France
: hébergeurs c. mannequins - première victoire pour les prestataires
Le
jugement du 8 décembre 1999,
qui avait fait droit à la demande en dommages-intérêt du mannequin Lynda
Lacoste à l’encontre de plusieurs prestataires de services et d’hébergement
pour la diffusion de ses photographies sur Internet, vient d’être infirmé
appel.
Par
un arrêt du 8 juin dernier, la Cour d’appel de Versailles condamne Mme
Lynda Lacoste à rembourser à l’hébergeur Multimania Production
les 20 000 Frs qui lui avait été versé au titre de l’exécution
provisoire du jugement infirmé.
La
cour n’a pas remis en cause le principe selon lequel une société
prestataire d’hébergement est tenue à une obligation de vigilance et de
prudence vis à vis du contenu des sites qu’elle abrite. Mais elle précise
que cette obligation de moyen n’implique pas l’examen général et systématique
des contenus des sites hébergés. Elle rappelle également que les
diligences à la charge du prestataire, pour procéder au repérage des
contenus illégaux ou dommageable, ne doivent être « spontanément
envisagée », au stade de l’exécution du contrat d’hébergement
avec le client-créateur du site, que si la société d’hébergement a eu
« connaissance ou est informé de l’illégalité »
d’un site ou lorsque « les circonstances ou modalités de la réalisation,
de l’évolution ou de la consultation du site, auxquelles elle doit
veiller par des outils, méthodes ou procédures techniques d’analyse,
d’observation et de recherche, la mettent en mesure d’en suspecter le
contenu ». En dehors de ces hypothèses, on ne pourrait donc
reprocher au prestataire, comme l’ont fait les juges de première
instance, de ne pas avoir contrôlé le contenu d’un site dont elle
ignorait l’existence ou le contenu.
Les
magistrats de la Cour d’appel vont d’ailleurs plus loin en précisant
que le fait, pour un hébergeur grand public comme Multimania, de
devoir s’ingérer systématiquement dans les rapports de droit entre les
particuliers n’est pas « sans
risque pour la liberté d’expression ».
Lionel
Thoumyre
Note
: nous remercions Maître Valérie Sédallian pour nous avoir communiqué le
texte de cet arrêt, ainsi que Cynthia Chassigneux (CRDP)
pour l'avoir retranscrit.
Références :
Arrêt
de la Cour d’appel de Versailles du 8 juin 2000 sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/jurisfr/lacoste2.htm
Jugement
du TGI Nanterre du 8 décembre 1999 sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/jurisfr/lacoste.htm
Voir
notre brève relative au jugement de première instance sur ZDNet :
http://www.zdnet.fr/actu/soci/a0011976.html
Pour
une rétrospective des affaires relatives à la responsabilité des
prestataires, voir Lionel Thoumyre, « Responsabilité sur le Web : une
histoire de la réglementation des réseaux numériques », Lex
Electronica, vol. 6, nº1, printemps 2000,
http://www.lex-electronica.org/articles/v6-1/thoumyre.htm
19 juin 2000
Reportage de Radio-Canada :
"Les pigistes déclarent la guerre aux éditeurs" (réalisé par
Frédéric Odinet)
"Aujourd'hui,
lorsque les éditeurs acquièrent des articles de pigistes, ils entendent
les diffuser largement et sur tous supports, parfois contre rétribution
mais sans dédommager les auteurs...."
Invités
: Raymond Bertin
(Journaliste pigiste au Voir) ; Lionel Thoumyre (Agent de recherche
spécialisé sur les droits d'auteurs, Université de Montréal) ; Lyne
Fréchet (Présidente de l'Association des journalistes indépendants du
Québec) ; Alain Gerbier (Chargé de cours en journalisme à l'UQAM,
correspondant pour Libération et pigiste) ; Emmanuelle Tassé (Journaliste
pigiste à La Presse).
Référence
:
Reportage
en Real Audio sur le site de Radio-Canada :
http://radio-canada.ca/radio/dimanchemag/DI0618-1.ram
19
juin
2000
France
: identification des éditeurs de services de communication en ligne -
l'Assemblée
nationale replace le citoyen au centre de la société républicaine
(Communiqué de presse : AFA)
Dans
le cadre du projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication, l'Assemblée nationale a adopté
le 15 juin 2000, en troisième lecture, une nouvelle rédaction des articles
43-6-1 à 43-6-4 relatifs aux obligations et responsabilités des
prestataires techniques et des éditeurs de services Internet.
L'AFA
se félicite que la dernière proposition d'amendement du député Patrick
Bloche, assimilable au droit commun et ne comportant plus de sanctions pénales
particulières, ait été adoptée.
A
l'heure où chacun s'interroge sur les méthodes permettant de limiter la
propagation de contenus préjudiciables sur Internet, l'Assemblée nationale
rappelle opportunément les principes simples qui étaient attendus :
*
le citoyen est l'entité fondatrice de la République,
*
Internet accorde au citoyen le privilège d'une liberté d'expression
collective inédite,
*
l'identification est la contrepartie républicaine de cette liberté
d'expression,
*
l'anonymat, par exemple celui des mineurs, n'en reste pas moins un droit
essentiel, qui peut être levé à la demande des seules autorités
judiciaires,
*
les acteurs de l'Internet sont soumis aux mêmes règles que celles respectées
par les autres acteurs de notre société.
En
pratique, le texte adopté nécessitera d'être explicité. L'AFA en
tant que représentante de l'industrie de l'hébergement grand public, soit
600.000 sites au 15 avril 2000, s'engage à y participer au bénéfice
d'Internet et de tous les citoyens.
Paris
La Défense, le 19 juin 2000
Contact
Presse :
Jean-Christophe
Le Toquin, Délégué Permanent
Tél : 01 41 02 80 08 - Fax : 01 41 02 80 01
delegue@afa-france.com
http://www.afa-france.com
Voir
également :
LLoi
liberté de communication, nouvelle lecture : une absence totale de vision
et de courage politique" :
http://www.iris.sgdg.org/info-debat/comm-an0600.html
17 juin 2000
Étude
sur la vente aux enchères : « Le marteau pris dans la Toile… »
Le
mois de mai a été particulièrement intéressant pour l’Internet et pour
une vieille matière parfois oubliée des juristes… En effet, le Tribunal
de grande instance de Paris a eu à se prononcer dans deux affaires relevant
des ventes aux enchères (affaire Yahoo
et affaire Nart).
Parallèlement,
le législateur français tentait de réformer en profondeur la matière. En
date du 22 mai 2000, après de longues heures de débat, l’Assemblée
Nationale a finalement adopté le projet de réforme. La Chambre Haute doit
encore se prononcer avant que le texte ne soit définitivement adopté.
Même
si cette loi en devenir semble passer inaperçue, il convient de noter que
les technologies dites "nouvelles" viennent bousculer une
tradition ancienne de deux siècles, intervenant ainsi comme base du grand
chantier du commerce électronique. A l’heure où les contentieux semblent
se développer, dans l’attente de l’adoption du texte définitif, une étude
de son contenu nous a semblé particulièrement opportune. Le marteau pris
dans la Toile, saisi par la Justice, voit désormais son devenir entre les
mains du législateur. Retour donc sur une tradition ancestrale...
Référence
:
Jean-Luc
Bellin, "Le marteau pris dans la Toile...", Juriscom.net,
17 juin 2000,
http://www.juriscom.net/espace2/2/ce0617.htm
9 juin
2000
France
: Cybersquatting - l’affaire CAMIF
La
célèbre entreprise française de vente à distance, la CAMIF
(www.camif.com) - a
assigné en référé Éric G. et la société Axinet Communication
le 29 mars 2000 pour "cybersquatting". Le Tribunal de grande
instance de Nanterre lui a donné gain de cause, mais n'a pas retenu la
responsabilité du prestataire.
Éric
G. avait créé un site Web "funny-picture.com" où il faisait la
mise en vente aux enchères des noms de domaine "la-camif.com",
"la-camif.net", "la-camif.org", "camif.org",
"camif.net". Ces titres avaient été enregistrés avec la
participation de la défenderesse, la société Axinet, qui offrait
un service d’accès à l’enregistrement de noms de domaine.
Alerté
par l'existence de ce commerce, le groupe CAMIF a donc assigné Éric G.
ainsi que son prestataire sur la base des articles L. 713-5 du Code de la
propriété intellectuelle et 1383 du Code Civil (responsabilité civile). Le
demandeur soutient qu’Éric G. a engagé sa responsabilité civile pour
avoir proposé la mise en vente aux enchères des noms de domaine ayant la dénomination
"CAMIF". Le groupe CAMIF
affirme en outre que la société Axinet a manqué à ses obligations
de prudence et de vigilance en participant à l’enregistrement des noms de
domaine.
Axinet soutient
de son côté que le trouble en question a
cessé puisque le site d’Éric G. a été fermé, que le groupe CAMIF
n’a subi aucun préjudice et que sa participation dans la réalisation
du dommage n’est que symbolique.
Le
tribunal tranche finalement le litige en faveur du groupe CAMIF. Selon
le juge, le "cybersquatting" constitue une exploitation injustifiée
des marques de commerces. Le fait de jouer avec plusieurs combinaisons de
noms et de suffixes de marques bien connues du grand public, de procéder à
la mise en vente aux enchères des noms de domaines et de solliciter par téléphone
les termes d’une négociation, prouve l’intention illicite d’Éric G.
de causer un tort économique au groupe CAMIF.
Condamné à 50.000 francs de
dommages et intérêts provisionnels, le défendeur doit également transférer les noms de domaine au
demandeur et ne devra plus faire usage d’une dénomination relative à
"CAMIF".
En
revanche, la
responsabilité civile de la société Axinet n’est pas engagée
puisqu’elle a fermé le site Web d’Éric G. le jour où elle a eu
connaissance du litige et a permis la publication judiciaire ordonnée en référé
de litiges de même nature concernant Éric G. sur son propre site
Web "funny-picture.com".
Le juge Dominique Rosenthal-Rolland,
vice-président au TGI de Nanterre, a donc adopté une décision
contraire à celle d'une affaire similaire, "Trois Suisses - La
Redoute", à l'issue de laquelle il avait lui-même retenu la
responsabilité du prestataire (TGI Nanterre, ordonnance du 31 janvier 2000,
disponible sur Legalis.net).
Note
: le TGI Nanterre se prononçait le même jour sur une seconde affaire
opposant la SARL Neckermann à Francine G., Éric G., Jérôme G. et
au prestataire Axinet Communications à propos du nom de domaine
"neckermann.net". Ici encore, les défendeurs - à l'exception du
prestataire - ont été condamnés à restituer le nom de domaine à la
société demanderesse ainsi qu'à des dommages intérêts provisionnels.
Charles
Perreault
Références
:
Texte
de l'ordonnance du 17 avril 2000 sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/jurisfr/camif.htm
Sur
le cybersquatting, voir Éric Franchi, "Le droit des marques au
risque du virtuel", Lex Electronica, Vol.6, n°1,
printemps 2000,
http://www.lex-electronica.org/articles/v6-1/franchi.htm
Sur
la responsabilité des prestataires, voir Lionel Thoumyre, "Responsabilités
sur le Web : une histoire de la réglementation des réseaux numériques",
Lex Electronica, Vol.6,
n°1,
printemps 2000,
http://www.lex-electronica.org/articles/v6-1/thoumyre.htm
8 juin 2000
États-Unis :
publicité comparative et défense d'utilisation équitable
Dans une décision du 4 mai 2000, la Cour du
9e circuit, en appel d'une décision de la cour du District Nord
de Californie, vient de se prononcer sur une question intéressante mettant
en cause l'utilisation d'une reproduction d’une séquence de jeux vidéo
à des fins publicitaires par un concurrent.
En première instance, le tribunal, saisi
d'une demande en injonction interlocutoire, enjoint les défendeurs de
cesser toute utilisation d’un « snap shot », représentation
graphique du jeu de la demanderesse, à des fins publicitaires. Les faits de
l'espèce mettent à jour encore une fois les tensions qui existent entre la
nécessité technologique et la nature statique de la protection du droit
d'auteur.
Le défendeur à l'action a développé et
commercialisé un produit appelé "émulateur de logiciel", qui
permet à tout utilisateur d'utiliser les jeux de Sony pour console Play
Station à partir d'un ordinateur PC. Non seulement l'"émulateur
de logiciel" retranscrit les codes sources du jeu d'origine afin de les
rendre lisibles par les applications standards mais en augmente la qualité
graphique. Lors de ses campagnes promotionnelles, la défenderesse utilise
deux images représentant une même scène du jeux de Sony Play Station,
l’une d’elle ayant été générée par l’émulateur de logiciel et
ayant pour but de démontrer, par comparaison, la supériorité graphique de
l’émulateur.
Il est entendu que la commercialisation de ce
produit concurrent risque de provoquer une chute substantielle des ventes de
console de jeux Sony. En revanche, la vente de jeux pourrait, quant
à elle, bénéficier d’un plus large éventail d’ordinateurs
compatibles. Pourtant, mécontent de cette concurrence sauvage et des pertes
projetées, Sony décide d’instituer une action en contrefaçon sur
plusieurs motifs. Dans l’affaire qui nous intéresse, seule la question de
l'utilisation d'une séquence de jeu devait être examinée en appel. Il est
à noter ici que les conditions d'ouverture à l'injonction interlocutoire
aux États-Unis sont relativement similaires au test dégagé par la
jurisprudence canadienne. Le requérant doit d'abord démontrer qu'il existe
une question de droit sérieuse à trancher (1), qu'à défaut
d'intervention judiciaire ce dernier souffrira des dommages irréparables
(2) et, enfin, que la balance des inconvénients supporte l'octroi d'une
injonction interlocutoire – en d’autres termes, que la délivrance de
l’ordonnance ne fera pas subir un préjudice démesuré à l’intimé,
supérieur à celui qu’est sensée réparer l’intervention judiciaire.
Dans l'affaire en cause les défendeurs ont
admis qu'ils avaient copié la séquence de jeu vidéo afin d’en intégrer
sa représentation photographique dans une campagne publicitaire
comparative, mais soutiennent que cette utilisation est permise au titre de
l’exception de « fair use » prévue à l'article 107 du
Copyright Act américain.
Inutile de dire que le concept de « fair use »
est un concept à géométrie variable et qu'il appartient au juge des faits
d'accueillir ou non cette exception au contrôle de l'œuvre par son auteur.
En droit américain, et selon un principe réitéré
par la cour du 9e circuit, le simple fait que la cause repose sur
un contexte commercial ne permet pas de rejeter la défense de « fair
use » pour autant. La cour refuse ainsi de voir dans l'utilisation
commerciale d'une œuvre les motifs d'une présomption d'utilisation inéquitable
et précise que « […]the commercial use of copyrighted material
is not presumptively unfair; rather, commercial use is but one of four
factors that we must weigh ».
Après
avoir énoncé en principe que l’exercice de la publicité comparative est
le plus souvent, per se, un usage
équitable, la cour du 9e circuit conclut que : « Although
Bleem is most certainly copying Sony's copyrighted material for the
commercial purposes of increasing its own sales, such comparative
advertising redounds greatly to the purchasing public's benefit with very
little corresponding loss to the integrity of Sony's copyrighted material
».
La
Cour précise également qu'une seule séquence d'un jeu vidéo qui, par sa
nature interactive, peut constituer une suite d'intrigues pouvant durer
jusqu'à plusieurs heures, ne mérite pas forcément la même protection que
le jeu dans sa totalité. L’utilisation d’une séquence du jeu, fixée
sur un support photographique, constituerait – on nous permettra
l’analogie – une citation.
Finalement,
en examinant l’étendu du préjudice qui pourrait résulter de l’emploi
contesté, la Cour énonce que la fonction élémentaire du logiciel d'émulation
n'est pas en soi de nature contrefaisante et que, pour les fins de
l’appel, seule l'utilisation des photographies à but publicitaire doit être
considérée. Suivant cette analyse, la cour conclut que si les ventes de la
console de jeux Sony chutent, cette fâcheuse conséquence résulte
directement de la supériorité technique du produit du défendeur et non de
l’utilisation que le défendeur fait d’une séquence inanimée du jeu de
la demanderesse pour illustrer cette supériorité.
Pierre-Emmanuel
Moyse
moyse@robic.com
LEGER ROBIC RICHARD
Montréal (Québec)
http://www.robic.ca
Référence
:
Texte
de l'arrêt sur Findlaw :
http://laws.findlaw.com/9th/9917137.html
2 juin 2000
Nouvelle
étude sur le commerce électronique : "réseau de distribution et
Internet"
Au-delà des problèmes juridiques liés
à l'interdiction de la vente sur
Internet
ou la réservation par le fournisseur de ce nouveau mode, l'E business
et le droit de la concurrence poussent aujourd'hui vers de nouveaux réseaux
de distribution. S'il apparaît désormais acquis, et notamment sous la
pression de la Commission européenne qu'il ne sera guère possible d'écarter
les distributeurs d'Internet, l'Europe peine cependant à trouver ses
modèles. Si un état des lieux s'imposait, à partir de l'exemple
américain et des nouveaux postulats du E business,
nous nous sommes attachés à décrire et à cerner
ces nouvelles organisations des réseaux ainsi que leur évaluation
en terme de risque juridique...
Yann
Dietrich et Alexandre Menais
Référence
:
Yann
Dietrich et Alexandre Menais, "Réseau de distribution et
Internet", Juriscom.net, 2 juin 2000,
http://www.juriscom.net/espace2/2/ce0602.htm
1er juin 2000
France : Sénat, deuxième
lecture - les intermédiaires deviennent soumis au secret, mais
demeurent juges des contenus
(Communiqué de presse : IRIS)
Le Sénat a adopté en deuxième
lecture, lundi 29 mai 2000, une version légèrement modifiée des
propositions que sa commission des Affaires culturelles avait apportées
à l'article premier A de la loi sur la liberté de communication
(responsabilité des intermédiaires techniques sur Internet)...