, en cas de conflit entre les
qualifications de "torture et actes de barbarie" et de "viol"
),
alors les qualifications ne peuvent pas être cumulées, et un choix doit être opéré en
leur sein. Ce choix se fera souvent par rétention du texte correspondant à l'expression
pénale la plus haute, c'est-à-dire à la qualification la plus sévère, sauf si les
deux incriminations en présence relèvent l'une d'un texte spécial, l'autre d'un texte
général, auquel cas le texte spécial devra être retenu par priorité, en vertu du
principe specialia generalibus derogant (88). 108- A l'inverse, lorsque les valeurs sociales protégées par
chacune des qualifications possibles sont différentes (le système informatique, les
données personnelles et la vie d'une personne, dans notre exemple cité au n° 101),
alors le cumul redevient possible, sans aller à l'encontre des principes de droit pénal
général car si le fait est unique, les atteintes sont multiples et l'on en revient à
l'hypothèse d'un concours réel d'infractions. 109- Cette démarche paraissait tout à fait opportune avant
l'apparition de méfaits sur Internet. Elle le reste et n'est pas à remettre en cause,
mais elle est source de difficultés quant à sa mise en oeuvre : car les régimes
juridiques applicables sur Internet ont à l'heure actuelle pour source, et cela sera de
plus en plus vrai si la démarche législative actuelle est poursuivie, des lois
spéciales. Ce qui aboutit inexorablement à se perdre dans la spécialité. De cet état
du droit naissent des situations qui tendent à l'aberration, et si le droit s'applique
sur Internet, il s'y applique d'une manière à notre avis non conforme à l'un de ses
objectifs, qui est de sanctionner l'infraction commise de manière proportionnée, sur le
fondement d'une loi claire et simple, définissant strictement le comportement réprimé.
110- Deux disfonctionnements sont donc à noter, le second pouvant
être perçu comme un corollaire du premier : une complexification inopportune du droit,
et une sanction souvent inadaptée à l'infraction réellement commise. 111- Complexification inopportune en ce que, d'une part et comme
nous l'avons déjà dénoncé, les textes spéciaux se multiplient pour réprimer des
actes spécifiques qui ont cours dans un domaine technique particulier (loi du 6 janvier
1978, loi Godfrain
). D'autre part, les infractions classiques sont souvent
complétées d'un alinéa ou de quelques mots aux fins de leur meilleure application au
Réseau informatique (incriminations concernant les atteintes sexuelles (89), le faux en écriture de l'article 441-1 NCP
). Tout
ceci a pour résultat de mettre en présence des incriminations souvent applicables de
manière équivalente à l'infraction commise, dès lors que les régimes juridiques qui
les concernent respectivement trouvent à s'appliquer simultanément au cadre dans lequel
seront commis les éléments constitutifs de cette infraction. 112- Il en est ainsi de l'altération frauduleuse de données
contenues dans un système informatique : selon l'article 441-1 NCP, "Constitue un
faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et
accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression
de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un
droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques". "Le faux et
l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende".
Du fait de l'insertion dans cet article, par le nouveau Code pénal, de la phrase "tout
autre support d'expression de la pensée", qui permet son application aux délits
commis par la voie informatique, le législateur de 1992 n'a pas jugé bon de reprendre,
dans le chapitre du nouveau Code pénal consacré aux atteintes aux systèmes de
traitement informatisé de données, l'article 462-5 de l'ancien Code pénal né de la loi
Godfrain, qui sanctionnait la falsification de documents informatisés. 113- Nous en arrivons donc à une situation dans laquelle, en cas
d'atteinte à un système informatique par "falsification" (terme employé par
l'article 462-5 de l'ancien Code pénal) de données y stockées, deux textes sont
applicables : l'article 441-1, censé en partie remplacer l'ancienne incrimination que
nous pouvons dénommer "faux en informatique", et l'article 323-3 de l'actuel
Code pénal, qui, rappelons-le, réprime le fait de modifier frauduleusement les données
contenues dans un système informatique. Bien entendu il existe une différence entre ces
deux textes et si l'article 323-3 ne prévoit que le fait de modifier les données,
l'article 441-1 exige une altération frauduleuse de la vérité, cette dernière devant
pouvoir constituer la preuve d'un fait ou d'un acte ayant des conséquences juridiques,
ainsi qu'un préjudice en résultant. Mais très souvent les faits à réprimer
correspondront à l'une comme à l'autre de ces définitions, des données stockées
étant souvent représentatives de la vérité (tout dépendra de ce que le Législateur
comme le juge entendront sous le vocable de "vérité"), l'altération n'étant
pas fondamentalement différente de la modification, une donnée ayant très souvent
vocation à produire un effet juridique, et enfin une telle action portant nécessairement
préjudice au "propriétaire" du fichier. Certes et par chance, les sanctions
prévues par l'une et l'autre de ces incriminations sont identiques : mais ceci est très
représentatif de la complexité, inopportune, qui règne au sein de notre droit, sachant
que ce développement pourrait être mené pour nombre de nos textes de droit pénal.
114- Pour un second et dernier exemple, citons l'affaire, concernant
un étudiant en informatique, dont nous avons déjà fait mention plus haut (90) : la condamnation, on le sait, est intervenue sur le
fondement de l'article 226-19 NCP. Mais comme le note M. Frayssinet dans son commentaire
de l'espèce (91), étaient applicables de multiples autres
textes de ce même code : alternativement (conflit de qualifications légales), les
articles 226-22, 226-1 relatif à la protection de la vie privée (92), 226-18 si la jeune fille eut été photographiée à son
insu; simultanément (concours réel d'infractions), les articles 226-16 (non déclaration
du site à la CNIL), 226-17 (défaut de prise de mesures de sécurité pour assurer la
sécurité des images - mais la raison en est ici évidente-), 227-24 (protection des
mineurs contre la vue d'images pornographiques). Il en est de même pour l'article 227-23,
si la jeune fille eut été mineure, mais la possibilité de cumul peut être ici
contestée. 115- Est-il bien raisonnable que pour un fait unique, même s'il
implique l'utilisation de plusieurs techniques obéissant à des régimes juridiques
parfois distincts, autant de textes aient cette vocation plus ou moins légitime à
s'appliquer? Il paraît ici approprié, même si nous y reviendrons, de dénoncer une
absence flagrante de clarté et de généralité de la loi, caractères qu'il lui serait
possible de préserver tout en subissant les adaptations nécessaires à l'apparition de
certaines technologies. 116- La conséquence en est parfois, et ceci constitue notre second point, que le méfait sanctionné ne sera pas forcément celui que l'auteur voulait commettre et a par ailleurs commis, mais celui commis par "nécessité", en qualité d'instrumentum, pour la bonne réalisation de l'infraction principale. Ceci est vrai à un moindre degré (93) dans l'affaire précitée du meurte commis par un homme sur la personne de sa femme par le biais d'Internet. Nous comprenons mal, en communion avec M. Frayssinet, la légitimité de la loi de 1978, protectrice des libertés, à s'appliquer à une espèce ou le seul but recherché par l'auteur des faits était une atteinte à la vie d'autrui. Certes, le droit pénal français ne tient pas compte des objectifs et sanctionne l'impact effectif de l'infraction sur la société. Ceci est une bonne chose mais elle ne doit pas nous faire perdre pied d'avec la réalité. Ceci est par contre totalement effectif s'agissant du vol
d'information (94) : il est constant que le vol suppose la
soustraction frauduleuse d'une chose matérielle possédée par autrui. Ainsi le vol
d'informations, et ceci quelque soit l'importance de ces dernières, ne peut être
poursuivi qu'à travers leur support matériel. Ce n'est donc pas ce que l'auteur des
faits a volé selon son intention première qui est effectivement protégé, mais ce qu'il
a dû voler pour y parvenir. Si cela n'a pour causes que l'obligation d'interprêtation
stricte de la loi pénale et le défaut de cohésion entre le fait et le droit que nous
allons à présent aborder, les conséquences sur l'application du droit en restent
inexorablement les mêmes. C/ Le défaut de cohésion entre fait et droit 117- Ce défaut de cohésion vient d'être démontré, avec le vol
d'information. Il en est de même du recel de celle-ci, ou d'autres dispositions plus
spécifiques tel le droit de décompilation. Bien entendu cette difficulté est déjà
ancienne, et ne provient en aucun cas de la spécificité d'Internet. Mais elle n'est que
mieux révélée par le réseau et nous oblige à dénoncer une situation dans laquelle
nous nous confortions. Ainsi, il serait bon que le Législateur s'attache à rétablir une
certaine cohésion entre le droit et la réalité, au lieu de créer sans cesse des
incriminations -ou compléments d'incriminations- spécifiques destinées à saisir une
illusion de vide juridique. Notamment, le vol devrait enfin être admis pour toute
"chose", matérielle ou immatérielle. Et quand bien même l'obligation de
l'existence d'un support viendrait à être conservée, il serait au moins opportun
d'admettre au rang de ces supports, si l'on ne veut à l'extrème y admettre l'air,
support des ondes accoustiques qui nous permettent de percevoir les sons, les supports
magnétiques et les cables téléphoniques (95). 118- Ce que nous venons d'étudier est rassurant et effrayant tout
à la fois. Rassurant en ce qu'il est évident que le droit français est présent sur le
réseau, tant de par son champ d'application territorial que de par son application
matérielle. Mais effrayant, si l'on songe, dans une approche internationale, qu'il en est
de même s'agissant de la plupart des droits pénaux de nos voisins. Internet est donc
littéralement asphyxié par le droit. De ceci résultent de nombreux disfonctionnements :
SECTION III - LES CONSEQUENCES DE L'APPLICATION DE TOUTES LES LOIS 119- La possible application simultanée, au même comportement
infractionnel, de plusieurs droits et, en leurs seins respectifs, de plusieurs
incriminations, provoque un choc de valeurs morales (1§) comme un affaiblissement du
droit pénal (2§). Bien sûr ces difficultés sont connues du droit international comme
de notre système législatif interne. Mais, hier exceptions, elles sont aujourd'hui la
règle. Elles deviennent quotidiennes et incontournables. Paragraphe 1 - Le choc des valeurs morales 120- Que tous les droits de la planète aient vocation à
s'appliquer n'appelle pas de difficulté majeure dès lors que ceux-ci sont identiques,
mais il en est autrement dès lors qu'ils n'incriminent pas les mêmes faits, ou qu'ils
répriment le même acte de manière différente. Et comme l'énonce Mme
Marcellin-Taupenas dans une phrase désormais célèbre, "Le droit présente des
disparités quant à la liberté d'expression : le contenu d'un message transporté sur
Internet peut être jugé innocent ici, indécent là et criminel ailleurs" (96). 121- En effet, les systèmes législatifs, mis en présence,
révèlent leur hétérogénéité, et les conflits de valeurs morales qui en résultent
posent l'essentiel des problèmes. 122- Ceci est vrai de la liberté d'expression, mais également
d'une multitude de faits et d'actes, tels les atteintes aux systèmes informatiques (tous
les pays n'ont encore pas adopté de dispositions similaires à celles que nous
connaissons avec la loi Godfrain). 123- Mais c'est la différence entre les conceptions étatiques de
cette liberté d'expression qui pose la réelle difficulté, car tenter de la résorber ne
relève plus de l'ordre technique, mais de l'ordre moral. La souveraineté des Etats est
mise en cause. Et la résorber devient pourtant nécessaire, car les conceptions
s'entrechoquent, et créent des conflits. 124- Conflits car, si, comme le rappelle M. Vivant (97), la conception américaine de la liberté d'expression est
tout aussi respectable que la nôtre, "car il s'agit bien d'une véritable conception
de la liberté et des libertés", et que ce raisonnement pourrait très bien être
appliqué à d'autres pays, il faut "savoir choisir, sauf à ne plus assumer sa
responsabilité d'homme". Et les choix en ce domaine, qu'ils soient personnels ou
étatiques, suscitent des passions et des combats pour leur sauvegarde. 125- Conflits encore, car admettre le respect dû à une conception
de la liberté ne permet pas toujours de supporter l'intolérable (98), pour quiconque "croit en certaines valeurs"
pour reprendre une autre expression de M. Vivant (99). Et
nous désirons aller plus loin en affirmant que certaines valeurs sont irréversiblement
universelles, que l'on y croie ou non, que l'on désire y adhérer ou non. Et c'est à
ceux qui y croient de tout faire pour les défendre (100).
126- Ces conflits sont multiples : ainsi, un propos incitant à la
haine raciale ou révisionniste, déposé sur un serveur américain, n'enfreint en aucun
cas la loi dudit pays, tandis que le même propos est sévèrement combattu par la loi
française et la plus grande partie des Etats européens. 127- Au sujet des propos et images à caractère sexuel, un vif
débat s'est pourtant ouvert aux Etats-Unis en 1995-1996, qui a donné lieu au vote par le
Congrès, le premier février 1996, du "Communication Decency Act", texte
modifiant la loi sur les télécommunications et pénalisant tout "message
indécent ou obsène, le sachant accessible à un mineur de 18 ans" (101). Mais certaines de ses dispositions ont été jugées
inconstitutionnelles par le Tribunal comme la Cour d'appel de Pennsylvanie, ce qui a été
confirmé par la Cour suprême (102). En effet, selon la
Cour d'appel, ces dispositions "constituent une ingérence des autorités
publiques dans le domaine de la liberté d'expression, alors que le message, quand bien
même serait-il considéré comme "indécent" ou "offensant", doit
bénéficier de la protection de la constitution". 128- Une telle décision, paradoxale si l'on songe que la
pornographie est plus sévèrement réprimée dans ce dernier pays qu'en France, laisse
pour certains présager qu'aucun propos, et notamment à caractère raciste, n'est
susceptible d'être interdit sur Internet par les Etats-Unis. 129- Ceci est cependant à relativiser pour deux raisons : La première est que les juges ont déclaré l'inconstitutionnalité pour des raisons étrangères à une éventuelle "protection" de l'indécence : le texte de loi présentait selon eux des restrictions disproportionnées au but à atteindre (à savoir la protection des mineurs), il était trop imprécis en ce qu'il ne définissait pas la notion d' "indécence", et il fondait ses dispositions sur un critère (la "rareté" des fréquences) qui ne correspondait pas à Internet, donc qui ne pouvait s'y appliquer. La seconde raison est qu'à la suite de la confirmation de cette
décision par la Cour suprême, la Maison-Blanche a appelé la mise en place d'un groupe
de travail destiné à élaborer un projet de mesure qui serait applicable en substitution
du Decency Act. De même, le Congrès s'attache aux difficultés concernant Internet, et
s'apprête à intervenir. Ce qui fait dire à certains, à l'inverse, que "les
Etats-Unis [sont peut-être] en train de marcher sur les traces du Législateur
français" (103). 130- Pour en conclure avec cette affaire, il semble que le continent
américain ne soit pas totalement indifférent aux problèmes suscités par les messages
envoyés sur Internet par ses habitants, et ceci peut être perçu comme encourageant. Il
n'en demeure pas moins que les différences persistent entre valeurs protégées. 131- A l'extrème opposé citons la Chine, qui, voyant dans Internet
un instrument servant à dévoiler les secrets d'Etat ou à diffuser des informations
malfaisantes, a révisé pour la seconde fois, le 11 décembre 1997, une législation de
février 1996. Ces nouvelles dispositions pénales, entrées en vigueur le premier janvier
1998, prévoient des "punitions criminelles" et des amendes envers les auteurs,
fournisseurs d'accès ou internautes, personnes physiques comme morales, de violation de
secrets d'Etat, de subversions politiques, de fraude informatique, ou de propos violents
ou pornographiques. 132- M. Denis Duclos (104) écrivait,
s'agissant des nouvelles technologies (et notamment des armes chimiques) que "le
véritable risque technologique est celui d'une circulation de la haine dans la culture de
masse, ce milieu ambiant où nous fantasmons, en nous gardant bien d'en faire matière à
conversation civile". Cette pensée est transposable à Internet, et nous nous devons
de remédier rapidement à ces problèmes si nous ne voulons pas que ce réseau devienne,
sous couvert de liberté d'expression ou d'une autre valeur, un risque. Nous nous le
devons pour qu'il conserve ses caractères vertueux que tant chérissent, et ceci quand
bien même on ne peut dire qu'il fédére l'ensemble de la planète, quand "1,2
milliards d'habitants n'ont toujours pas accès à l'eau potable" (105), quand quelques millions de personnes connectées sont
répertoriées pour l'ensemble du monde. Car souvenons nous d'une triste période de notre
histoire, où le mal est venu du côté d'où on l'y attendait le moins. Paragraphe 2 - l'affaiblissement du droit pénal 133- Ces conflits de lois, externes et internes, provoquent un
affaiblissement marqué des principes de droit pénal. A/ Le déclin de la légitimité de la loi pénale 134- En premier lieu, la loi pénale se doit d'être légitime, si
elle veut atteindre ses objectifs, qui sont en France de prévenir et réprimer les
comportements non respectueux des valeurs protégées par la société. Elle doit pour
partie cette légitimité à ses caractères de généralité, d'abstraction et de
pérennité (1), ainsi qu'à la sécurité qu'elle apporte au citoyen (2). 1) La loi : générale, abstraite et pérenne ? 135- Comme le rappelle M. Gautier (106),
"depuis Rome, en passant par l'inaltérable Portalis, les titres de gloire de nos
lois sont (étaient?) (107) leur caractère général,
abstrait, et bien frappé, justifiant que les situations nouvelles se placent doucement et
comme naturellement sous leurs auspices". 136- Comme nous pouvons le constater, les textes de loi en vigueur aujourd'hui sont particuliers pour la plupart, entrent dans les méandres du comportement avec une étonnante précision, et sont souvent édictées rapidement, sans réflexion préalable, car trop souvent instruments politiques pour calmer les lobbies faisant partie de l'électorat. Citons, pour illustrer cette dernière particularité, l'exemple des
dispositions sur la décompilation (108) , prises pour
répondre rapidement à un problème technique. Elles risquent de ne plus servir
"qu'aux fraudeurs" (109) à l'avenir, du fait de
l'apparition de langages d'interfaçage permettant de résoudre les questions
d'interopérabilité. Et si leur édiction a été quelque peu efficace, les mesures de
sécurité qu'elles prévoient pour préserver l'uvre "décompilée" des
atteintes éventuelles au droit d'auteur dont elle pourrait être l'objet ne sont pas
contrôlables. De plus, le reverse engineering, leur source, est incompatible,
théoriquement, avec le droit d'auteur. 137- "Il y a [donc] une incontestable perte d'unité du droit
positif " (110) , d'où naissent de multiples
contradictions et incompatibilités entre dispositions. Cette situation est dangereuse et
il conviendra d'y remédier rapidement si l'on ne désire pas "un affaiblissement du
jeu démocratique" (111) , si l'on veut éviter que
les citoyens, et notamment les cybercitoyens, ne se détournent de la loi ou ne soient
totalement désillusionnés quant à son application, et qu'Internet n'envenime une
situation dont les premières pierres ont été jetées il y a déjà longtemps. 2) L'ignorance de la loi applicable 138- "Plus il y aura de gens qui comprendront le code sacré
des lois et qui l'auront entre les mains, moins il se commettra de crimes, car il n'est
pas douteux que l'ignorance et l'incertitude des châtiments viennent en aide à
l'éloquence des passions" (112). Le réalisme de
cette citation de plus de deux siècles d'âge sera certainement contesté par certains,
pour lesquels les théoriciens sont d'éternels utopistes, et que, même s'il est établi
que la sanction pénale poursuit un but comminatoire, elle n'a jamais empêché les
personnes déterminées à commettre l'infraction qui la fonde, à l'instar des écoles
qui n'ont pas su fermer les prisons. 139- Il n'est cependant pas contestable que ne pas connaître ce à
quoi on s'expose en commettant un acte (ouverture d'un site, navigation sur le réseau,
téléchargement de fichiers nominatifs...), non seulement facilite la commission
d'infractions, et cela souvent en toute bonne foi, mais n'est également pas conforme à
l'un des principes de base de notre droit pénal, qui est le maintien de la sécurité au
sein de la société. L'affirmation du principe selon lequel "nul n'est censé
ignorer la loi" (113) , hier hypocrite, en devient
comique. 140- Et la confusion qui règne au sein des droits applicables sur
Internet empêche ses acteurs, même ceux de bonne volonté, de savoir quel droit suivre
et quelles formalités accomplir. Il n'est d'ailleurs pas rare de voir des auteurs
d'infractions s'étonner de leur interpellation, pour n'avoir pas par exemple déclaré à
la CNIL (114) leur home page ou leur site, de n'avoir pas
déclaré ces mêmes "lieux" au Procureur de la République (115) , ou pour être entrés en toute bonne foi dans un
réseau informatique sans droit d'accès. 141- Preuve est de cette confusion, l'aspiration de ces acteurs à
une meilleure connaissance du droit applicable sur Internet : dans une étude sur la
responsabilité relative au contenu circulant sur Internet (116)
diffusée le 11 mars 1997 par Industrie Canada, on peut effectivement lire que les
"participants aux groupes de discussion ont déploré la continuelle incertitude au
sujet de leurs droits, obligations et responsabilités découlant de leurs rôles de
participant à la diffusion du contenu dans la chaîne de distribution Internet".
142- Il convient de noter que cette confusion de textes ternit un
peu le travail du juge qui, ayant "une latitude d'appréciation de plus en plus
étendue", ne choisira pas toujours le même fondement pour condamner deux faits
pourtant similaires : d'où "une jurisprudence trop diversifiée pour dégager de
véritables principes directeurs" (117) . B/ Une mauvaise application de la loi pénale 143- La loi applicable, quand elle est finalement choisie, connaît
également une application douteuse dans la décision ou ineffective dans sa
concrétisation : les juges ne semblent pas suivre à la lettre le principe de prohibition
des interprêtations par analogie (1), la loi appliquée semble ineffective (2) et les
risques de Forum Shopping comme de déni de justice sont présents (3). 1) L'interprétation analogique 144- Le droit pénal est d'interprêtation stricte, en aucun cas analogique. Ceci est, pour Beccaria (118) , la conséquence du droit de punir. Les magistrats sont cependant souvent poussés à modifier le champ
d'application matérielle d'une loi, ou à faire entrer un comportement dans une
incrimination définie trop strictement pour pouvoir appréhender celui-ci avec l'harmonie
qu'il se devrait (119) . L'interprétation par extension,
interprêtation analogique qui ne dit pas son nom, est une cause de plus au désarroi des
acteurs que nous dénoncions plus haut (120) . Bien
qu'ancienne, elle n'est, comme tous les disfonctionnements que nous notons, que mieux
révélée par Internet. 2) L'ineffectivité de la loi applicable 145- La loi, une fois choisie par le juge, lequel prononce une condamnation sur son fondement, est souvent ineffective dans son application. En effet, si l'auteur de l'infraction commise réside à l'étranger, ne pourront être appréhendés que les éventuels biens dont il dispose en France. Certes, une convention d'extradition lie la France à d'autres pays, mais d'une part ses signataires sont, et de loin, moins nombreux que les pays concernés par Internet, d'autre part elle est d'application très difficile, dans une branche du droit ou l'application territoriale de la loi subit une expansion fondée uniquement sur un critère de souveraineté, et enfin, l'obligation de double incrimination qui existe dans certains cas ne permettra pas la poursuite. De même, si la fermeture d'un site pour le rouvrir dans un
"paradis virtuel" peut être appréhendée sous couvert de fraude à la loi,
sera rencontré le même problème suscité, plus celui de la possible invocation du
bénéfice du droit européen. 146- Mais sanctionner le coupable de l'infraction pose également des difficultés, alors même que cette personne est française et domiciliée en France. Car les contours de la responsabilité des faits délictueux est encore mal définie. Si par exemple (121) certains voulaient au départ une responsabilité systématique des fournisseurs d'accès, il semble aujourd'hui , et on peut s'en féliciter, que cela ne soit possible qu'à la triple condition que ceux-ci aient connu le contenu délictueux ou criminel de l'information, qu'ils aient eu la possibilité d'agir, et qu'ils s'en soient abstenu (122). Mais même dans cette hypothèse, est-il sain qu'un provider ait à
juger de l'illégalité ou non d'un contenu, ceci n'est il pas le travail normalement
réservé aux magistrats? 3) Entre Forum Shopping et déni de justice 147- Les victimes d'infractions commises sur le réseau peuvent
alors être tentées de poursuivre l'auteur dans le pays où il se trouve, en cas de
poursuite jugée difficile en France. La plupart des infractions que nous connaissons
étant incriminées ailleurs, et notamment en Europe, il est des chances pour que cet
autre pays s'estime compétent, lui aussi, à régir l'espèce. Nous entrons alors dans la
définition du Forum Shopping, qui consiste pour les plaideurs, en droit
international privé, à choisir le tribunal le plus accueillant à leur égard, pour
faire condamner la personne qui leur a porté préjudice. Ceci peut sembler intéressant
pour les victimes, si ce n'est que le Forum Shopping est totalement exclu par le
droit pénal international, un fait déterminé ne devant être régi que par une loi
déterminée. Le danger est ici extrème, car une généralisation de cette pratique
aboutirait à rendre le droit pénal tout à fait insécuritaire et trouver une
justification à l'application d'une sanction deviendrait difficile, sauf à enfin
reprendre une réflexion de fond sur le droit pénal, et élaborer véritablement un droit
international pénal, à l'instar du droit international privé. 148- De la même manière, si la loi française ne s'estime pas
compétente, la victime court le risque de se voir opposer une impossibilité de
réparation, proche du déni de justice. Car la loi française, après avoir proclamé son
incompétence, ne renvoit pas à une loi étrangère en substitution. C'est alors à la
victime de la rechercher et de l'actionner, sous réserve de son existence. 149- A l'inverse et enfin, le principe non bis in idem peut
se voir lui aussi remis en cause (123), car les champs
étendus de compétence de chaque loi dont le pays est concerné par une infraction
commise sur Internet provoquent fréquemment des conflits positifs. 150- Nous venons d'étudier le droit qui est appliqué sur Internet,
et nous avons pu noter de nombreux disfonctionnements qui, s'ils ne provoquent pas le
chaos et s'ils ne sont pas si dévastateurs que ce que nous en avons pu dire, ne serait-ce
que par le faible volume des infractions commises sur Internet eu égard aux infractions
commises dans chaque société "matérielle" (124),
ne serait-ce que du fait du peu de personnes connectées au réseau par rapport au nombre
d'êtres humains qui vivent sur notre planète, un problème existe, beaucoup en parlent,
et il s'agit d'y remédier. Ce problème prend naissance dans la trop grande diversité
des droits pénaux et des lois pénales applicables. Dans cette confusion, il faut se
diriger vers un véritable droit pénal applicable sur Internet : CHAPITRE II - VERS UN DROIT PENAL APPLICABLE SUR INTERNET 151- Combattre la multiplicité des lois applicables sur Internet
suppose de déterminer un droit unique qui s'y substituerait. Celui-ci peut être
déterminé de façons multiples, et les débats doctrinaux ne manquent pas en la
matière, débats dont l'examen sera utile en vue de la construction d' une véritable
solution (Section 2). Celle-ci s'avère en effet urgente, malgré les ébauches de
solutions (Section 1) qui voient le jour. SECTION I - DES EBAUCHES DE SOLUTIONS 152- Les difficultés évoquées en premier chapitre sont l'objet
des travaux des plus grands spécialistes. En résultent certaines pistes pour leur
résorption : un certain droit a été élaboré (1§) pour une plus grande univocité
juridique dans le cyber-espace, tandis qu'une volonté d'aller plus loin (2§) est
clairement affichée de la part des Etats comme des Instances internationales. Paragraphe 1 - Le droit élaboré 153- De nombreuses initiatives ont été prises, tant au niveau
national (A) qu'au niveau international (B), afin que le droit pénal puisse appréhender
au mieux la criminalité sur Internet. 154- Plusieurs pays ont procédé à des adaptations législatives
(1) afin de mieux combattre les infractions qui ont cours sur Internet. Ceci laisse un
espoir de parvenir à une plus grande homogénéité entre droits pénaux (2) 1) Les adaptations législatives 155- Sur l'appel des Instances européennes ou de leur propre
initiative, nombreux sont les Etats qui, constatant les problèmes posés par les
nouvelles formes de délinquance en relation avec l'ordinateur ou les réseaux
informatiques, ont amendé leur droit pénal positif afin de pouvoir mieux y résister.
156- Ces modifications sont relatives à deux domaines, plus
spécifiquement : la protection des mineurs et l'appréhension de la "criminalité
informatique". 157- S'agissant de la protection des mineurs, peut être dressée une liste de pays qui ont adapté leur droit pénal d'une manière similaire à celle de la France : La Finlande a entrepris une révision de son code pénal, qui sanctionne désormais de manière plus sévère la détention de matériel pornographique impliquant des enfants. En Allemagne, une loi sur les services d'information et de communication (Informations-und Kommunikationsdienste-Gesetz-IuKDG (125) ) et un traité relatif aux services électroniques, signé entre chefs de gouvernement des Länder (Mediendienste-Staatsvertrag), prévoient notamment une interdiction des contenus illégaux et plusieurs mesures destinées à renforcer la protection des mineurs : l'instauration d'un mécanisme permettant de bloquer les messages préjudiciables aux enfants et la nomination obligatoire, pour les fournisseurs de services, soit d'un délégué à la protection de la jeunesse (Jugendschutz-Beauftragte), ayant une mission de conseil des divers acteurs d'Internet, soit d'un organisme dautoréglementation assurant la même fonction. De même, le Code pénal belge a été modifié en 1995, de telle manière qu'il réprime aujourd'hui la diffusion de matériel pornographique mettant en jeu des enfants au travers des nouveaux services dinformation, de même que la simple détention de ce matériel, par téléchargement des informations concernées. En Italie, un projet de loi pénale consacré à l'exploitation sexuelle des mineurs a vu le jour le 9 avril 1997. Certains de ses articles répriment notamment la diffusion et la divulgation de matériel pornographique. En Espagne, le Code pénal a été amendé pour que certaines
infractions traditionnelles puissent être appréhendées quoique commises en ligne.
158- S'agissant de la criminalité informatique et des efforts pour une plus grande compatibilité entre le droit et ces infractions d'une nouvelle nature, il en est de même pour plusieurs pays : En Belgique, un projet de loi, soumis au Conseil des ministres à l'automne 1997, visait à adapter le cadre juridique à la lutte contre la criminalité sur les réseaux informatiques, en repensant les infractions traditionnelles comme en incriminant de façon efficace les délits informatiques. L'Allemagne, par les deux textes législatifs sus-énoncés, a procédé à une claire redéfinition des compétences entre Bund, Länder et autorégulation privée, quant à la réglementation des réseaux de communication. Il en résulte notamment une claire fixation de l'étendue du contrôle de l'Etat, ainsi qu'une clarification des responsabilités qui incombent aux fournisseurs et aux utilisateurs. De même, ont modifié leur arsenal législatif de manière plus ou moins poussée la Grèce, le Liechtenstein, la Norvège, la Suède, l'Australie, le Canada, le Japon ainsi que les Etats-Unis, s'agissant du droit fédéral comme des droits des Etats fédérés. Enfin, certains pays estiment que leur arsenal législatif en la
matière ne nécessite aucune modification : il en est ainsi de la Finlande, à l'instar
de l'Autriche dont le Code de procédures pénales (Strafprozessordnung) et le Code pénal
(Strafgesetzbuch) sont estimés adaptés aux infractions commises sur Internet. 2) L'espoir d'une future homogénéité 159- La liste de pays dont les législations sont aujourd'hui
adaptées à Internet, que nous venons de présenter et qui ne se veut en aucun cas
exhaustive, peut susciter deux sentiments : 160- Le premier est que le trop plein législatif que nous
connaissons en France existe également chez nos voisins, ce qui ne fait qu'accroître la
densité des textes applicables sur Internet. Ceci est une réalité. Mais l'approche à
en avoir doit être, nous semble-t'il, différente : 161- En effet, le second sentiment que l'on peut avoir et qui est
plus optimiste, est que tous les pays, du moins en Europe occidentale, ont décidé de
combattre la criminalité sur Internet, et tous le font en se fixant les mêmes objectifs
: saisir correctement les informations "illégales" ou
"préjudiciables", et en premier lieu celles qui favorisent les atteintes
sexuelles à l'encontre des mineurs -entre autres par le biais de la pornographie
enfantine-, prévenir et réprimer les atteintes aux systèmes informatiques, et
réajuster le cadre législatif pour qu'il corresponde mieux à la réalité du Réseau
des réseaux. 162- Il n'est alors pas irréaliste de penser que bientôt, les réflexions sur le phénomène que nous vivons ne cessant de s'amplifier, naîtrons des principes de droit pénal communs à une majorité de pays. Car en effet, l'obstacle majeur auquel s'est toujours heurté le droit pénal international est la souveraineté des Etats, qui se concrétise d'une part par le désir de chacun d'entre eux de régir une situation par laquelle ils s'estiment seuls concernés, et d'autre part par le rejet de toute forme de compromis sur les valeurs qu'ils ont décidé de protéger par le biais de leurs législations respectives. Et aujourd'hui les Etats réalisent qu'Internet les concernent chacun d'entre eux au même titre que leurs voisins, ce qui se manifeste souvent par une étude de la législation de l'autre afin d'y trouver les principes directeurs qui pourraient être adoptés au niveau interne. En outre, les points à étudier en priorité semblent faire l'unanimité. Cet avis est d'ailleurs aussi celui du Conseil de l'Europe, selon
lequel "Les manifestations de la criminalité informatique sont les mêmes dans tous
les pays industriels; presque partout, les organes de poursuite sont aux prises avec des
difficultés identiques lorsqu'il s'agit d'appliquer le droit pénal interne à cette
nouvelle forme de criminalité; (
). Tout cela devait conduire à étudier la
possibilité de dépasser le plan juridique interne en élaborant de ces stratégies
communes destinées à assurer la répression internationale des nouveaux types de
délits" (126). 163- Ce phénomène est consolidé par quelques démarches en vue de
l'élaboration d'un droit véritablement international. B/ Un certain droit pénal international 164- Au niveau international, plusieurs conventions (127) sont applicables à la criminalité sur les autoroutes
de l'information (1), conventions qui favorisent encore la mise en place de principes
communs en matière pénale (2). 1) Les conventions internationales 165- Plusieurs conventions internationales lient la France à de
nombreux pays, tant au fond (b) qu'en matière procédurale (a). Leur application n'est
cependant pas exempte de difficultés. a) La procédure internationale 166- En premier lieu, de gros efforts ont été faits en matière
d'extradition, procédure par laquelle un pays requérant demande à un pays requis le
transfèrement d'un individu en vue de sa condamnation. Cette possibilité est en effet
primordiale face à une délinquance transfrontière. 167- La Convention européenne d'extradition, du 13 déc 1957 (128), prévoyait cependant certaines conditions soulevant des difficultés : son article 2 posait une condition de double incrimination, l'infraction devant en outre soit être passible d'une peine d'emprisonnement d'un maximum d'au moins un an, soit avoir déjà fait l'objet d'une condamnation à une peine privative de liberté d'au moins quatre mois. De même, l'Etat requis pouvait refuser l'extradition pour une infraction commise en tout ou partie sur son territoire. Dès lors cette convention ne fonctionnait pas dans de nombreux cas, du fait de la non homogénéité des droits pénaux des Etats signataires, du fait de l'hétérogénéité des sanctions nationales pour des incriminations similaires, et enfin en raison de la particularité première de l'infraction informatique, qui est d'être localisable en plusieurs lieux simultanément. Quand aux deux premiers problèmes, une homogénéisation des
législations tant au niveau de l'incrimination que de la sanction aurait été -et reste-
une solution, selon le Comité européen pour les problèmes criminels (CEPC) (129) , et nous avons vu plus haut que la tendance actuelle
allait en ce sens. Mais d'autres auteurs suggéraient au contraire la disparition de ces
conditions, et nous verrons plus loin que cette question est délicate, à l'instar de
celle posée par la troisième disposition de ce texte. 168- Pour remédier à certaines de ces difficultés et pour une
meilleure lutte contre le crime organisé et le terrorisme, une nouvelle convention
d'extradition a été adoptée en septembre 1997, dans le cadre de l'Union Européenne.
Les conditions posant le plus de difficultés dans la répression des infractions sur
Internet restent et demeurent cependant. 169- Dans le même ordre d'esprit, la Convention européenne
d'entraide judiciaire en matière pénale, du 20 avril 1959 (130),
qui en 1993 liait déjà la France à 20 Etats membres du Conseil de l'Europe et à
Israël, et qui laissera bientôt place à une nouvelle convention (intégrant notamment
les questions liées aux "nouvelles technologies") actuellement en cours de
négociation entre les quinze, permet notamment à l'autorité judiciaire d'un pays
d'adresser une commission rogatoire aux autorités judiciaires compétentes d'un autre
Etat, aux fins de sa bonne exécution. 170- Quelques problèmes seront cependant ici aussi à résoudre
pour un bon fonctionnement de ces dispositions face aux infractions commises sur Internet
: comme le note le CEPC dans son rapport (131), cette
entraide judiciaire peut être refusée "si l'éxécution de la demande peut être de
nature à porter atteinte aux intérêts essentiels de la partie requise" (article
2.b de la convention), alors que fréquemment, les atteintes aux systèmes informatiques
portent sur des données financières ou d'ordre privé, voire touchant à l'ordre public,
de telles données pouvant être considérées comme relevant des intérêts essentiels de
l'Etat. En outre, l'exécution pratique de cette convention peut être compromise en ce
sens où l'objet des commissions rogatoires doit être "d'accomplir des actes
d'instruction ou de communiquer des pièces à conviction, des dossiers ou des
documents" (article 3 de la convention). Comme le note toujours le CEPC, la
Recommandation n° R (85) 10 du Comité des ministres relative à l'application pratique
de la Convention européenne d'entraide en matière pénale en ce qui concerne les
commissions rogatoires pour l'interception de télécommunications "ne s'applique pas
aux interceptions effectuées dans le cadre ou en provenance d'un système ou réseau
informatique". Dès lors certaines difficultés seront certainement rencontrées par
les Etats dans leurs recherches et tentatives de saisie des données numériques, du fait
de leur caractère immatériel. 171- S'agissant de la transmission des procédures répressives, la
Convention européenne y relative, ouverte à la signature en 1972, est de loin
primordiale dans notre étude en ce qu'elle a pour objectif de résoudre les conflits
positifs de compétence. 172- Mais, toujours, un effort doit être poursuivi pour que ses
dispositions s'appliquent de manière effective et efficace : le CEPC note en premier lieu
que, comme l'a fait remarquer le Comité restreint d'experts sur la compétence
extra-territoriale (CRECE), "cette forme d'assistance juridique internationale n'a
guère été utilisée jusqu'ici, même au sein de l'Europe". Internet implique
cependant de nombreux Etats et ceci de manière systématique, lorsqu'il est l'objet d'une
infraction. En outre, le CEPC note qu'à l'instar de ce qui se passe en matière
d'extradition, seront à résoudre les problèmes posés par notamment l'exigence de
double incrimination ou par le droit accordé à l'Etat requis de refuser la demande en
fonction du lieu de commission de l'infraction. 173- Enfin, la Convention de 1923 pour la répression du trafic des
publications obscènes, succédant à l'arrangement de Paris de 1910 sans toutefois s'y
substituer, pourrait être d'une aide précieuse dans ce combat contre la délinquance sur
les réseaux. Elle prévoit qu'en cas d'infraction commise sur le territoire d'un Etat
contractant, "lorsqu'il y a lieu de croire que les objets de l'infraction ont été
fabriqués sur le territoire ou importés du territoire d'une autre Partie, l'autorité
désignée en vertu de l'arrangement du 4 mai 1910 signalera immédiatement les faits à
l'autorité de cette autre Partie" et devra lui fournir des renseignements complets
sur plusieurs points. 174- La difficulté que pose cette convention est toujours du même
ordre : la procédure, pour être efficace, suppose une homogénéité des droits pénaux,
notamment quant à la réalité que doit recouvrir la notion de "publications
obscènes". 175- Ces diverses conventions peuvent être d'un grand secours dans
cette entreprise mondiale de lutte contre la criminalité dans le cyber-espace. M. Alain
Richard affirme d'ailleurs que "l'Europe est (
) le premier cadre dans lequel
[les Etats souhaitent] définir et appliquer un régime harmonisé d'extradition et
d'entraide judiciaire" (132). Des travaux d'adaptation
des textes internationaux comme des législations internes s'avèrent cependant
nécessaires pour une lutte efficace, comme nous l'examinerons plus loin. Il sera en effet
primordial de parvenir à une plus grande unité du droit en Europe puis dans le monde,
harmonisation à laquelle pourrait grandement contribuer le droit pénal matériel des
infractions internationales : b) Un ersatz de droit pénal matériel des infractions internationales 176- Ce droit pénal est quasiment inexistant, comme nous l'avons
déjà évoqué. Il commence cependant à émerger dans certains secteurs juridiques.
177- Ainsi, en matière de droit d'auteur, même si chaque droit
national possède ses propres règles et définitions et que des adaptations s'avèrent
nécessaires, un début d'uniformisation est en place, du fait d'initiatives successives,
telles la Convention de Berne qui institue certaines règles en matière de droit d'auteur
international, suivie d'un livre vert de l'Union Européenne, ou le traité de l'OMPI sur
le droit d'auteur adopté à Genève le 20 décembre 1996 par la "Conférence
diplomatique sur certaines questions de droit d'auteur et de droits voisins", faisant
pour l'essentiel entrer, dans la liste des uvres protégées par la Convention de
Berne, "les uvres littéraires et artistiques utilisées, créées, et
diffusées en ligne" (133). Me Christiane Féral-Schul
déplore la timidité de ce dernier texte, par exemple en ce qu'il protège des
uvres déjà intégrées dans le droit d'auteur communautaire par la Directive n°
91/250/CE du 14 mai 1991 relative à la protection juridique des programmes d'ordinateur (134) et la Directive n° 96/9/CE du 11 mars 1996 concernant
la protection juridique des bases de données (135). Ce
traité a néanmoins, selon le même commentateur, amélioré le niveau de protection des
auteurs. Il convient de noter également l'existence d'un projet de directive sur le droit
d'auteur dans la société de l'information, bien qu'il ne soit encore qu'à l'étude et
que son efficacité soit encore relative dans une analyse prospective (136). 178- Le même effort d'harmonisation existe en matière de
protection des informations nominatives : la directive n° 95/46/CE du Parlement européen
et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à
l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de
ces données (137), suivant une convention en la matière
du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 (138), permet une
meilleure homogénéité des législations européennes, pour une meilleure protection des
personnes physiques.. 179- Certes, dans les deux cas précités les règles européennes
ou internationales s'en remettent aux Etats contractants quant à l'élaboration
d'incriminations et de sanctions, ceux-ci n'ayant pour obligation unique que de prévenir
certains faits ou actes, les moyens à employer à cet effet relevant de leur libre
appréciation. Nous n'en sommes pas encore à un droit international, mais il n'en reste
pas moins que ces tentatives d'harmonisation sont encourageantes, et démontrent une
volonté unanime de remédier à certains maux. 180- De plus, à coté de cela, de nombreux autres textes de droit
international ont pour objectif de protéger des valeurs jugées essentielles par leurs
Parties signataires. 181- Il en est ainsi de la Convention du 2 décembre 1949 pour la
répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution
d'autrui qui interdit notamment la participation intentionnelle à la réalisation d'une
activité de proxénétisme (art.4). 182- Il en est de même de la Convention de Genève du 12 septembre
1923 pour la répression de la circulation et du trafic des publications obscènes, que
nous avons déjà mentionné plus haut, qui, cependant et pour évoquer ce point encore
une fois, ne définit pas ce qu'elle entend par "obscénité", ce qui est
gênant pour les raisons déjà développées. 183- La Convention internationale sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination raciale du 7 mars 1966 (139)
définit, elle, clairement la discrimination raciale, à son article 1, comme "toute
distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur,
l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire
ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions
d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines
politiques, économiques, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique".
Cette convention prohibe notamment (article 4a) "toute diffusion d'idées fondées
sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale,
ainsi que tous les actes de violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre
toute race ou tout groupe de personnes d'une autre couleur ou d'une autre origine
ethnique, de même que toute assistance apportée à des activités racistes, y compris
leur financement" (140). 184- Enfin, une Convention internationale sur les droits de l'enfant
a été ouverte à la signature le 26 janvier 1990, et est destinée en partie à
protéger les mineurs des contenus illicites sur les réseaux, qu'ils soient victimes par
perception d'images sur un site quelconque ou par mise en scène sur des photographies. Il
a de plus été vivement recommandé aux Etats d'y adhérer, et ceci à de multiples
occasions.(141) 185- Ce droit pénal international conventionnel est doublé de
l'existence de principes communs aux pays d'Europe occidentale, mais également à ceux
d'Europe centrale et orientale, en matière pénale : 2) Des principes communs en matière pénale 186- Ce que nous avons étudié plus haut nous démontre un effort
des Etats dans le sens d'une plus grande harmonie des droits nationaux, pour une meilleure
appréhension de secteurs juridiques spécifiques ou dans l'objectif d'une lutte commune
contre certains actes jugés inacceptables. Les textes qui en résultent arrivent dès
lors soit en complément soit en qualité de matière première de ce que M. Régis de
Goutte appelle un "espace judiciaire pénal européen" et un certain
"espace juridique pénal pan-européen" (142).
187- Espace judiciaire pénal européen en effet pour ce qui
concerne les Etats membres des Communautés européennes et ceux du Conseil de l'Europe,
avec pour base notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et
des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (143) et ses
protocoles additionnels. 188- "Espace juridique pénal pan-européen" embryonnaire ensuite, avec la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). M. R. de Gouttes rappelle que dans le cadre de celle-ci, le document final de la réunion de Copenhague des 5-29 juin 1990, confirmé par la "Charte de Paris pour une nouvelle Europe" adoptée le 21 novembre 1990, consacre de "nombreux principes en matière pénale" ainsi qu'un "ensemble de normes relatives à l'état de droit et à la démocratie, aux libertés fondamentales, aux institutions démocratiques et aux minorités nationales", ces deux blocs résultant de travaux sur la dimension humaine. Ces principes s'inspirent, toujours selon l'auteur, des grands textes internationaux en la matière, et entre autres de la CEDH et du Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques du 19 novembre 1966 (144). Parmi ceux-ci, et pour ce qui concerne notre étude, nous pouvons citer la nécessité de protéger les droits de l'enfant, en particulier contre toute forme de violence et d'exploitation (II-13), l'engagement des Etats à prendre toute mesure utile pour lutter contre la haine raciale et ethnique, l'antisémitisme, la xénophobie, ou toute discrimination (IV-40, 1à7), le droit de toute personne de disposer effectivement d'un recours et le droit des personnes et groupes de personnes concernés de déposer des plaintes à l'encontre d'actes discriminatoires, dont les actes racistes ou xénophobes (IV-40, 5). Ces principes n'ont bien entendu pas de force juridique obligatoire
car, comme le note M. R. de Gouttes, ils ne participent que "d'un engagement à
caractère politique et non pas conventionnel". Leur proclamation est cependant
encourageante, dès lors que l'on sait que la véritable difficulté dans la répression
des infractions internationales, comme nous l'avons maintes fois énoncé, est la
différence de conception qu'ont les différents pays de la planète de certaines valeurs,
différence à laquelle seule une véritable volonté politique peut remédier. Il n'est
d'ailleurs pas étonnant de constater que l'un des deux seuls pays participant à la CSCE
à ne pas avoir ratifié le Pacte international sur les droits civils et politique, sont
les Etats-Unis. 189- "Espace juridique pénal pan-européen" enfin, avec l'adhésion de pays d'Europe centrale et orientale au Conseil de l'Europe ou à certaines de ses conventions (dont la CEDH). Quant à leur adhésion à certains accords en matière pénale en tant qu'Etat tiers, doit intervenir une décision du Comité des ministres prise en accord avec tous les pays membres du Conseil de l'Europe qui sont signataires de la convention en question. S'agissant de l'adhésion de ces pays au Conseil de l'Europe, deux
conditions sont requises : la signature et ratification de la CEDH, "en tant
qu'instrument inspirant toute la philosophie du Conseil de l'Europe", selon les
termes de M. R. de Gouttes, et l'adaptation des institutions et du système législatif
interne pour un total respect des valeurs et principes démocratiques européens (145). 190- Cet espace pénal international ne résout certes pas toutes
les difficultés, dont la principale, le choc des valeurs morales, a maintes fois été
évoquée. Il est cependant révélateur d'une aspiration, d'une grande partie des Etats,
à moins de conflits juridiques internationaux et plus d'entraide. Son étude nous sera
également une aide à l'élaboration de principes directeurs pour un règlement efficace
des infractions internationales auxquelles nous sommes confrontés par le biais
d'Internet. 191- Mais avant que d'aborder ce point ultime, notons une volonté,
de la part de tous, d'aller encore plus loin. Paragraphe 2 - La volonté d'aller plus loin 192- Cette volonté émane des Etats comme de toutes les Instances
internationales. A/ Une volonté affichée des Etats 193- Cette volonté se manifeste par des initiatives, individuelles
ou communes, prises dans le dessein de remédier aux problèmes causés par la
délinquance sur Internet. 1) Les initiatives individuelles 194- A l'échelon national, des entreprises de toutes sortes ont vu
le jour. Les résultats encourageants qu'elles ont eu, et que l'on peut lire dans le
rapport intermédiaire sur le contenu illégal et préjudiciable sur Internet de l'Union
Européenne du 4 juin 1997 (version 7) (146) pour ce qui
est des Etats européens, peuvent être résumés en cinq points : 195- Tout d'abord, des associations et groupes, notamment de
fournisseurs de services sur Internet, ont vu le jour de part et d'autre : il en est ainsi
en Autriche, Belgique, Finlande, Grèce et Royaume-Uni. 196- Ensuite, des réflexions de fond sur le phénomène Internet
ont donné naissance à de nombreux rapports et projets, en vue d'une meilleure
application de la loi. C'est le cas du Danemark (étude des problèmes et des
possibilités liés à la mise en oeuvre de la législation sur Internet et par exemple
lexamen du contenu illégal sur Internet), de la Finlande (rapport du Comité
finlandais sur la liberté dexpression relatif notamment au contenu illégal sur
Internet et à la nécessité de clarifier les responsabilités des acteurs du réseau),
de la France (mission interministérielle sur Internet, qui a donné naissance au rapport
de Mme Falque-Pierrotin), de la Grèce (étude sur les contenus illégaux et
préjudiciables sur Internet), de l'Irlande (examen des questions liées à l'utilisation
illégale et préjudiciable d'Internet, du rôle de la législation par rapport à
l'autoréglementation), des Pays Bas (document stratégique relatif à la "protection
des mineurs dans le cadre des nouveaux moyens audiovisuels" et projet
interdépartemental sur les "aspects législatifs de l'autoroute électronique")
et de l'Allemagne ("rapport d'un groupe interdépartemental sur des questions
relevant du droit pénal, du droit de la protection des données et du droit d'auteur
suscité par Internet" (147) ) 197- Certaines de ces réflexions ont d'ailleurs donné lieu à
l'élaboration d'un code de bonne conduite sur Internet ou d'un projet
d'autoréglementation ( France, Italie, Suède, Royaume-Uni et projet à l'étude au
Danemark, au Luxembourg et aux Pays Bas ) ou à la mise en place de systèmes de filtrage
et de codification de l'information en Belgique, en Allemagne et au Royaume-Uni (en
collaboration avec des organismes spécialisés dans les systèmes de codification en
Europe, Australie, Japon et Etats-Unis). Un tel projet est également à l'étude en
Grèce, en Irlande et aux Pays Bas. 198- Parmi les autres projets réalisés, on peut citer la mise en
place de lignes directes, publiques ou privées, dont l'objectif est principalement
l'information des acteurs et utilisateurs d'Internet, voire la possibilité pour ces
derniers de dénoncer les cas de diffusion d'images de pornographie enfantine dont ils
peuvent avoir connaissance sur le réseau. C'est le cas de l'Autriche, de la Belgique, de
la Finlande, de l'Allemagne, de la Grèce, des Pays Bas, du Royaume-Uni et ce projet est
à l'étude au Danemark. 199- Il est enfin important de noter que c'est à la suite d'une
initiative Belge que la question de la diffusion par réseaux d'images pornographiques
impliquant des enfants a été portée à l'attention de l'OCDE. De même, la Hollande a
mis en place une procédure d'avertissements, lesquels sont adressés aux auteurs et
fournisseurs de services étrangers impliqués dans la diffusion d'images pédophiles, en
cas de signalement sur la ligne directe. A la suite de quoi la police hollandaise en est
avertie, et en informe à son tour la police du pays concerné. 200- Ces initiatives individuelles sont complétes par des
initiatives communes : 201- Certains pays ont adopté des projets communs dans leur lutte
contre la criminalité informatique. C'est par exemple le cas du G7/P8 (les sept grands
pays industrialisés et la Russie) qui a, les 9-10 décembre 1997, adopté à Washington
un plan d'action "contre la criminalité liée aux technologies de pointe" (148), après en avoir fait de même en 1996 à propos du
terrorisme et du crime organisé, et avoir adopté quarante recommandations sur la
criminalité au sommet de Lyon. C'est aussi l'exemple du Conseil des Ministres en charge
de la justice et des affaires intérieures qui s'est tenu début décembre 1997 à
Bruxelles, et a évoqué les problèmes posés par la "Cybercriminalité".
202- Parmi les points adoptés lors du sommet de Washington des 9-10
décembre 1997, il convient de citer plusieurs décisions qui paraîssent importantes :
203- Les Etats s'engagent tout d'abord à "qualifier
d'infraction l'usage délictueux de l'informatique et des télécommunications"
(II.A), afin que toute législation soit capable de punir les atteintes à la
"confidentialité, l'intégrité ou la disponibilité des données". En la
matière les lois nationales ont été jugées suffisantes par les Huit, mais il est dit
aussi qu'elles devront toujours être révisées si nécessaire. 204- Les Etats s'engagent ensuite à avoir "recours aux lois
nationales dans les affaires internationales" (II.B), c'est-à-dire à diligenter une
enquête "d'envergure" chaque fois que cela sera nécessaire, quand bien même
la gravité de l'infraction et l'existence d'une double incrimination n'auraient pas
encore été déterminées. Cette disposition a pour objectif une plus grande chance de
répression de la criminalité informatique, qui doit faire l'objet d'une riposte rapide
eu égard à la fluidité de l'information électronique. De même et comme le signale la
Communication des Huits, seule l'enquête permet souvent l'établissement de ces
conditions. 205- Est également prévue une solide structure d'expertise : une
personne ou une unité devra dans chaque pays se consacrer à la "criminalité liée
aux technologies de pointe" (I.A) ainsi que suivre une formation continue en matière
d'enquêtes et de poursuites liées à cette criminalité dont les techniques sont en
constante évolution (I.B). Les "matériels et logiciels les plus récents" (I.
C) devront être mis à la disposition de ces experts, dont l'action devra être soutenue
législativement et budgétairement par les "décideurs" -sous entendu les
gouvernements et législateurs- (I.E), ces derniers devant en outre s'informer auprès de
leurs experts en cas de lacunes dans leurs connaissances de ces nouvelles technologies
(I.E). Enfin, ces experts devront être "disponibles vingt-quatre heures sur
vingt-quatre" pour pouvoir réagir rapidement en cas d'infraction sur un réseau, la
trace de leurs auteurs risquant "d'être impossible à retrouver une fois la liaison
informatique terminée" (I.D). 206- En matière de procédure internationale, certaines
résolutions sont prises, qui laissent présager d'une plus grande efficacité des
conventions à venir, et notamment celle d'entraide judiciaire qui est en cours de
préparation. 207- Ces décisions concernent en premier lieu la localisation et
l'identification des auteurs d'infractions sur les réseaux : le secteur industriel devra
être encouragé à utiliser protocoles de communications sur Internet et technologies de
pointe pour une plus fiable localisation des délinquants (III.A), les pouvoirs publics
devront y apporter leur coopération pour des résultats optimaux (III.B), des procédures
légales simplifiées doivent permettre en un temps record aux "services
opérationnels" d'accéder directement aux données qu'ils recherchent aux fins de
répression des infractions (III.C) et une plus grande souplesse en matière
d'"échanges internationaux de données transactionnelles" (III.D), ce qui fait
référence une fois de plus à l'entraide judiciaire. 208- Sont concernées en deuxième lieu les perquisitions et
saisies, dont les procédures internationales doivent d'une part ne pas empêcher le
"gel" immédiat, de manière "juridiquement valable", de toute preuve
d'une infraction sur un réseau informatique (IV.A) et d'autre part permettre une
recherche transfrontalière efficace en conciliant celle-ci avec la souveraineté de
l'Etat concerné : les experts sont appellés sur ce point à proposer "un ensemble
de directives concrètes allant dans ce sens"(IV.B). 209- Est concernée enfin l'extradition, qui devra à l'avenir être
favorisée dans l'intérêt des victimes, à défaut de quoi le pays principalement
chargé de l'enquête et des poursuites devra faire valoir "les droits et intérêts
de tous les pays victimes" (V). 210- Nous pouvons nous apercevoir que, comme le note le journal
électronique LMB, ces différentes dispositions concilient "le respect des approches
nationales dans un domaine du droit qui est au cur des questions de souveraineté,
et la nécessité de rendre plus rapides et efficaces nos moyens d'entraide et de
coopération" (149). Il convient d'ailleurs
de noter que les Huit ont pour projet l'élaboration d'une Convention des Nations Unies
sur la criminalité organisée, ce qui devrait permettre d'élever ces résolutions
politiques au rang de droit conventionnel international. Tout ceci est encourageant,
d'autant plus que ces initiatives sont fortement encadrées par les diverses Instances
européennes et internationales : B/ - Les initiatives internationales 211- Ces initiatives concernent plusieurs points sensibles que
contribuent à mettre à mal les cyber-infractions. 212- En premier lieu, l'Union Européenne mène depuis plusieurs
années une étude sur la société de l'information, dont est déjà résulté
l'établissement d'un cadre commun pour la protection des consommateurs, de la propriété
intellectuelle et de la vie privée. Outre la Directive de 1995 sur la protection des
données à caractère personnelles, et la Directive concernant la protection de la vie
privée dans le secteur des télécommunications, que nous avons déjà abordées et qui,
elles, ont une force juridique obligatoire, notons que la Commission européenne a
demandé au Conseil des ministres l'autorisation de négocier, au sein des instances du
Conseil de l'Europe, l'élaboration de "lignes directrices sur la protection des
personnes à l'égard de la collecte et du traitement des données à caractère personnel
dans les inforoutes". 213- Un grand débat a été également lancé en ce qui concerne le commerce électronique et la cryptologie, et certains des éléments qui en résultent concernent directement le droit pénal, notamment quant à la lutte contre la délinquance financière sur Internet. Ainsi, L'OCDE mène actuellement une étude sur ces deux sujets. De même, une conférence ministérielle européenne intitulée "Réseaux globaux d'information : matérialiser le potentiel" (150), a été organisée à Bonn du 6 au 8 juillet 1997 par la République fédérale d'Allemagne et la Commission européenne conjointement. Y ont pris part des ministres des pays de l'Union Européenne, de l'Association européenne de libre-échange et d'Europe centrale et orientale, des invités de haut rang des gouvernements des Etats-Unis d'Amérique, du Canada, du Japon, et de Russie, ainsi que des représentants de l'industrie, des utilisateurs et d'organisations européennes et internationales. L'objectif de cette conférence était d'étendre la compréhension
mutuelle sur l'utilisation des réseaux globaux d'information et de tenir un dialogue
ouvert sur les possibilités qui s'offrent à la coopération européenne et
internationale. 214- De lourds moyens ont encore été mis en uvre en matière de lutte contre le racisme, que celui-ci soit commis in line ou non : On peut féliciter par exemple les nombreuses initiatives du Conseil de l'Europe, lequel s'est principalement attaché, depuis sa création en 1949, "à développer un ensemble de règles visant à garantir les droits fondamentaux de la personne humaine et leur application effective", et qui lutte actuellement contre le racisme "en utilisant une approche globale, qui couvre l'ensemble des problèmes de la société et qui, avant tout, implique tous ses Etats membres sur un pied d'égalité" (151), cette lutte impliquant "toutes les structures de l'organisation" (152). Citons encore les Recommandations de politique générale n°1 et 2
de l'ECRI (153), intitulées respectivement "La lutte
contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance" et "Les
organes spécialisés dans la lutte contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et
l'intolérance au niveau national", de même que les Recommandations adoptées
respectivement par l'Assemblée parlementaire et le Comité des ministres du Conseil de
l'Europe dans la lutte contre le racisme et l'intolérance. 215- Le contenu illégal et préjudiciable sur Internet et la protection des mineurs, deux thèmes très fréquemment étudiés ensemble en ce sens que le second est souvent remis en cause par le premier, ont aussi fait l'objet d'une vaste mobilisation, dont il est ressorti plusieurs textes, parmi lesquels il faut mentionner la communication d'octobre 1996, relative au "contenu illicite et préjudiciable sur Internet", de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions (154) et les différents textes qui l'ont suivi, telle la Résolution du Conseil sur les messages à contenu illicite et préjudiciable diffusés sur Internet, du 17 février 1997 (155). Un livre Vert "sur la protection des mineurs et de la dignité
humaine dans les services audiovisuels et d'information" (156)
a également été diffusé, reprenant pour partie les principes contenus dans la CEDH et
faisant une large présentation du "contexte et [de la] problématique" de cette
protection, des "règles et moyens de contrôle applicables aux contenus"
diffusés sur Internet, et des "actions prioritaires" à mener. La Commission a
par la suite émis une Communication sur le suivi de ce livre vert. 216- Il faut noter enfin la création par le Conseil de l'Europe, début 1997, d'un Comité d'experts sur la "criminalité dans le Cyber-espace", chargé d'élaborer un projet de convention internationale sur ce thème, son mandat prenant fin le 31 décembre 1999. Cette initiative est primordiale en ce sens qu'elle va permettre la mise en place d'un véritable droit pénal international conventionnel relatif à Internet, qui pourrait enfin mettre un terme aux difficultés que nous avons mentionné, sous réserves bien évidemment que cette entreprise nous conduise à terme à l'élaboration d'un véritable droit pénal des infractions internationales et que tous les pays concernés par le phénomène signent cette convention et la ratifient. Certes, tous les pays évoqués se résument à l'ensemble de la
planète et cette idée paraît un peu utopique, en ce sens qu'aucune convention
internationale n'a jamais réussi à faire l'unanimité sur terre. Mais le cadre choisi,
le Conseil de l'Europe, est le cadre idéal car il permettra l'adhésion à ce futur texte
de pays non-membres de la Communauté européenne. 217- Mais, si tous les textes et projets vu plus haut sont
également -et encore une fois- très encourageants de par la volonté qu'ils affichent et
de par leur unanimité sur les questions de fond à résoudre par priorité (une
clarification urgente de la responsabilité des acteurs d'Internet, la nécessité d'une
action internationale -adoption par chaque pays de règles dont les fondements de base
seraient communs, coopération internationale effective et cadre juridique international,
"fut-il minimal" (157) - une véritable action
politique), ils présentent tous ce point commun de n'avoir aucune valeur impérative, de
n'être pas contraignants (158) ou de ne refléter aucune
position officielle (159). 218- Il est donc urgent, si l'on veut parvenir à une véritable
solution, de trouver un plan d'action international, qui se révélerait impératif pour
les Etats signataires, et qui réussirait à résoudre les problèmes que nous avons
tenté de faire ressortir, tout en conciliant la souveraineté des Etats pour le respect
qui lui est dû comme pour que le plus grand nombre adhère au plan suscité. SECTION II - POUR UNE VERITABLE SOLUTION 219- En effet, la véritable solution est internationale, et il
n'est pas une personne pour en douter. Mais plusieurs approches de l'action internationale
sont possibles et il convient d'en déterminer la meilleure. Les premières disputes
doctrinales ont dégagé de multiples idées de solutions, envisageant tour à tour un
droit pénal de l'Internet ou un droit pénal pour Internet (§1). Grâce à l'apport de
tous ces discours et après un temps de réflexion, il conviendra certainement de changer
d'angle d'attaque et de glisser d'un droit pénal pour Internet à un droit pénal
applicable sur Internet (§2). Paragraphe 1 - D'un droit pénal de l'Internet à un droit pénal pour Internet 220- L'idée originale d'un droit de l'Internet (A) a souvent été
émise, et elle constitue une approche radicalement différente de celle qui prétend
déterminer un droit pénal pour Internet (B), celle-ci étant pourtant commandée par la
lucidité, au détriment de la première. 221- Cette approche est révolutionnaire (1) eu égard à tout ce
que nos sociétés ont connu jusqu'ici. Elle est cependant irréaliste (2) pour de
multiples raisons. 1) Une approche révolutionnaire 222- "A l'espace de liberté [qu'était Internet], et
d'échange non marchand de ses débuts, succède un espace économique au grand désarroi
d'ailleurs de certains pionniers" (160). En effet,
outre le fait que le commerce électronique évolue à une telle vitesse qu'il
"risque [bientôt] de remplacer une bonne partie des infrastructures commerciales
existant dans le monde" (161), de nombreux accords
sont passés sur Internet tous les jours, qu'ils aient pour objet une fourniture de
service ou une concession de droit d'utilisation d'uvre protégée par le droit
d'auteur. Tout y est dès lors affaire de contrat : entre particuliers et fournisseurs
d'accès, entre auteurs et fournisseurs de contenu
Cette réalité, outre le risque
de "balkanisation du réseau" (162) qu'elle
présente, comme certains l'annoncent, mais qui n'est pas de notre propos, nous oblige à
étudier de plus près la manière dont ces échanges sont abordées par leurs différents
acteurs. Et c'est alors que l'on découvre que les contrats ainsi passés sont complets,
d'une précision infinie, due pour sa plus grande part à l'incertitude juridique qui
règne sur le réseau, et constituent ainsi une loi propre aux parties qui y ont adhéré,
s'appliquant en priorité par rapport aux règles de conflits instaurées par le droit
international privé, et faisant souvent référence à une loi étatique spécifique sur
des points précis (163). 223- Nous voyons ici l'émergence de "coutumes", selon le
terme de M. Vivant, qu'elles se concrétisent par des usages contractuels ou un code de
bonne conduite sur Internet. Il n'est alors plus enfantin de croire, à l'unisson de
plusieurs auteurs, à une possible "Lex mercatoria" (164), au sens de "loi des acteurs" comme le
précise M. Vivant, c'est-à dire à une loi marchande aménagée par les acteurs et pour
eux, qui primerait les règles de conflits de droit international. Une loi, surtout, qui
serait cette fois réellement respectée internationalement, ce qu'aucune convention n'a
su faire jusqu'à présent. 224- Les questions de droit international privé n'entrent bien
entendu pas dans notre étude, le droit pénal international -et plus généralement le
droit pénal- participant d'une toute autre logique. Mais tentons un instant une approche
nouvelle d'Internet, et efforçons nous de le voir comme un cyber-espace ou un septième
continent, c'est à dire un monde à part entière dont les frontières seraient d'une
nature nouvelle, constituées par chaque cable téléphonique et chaque écran
d'ordinateur situé dans le monde. Cette société virtuelle -que nous nommerons ainsi par
soucis de simplicité, par opposition à nos sociétés "matérielles"-,
"l'Internet", serait alors une société entière et définie, dont la
population aurait peut-être légitimité à revendiquer un droit qui lui serait
spécialement applicable, ou plus exactement à élaborer ce droit et décider des
instances qui auraient vocation à le faire respecter, comme il est requis dans toute
démocratie. 225- Ces propos, que l'on retrouve d'une manière moins extrème
chez certains auteurs, suivent tout à fait l'idée d'une sorte de lex mercatoria
transposée à la matière pénale. Et outre son extravagance, elle n'est pas exempte de
légitimité et de force à résoudre les difficultés que nous pose Internet. 226- Légitimité, car dans cette approche, un territoire souverain a droit à ses propres règles. Dans la même perspective, les pionniers de la société de l'information ont été des particuliers, l'armée puis la recherche ne s'étant servi au départ des réseaux électroniques utilisant la commutation par paquets qu'en tant qu'instrument rapide, sécurisé et quasiment indestructible de véhiculation de l'information. Aucun Etat ne contrôle le réseau en raison de l'impossibilité matérielle d'agir sur une information et une structure qui sont par essence transnationales, et le libéralisme économique prend place de façon de plus en plus flagrante dans ce monde virtuel, menaçant plus de jour en jour la liberté d'expression -quelque soit la conception que l'on ait de cette liberté-, les lieux où elle peut se manifester étant menacés de disparition (165). Le maintien de cette liberté d'expression est cependant le combat
de tous les cybercitoyens, tous confondus et à la seule exception de ceux dont les
intérêts sont purement économiques, qu'ils soient tenants de la théorie du droit ou de
celle du non-droit sur l'Internet. Tous, de même, admettent dans des proportions plus ou
moins étendues que les dérives portant atteinte à la dignité humaine et aux droits de
l'homme doivent être empêchées. Et ceci à bon escient car comme nous le disait
Winthrop, magistrat cité par Tocqueville, cette "sorte de liberté corrompue dont
l'usage est commun aux animaux comme à l'homme et qui consiste à faire tout ce qui
plaît (
) est l'ennemie de toute autorité, (
)avec elle nous devenons
inférieurs à nous mêmes; elle est l'ennemie de la vérité et de la paix" (166). Les quelques partisans des ignominies que l'on peut
lire sur l'Internet ne sont que l'exception que connaissent et qu'ont connu toutes nos
sociétés "tridimentionnelles", pour employer encore une expression de M.
Vivant (167). 227- Nous parlons ici de liberté d'expression. Mais dès lors
qu'elle est réclamée par un "peuple" -et c'est bien une telle approche que
nous avons choisi ici-, et qu'aucune autorité -autorités Etatiques telles que nous les
connaissons ou autorité spécifique sur l'Internet- n'est légitime à la lui refuser,
donc en résumé dès lors que rien ne s'oppose à son existence, rien ne s'oppose non
plus à ce que les membres de cette société virtuelle disposent également des autres
libertés, et en premier lieu de la liberté politique. Et Raymond Aron appelle
"liberté politique celle des libertés formelles qui assure au citoyen une
participation à la chose publique, qui lui donne le sentiment que, par l'intermédiaire
de ses élus, éventuellement aussi de ses opinions, il exerce une influence sur le destin
de la collectivité" (168). Bien sûr les notions de
"chose publique" et de "politique" sont à adapter à la réalité du
réseau. Mais cette liberté permettrait alors aux internautes de choisir leurs
institutions et lois, dans le respect du jeu démocratique. La démocratie serait
d'ailleurs réelle dans ce monde, non une "pseudo démocratie" (169) telle que nous la connaissons, car la participation des
citoyens pourrait être constante et directe, en raison des liaisons en temps réel que
permet la technologie, ceci en totale franchise des distances. 228- Arrivons en à la délinquance liée à l'informatique : il
nous a été donné précédemment de constater que les obstacles à sa répression
étaient principalement la disparité entre les droits nationaux applicables, puis la
conservation de la trace de l'auteur des faits et des preuves de son passage, et enfin la
condamnation effective de ce dernier. 229- Le premier problème n'existe plus dans notre approche où le
droit est désormais unique et applicable à tous les internautes. Quant au fait de
retrouver la trace de l'auteur des faits, les difficultés sont mineures : la technique le
permet de nos jours et sa mise en uvre est tout à fait possible dès lors que les
internautes, et probablement l'instance virtuelle à laquelle ils confieront certaines
tâches, aura pris une décision en ce sens. 230- Pour la condamnation effective du délinquant ou criminel, nous
nous heurtons par contre à l'une des difficultés qui nous permettront de rejeter
l'approche actuelle comme irréaliste. En effet, l'auteur d'une infraction est le citoyen
d'un pays avant d'appartenir à un monde virtuel. Une condamnation effective et une
sanction appliquée supposent l'intervention d'une autorité étatique
"réelle", c'est-à-dire d'un pays tel que nous les connaissons. 231- En effet, quand bien même la souveraineté de l'Internet
serait totalement reconnue par nos pays, jusqu'au point ultime où une juridiction
virtuelle serait en mesure d'entrer en condamnation à l'encontre d'un délinquant sur le
fondement d'un droit pénal de l'Internet, la peine ne pourra être effectuée que sur le
sol d'un pays situé sur notre planète. Pour que cela soit réalisable, la reconnaissance
de "l'Internet" doit être mondiale, et les règles d'extradition particulières
pour ce cas (dans lequel l'auteur pourrait être condamné au lieu où il se trouve, ou au
lieu où il demeure). 232- Une reconnaissance mondiale n'est pas une idée radicalement
ridicule en ce sens où les cyber-citoyens sont également des citoyens : si tous les
peuples demandent un débat sur le sujet et l'adoption de règles spécifiques pour un
monde spécifique, les Etats, représentatifs de la souveraineté populaire -tout du moins
en théorie-, ne pourraient que l'accorder. Mais le ridicule prend toute sa dimension si
l'on retient une donnée essentielle, déjà rappelée mais trop souvent oubliée : les
internautes représentent à l'heure actuelle 60 millions de personnes, et 2,5 % de la
population francaise. Les autres habitants de la planète ne se sentent absolument pas
concernés par le phénomène, ayant pour leur grande majorité des problèmes de
première nécessité au combien plus urgents à résoudre. Le poids des hommes ne sera
donc pas suffisant contre les Etats, qui n'ont jamais vu en Internet un monde souverain.
233- Cette non reconnaissance mondiale rendra dès lors cette
éventuelle loi pénale de l'Internet ineffective, car l'extradition ne pouvant être
effectuée au travers d'un cable téléphonique, une décision d'un Etat
"matériel" devra forçément intervenir à un quelqu'endroit de la chaîne
judiciaire. Et une loi ineffective ne sert à rien, quand bien même elle présenterait
l'avantage d'être univoque. 234- Cette thèse est enfin irréaliste -s'il était encore
nécessaire de le justifier- dans ses fondements même : répétons encore une fois qu'un
internaute est aussi habitant d'un pays "matériel", et dès lors, en cas
d'infraction par lui commise, à supposer qu'une répression par les autorités virtuelles
soit possible, il se verrait appliquer une sanction, par exemple pour vol dans le
cyber-espace, qui s'avérerait être différente de la sanction qui lui serait appliquée
pour la commission du même acte dans sa société d'origine. Il peut être objecté
cependant, ici, que ce problème de disparité entre les sanctions, d'un pays à un autre,
est connu du droit pénal international, et qu'il ne serait pas illogique qu'il en soit de
même s'agissant d'un Internet élevé au rang de nos nations. Cependant le passage d'un
monde à l'autre ne se fait que par le biais d'un écran d'ordinateur ou d'une imprimante
: serait-il logique, dès lors, qu'un message préjudiciable (n'impliquant pas d'enfant)
soit libre sur le réseau (170), en libre lecture, donc,
sur l'écran d'un internaute se trouvant dans son pays d'origine, mais que ce même
message fasse l'objet d'une répression dès sa sortie sur imprimante sur ce même
territoire? 235- Internet n'est en effet qu'une technique, et ce qu'il s'y passe
se passe simultanément sur le sol d'un pays, voir sur ceux de plusieurs, même si la
localisation du fait en question n'est pas toujours évidente. Et une technique n'a aucune
légitimité à revendiquer un droit spécial et autonome. M. Chassaing a d'ailleurs
précisé que "l'Internet n'existe pas juridiquement. Existent diverses activités
impliquant le fonctionnement de machines chargées soit de gérer des données soit de les
stocker" (171). L'approche intellectuelle peut certes
parfois primer sur les considérations techniques, et dès lors influer sur le droit, mais
pas l'affabulation. A l'instar du téléphone ou du minitel, Internet se doit d'être
régi par nos droits pénaux nationaux. B/ Un droit national parmi des droits nationaux 236- Nous avons vu que nos droits pénaux doivent régir Internet,
qu'ils y parviennent, et que les difficultés qu'il rencontrent à cette occasion ne
pourront être réglées que dans une perspective internationale. Une approche de celle-ci
peut être alors une coopération véritable (2) entre les Etats aux fins de déterminer
un droit unique applicable sur Internet (1), parmi ceux en présence. 1) La détermination d'un droit unique applicable sur Internet 237- Le droit applicable sur Internet doit être unique pour être
univoque. Il n'est pas sain que toute information produite sur le réseau se doive d'être
en conformité avec plus de deux cent droits pénaux différents. L'une des solution
serait alors, à l'instar de ce qui a été mis en place en droit international privé, de
déterminer les critères adéquats qui permettraient de choisir, pour chaque situation
infractionnelle, un droit national unique applicable. En d'autres termes, il s'agit
d'élaborer des règles de conflits. 238- A cette fin, plusieurs chantiers sont à mettre en uvre.
239- Il convient tout d'abord de "s'attaquer" à la
souveraineté nationale : il ne s'agit bien entendu pas de la remettre en cause, mais
plutôt de la repenser avec intelligence. Comme le dit Melle Nancy Risacher, rapportant le
discours du Sénateur René Trégouët dans son rapport sur les "Nouvelles
Technologies de l'Information et de la Communication", rendu public en mars 1998,
"l'ouverture, la convivialité, la solidarité, l'humilité et l'intelligence doivent
être les caractéristiques principales de cette nouvelle Société de l'information"
(172). Ces lignes sont principalement dédiées par leur
père aux utilisateurs d'Internet, mais nous pensons qu'elles doivent en premier lieu
constituer une ligne directrice pour les autorités étatiques -nous entendons, sous cette
expression, les autorités ayant pour charge d'élaborer la loi ou de la faire appliquer-,
sans la collaboration desquelles le réseau deviendra un tel champs de bataille que les
particuliers auront du mal à faire preuve "d'objectivité" et "d'esprit
critique" (173). 240- Repenser la souveraineté, et ceci en fonction de la réalité d'Internet : c'est sans doute pour partie ce que nous enseignerait aujourd'hui Beccaria quant au fait de repenser l'organisation sociale, tel que nous le mentionnions en introduction. Repenser la souveraineté pour que le champ d'application
territoriale de la loi pénale ne soit plus aussi expansif qu'à l'heure actuelle (174). A cette fin il faudrait en premier lieu mettre en
uvre des critères de compétence, ce qui peut se faire au moyen de deux démarches
différentes : 241- La première consiste à reprendre certaines idées du droit
international privé, telles que les règles dites "du pays d'émission" ou du
pays de réception". En effet, beaucoup critiquent la théorie prétorienne,
aménagée législativement, de l'ubiquité (175), qui
consiste à considérer tout acte constitutif d'une infraction comme étant facteur
d'application de la loi nationale -française, pour ce qui nous concerne-, sans aucune
hiérarchie entre ces facteurs, ce qui a pour conséquence une application du droit pénal
français à toute information délictueuse, qu'elle soit indifférement émise de France
ou reçue en France. 242- En droit international privé le débat quant à la théorie à
appliquer entre celle de la réception et celle de l'émission reste ouvert : 243- La théorie qui consiste à appliquer la loi du pays de
réception, c'est à dire celle du lieu où le préjudice est subi, peut-être
intéressante en ce qu'elle permet de "contrôler in fine le contenu des
services et permet d'assurer effectivement l'exécution des décisions de justice. Au
surplus, elle garantit le principe de souveraineté nationale" (176). Cette option est d'ailleurs celle qui semble être
préférée de la jurisprudence, comme le note L. Costes (177),
lequel lui accorde également sa faveur. Elle présente pourtant le défaut majeur de ne
pas résoudre le problème que nous évoquions plus haut : l'individu qui envoie un
message sur Internet doit ici le faire dans le respect de tous les droits de la planète,
sous peine de voir un pays quelconque entrer en condamnation à son encontre. Cela
revient, répétons le, d'une part à supprimer toute liberté d'expression sur Internet
et d'autre part à ignorer une réalité, quand bien même celle-ci serait en désaccord
avec les textes : il est déjà relativement difficile de ne pas ignorer sa propre loi,
que l'on soit profane ou juriste, il est alors inconcevable de demander à quiconque de
connaître celles des pays qui lui sont voisins. 244- La théorie de l'émission semble en effet plus appropriée, et elle a notamment été retenue par la Directive européenne "Télévision sans frontière" n° 89/552/CEE du 3 octobre 1989 (178). Transposée au droit pénal international, elle présenterait l'avantage incontestable de permettre d'appréhender le véritable auteur des faits (c'est-à-dire l'auteur ou le diffuseur du message incriminé, l'auteur de l'atteinte à un système ) et de le faire juger devant le tribunal du lieu de commission de l'infraction -la commission étant entendue ici comme comprenant l'élément intentionnel et l'élément matériel de l'infraction, à l'exception des conséquences dommageables, qui parfois entrent également dans le texte d'incrimination en qualité d'éléments constitutifs-, et bien entendu, selon la loi du lieu du délit. Tout ceci bien entendu sous réserve que la loi d'émission soit aussi celle de l'auteur de l'infraction. Mais, dans le cas contraire, le conflit positif de compétence susceptible d'en résulter pourrait être alors résolu par la mise en place d'un second critère de compétence, choisi parmi ceux que nous examinerons plus loin. Le G7/P8, qui, rappelons-le, a manifesté une réelle volonté
politique -et non plus cette fois juridique- d'éradiquer la criminalité informatique,
semble d'ailleurs aller dans ce sens, bien que sans le dire expressément : il est
effectivement inscrit, au point V du plan d'action contre la criminalité liée aux
technologies de pointe, que "le pays principalement chargé de l'enquête et des
poursuites" dans un cas d'infraction sur Internet, sera, "en toute probabilité,
le pays dans lequel se trouve le défendeur" (179).
245- Cette théorie présente cependant elle aussi des inconvénients : le principal est d'ignorer les victimes des cyber-infractions, si la loi pénale du lieu d'émission ne réprime pas les faits en question. Prenons l'exemple d'un message porteur de haine raciale venant des Etats-Unis : l'écrivain des lignes litigieuses ne sera pas pénalement sanctionnable, et dès lors la victime française, se sentant atteinte dans sa dignité par ces propos et se croyant par ailleurs protégée par sa législation nationale, n'aura en réalité aucun recours. La seconde difficulté que pose ce choix est encore celle que nous n'avons de cesse de mentionner : elle a pour source un choc de valeurs morales nationales. Car si nous croyons possible un débat international sur certains assouplissements à apporter aux souverainetés nationales, ne serait-ce que car les fléaux que les Etats veulent combattre sur Internet ne seront un jour éliminés qu'à ce prix, il est vain de croire que les pays transigeront sur les valeurs qu'ils considèrent comme essentielles : ainsi l'Europe ne supportera jamais la diffusion de messages antisémites, à l'instar des Etats d'Amérique qui ne permettront jamais une quelconque restriction de leur liberté d'expression. Dès lors, l'adoption de ce critère de l'émission par une
quelconque convention inter-étatique n'aboutirait qu'à une absence généralisée de
signatures et de ratifications. 246- Les thèses que nous venons d'étudier présentent donc toutes
les deux des inconvénients qu'il sera difficile d'ignorer. Mais ces derniers peuvent
malgré tout être relativisés au regard d'un troisième critère de choix de la loi
applicable, qui pourrait aisément être combiné avec l'un ou l'autre des deux ci-dessus
énoncés : il s'agit du critère que nous nommerons "d'intérêt". 247- L'étude de ce critère constitue la seconde approche que nous
proposions en début de paragraphe : elle consiste à revenir à la cause même de la
théorie de l'ubiquité (c'est-à-dire à l'absence de hiérarchie entre les divers
facteurs d'application de la loi que sont les éléments constitutifs de l'infraction),
plutôt que de ne s'attacher qu'à ses conséquences (à savoir l'application de la loi
d'un pays en vertu de sa qualité d'émetteur ou de récepteur). 248- Le premier critère d'application de la loi pénale française
est le principe de territorialité, comme nous l'avons déjà vu, puis viennent
respectivement les critères de compétence personnelle et réelle. 249- Un premier effort pourrait ici être envisagé en cas
d'infraction transnationale : il s'agirait simplement d'appliquer cette hiérarchie,
respectée au niveau interne, à l'ordre international, en combinaison avec l'une des deux
thèses énoncées plus haut (notons que dans l'ordre international, la compétence
territoriale s'applique en premier lieu en tant que règle générale, mais que le
principe de compétence réelle s'y substitue dès lors que les conditions en sont
remplies -en vertu de la règle specilia generalibus derogant-, et que ces deux
règles de compétence n'admettent ni l'une ni l'autre "la priorité de la loi
étrangère"). 250- Cette solution permettrait de résoudre nombre de problèmes.
Elle est cependant difficilement envisageable car elle ne tient pas compte de l'intérêt
réel qu'a l'Etat à vouloir poursuivre l'auteur d'une infraction : si elle était
appliquée à l'échelle internationale, l'auteur français d'un message révisionniste
envoyé à partir des Etats-Unis ne serait punissable en France qu'en raison d'une
application éventuelle de la loi de réception (il en est de même à l'heure actuelle en
vertu de la théorie positive de l'ubiquité), et il ne le serait donc pas du tout si la
loi du pays d'émission était envisagée, l'application territoriale de la loi
d'émission primant ici sur l'application territoriale de la loi de réception, et donc a
fortiori sur les critères de compétence personnelle de cette même dernière loi.
251- L'idée est donc bien là : il s'agit de définir ces critères
d'application de la loi en fonction de l'intérêt qu'a l'Etat à poursuivre une
infraction. Et nombreux sont ceux qui le préconisent, qu'ils parlent de "loi la
mieux adaptée au rapport de droit considéré" (180),
ou de "considération légitime de l'intérêt étranger" (181), "de la loi qui présente les liens les plus
étroits avec le délit", de loi de "l'enracinement social" (182), voire, en ne se situant qu'au niveau judiciaire et non
plus législatif -mais l'idée est la même-, "d'opportune utilisation du
principe
d'opportunité des poursuites" (183).
252- Cette méthode pourrait consister à appliquer une loi
nationale en fonction de "sphères d'intérêt" par elle ou internationalement
définies, "en y aménageant des zones d'intérêts secondaires" (184). 253- Une autre des solutions proposées en son cadre (théorie de la
loi de "l'enracinement social") -mais qui ne diffère pas sensiblement de la
précédente- est de retenir, en ce qui concerne la compétence judiciaire, le "lieu
de manifestation du fait générateur de l'infraction, qui exprime le mieux le
comportement antisocial de l'agent" (lieu d'émission). Elle donne ensuite
préférence, pour la compétence législative, au "lieu de résultat" (loi du
pays de réception) quand celle-ci coincide avec la loi nationale des parties. Un autre
auteur parlera à propos de cette même compétence législative de "la loi qui
présente le plus grand nombre de points de rattachement avec le rapport juridique
considéré" (théorie de la "loi la mieux adaptée au rapport de droit
considéré"). 254- Les thèses diffèrent un peu, mais, comme le dit à juste
titre C. Lombois, "peu importent, pour le moment, les moyens; l'essentiel est la
méthode. Il est faux que tous les systèmes répressifs soient également intéressés;
il est excessif que le système qui se déclare intéressé se comporte comme s'il était
le seul à l'être : la bonne méthode c'est, après découverte de l'élément qui
détermine la compétence du droit interne, d'avoir, à l'élément d'extranéité,
l'égard qu'il mérite" (185). 255- Ces différents critères d'application d'une loi ou d'une
autre permettraient de retenir le lieu d'émission ou celui de réception d'une manière
intelligente, en fonction de certaines priorités. Un pays serait alors dans certains cas
légitime à revendiquer l'application de son droit à l'un de ses nationaux, en
quelqu'endroit qu'il se trouve, "sauf à s'abstenir quand [l'infraction a] été
déjà [réprimée] par le pays du lieu de commission, intéressé lui aussi" (186), ce qui résoudrait le problème d'une éventuelle
double condamnation. De même, ces critères, déterminés clairement, acceptés
conventionnellement, remédieraient à beaucoup des autres difficultés vues jusqu'ici,
dont l'ignorance quant à la loi applicable, son ineffectivité et l'application
simultanée de droits contradictoires. Et "la souveraineté y gagnerait à voir un
délit bien et justement réprimé" (187). 256- Il reste à noter que ce que nous venons de dire suppose une
application par le juge national d'une loi pénale étrangère, et donc une disjonction
des compétences législative et juridictionnelle, ce que la jurisprudence francaise
semble se refuser à faire, alors même qu'elle le fait pour des questions extra-pénales (188). Pourtant, "si une seule et même loi doit
s'appliquer et à la définition et à la sanction du délit, rien n'impose que cette loi
soit appliquée, seulement, par le juge qui relève de la même souveraineté" (189). 257- De même et enfin, ces possibles solutions ne peuvent être
productives que dans le cadre d'une réelle activité commune 2) Une réelle activité internationale 258- Cette coopération doit être retrouvée à deux stades : dans
la détermination des critères de compétence, et en matière de procédure, pour leur
jeu effectif. 259- Quant à l'élaboration des critères de compétence tout
d'abord, la concertation doit être véritable et véritablement internationale. Notons
que le Comité d'expert sur la criminalité dans le cyber-espace, mandaté par le Conseil
de l'Europe, est à ce jour en train d'élaborer un projet de convention internationale.
Le texte qui en résultera reprendra peut-être en partie ce que nous venons de voir.
260- Pour ce qui concerne la coopération en matière de procédure
judiciaire, plusieurs points sont à réfléchir, comme l'ont noté d'ailleurs
différentes études, tel le rapport de l'OCDE (190) ou la
Recommandation R (95) 13 du Conseil de l'Europe (191).
261- Tout d'abord, une plus grande souplesse dans les règles
d'extradition est nécessaire. 262- Ensuite, En matière d'entraide judiciaire, les
"perquisitions [et saisies] dans des réseaux informatiques transfrontaliers" (192) doivent être facilitées, en ce qu'elles constituent,
selon les Communautés européennes, l'un des instruments primordiaux en matière de lutte
contre la cyber-criminalité. L'OCDE a également beaucoup insisté sur ce point. 263- Tout d'abord, dans ce cadre, une "saisine d'urgence des
services répressifs nationaux par leurs homologues étrangers" doit être possible,
celle-ci devant être mise en place dans "un cadre législatif de coopération
parfaitement adapté" (193). En effet, les traces
laissées par les délinquants sont souvent éphémères, et leur captation immédiate est
primordiale. 264- Ensuite, les problèmes liés à la "pénétration directe" doivent être résolus : en effet, rechercher la preuve d'une infraction sur le réseau oblige souvent les enquêteurs à se transporter "virtuellement" dans un pays étranger : ceci peut poser problème, en ce que l'Etat concerné peut vouloir s'y opposer, si les données recherchées sont dites "sensibles". Pour qu'une intervention rapide et efficace soit possible en ce domaine, il convient de "faire preuve d'imagination pour [qu'il soit possible de] répondre "en temps réel" à des infractions qui peuvent à la fois être très graves mais ne laisser que peu de traces" (194). L'une des solutions pourrait être par exemple de n'habiliter, dans
chaque pays, qu' un groupe de personnes -qui se composerait de représentants de chaque
Etat voisin, assermentés dans leur pays d'origine-, à opérer cette recherche. A
l'instar des "experts" que le G7/P8 préconise, ces personnes seraient
disponibles vingt quatre heures sur vingt quatre, et disposeraient des moyens techniques
nécessaires à leur mission. Ensuite, une fois les preuves recueillies, il reviendrait à
l'Etat "ingéré" de décider ou non de leur communication à l'Etat
"poursuivant", à défaut de quoi ce premier Etat pourrait par exemple s'engager
à poursuivre l'auteur de l'infraction sur son propre territoire, tout en prenant en
charge la réparation des victimes qui ne seraient pas de ses nationaux. 265- Cette recherche de preuves doit de même être facilitée de deux manières. Il est nécessaire, d'une part, que la preuve électronique (c'est-à-dire l'information enregistrée sur un disque ou une bande magnétique) bénéficie des moyens techniques nécessaires à son établissement, ainsi qu'en appelle le Conseil de l'Europe (195). Ces moyens existent, et il s'agit de les mettre en uvre. Les informations ainsi récupérées doivent d'autre part être
admises au rang des preuves juridiquement valables (196).
La France a d'ailleurs commencé à prendre cette direction, en intégrant, dans
l'incrimination de faux en écriture (article 441-1 NCP), "tout support de la
volonté juridique". Selon M. Devèze (197), sans
élever ce support au rang de preuve, c'est déjà en reconnaître la réalité et lui
accorder une certaine valeur, ce qui constitue une première démarche positive. Nous
pouvons cependant émettre des doutes sur une initiative purement nationale qui irait
au-delà. 266- Les aménagements nécessaires aux procédures de coopération judiciaire semblent nombreux. Cependant il convient de noter que, selon le rapport sur la Conférence de Bonn, les problèmes n'existent que très peu sur le plan policier et judiciaire quand les lois des pays d'émission et de réception prévoient les mêmes incriminations. Cette coopération ne devrait donc pas, à l'avenir, poser trop de problèmes pour sa mise en uvre et ses nécessaires aménagements, si des critères d'application des lois pénales, tels que nous les avons étudiés plus haut, sont mis en uvre. Car dès lors les exigences de double incrimination qui existent dans de nombreux textes perdraient de leur pertinence. Et cette condition est celle qui pose le plus de problèmes à la
répression nationale d'infractions internationales. 267- Cependant, la mise en place de ces critères ne suffit pas à
faire tomber cette condition en désuétude : un pays peu très bien admettre la
compétence de la loi étrangère, mais refuser tout de même l'extradition en raison d'un
fait qui ne constitue pas une infraction pour ses nationaux. Il convient alors de régler
aussi cette difficulté. 268- L'une des solutions maintes fois proposées à ce sujet est une
harmonisation des législations : il est utopique d'y croire encore lorsqu'on sait que la
quasiment seule infraction posant un problème de différence entre législations est la
diffusion d'idées à teneur raciste ou xénophobe (198),
et que les Etats-Unis protègent ces faits de leur Constitution. Et en tout état de
cause, faire abdiquer un Etat sur ses valeurs morales n'est pas du ressort du droit. La
solution - si solution il y a- ne peut être que politique, comme beaucoup l'ont dit, et
il ne nous revient pas de l'étudier. 269- La seconde solution proposée -et pour nous la meilleure-, est
de faire simplement disparaître cette condition. C'est également l'avis de plusieurs,
alors que L'OCDE préconisait déjà en 1986 d'étudier "la pertinence" (199) de ce principe de la double incrimination. Deux raisons
à cela : 270- Tout d'abord, il ne semble pas logique de reconnaître la
compétence d'une loi étrangère tout en refusant son application, quand bien même à
l'un de ses nationaux : car reconnaître sa compétence, c'est reconnaître sa
légitimité à s'appliquer, donc également, si l'on veut être pertinent, sa
légitimité intrinsèque (200). M. C. Lombois s'interroge
d'ailleurs en ces termes : "si l'on fait confiance aux juges étrangers, pourquoi
hésiter à s'en remettre aux lois étrangères?" (201).
271- La seconde justification que l'on pourrait apporter à cette
thèse s'inscrit dans une logique de raison. Nos difficultés ne seront résolues
qu'après une réelle concertation, et des concessions, faites par chacun. L'objectif est
d'adopter les règles internationales qui apporteront plus de bénéfice aux Etats qu'il
n'en subiront de perte - d'une partie de leur souveraineté, notamment-. Cet objectif a
souvent été réalisé dans l'histoire, par cette même méthode : les hommes, en sortant
de l'état de nature, ont renoncé à certaines de leurs libertés pour, en échange,
recevoir la protection de leur contrat social ; les Etats d'Europe, en ratifiant par
exemple le traité de Maastricht, ont renoncé à certaines de leur compétences pour
qu'une politique commune soit mise en place dans bien des secteurs
272- Ces concessions doivent cependant être plus importantes pour
certains Etats, qui se distinguent trop nettement de la majorité : tel est par exemple le
cas des Etats d'Europe centrale ou orientale qui doivent, pour pouvoir adhérer au Conseil
de l'Europe, réviser leurs institutions et législations internes afin de se mettre en
conformité avec nos principes démocratiques. Les Etats-Unis d'Amérique (et la même
reflexion peut s'appliquer à d'autres pays tels la Chine) devraient, dans la même
perspective, accorder cette concession qui consisterait à admettre que leur conception de
la liberté d'expression est spécifique et qu'elle ne doit pas sortir de leurs
frontières, que par conséquent leurs nationaux ne doivent pas la pratiquer au delà de
leur écran d'ordinateur, et ceci sur un fondement qui pourrait prétendre à rivaliser
avec leur principe constitutionnel de liberté d'expression, à savoir celui du respect de
la liberté -dans le sens de conception de la liberté- des autres. Ne dit on pas
d'ailleurs, à juste titre, que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des
autres? 273- Les pistes proposées permettraient de réprimer correctement
la criminalité sur Internet. Cependant, se poseront toujours des problèmes, comme il
s'en est toujours posé en droit international -privé ou pénal-, en ce que beaucoup de
conventions sont souvent restées ineffectives du fait du peu d'Etats qui y ont adhéré,
en ce que certaines d'entre ces conventions ont -trop- souvent aménagé une possibilité
pour les Etats "d'échapper" à leur application sur des modalités quelconques,
et enfin en ce que le juge n'en fait pas toujours la bonne application qu'il se devrait.
274- Il conviendrait donc, parallèlement à la mise en oeuvre de
ces propositions -qui permettent de garantir le respect "des principales libertés
individuelles et de l'ordre public" (202) - de
continuer la réflexion (la démarche trop hâtive est à proscrire : elle serait
"contre productive" (203) ), pour élaborer par
la suite un système encore meilleur, et passer d'un droit pénal pour Internet à un
droit pénal applicable sur Internet. Paragraphe 2 - D'un droit pénal pour Internet à un droit pénal applicable sur Internet 275- Ce droit pénal auquel nous faisons allusion est encore d'une
autre nature (A) et devra être élaboré dans un cadre particulier (C), selon des
modalités (B) spécifiques. A/ Un droit d'une autre nature 276- Nous avons vu qu'élaborer un droit pénal de l'Internet était
une idée fantaisiste, et que déterminer un droit pénal pour Internet était une voie
envisageable, mais non exempte d'obstacles. Se dessinent alors, entre ces deux
hypothèses, les contours d'une troisième solution, qui pour nous est la meilleure, et
qui semble en outre être appelée des vux de tous les experts qui ont travaillé
sur le sujet : il s'agit d'un droit applicable sur Internet, c'est à dire d'un véritable
droit, unique, appliqué par tout pays dans des circonstances similaires. 277- Il ne s'agit pas ici d'un droit pour Internet, choisi parmi de
multiples droits, déterminé abstraitement par des règles de conflit, et donc
susceptible de produire des solutions différentes pour des faits identiques, en raison du
sol sur lequel ces derniers se produisent. 278- Il ne s'agit pas non plus d'un droit de l'Internet, car
l'approche n'est plus cette fois interne au réseau, mais elle lui est externe : il s'agit
d'une entreprise internationale, qui élabore un droit général à partir des différents
droits de la planète. Ce droit est alors unique et a vocation à s'appliquer à chaque
cas d'espèce. 279- "La coopération internationale [étant] aujourd'hui une
voie obligée" (204), ce projet ne semble pas
illusoire : la concertation internationale aura lieu, elle commence à se mettre en place.
Dès lors, élaborer un droit "commun" ne semble pas plus délicat que de
trouver un consensus sur des règles de conflit de lois pénales dans l'espace. 280- Ce droit dont nous parlons devra être élaboré dans un cadre
spécifique, que nous examinerons après en avoir vu ses modalités. 281- Ce droit peut être élaboré de deux manières différentes :
nous préconisons celle qui prévoit une application de l'incrimination la plus stricte
(1), tandis que d'autres sont favorables à une base pénale commune (2). 1) Le système de l'incrimination la plus stricte 282- Cette idée nous vient des Etats-Unis, qui adoptent, en matière d'obscénité, le principe de l'application de la loi pénale la plus restrictive, "dans les rapports entre [leurs] différents droits", selon une formule de M. Chassaing (205). Celui-ci nous confie qu'en effet, en vertu de ce critère, "les diffuseurs doivent se conformer au standard de l'Etat le plus restrictif". Cette idée emporte la défaveur de l'auteur que nous venons de
citer, en ce sens qu'"il paraît irréaliste (
) d'exiger qu'un individu
intervenant sur le réseau se conforme à tous les droits du monde sous prétexte que son
message est susceptible d'être lu dans l'ensemble de la planète" (206). Nous sommes en accord avec ces lignes, mais nous
pensons qu'il serait opportun de les relativiser. 283- Il est certain qu'on ne peut demander à quiconque de respecter plus de deux cents droits pénaux lorsqu'il met en ligne une information : comme nous l'avons déjà dit, ceci serait liberticide. Mais il ne s'agit pas ici de cela. L'idée est plutôt de trouver un consensus, après avoir examiné les disparités des droits en présence, dans lequel chaque Etat accepterait des limitations supplémentaires à certaines de ses libertés, uniquement pour ce qui concerne la diffusion d'information sur les réseaux (ou de manipulation litigieuse de ces derniers), à charge de réciprocité pour ce qui concerne les limites qu'il connaît lui même sur son sol. En d'autres termes, la formule pourraient se résumer ainsi : accepter les limites de l'autre pour qu'il accepte nos propres limites. Cela reviendrait concrêtement à accepter, pour l'Etat français,
de réprimer ses nationaux qui diffuseraient sur Internet -ou un quelconque réseau
électronique transnational- des messages pornographiques ou à caractère obscène, quand
bien même aucun enfant ne serait susceptible de les voir, dès lors que ces informations
sont susceptibles d'être perçues aux Etats-Unis (c'est-à-dire quasiment dans tous les
cas). A l'inverse et en échange, l'Etat américain accepterait de réprimer ses nationaux
pour avoir diffusé sur ce même réseau des idées discriminatoires. 284- Nous avions auparavant déjà évoqué cette idée, estimant
que des concessions étaient nécessaires dans toute entreprise commune. Nous affirmons
ici son opportunité, en ce qu'elle permettrait le respect de chacun, tout en préservant
la souveraineté et les conceptions de la liberté de tous. Elle paraît en outre plus
saine que celle qui consiste à subir les débordements de tout le monde, car personne n'y
gagne. 285- Nous comprenons bien sûr ceux qui nous rétorqueront que si
l'on ne peut plus émettre telle photographie de charme sur le réseau, ou telle critique,
la liberté n'est plus réelle, Internet n'est plus Internet. Et nous même préfèrerions
pouvoir jouir d'une liberté totale sur celui-ci, avoir enfin un lieu où l'on peut dire
et voir n'importe quoi : cela permet l'évasion, dans un monde qui se veut justement
virtuel. Cependant, Internet n'est pas un monde imaginaire où l'on peut rire de tout car
l'on connaît son interlocuteur. C'est, qu'on le veuille ou non, un lieu social, où les
hommes peuvent être heureux ou émus, où ils peuvent souffrir. C'est donc un lieu où
chacun doit respecter les idées et la personne de l'Autre : respecter une idée revient
à admettre la légitimité de son existence, et respecter une personne commande de ne pas
la blesser
même par le biais d'une idée. Car avoir cette dernière n'autorise pas
le fait de la répandre (207). 286- Et c'est d'ailleurs en cela, pour finir, qu'Internet est
réellement nouveau : dès lors que nous nous connectons, et ceci en permanence, nous
devons vivre en société avec des hommes profondément différents de nous-même sur le
plan culturel, social, idéologique ou religieux. Tous -ou presque- les sols terrestres
qui ont connu un tel mélange de populations différentes ont été des lieux de conflits,
car l'Homme a un penchant naturel à estimer que ses idées sont LES idées. Nous avons
enfin l'opportunité de prouver qu'un tel lieu peut justement être magnifique du fait de
son hétéroclysme. Pour y parvenir, il nous faut être intransigeants sur le respect de
l'Autre. 287- Bien entendu le discours ne peut être aussi simple : il existe
des cas extrèmes pour lesquels cette solution sera plus difficilement envisageable. Tel
sera par exemple le cas de la conception afghane de la femme, qui refuse toute vision
publique du corps de celle-ci. Si nous voulions aller jusqu'au bout de notre raisonnement
précédent, les conceptions plus libérales devraient se conformer à cette approche
sévère de la différence des sexes. Mais cela ne sera pas accepté, et pour une raison
qui peut justement nous aider à faire tomber l'obstacle : ce qui doit être respecté par
tous, c'est la liberté : liberté qui doit avoir ses limites pour sa propre survie. La
liberté peut ensuite être l'objet de conceptions différentes : mais cela ne l'empêche
pas de subsister. C'est pourquoi, si les propos provenant des Etats-Unis sont
condamnables, le fondement de leur permissivité ne l'est pas. Mais peut-on parler de
liberté dans les conceptions extrémistes? Nous ne le pensons pas, de même que l'Etat
américain, s'il permet les propos, ne permet pas les passages à l'acte. 288- Et ceci nous permet d'en arriver à la manière dont ces
incriminations "les plus strictes" doivent être déterminées pour un bon
fonctionnement du système : dans le respect des principes fondamentaux reconnus comme
universels. Et si la seule difficulté à laquelle nous nous heurtons à ce point de notre
discours est la non-reconnaissance mondiale de ces principes, cela n'est plus de notre
ressort et n'est pas né avec la société de l'information. C'est un combat de tous les
jours que nos Etats doivent mener pour y remédier, et les résultats obtenus jusqu'à
présent sont satisfaisant, même s'il est encore trop de pays où les droits de l'homme
sont bafoués. 2) Un système de protection des valeurs communes 289- Cette harmonisation peut être exploitée en complément
d'éventuelles règles de conflits, voire en complément de notre système actuel de droit
pénal international, quelque peu amélioré en matière de coopération interétatique.
Mais elle peut surtout être complémentaire à un sytème d'application de
"l'incrimination la plus stricte", pour un meilleur respect universel des
principes fondamentaux des droits de l'Homme. 290- Dans l'un et l'autre cas, elle consiste en une définition, en
harmonie avec nos principes démocratiques, des principes pénaux communs -ou qui doivent
devenir communs-, à l'instar de ce qui a déjà été fait à l'aide de conventions telle
la CEDH, pour n'en citer qu'une. Définition de principes pénaux, mais également de
comportements à réprimer (208), et surtout de sanctions
pénales précises à leur appliquer. Un veritable droit de base des infractions
internationales pourrait ainsi être mis en place. 291- Tous les organismes et Instances internationales, tous les
rapports, qu'ils aient été émis au niveau national ou transnational, mentionnent la
nécessité d'une telle harmonisation, en vue d'une base juridique qui serait commune à
tous : Les Etats du P8 parlent de "régime internationalement reconnu, fut-il
minimal" (209) tandis que le Sénateur Trégouët
demande la définition d'un système de valeurs, dans cette nouvelle société de
l'information, car "plus encore que l'avancée technique qu'il traduit, c'est le
phénomène de société illustré par l'explosion d'Internet qui en constitue l'aspect le
plus remarquable" (210). Mme Falque-Pierrotin parle
encore, à propos du réseau, d'un "nouvel espace social justifiant l'élaboration de
nouvelles règles de comportement", règles d'une "nouvelle civilité" (211). Nous pourrions en citer bien d'autres (212). 292- Il faut donc légiférer mais cette fois internationalement, et
non plus pour réprimer tel comportement spécifique, mais pour appréhender des
difficultés de manière globale, après une mûre réflexion sur les fondements des lois,
et de la Loi que l'on prétend universelle. 293- Cette activité législative doit en outre s'effectuer dans un
cadre spécifique. 294- Le cadre du Conseil de l'Europe, tel qu'il a été choisi pour
l'élaboration de la future convention internationale sur la répression du crime dans le
cyber-espace, paraît idéal en ce qu'il permettra l'adhésion à ce texte d'Etats qui ne
font pour autant pas partie de l'Europe. Le simple reproche que l'on peut faire à ce
choix est que ces Etats "tiers" doivent répondre à certains critères
démocratiques, au niveau institutionnel et constitutionnel, pour adhérer au Conseil, de
même -mais dans une moindre mesure- que s'ils veulent uniquement signer et ratifier une
convention, en ce qu'ils doivent se soumettre à l'approbation de ceux des quarante pays
membres qui l'ont déjà fait. 295- Bien sûr ces conditions ne sont pas à remettre en cause : la politique du Conseil de l'Europe est juste, et il n'est pas concevable qu'un Etat ne répondant pas à ces critères en devienne membre. Mais quant à la criminalité sur Internet, ne serait-il pas envisageable qu'un pays, non "parfaitement démocratique", puisse tout de même s'engager dans cette lutte à nos côtés, tout en se voyant imposer des conditions un peu plus sévères ? Par exemple, en application de "l'incrimination la plus
stricte" telle que nous l'avons entendue, si les concessions réciproques sur les
libertés ont été admises, il serait envisageable d'obliger cet Etat, soit à s'engager
à juger l'auteur des faits selon nos principes démocratiques (avec certaines garanties
à l'appui), soit à admettre son défèrement devant une juridiction européenne. 296- Cette solution, quelque peu nouvelle, ne semble pas
inconcevable en ce que la concession pour l'Etat "tiers" est moins importante
que celle qu'entraînerait une véritable réforme interne, et elle nous paraît même
très intéressante prospectivement, en ce que ce pays aurait fait une première démarche
vers la démocratie et les droits de l'Homme, démarche qui serait alors plus facilement
généralisable à l'ensemble de ses institutions. 297- Nous avons parlé de droit pénal, tout au long de notre
étude. Mais de nombreuses personnes proposent d'autres techniques qui permettraient une
amélioration de la vie sociale sur Internet, sans pour autant que le droit pénal n'y
intervienne : il s'agit notamment d'éduquer le cyber-citoyen (213),
de sécuriser les réseaux (214), de recourir mieux et plus
souvent au contrat, ou d'élaborer une charte de l'Internet, par laquelle ses acteurs
s'autoréglementeraient. 298- Certaines de ces propositions, et notamment la première, sont
effectivement très intéressantes et pourraient être d'une aide précieuse. 299- D'autres, tels les codes d'autoréglementation ou de
déontologie qui fleurissent de toutes parts, sont dangereuses : l'autorégulation est une
bonne chose, mais elle ne doit en aucun cas dépasser son cadre de compétence, elle ne
doit en aucun cas empiéter sur le domaine du droit pénal : il est effarant de constater
que certains demandent un "code déontologique à valeur réglementaire, pourvu de
sanctions adaptées" (215) : les sanctions
délictuelles et criminelles, apanage du droit pénal, ne peuvent être déterminées que
par la voie législative, le règlement n'ayant que des compétences techniques. Ce serait
encore créer des zones, contestables, de droit pénal "administratif". "Le
salut ne peut venir que (
) de l'Etat et de la loi", selon Me S. Lilti (216). En l'espèce, nous dirions : des Etats, mais avant tout
des lois. 300- Ces Etats et ces lois devront retourner à l'essentiel, pour
repenser l'organisation sociale : ce que Beccaria aurait voulu dire en ce sens,
finalement, s'il avait été à nos côtés, c'est qu'il faut comprendre que des
disparités existent, et qu'elles ne seront résolues qu'au travers d'un compromis. Il
s'agit donc de refaire un "contrat social", où chacun concèdera une partie de
sa liberté, et d'incriminer en fonction : ce qui reviendra à combiner les diverses
concessions pour en faire des lois applicables. 301- Plusieurs pistes ont été proposées dans cet objectif. La
meilleure, selon nous, se résume en deux étapes successives : il s'agirait, dans un
premier temps, d'élaborer des règles de conflit de lois pénales, tout en organisant un
débat international qui entraînerait, dans un second temps, l'élaboration d'un droit
pénal applicable aux infractions "cybernétiques", ceci en déterminant de
manière précise les comportements à réprimer, de même que leurs définitions et leurs
sanctions. Dans cette entreprise, l'application du système de "l'incrimination la
plus stricte" serait de rigueur, dans le respect, toujours, des principes
fondamentaux qui gouvernent nos sociétés démocratiques, en cas de conflit entre les
valeurs protégées par chaque Etat. 302- Et peut être que ce droit pénal applicable sur Internet
constituerait le prémice d'un futur droit pénal des infractions internationales, comme
l'appellent de leurs vux tous les plus grands pénalistes. Si cela s'avérait, l'informatique, après nous avoir posé les plus
grandes difficultés, après avoir réveillé tous les disfonctionnements de nos systèmes
juridiques, apparaîtrait comme un élément fondamental dans le rapprochement de nos
sociétés. Et du statut de "péril" pour la "démocratie",
Internet passerait à celui de moteur dans la construction d'une société internationale
plus sécure, plus juste et plus respectueuse des droits de l'Homme. NOTES
(1) Cesare Beccaria, Des délits et des
peines, Librairie Droz, Genève, 1965, § XLI. "Moyens de prévenir les
délits"; Cette uvre peut être trouvée aux éditions Flammarion, Paris, 1991
; et la citation p. 169. (2) Le marquis Cesare Beccaria, dont
l'essai, intitulé Dei delitti e delle pene, est publié anonymement pour la
première fois à Livourne, en 1764. (3) 45 000 réseaux participaient à son
maillage en 1996, selon T. Piette-Coudol et A. Bertrand, in Internet et la loi,
dalloz, 1997, p. 3. (4) Voir notamment T. Piette-Coudol et A.
Bertrand, op. précit. (5) Voir notamment J.- F. Chassaing,
"L'Internet et le droit pénal", rec. Dalloz 1996, chron. p. 329. (6) D.Y.Garat, Mémoires historiques
sur la vie de Mr. Suard, sur ses écrits et sur le XVIII° siècle, Belin, 1829, t.
II, p. 207 ; cité par M. R. Badinter dans sa préface du traité de C. Beccaria, op.
préc., Flammarion, Paris, 1991, p. 18. Garat était écrivain à la fin de l'Ancien
Régime et ministre de la justice lors du procès de Louis XIV. (7) P. Nicoleau, "la protection des
données sur les autoroutes de l'information", rec. Dalloz 1996, chron. p. 111.
(8) Nous pensons ici à certaines
personnes immobilisées ou tétraplégiques. (9) Nous inclus, car nous allons en faire
de même tout au long de cette étude
(10) TCP/IP: Transmission Control
Protocol over Internet Protocol. (11) Conservatoire National des Arts et
Métiers. (12) Institut National de Recherche en
Informatique et en Automatique. (13) Cette affirmation est cependant
moins vraie aujourd'hui, du fait de récentes évolutions techniques. (14) Rapport de l'Association des
Utilisateurs d'Internet, "Pour une intégration sereine et un développement
harmonieux d'Internet dans la société française", du 04.06.96. Ce document peut
être trouvé à l'adresse suivante : http://www.aui.fr/documents/integration-internet-070696.html
(15) Exp. des syst. d'inf., juillet 1998,
p. 161. (16) Pour une étude de fond sur la
question, se reporter à H. I. Schiller, "vers un nouveau siècle d'impérialisme
américain", le Monde diplomatique, août 1998, p.18. (17) M. Vivant, "Internet et modes
de régulation", http://www.planete.net/code-internet/vivant1.html
(18) J.-F. Chassaing, art. précit. en
note 4, p. 5. (19) Ce fait est d'ailleurs admis par le
Comité européen pour les problèmes criminels, dans son rapport sur la criminalité
informatique de 1990, qui constate que "les décisions de politique juridique
(
) font du recours au droit pénal l'un des moyens de contrôle social les plus
incisifs dont l'Etat dispose". Comité européen pour les problèmes criminels, La
criminalité Informatique (Recommandation n° R (89) 9 sur la criminalité en relation
avec l'ordinateur et rapport final du Comité européen pour les problèmes criminels),
Strasbourg, Conseil de l'Europe, Service de l'édition et de la documentation, 1990, ISBN
92-871-1791-8. (20) Etude de la "responsabilité
liée au contenu sur Internet", d'Industrie Canada, que l'on peut trouver à partir
de l'adresse suivante : http://strategis.ic.gc.ca
(21) Citation mentionnée par M. D. Belot
sur son site dénommé "Cyber-citoyen", que l'on peut trouver à l'adresse http://www.chez.com/belotdidier/accueil.html
(22) La CILI rassemble notamment
l'American Civil Liberties Union (ACLU), the Electronic Privacy Information Center (EPIC),
Human Right Watch, l'Internet Society (ISOC), l'Association des Utilisateurs d'Internet
(AUI). La déclaration d'intention de cette "coalition", telle qu'elle se
désigne elle-même, peut être trouvée à l'adresse suivante : http://www.aclu.org/gilc/stat-fr.html
(23) Me Stéphane Lilti, "Pour faire
barrage à l' "indignité on line"", exp. des syst. d'information, juin
1998, interview p. 179. (24) La CILI exprime l'exigence que
"Les lois imposant des restrictions sur le contenu de l'expression électronique
distinguent entre la responsabilité des fournisseurs de contenu et la responsabilité des
transporteurs d'information", document Internet précit. en note 25. (25) Groupe des sept pays les plus
industrialisés. (26) Organisation de Coopération et de
Développement Economique (27) Rapport de l'AUI, précit. en note
14. (29) Jean-Jacques Rousseau, Du contrat
social ou principes de droit politique, 1762. Cette uvre peut être trouvée à
de nombreuses éditions, notamment à la bibliothèque de la Pléiade, Tome 3 des
uvres complètes de J. - J. Rousseau, Paris, Gallimard., ou aux éditions du seuil,
1977. (30) Me N. Brault, "Le droit
applicable à Internet : De l'abîme aux sommets", 28 mars 1997, que l'on peut
trouver à l'adresse suivante : http://www.grolier.fr/cyberlexnet/COM/A970428.htm
(31) M. Vivant, art. précit. en note 17.
(32) Document thématique de la
Conférence de Bonn des 6, 7, 8 juillet 1997, qui peut être trouvé à l'adresse suivante
: http://www2.echo.lu/bonn/conference.html
(33) M. Vivant, "Internet et modes
de régulation", http://www.planete.net/code-internet/vivant1.html
: dans les contrats de providers, l'utilisateur se voit souvent imposer certaines
interdictions, sanctionnées par des dispositions de droit étatique expressement
désignées. (34) M. N. Ros de Lochounoff ("La
société d'information : histoire technique, histoire politique, les
juristes
", Dossier spécial Internet, GP 25-26 octobre 1996, p. 47) nous dit
que des infractions ont cours sur Internet en totale "franchise du droit" car
les juristes y voient un "monde étranger réservé à certains spécialistes",
d'où un décalage entre "les doctrines officielles ou universitaires et les
réalité quotidiennes", tandis que A. L. Shapiro ("Internet : la démocratie en
péril ?, Courr. intern. n° 258 du 12 au 18 octobre 1995, p. 8) remarque qu' "il est
frappant de constater que le rachat du cyber-espace n'a suscité pratiquement aucune
critique, contrairement à n'importe quelle évolution dans ce domaine". Voir
également Me S. Lilti (art. précit. en note 23, p. 176) concernant une affaire
judiciaire engagée par l'Union des Etudiants Juifs de France. (35) A. Huet et R. Koering-Joulin, in Droit
pénal international, PUF, première édition, 1994, p. 23. (36) C. Lombois, in Droit pénal
international, précis Dalloz, deuxième édition, 1979, p.14. (37) "The Cyberspace is not a no-law
land" est le titre d'une étude sur la responsabilité en matière de contenu
d'Internet, commandé par Industrie Canada, et diffusé le 11 mars 1997. Le texte est
disponible en français à l'adresse Suivante : "Etude Internet", Bypress
Printing and Copy Centre, Tour Jean-Edmonds Nord, 300 Slater, Ottawa (Ont.), KIP 6A6. Ce
texte est également disponible en plusieurs versions à partir de l'adresse suivante : http://strategis.ic.gc.ca (38) Il s'agit notamment des crimes
contre l'humanité, des crimes contre la paix, et des crimes de guerre, selon les
principes de Nuremberg, adoptés par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 14
décembre 1974. (39) Pour un développement plus complet
de la question, se reporter à C. Lombois, op. précit. note 36, p.306. (40) Cass. Crim. 2 février 77,
Bull.crim. n° 41. (41) Voir les notes, sous l'article 113-2
NCP, édition Dalloz, 1998/1999. (42) Crim. 23 avr. 1981, Rev. Sc. Crim.
1982. 609, obs. Vitu. (43) Crim. 19 avr. 1983 : Bull. crim. n°
108. (44) Paris, 8 janv. 93 : Gaz. Pal. 1994.
1. 327, note J.-P. M. Voir également C. Lombois, op. préc. en note 36, p. 270. (48) Une condamnation pour complicité à
l'étranger d'une infraction soumise à la loi française est inversement possible. Voir
C. Lombois, op. préc. en note 36, n° 265. (49) Cette théorie a d'ailleurs été
consacrée par le décrêt du 1er septembre 1992 (J.O. du 2 septembre 1992)
relatif aux services de radiodiffusion sonore et de télédiffusion distribués par cable,
selon lequel ses dispositions sont applicables aux services qui ont "établi leur
activité hors de France dans le seul but de se soustraire aux règles qui leur seraient
applicables s'ils étaient établis en France". Voir également Me Brault, art.
précit. en note 30. (51) C. Lombois, op. précit. en note 36,
n° 292. (54) Nous renvoyons, sur cette question,
aux développements de C. Lombois, in Droit pénal international, précis Dalloz,
deuxième édition, 1979, p. 380. (56) Qui ne correspond pas forcément au
lieu où le dommage a été subi. (57) TGI Privas, 3 septembre 1997, exp.
des syst. d'inf., n°213, p. 79. Voir également le commentaire de M. Jean Frayssinet,
"Internet et protection des données personnelles [ou comment (mal) régler un
conflit personnel par internautes interposés
]", exp. des syst. d'inf., avril
1998, doctrine p. 99. (58) J. Frayssinet, op. précit. (59) Le projet de loi, adopté en
première lecture par l'Assemblée Nationale le premier octobre 1997, JO Sénat, 2 oct.
1997, n°11, a donné naissance à la Loi n° 98-468, 17 juin 1998, JO 18 juin, p. 9255.
(60) Nous verrons plus loin (V/infra
n°111 et note 89) que ce dispositif, loin de mieux adapter notre législation à
Internet, provoque de nouvelles questions. (61) Exp. des syst. d'inf., décembre
1997, n°210, première page. (62) TGI Paris, Ordonnance de référé
12 juin 1996 (UEJF), consultable à l'adresse : http://www.aui.fr/affaires/UEFJ/ordonnance.html
. Si le juge a rejeté la demande, c'est surtout en raison de ses caractères généraux
et imprécis, et non en raison de l'impuissance du droit à réprimer les information
illégales sur Internet. (63) TGI Draguignan, 21 août 1997, cité
dans exp. des syst. d'inf., octobre 97, références p. 294. (64) Plusieurs décisions de justice sont
intervenues en la matière : Concernant la reproduction d'une base de donnée sur Internet
: voir T. Com. Nanterre," Edirom/Global Market Network", 27 janvier 1998, Exp.
des syst. d'inf., mai 1998, p. 157 et commentaire p.149 ; pour la reproduction de paroles
de chansons : TGI Paris, 14 août 1996, réf., 2 espèces (Brel et Sardou), Dalloz 96,
jur. p.490, note P. -Y. Gautier ; JCP 1996, II, n°22727, obs. Olivier et E. Barbry ; pour
une contrefaçon en ligne de logiciel, et une première condamnation en
"nature", voir T. Com. Paris, 3 mars 1997, JCP 1997, II, 22840, note F. Olivier
et E. Barbry ; ou http://www.legalis.net/legalnet/judiciaire/asi.htm,
cité par P. -Y. Gautier, "Suite à la promenade à travers un site immatériel : des
condamnations de justice en nature sur l'Internet", Dalloz 1997, chron. p. 176.
(65) TGI Paris, Aff. Queneau contre
Christian L., Exp. des syst. d'inf., juin-juillet 1997, n°206, p. 242. (66) Cass.Crim. 13 mai 1965, Bull. Crim.
n°139. Idem Cass.Crim. 9 juin 1977, Rev. sc. crim. 1978. 97, obs. Levasseur. (67) J. -F. Chassaing, "L'Internet
et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p.329. (68) J.-F. Chassaing, op. précit., qui
cite le cas de l'affaire Y. Rocher (TGI Paris, 16 avril 1996), dans laquelle le tribunal a
fait injonction à ladite société de faire cesser toute diffusion sur le réseau des
propos qu'elle avait tenu à l'égard du groupe BNP. Ces informations litigieuses,
diffusées sur le réseau Usenet, avaient dès lors été recopiées sur des milliers
d'ordinateurs ce qui rendait l'ordonnance "techniquement et pratiquement
impossible", s'agissant des informations déjà émises. (69) Une estimation évalue à 44% les
méfaits informatiques ayant pour objet le vol d'argent, selon Marc Pinguet, Chef de
service et Adjoint au Directeur général des douanes et droits indirects. Voir "La
douane et la Cyber-délinquance", GP vendredi 25, samedi 26 oct., dossier spécial
Internet, p.53. (70) Marc Pinguet op. précit., p. 54.
L'auteur cite notamment la création, par décret du 9 mai 1990, de la cellule française
"TRACFIN", "centrale du renseignement financier et cellule de
coordination", pour la lutte contre les virements éléctroniques de fonds. (71) Recommandation n° R (89) 9 sur la
criminalité en relation avec l'ordinateur et rapport final du Comité Européen pour les
problèmes criminels, Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1990. (72) Pour un exemple de condamnation pour
maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données et pour entrave
au fonctionnement de celui-ci : CA Paris (11° chambre, sect. A), 14 janv. 1997,
Légipresse n°146, novembre 1997, Inf. d'actualité, I, 133 ; Juris-data, référence
020128. (73) Terme employé par M. N. Ros de
Lochounoff, " La société d'information : histoire technique, histoire politique,
les juristes
", GP vendredi 25, samedi 26 octobre 1996, dossier spécial
Internet, p. 32. (76) Mission interministérielle sur
l'Internet, 16 mars 1996 - 16 juin 1996, Rapport de Mme Isabelle Falque-Pierrotin,
disponible notamment à l'adresse : http://www.telecom.gouv.fr/francais/comdis/cp240496.htm
(77) Dans ce cas, Me S. Lilti préconise que soit considéré comme éditeur, au sens de la loi de 1881 sur la presse, la personne qui héberge une information sur son ordinateur. "Pour faire barrage à l'"indignité on line"", interview, exp. des syst. d'inf., juin 1996, p.175. Mme Falque-Pierrotin estime quant à elle que devrait être mis en
place un système simplifié de responsabilité en cascade, adapté au réseau, rapport
précit. (78) C.A. Metz, 22 mai 1991, JCP 1992.
IV. 1841. (79) Parenthèse ajoutée par Mme
Isabelle Falque-Pierrotin, rapport précit. en note 76, qui nous dit également que M. J.
Toubon, alors Ministre de la Justice, "a précisé que le terme de
"correspondances" devait être entendu au sens de l'article 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme, à savoir comme une communication d'une personne à une
autre". (80) N Gautraud, "Internet, le
législateur et le juge", dossier spécial Internet, Gaz. du Palais, 25-26 octobre
1996. (81) Décision citée par N. Gautraud,
art. précit.. Elle peut être trouvée aux adresses suivantes : http://www.argia.fr et http://www.eff.org
(82) Pour un développement complet de la
question, voir le rapport de Mme Falque-Pierrotin, précit. en note 76. (83) N. Gautraud, art. précit. en note
80. (84) Me N. Brault, "Le droit
applicable à Internet : De l'abîme aux sommets", 28 mars 1997, que l'on peut
trouver à l'adresse suivante : http://www.grolier.fr/cyberlexnet/COM/A970428.htm
(85) Principe selon lequel un même fait
ne peut donner lieu à plusieurs condamnations. (86) Yves Mayaud, cours de droit pénal
des affaires de Maîtrise de droit privé mention "Carrières Judiciaires" de
l'Université Lyon 3, 1997. (87) Il convient de signaler qu'un débat
doctrinal oppose les auteurs sur ce critère de "valeur sociale protégée",
débat auquel il n'est pas de notre ressort de prendre part. La Cour de Cassation estime
notamment que plusieurs peines peuvent être prononcées pour des faits procédant d'une
même action coupable, lorsque ces faits "sont distincts dans leurs éléments
constitutifs" : Cass. crim. 3 mai 1960, Bull. crim. n° 236. (88) Les textes spéciaux dérogent aux
textes qui ont une portée générale. (89) M. Sébastien Cavenet, sur le site
Internet de JurisNet, critique vivement ces nouvelles dispositions, et nous renvoie à la
lecture du dossier "d'IRIS", à http://girafe.ensba.fr/iris/lejuriste/pedophilie.htm
(90) V/supra n°70, et note 57. (91) M. Jean Frayssinet, "Internet
et protection des données personnelles [ou comment (mal) régler un conflit personnel par
internautes interposés
]", exp. des syst. d'inf., avril 1998, doctrine p. 99.
(92) Cet article n'aurait cependant pas
saisi les commentaires accompagnant les photos, n'offrant sa protection qu'aux paroles et
images : M. Frayssinet, dans son commentaire, le regrette et souhaiterait une extension de
l'incrimination
ce qui offrirait une possibilité supplémentaire de cumul. (93) Car toutes les atteintes portées à
la société, l'homicide y compris, ont été sanctionnées. (94) Pour un exemple, voir C.A. Grenoble,
15/02/1995, Juris-data, réf. 004145, ou CA Paris, 03 juillet 1991, Juris-data, réf.
023592, où l'on peut remarquer que le vol et l'élimination d'informations nominatives
sont considérés comme un vol et une destruction "d'objet mobilier". (95) M. J.- F. Chassaing (art. précit.
en note 67, notes de l'auteur n°45 et n°46) pense également que les supports
magnétiques devraient se voir appliquer ce régime. (96) Sabine Marcellin-Taupenas, Lamy
droit de l'informatique, supplément n° 74, octobre 1995, p.1. (97) Michel Vivant, "Cybermonde :
Droit et droits des réseaux", JCP 1996, éd. G, doctrine n° 3969. (98) Il est difficile de ne pas
s'indigner en lisant, par exemple, qu' Hitler mérite une juste vénération (voir Casimir
J., "Racistes de tous les pays
", The Sydney Morning Herald, reproduit et
traduit dans Courr. Intern., 12/18 oct. 1995 p. 11, cité in Lamy Droit de l'Informatique,
édition 1997, n° 2120. (99) M. Vivant, art. précit. en note 97.
(100) Pour nos propositions de
solutions, voir chapitre II. (101) Le lecteur intéressé pourra se
reporter à l'article de Joseph S. Tuman, "Contrôle de constitutionnalité de la loi
américaine réglementant l'obscénité sur Internet", légipresse avril 1997, n°
140, II, p. 47. (102) Le 26 juin 1997. Exp. des syst.
d'inf., août/septembre 1997, références p. 254. (103) Exp.des syst. d'inf., art.
précit. (104) M. Denis Duclos, "La culture
de la haine, des campus aux mégalopoles", in Ravages de la technoscience, Le
Monde diplomatique, Manière de voir n° 38, mars-avril 1998, p. 56. (105) M. Bernard Cassen, "Apprendre
à savoir sur les savoirs", in Ravages de la technoscience, Le Monde
diplomatique précité, p. 96. (106) P.- Y. Gautier, "Du droit
applicable dans le "village planétaire", au titre de l'usage immatériel des
uvres", Dalloz 1996, 16° cahier, chronique p. 131. (107) Cette parenthèse est de l'auteur
de la citation. (108) La décompilation, version
communautaire et allégée du "reverse engineering" ou "ingénierie
inverse" connu aux Etats-Unis, permet à la personne habilitée à se servir d'un
logiciel de reproduire le code de celui-ci ou de traduire la forme de ce code, à des fins
- et uniquement - d'interopérabilité avec d'autres logiciels. Pour un développement de
la question, voir Lamy droit de l'informatique, 1997, n° 141. (109) Philippe Challine,
"L'informatique, outil d'évaluation de l'impact du droit sur le milieu", exp.
des syst. d'inf., octobre 1997, interview, p. 301. (110) Philippe Challine, art. précit.
(111) Expression employée par M. Alain
Richard, dans le discours qu'il a prononcé lors de la session ministérielle
"Justice-Intérieur" du G7/P8, à Washington le 10 décembre 1997. (112) Cesare Beccaria, op. précit. en
note 1, p. 70. (113) Selon l'adage Nemo censetur
ignorare legem, selon lequel il n'est pas possible d'arguer de son ignorance du droit
pour échapper à ses obligations. (114)Commission Nationale de
l'Informatique et des Libertés, à laquelle doit être adressée, en vertu de l'article
16 de la loi du 6 janvier 1978, les créations de fichiers automatisés d'informations
nominatives, sauf cas particuliers.. (116) Le texte est disponible en
français à l'adresse Suivante : "Etude Internet", Bypress Printing and Copy
Centre, Tour Jean-Edmonds Nord, 300 Slater, Ottawa (Ont.), KIP 6A6. Ce texte est
également disponible en plusieurs versions à partir de l'adresse suivante : http://strategis.ic.gc.ca (117)Philippe Challine, art. précit. en
note 109, p.302. Voir aussi J. -F. Chassaing, "L'Internet et le droit pénal",
Dalloz 1996, chron. p. 329., pour lequel "La création d'un sentiment d'insécurité
par l'utilisation désordonnée des poursuites pénales susceptibles de conduire à
autocensurer des activités parfaitement légales paraît contraire à l'objet même du
droit pénal qui est la sécurité". (118) Op. précit. en note 1, p. 68.
(119) Nous pouvons citer l'exemple des
arrêts CA Rennes, 24 juin 1986, et Cass.Crim. 3 nov. 1987, commentés par M. J.
Frayssinet au JCP 1988, éd. G, doctrine n° 3323, ou Cass. Crim. 12 nov. 96, Rev. sc.
crim., p. 144, pour laquelle (selon le sommaire) il semble que le fait de distribuer un
logiciel infecté d'un virus sans avoir informé le client de la présence de celui-ci,
constitue le délit de fausser le fonctionnement d'un système de traitement automatisé
de données, tel que prévu par la loi Godfrain. (120) Cette interprétation extensive
n'est cependant pas toujours nécessaire du fait de la rédaction législative, qui vient
en aide au juge en lui permettant certaines fois de pouvoir faire entrer toute une série
de comportements sous un seul terme, tel le délit d'entrave, que nous pouvons rencontrer
dans plusieurs branches du droit. (121) Un problème se pose également
pour la détermination de la personne qui doit être qualifiée de "directeur de
publication", lequel est désigné responsable de la diffusion d'information
litigieuse, selon la loi de 1881. (122) Ceci est constaté par de nombreux
auteurs ainsi que dans de nombreux rapports (notamment celui de Mme Falque-Pierrotin), et
se retrouve dans le raisonnement actuel des juges. (123) Est également de cet avis Me N.
Brault, "Le droit applicable à Internet : De l'abîme aux sommets", 28 mars
1997, que l'on peut trouver à l'adresse suivante : http://www.grolier.fr/cyberlexnet/COM/A970428.htm
(124) Selon les satistiques présentées
par M. Marc Pinguet, "La douane et la Cyber-délinquance", GP vendredi 25,
samedi 26 oct., dossier spécial Internet, p.53. (125) Le texte peut être trouvé aux
adresses suivantes : http://www.iid.de/rahmen/iukdg.html
pour la version allemande ou http://www.iid.en/rahmen/iukdge.html
pour la version anglaise. (126) Rapport du Comité européen pour
les problèmes criminels, "La criminalité informatique", Strasbourg, Conseil de
l'Europe, Service de l'édition et de la documentation, 1990, p. 21. (127) Pour un exposé plus complet de la
question, voir le rapport du Comité européen pour les problèmes criminels, précité,
p. 98. (128) Cette Convention peut être
trouvée à l'adresse suivante : http://www.coe.fr/fr/txtjur/24fr.htm
(129) Rapport du CEPC, précit. en note
126, p. 99. (130) Cette Convention peut être
trouvée à l'adresse suivante : http://www.coe.fr/fr/txtjur/98fr.htm
(131) Rapport du CEPC, précit. en note
126, p.101. (132) M. Alain Richard, Ministre de la
défense, dans son discours lors de la session ministérielle "Justice
Intérieur" du G7/P8. (133) Pour une étude plus complète de
cette question, voir Lamy droit de l'informatique, cahiers, supplément n° 90, mars 1997,
p.1. (134) JOCE 17 mai 1991, n° L122.
(135) JOCE 27 mars 1996, n° L77, p. 20.
(136) L'une de ses dispositions prévoit
que les Etats peuvent conserver leurs règles particulières, ce qui est, comme le notent
Lionel Costes et Nancy Risacher, "paradoxal dès lors que la finalité poursuivie est
l'établissement d'un grand marché de l'information
". Voir Bull. d'actualité
Lamy droit de l'informatique, n° 104, juin 1998, p. 15. (137) JOCE 23 novembre 1995, n° L 281,
p. 31. Cette convention peut également être trouvée à l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/legal/fr/dataprot/directiv/direct.html
(138) Cette Convention a fait l'objet en
France d'une publication par le décret n° 85-1203 du 15 novembre 1985, JO du 20 novembre
1985, p. 13436. Son texte est disponible à l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/legal/fr/dataprot/conseuro/conv.html
(139) Entrée en vigueur en France le 27
août 1971, JO du 10 novembre 1971. (140) A. Huet et R. Koering-Joulin, in Droit
pénal international, PUF, première édition, 1994, n° 67. (141) Voir notamment l'article II-13 du
document final de la réunion de Copenhague. (142) Régis de Gouttes, "Vers un
espace judiciaire pénal pan-européen?", Dalloz 1991, chron. p. 154. (143) Entrée en vigueur en France le 3
mai 1974, JO du 4 mai 1974. (144) Entré en vigueur en France le 4
février 1981, JO du 1er février 1981. (145) Pour un développement plus
complet de la question, voir M. R. de Gouttes, art. précit. en note 142. (146) Ce texte peut être trouvé à
l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/legal/fr/internet/wp2fr-3.html
(147) "Le nouveau média interroge
le droit", Office fédéral de la Justice, Berne, mai 1996. Le texte peut être
trouvé à l'adresse suivante : www.admin.ch/bj/infrecht/internet/inbearf.htm#INDEX
(148) Session ministérielle
"Justice-Intérieur" du G7/P8, Document Américain distribué le 24 novembre
1997, aimablement communiqué par Mlle Nancy Risacher. Un communiqué de presse peut
cependant être trouvé à ce sujet sur le site "LMB", à l'adresse suivante : http://www.lmb.Cnrs.fr/aelarchiv/actu87.html#RTFToC2
(149) Article Internet précité.
(150) Le texte de la conférence peut
être trouvé à l'adresse suivante : http://www2.echo-lu/bonn/conference.html
(151) "Le Conseil de l'Europe et la
lutte contre le racisme et l'intolérance". Cette page peut être trouvée sur le
site du Conseil de l'Europe, à l'adresse suivante : http://www.ecri.coe.fr/fr/01/01/f01010001.htm
(152) "le Comité des Ministres qui
supervise le programme intergouvernemental d'activités, l'Assemblée parlementaire, le
Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe, les instances conventionnelles de
contrôle des traités ". Page Internet précitée. (153) Commission Européenne Contre le
Racisme et l'Intolérance, mandatée en 1993 par le Conseil de l'Europe pour lutter contre
le racisme et l'intolérance. (154) Le texte peut être trouvé à
l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/legal/fr/internet/communic.html
(155) Le texte peut être trouvé à
l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/legal/fr/internet/resolfr.html
(156) Le texte est disponible à
l'adresse suivante : http://www2.echo.lu/legal/fr/internet/gpfr-toc.html
(157) Ceci a été précisé par M.
Alain Richard dans son discours lors de la session ministérielle
"Justice-intérieur" du G7/P8, précité. (158) Ce sont notamment le cas des
différentes recommandations que la Commission européenne veut négocier dans le cadre du
Conseil de l'Europe, même si les Etats seraient débiteurs de certaines obligations.
(159) Voir le document thématique de la
Conférence de Bonn des 6, 7, 8 juillet 1997, qui peut être trouvé à l'adresse suivante
: http://www2.echo.lu/bonn/conference.html
(160) Annie Kahn, "Internet, de
l'enfer au paradis", Le Monde, 18 novembre 1996, p. 32. (161) Scott McNeally, président de Sun
Microsystems, cité par Joe Flower, "Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur
le Net et sur son avenir", dans : "Internet, la démocratie en péril ?",
Courr. Intern. n° 258, 12/18 octobre 1995, p.10. (162) Joe Flower, art. précit., p. 10.
(163) Pour une étude plus complète de
la question, voir l'article de M. Vivant, "Internet et modes de régulation", à
l'adresse http://www.planete.net/code-internet/vivant1.html
ou voir celui de P.- Y. Gautier, "l'esprit des réseaux", exp. des syst. d'inf.,
janvier 1997, p. 15 puis p. 17. (164) Formule de Goldman, selon M.
Vivant, art. précit. en note 163. (165) Voir l'article de M. Andrew L.
Shapiro, "Internet : la démocratie en péril ?", Courr. intern. n° 258 du 12
au 18 octobre 1995, p.8. (166) Tocqueville, notes publiées par
J.-P. Mayer dans la R.N.F. du 1er avril 1959 et dans la Revue internationale de
philosophie, 1959, n° 49, fasc. 3 ; I, 1, 1ere p., chap. II, p. 41 ; cité par Raymond
Aron in Essai sur les libertés, éditions Hachette, collection Pluriel, 1991, p.
33. (167) M. Vivant, Internet et modes de
régulation, précit. en note 163. (168) Raymond Aron, op. précit., p.
138. (169) Expression de M. Cornélius
Castoriadis, lors d'un entretien de novembre 1996 sur France-Inter, duquel a été tiré
un texte paru dans Le monde diplomatique sous le titre de "contre le conformisme
généralisé, stopper la montée de l'insignifiance", Le monde diplomatique, août
1998, p. 22. Cette expression est utilisée pour désigner la démocratie représentative,
qui pour l'auteur n'est pas une vraie démocratie, le citoyen n'étant vraiment libre de
faire ses choix que le jour de chaque élection, et les options étant de toute manières
"définies d'avance". (170) Il est possible d'imaginer que les
règles de ce monde virtuel soient le résultat d'un compromis entre les différentes
conceptions existantes de la liberté d'expression, en maintenant pour base minimale les
principes fondamentaux de nos démocraties
(171) M. Jean François Chassaing,
"L'Internet et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p. 329. (172) Melle Nancy Risacher, "A
propos "des pyramides du pouvoir aux réseaux de savoirs - comment les nouvelles
technologies de l'information vont aider la France à entrer dans le XXI° siècle ?"
: Rapport du Sénateur René Trégouët", Bull. d'act. Lamy droit de l'informatique
et des réseaux, n° 104, C, juin 1998, p. 11. (173) Melle Nancy Risacher, art.
précit. (174) L'application territoriale de la
loi française est trop importante, et son application extraterritoriale est exhorbitante,
selon M. Chassaing (art. précit. en note 171). De même, sur l'application aux uniques
nationaux (article 3 du code civil) des lois de police (loi Evin, ou sur la publicité
mensongère), voir T. Piette-Coudol et A. Bertrand, in Internet et la loi, dalloz,
1997, p. 51/52. (175) Voir par exemple M. Chassaing,
art. précit. en note 171; C. Lombois, op. précit. en note 54. (176) N Gautraud, "Internet, le
législateur et le juge", dossier spécial Internet, Gaz. Du Palais, 25-26 octobre
1996, p. 63. (177) Lionel Costes,"Quel cadre
juridique pour Internet ?", supplément Lamy droit de l'informatique, n° 98,
décembre 1997, p. 1. (178) Celle-ci admet l'obligation de
conformité à la loi de réception, cependant, en cas de diffusion vers ce pays
exclusivement. Pour M. Chassaing ceci est une bonne disposition, la localisation en France
y étant justifiée par la théorie de l'action comme celle de l'ubiquité. (J. -F.
Chassaing, "L'Internet et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p. 329). (179) Session ministérielle
"Justice-Intérieur" du G7/P8, précitée en note 148. (180) Le Calvez, Rev. sc. crim. 1980, p.
340, cité par A. Huet et R. Koering-Joulin, in Droit pénal international, PUF,
première édition, 1994, p. 183, n° 115. Pour l'auteur, la loi "la mieux adaptée
au rapport de droit considéré" est celle de l'Etat atteint dans ses intérêts
propres, alors que sont simultanément atteintes des valeurs "protégées de manière
identique par une communauté d'Etats" (181) C. Lombois, in Droit pénal
international, précis Dalloz, deuxième édition, 1979, p. 289, n° 243. (182) Koering-Joulin, thèse, p. 348 ;
citée par A. Huet et R. Koering-Joulin, in Droit pénal international, p.183, n°
115. (183) M. Vivant, art. précit. en note
163. (184) C. Lombois, op. précit. p. 289
n° 243. (185) C. Lombois, op. précit. p. 290
n° 244. (186) C. Lombois, op. précit. p. 290
n° 244. (187) C. Lombois, op. précit. p. 290.
(188) A. Huet et R. Koering-Joulin, op.
précit. en note 182, p.182, n° 114. (189) C. Lombois, op. précit., p. 288,
n° 242. (190) "La fraude liée à
l'informatique : analyse des politiques juridiques", OCDE, Paris, 1986. (191) "Problèmes de procédure
pénale liés à la technologie de l'information", Editions du Conseil de l'Europe,
1996. (192) ""Les aspects juridiques
de la sécurité et de la criminalité informatique"-analyse comparative et
suggestions futures-" Commission des Communauté Européennes, Comité juridique
consultatif, 1987. (193) M. Alain Richard, Ministre de la
défense, dans son discours lors de la session ministérielle "Justice
Intérieur" du G7/P8. (195) Recommandation R (95) 13, précit.
en note 192. (196) Pour une étude complète de la
question, se repporter à E. Passant, mémoire de DEA Informatique et Droit, Université
Montpellier 1, 1997. (197) M. Devèze, cours de D.E.A.
"Informatique et Droit" de l'Université Montpellier 1, 1998. (198) M. J. -F. Chassaing,
"L'Internet et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p.329. (199) Rapport précit. en note 190.
(200) Cette déduction n'est pas
évidente : une loi peut être reconnue comme applicable selon des critères abstraits de
détermination, et être cependant contestable dans son contenu : mais nous estimons que
dès l'instant où l'on élabore des règles pour que les conflits se règlent dans le
respect de la souveraineté de chacun, cette souveraineté doit être respectée jusqu'au
bout. (201) C. Lombois, op. précit. en note
181, p. 291. (202) Cette expression, extraite du
rapport de Mme Falque-Pierrotin, y est utilisée à propos de "l'arsenal juridique
actuel". (203) Mission interministérielle sur
l'Internet, 16 mars 1996 - 16 juin 1996, Rapport de Mme Isabelle Falque-Pierrotin,
disponible notamment à l'adresse : http://www.telecom.gouv.fr/francais/comdis/cp240496.htm
(204) Plan du G7/P8, précit. en note
148. Voir, de même, le communiqué sur la Conférence de Bonn, précit. en note 159.
(205) J.-F. Chassaing ("L'Internet
et le droit pénal", Dalloz 1996, chron. p.329.), se référant à O. Hance, in Business
et droit d'Internet, Best of Edition, Paris, 1996, p. 100. (206) J.-F. Chassaing, art. précit.;
Dans le même sens, voir M.Yves Eudes , "Internet, l'Europe et la censure", le
monde, supp. Multimédia des 23-24 février 1997. (207) Nous désirons ici citer C.
Lombois, op. préc. en note 201, p. 249, qui, à propos de la convention de New-York
contre la disrimination raciale, a pu préciser que les idées sont permises et que seule
leur diffusion ne l'est pas : "Il n'est question que d'éviter l'effet de masse de
théories dont l'histoire a révélé les dangers abominables. La sottise individuelle est
hors d'atteinte du droit". (208) Pour C. Lombois, chaque
comportement réprimé au niveau international doit encore être "défini et
comme punissable" pour que le droit soit effectif et donc utile. C. Lombois,
op. précit., p. 223, n° 188. (209) M. Alain Richard, Ministre de la
défense, dans son discours lors de la session ministérielle "Justice
Intérieur" du G7/P8. (210) Melle Nancy Risacher, "A
propos "des pyramides du pouvoir aux réseaux de savoirs - comment les nouvelles
technologies de l'information vont aider la France à entrer dans le XXI° siècle ?"
: Rapport du Sénateur René Trégouët", Bull. d'act. Lamy droit de l'informatique
et des réseaux, n° 104, C, juin 1998. (211) Mission interministérielle sur
l'Internet, 16 mars 1996 - 16 juin 1996, Rapport de Mme Isabelle Falque-Pierrotin, partie
4, "propositions et pistes de réflexion". Ce texte est disponible notamment à
l'adresse : http://www.telecom.gouv.fr/francais/comdis/cp240496.htm
(212) Voir le communiqué sur la
Conférence de Bonn, précité en note 159, partie II, le rapport du Commissaire Bangemann
au Conseil européen en 1994
(213) Voir le Rapport du Sénateur
Trégouët, précit. à la note 210, p.11; ou le Rapport Falque-Pierrotin, partie 4.
(214) Voir notamment Me N. Brault, "Le
droit applicable à Internet : De l'abîme aux sommets", 28 mars 1997, n° 9, que
l'on peut trouver à l'adresse suivante : http://www.grolier.fr/cyberlexnet/COM/A970428.htm
(215) Me S. Lilti, "Pour faire barrage
à l'"indignité on line"", interview, exp. des syst. d'inf., juin 1996, p.
179. (216) Me S. Lilti, art. précit., p. 177.
|
Juriscom.net est une revue juridique créée et éditée par Lionel
Thoumyre |