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Rubrique : chroniques francophones / volume 2 / Congo
Mots clés : internet, connection, cybercafé, afrique
Citation : Emile Lambert OWENGA ODINGA , "Internet en Afrique", Juriscom.net, 17 octobre 2000
Première publication : Juriscongo


Internet en Afrique

Par Maître Emile Lambert Owenga Odinga
Avocat au Barreau de Kinshasa/Gombe
Revue Juricongo

email : cavas@ic.cd


1. Le continent Africain n’est pas épargné par les vagues de nouvelles technologies de l’information et de communication. L’Internet y est déjà présent. Au seuil de l’année 1997, seulement 11 pays avaient accès à Internet. Ce chiffre est passé à 51 depuis mars 2000. Les trois dernières années ont permis à l’Afrique d’être en quelque sorte totalement présente sur les autoroutes de l’information.

> Fournisseurs d’accès

2. Les entreprises publiques africaines semblent encore hésiter de devenir “provider” ou Fournisseur d’accès à Internet (FAI) au point que le marché est dans l’ensemble quasiment laissé aux entreprises privées et étrangères. Certains pays ont aujourd’hui plus d’un FAI, l’on peut citer notamment, la République Démocratique du Congo (4), la Côte d’Ivoire (5), le Nigeria (15), l’Egypte (40), le Kenya (50) et l’Afrique du Sud (120).

3. Il y a lieu de relever que AfricaOnline et France Câble et Radio (FCR), filiale de France Télécom se classent parmi les plus grands FAI en Afrique. France Télécom est présent dans une quinzaine de pays, soit comme fournisseurs des opérateurs  (fourniture d’accès, équipement et interconnexion), soit comme partenaire de sociétés locales. De son côté, AfricaOnline travaille avec la même enseigne dans huit pays africains (Côte d’Ivoire, Ghana, Kenya, Namibie, Ouganda, Swaziland, Tanzanie, Zimbabwe). Cette entreprise créée en 1995 par le Kenyan AYISSI Makatiani est déjà une transnationale, mais elle demeure encore ambitieuse et compte s’étendre en Ethiopie, au Nigeria, au Sénégal et en Egypte.

> Abonnement, connections et Internautes

4. Selon le point de vue de la commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, repris par la revue Jeune Afrique Economique, le continent africain compte 650.000 abonnés dont 200.000 au Nord et 350.000 seulement en Afrique du Sud. Les autres pays se partagent les 100.000 restants.

5. Les connections sur Internet connaissent une progression de 50% à 60% chaque année, en Afrique. En Afrique francophone, France Télécom gère 60% du marché avec 100.000 abonnés. A part des internautes ivoiriens, les 30.000 abonnés de l’AfricaOnline vivent dans les pays anglophones, surtout au Kenya et en Ouganda. Le nombre d’internautes en Afrique est estimé à 2 millions en partant du fait qu’un ordinateur est utilisé en moyenne par trois personnes.

6. Il importe d’observer qu’il existe parfois des personnes qui obtiennent des connexions à Internet à partir des FAI situés à l’étranger. C’est le cas notamment des internautes habitant Brazzaville (République du Congo) et qui ont pour fournisseur d’accès Raga.net, FAI établi à Kinshasa (République Démocratique du Congo). Il y a même des personnes qui ont des abonnements parfois limités aux “e-mail” et dépendent des FAI européens.

> Cybercafés

7. L’augmentation du nombre de cybercafés tend également à provoquer celle du nombre d’internautes et s’écarte de la moyenne d’utilisation de 3 personnes par ordinateur. Par exemple, une entreprise comme AfricaOnline compte à elle seule 600 cybercafés. Outre sa nature d’une unité économique, le cybercafé est aussi une perche tendue aux personnes pauvres, pour leur permettre d’accéder au Multimédia. En Afrique, l’ordinateur demeure encore un luxe et la connexion est en moyenne plus onéreuse qu’en Europe et en Amérique. Ce n’est pas surprenant que sur environ 780 millions d’habitants, seules 650.000 personnes soient connectées.

> Conflits suscités par l’usage de l’Internet

8. Au Sénégal, la société Millelium Groupe Telecom a assigné la Sonatel (Compagnie nationale) en procédure de référé devant le président du Tribunal hors classe de Dakar aux fins de rétablissement de ses lignes téléphoniques suspendues d’appels internationaux. Il est ressorti des débats que le Millenium Group Telecom offre au public des services téléphoniques internationaux, via l’Internet, à des tarifs beaucoup plus compétitifs que ceux de la Sonatel.

9. Au Nigeria, le CNUCE, la firme italienne qui gère le .ng menace de cesser cette gestion à la fin d’août 2000. Si aucune dispositions n’est prise par le gouvernement nigérian, le domaine .ng peut aller hors ligne.

10. De même, au Malawi, le Gouvernement revendique ses droits et reproche à Monsieur Chris-Cope Mergan, homme d’affaires chargé de la gestion du domaine national .mw, de l’avoir enregistré pour le compte de sa société privée et de refuser le contrôle y relatif. Le Malawi a fait recours à l’IANA, mais jusqu’à ce que cette affaire soit réglée, les responsables Malawites soutiennent que .mw est inaccessible (quoique Monsieur Morgan réfute cela).

 > Perspectives

11.   La croissance que connaît l’Internet en Afrique laisse entrevoir un bon avenir pour cette technologie dans ce continent. Certes, il convient d’admettre que le non développement de la communication téléphonique, le coût du matériel informatique ainsi que celui de la connexion et la pauvreté constituent des obstacles majeurs de l’Internet en Afrique.

12. Cependant, le caractère utile de l’Internet, quant aux services qu’il rend possible, impose sa loi. Parfois les gens consentent des sacrifices pour se connecter. Quant à elles, les entreprises ont pour la plupart la possibilité de s’abonner et il y a lieu d’espérer une forte augmentation du nombre d'abonnés après chaque année. Déjà, avec la téléphonie et le Fax sur Internet, grand nombre d’entreprises semblent être séduites par Internet. Ainsi, ne fut-ce que par les biais de leurs employeurs, plusieurs africains vont accéder à Internet.

13. A part les entreprises, les cybercafés qui commencent à naître en grande vitesse sont également des moyens qui permettront aux africains d’accéder davantage à Internet.

14. Bien au-delà, il existe des projets soutenus, les uns par les organismes intergouvernementaux et, les autres, par les personnes privées qui laissent pointer dans l’horizon la possibilité d’une réduction sensible du coût tant en matériel qu’en abonnement et, peut être aussi, un soutien à l’amélioration du système de communication téléphonique ou à la création d'autres systèmes fiables.

15. A titre indicatif, l’on peut citer les projets pour la Côte d’Ivoire et la République Démocratique du Congo. Ces pays sont situés, le premier en Afrique de l'Ouest et le second en Afrique Centrale. Tous deux figurent parmi les pays qui se partagent les 100.000 abonnés à la différence de l'Afrique du Sud et de ceux du Nord qui réunissent eux seuls 550.000 abonnés. Leur situation peut permettre de se faire une idée sur les perspectives de l'Internet dans les autres pays africains dont le nombre de connections sont encore faibles.

16. La Côte d’Ivoire a participé à un projet de l’organisation « Synergie Genre et Développement » (SYNFEV) qui s’est assigné comme objectif de faciliter le développement des communications électroniques pour les organismes des femmes dans l’Afrique francophone à l’Ouest du Maghreb. Il sied de relever qu’un atelier s’est tenu à Dakar en février 1996, dans l’intention de former des représentantes de différentes organisations afin que ces dernières puissent fournir l’accès aux technologies de l’information et de la communication aux regroupements de femmes. La poursuite des activités a conduit au projet « stimuler les communications électroniques entre les femmes en Afrique francophone ». En rapport avec cette initiative, la « Word Association for Christian Association » a accepté de soutenir un projet d’assistance technique aux pays ayant démontré des capacités pour les connexions électroniques, telle la Côte d’Ivoire.

17. Ce pays s’est également engagé dans beaucoup de projets figurant au programme Infodev de la Banque mondiale. Concerne de même la Côte d’Ivoire, le projet d’évaluation des infrastructures de l’information, dans le contexte d’une connectivité globale en Afrique de l’Ouest. Il existe aussi un projet d’envergure auquel nombreuses organisations non gouvernementales ont pris part et qui veut ouvrir sept pays africains, dont la Côte d’Ivoire, aux nouvelles technologies de l’information avec résolution d’éliminer diverses contraintes qui freinent leur développement, sans oublier d’habiliter les principaux acteurs à utiliser ces technologies.

18. Il y a lieu de citer le projet AfricaLink et son programme WARDA (West Africain Rice Development Association), qui fournit la connectivité à des instituts agricoles. L’Institut de Savanes (IDESSA) à Bouaké devait bénéficier d’un accès à Internet. Le projet Africalink est appelé à financer plusieurs activités destinées à améliorer les compétences en matière de gestion de l’information des responsables du Network for the Environment and Sustainable Development in Africa (NESDA, réseau pour l’Evironnement en Afrique) à Abidjan. Compte parmi les activités envisagées, l’hébergement de site web sur un serveur commercial et la formation de l’équipe du NESDA à la gestion d’un centre d’information.

19. C’est utile de noter que la Côte d’Ivoire s’est jointe au projet de l’UNESCO qui  veut développer un réseau de recherche et d’éducation en Afrique. Ce projet est dénommé Regional Informatics Network for Africa (RINAF).

20. Enfin, en 1996 le gouvernement ivoirien a formé un groupe de travail afin d’amorcer les réflexions sur le développement des inforoutes en Côte d’Ivoire. A l’issu d’un travail qui a duré cinq mois, ce groupe a produit un programme pour le développement de l’autoroute de l’information ivoirienne dont les différents projets visent à « développer le réseau téléphonique (six millions de lignes pour 2010) ; développer les accès à haut débit; créer des nœuds Internet (et encourager l’émergence d’une économie liée à la création de contenu) ; uniformiser les coûts d’accès aux services d’information ; créer un fond de développement des services d’information ; financier la mise en services des services publics ; intégrer les différents services dans un seul réseau ; créer un conseil national des inforoutes de l’information organe de proposition et de coordination ». D’après l’évaluation faite par le groupe du travail, 800 milliards de francs CFA seraient nécessaires pour construire la nouvelle société de l’information ivoirienne.

21. La République Démocratique du Congo est concernée par le projet SYNFEV relevé ci-haut avec toutes les considérations relatives au projet « stimuler les communications électroniques entre les femmes en Afrique francophone ». Elle est engagée dans le projet Regional Environmental Information Management Project (REIMP) de la banque mondiale, qui a vocation de faciliter l’échange d’information environnementale entre plusieurs pays africains. Dans le cadre du projet Capacity building (CABECA), la commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (UNECA), est aussi engagée dans le développement du réseau en République Démocratique du Congo. Ce pays figure parmi ceux qui pourront bénéficier du projet d’une université virtuelle, initiée par la Banque mondiale, donnant accès à un large éventail de ressources. Le Southern African Research and Documentation Centre (SARDC) fera usage de nouvelles technologies de l’information pour faciliter la diffusion de l’information sur les pays de la Southern African Development community (SADC) dont la République Démocratique du Congo fait partie.

22. Par son communiqué de presse C2K02082000 lancé à Toronto, le 2 août 2000, Congo’ 2000 Entreprises Inc. Promet de devenir le plus grand fournisseur des services informatiques, Internet et médias en République Démocratique du Congo et en Afrique Centrale. Cette entreprise compte développer un réseau dénommé CONGOTERNET et des systèmes informatiques en collaboration avec SISCO, Nortel et Microsoft. Congo’2000 Entreprises affirme avoir précédemment créé un rapprochement avec d’autres partenaires tels que Bedecom, Tatem (Congotelecom) et Digitech. Elle envisage créer un des plus grands centres informatiques du pays, centres de distribution et plusieurs cybercafés dits évolués.

> Conclusion

23. Le progrès de l’Internet en Afrique semble spectaculaire. Ce qui requiert des Etats une promptitude dans la création des bureaux d’études aux fins d’aboutir à une réglementation appropriée au niveau continental.

24. Il faudra que l’Afrique soit présente dans les réunions internationales relatives aux nouvelles technologies de l’information et de communication.

> Bibliographie

- <http://inforoutes.cidif.org/consultation.cfm >

- EL Hadj Mame Gning, "Sénégal : téléphone sur Internet - la société nationale des télécommunications sur le qui vive...", informations rapides avril-mai 2000, Juriscom.net, <http://www.juriscom.net>.

- Emile Lambert Owenga Odinga, "Cybercafé: Est-ce une menace pour la cabine téléphonique ?", Juricongo, n°5, Janvier-Février 2000, pp. 6, 13, 42, et 47.

- Jeanne Tiétcheu, "Multimédia: première pierres pour un vaste chantier", Jeune Afrique Economique, n°313, pp. 68-69.

- Communiqué de presse C2K02082000 lancé en Toronto, le 2/8/2000 par Congo'2000 Entreprises Inc.

 

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