Rubrique :
internautes / le droit pour tous
Mots clés : noms, domaine, pseudonyme, ville, marque
Citation : Lionel THOUMYRE, "Pseudonymes et noms de domaine",
Juriscom.net, novembre 1998
Première publication : Netsurf, n°31, octobre 1998
Pseudonymes et noms de
domaine" Premier arrivé
premier servi ". Désormais bien connu, cet adage définit la politique
du bureau denregistrement américain (Internic) pour lattribution des noms de
domaine (en .com, .org, et .net). Cette attitude laisse la porte ouverte à toutes sortes
dagissements frauduleux. Un simple exemple : les troubles causés par
lenregistrement dun pseudonyme.
Lionel Thoumyre
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Les
formalités à accomplir pour lenregistrement dun nom de domaine sont très
simples. Trop simples ! Quiconque désire se faire enregistrer auprès de
lInternic nest pas obligé de fournir la preuve de sa véritable identité.
Cette aubaine permet de déposer un pseudonyme pour constituer un nom de domaine en
".com " " .net " ou " .org ".
Une entreprise, ou un particulier peut ainsi revêtir une
" personnalité " sur le réseau qui ne lui appartient pas et agir
librement derrière ce masque.
Interrogé sur le problème, Maître Gérard HAAS, avocat au barreau de
Paris, expert en droit des technologies de linformation, nous délivre la
définition prétorienne du pseudonyme : "Il sagit dun
nom de fantaisie librement choisi par une personne pour masquer au public sa personnalité
véritable dans lexercice dune activité particulière ". Il
poursuit : " Manifestement, en matière denregistrement de nom de
domaine, il existe des usurpateurs dimages de marque qui désirent rendre leur
identification difficile, voire impossible. ". Voici le nud du problème.
Lutilisation dun pseudonyme nest pas illicite en soi. Certains rusés
ont donc recours à un procédé légal pour masquer une activité frauduleuse. La
fantaisie se heurte néanmoins aux limites du droit. " Lusage de
cet artifice doit rester compatible avec lhonnêteté, la morale, et les droits des
tiers. " insiste Maître Gérard HAAS.
Imaginons un particulier exploitant un site Internet sous le nom de
domaine " www.artefact.com ". Or, la dénomination commercial
" Artefact " appartient depuis plusieurs années à une société qui
désire maintenant apparaître sur le web sous la bannière commerciale
(" .com "). Malheureusement, la place est déjà prise ! Dans
lespoir dune conciliation à lamiable, lentreprise envoie une
lettre recommandée à lInternic ainsi quà lusurpateur. Dissimulé
derrière son masque, celui-ci reste muet. Le bureau denregistrement, quant à lui,
décline toute responsabilité.
Lissue du problème simposera en justice. Ainsi, à côté
dune action en concurrence déloyale ou parasitaire, deux moyens daction sont
offerts à la victime : établir le comportement frauduleux de lusurpateur ou
démontrer que lutilisation abusive de son nom commercial lui a causé un
préjudice. Au regard de larticle 1382 du Code civil, lusurpé devra rapporter
lexistence dune faute, dun dommage, ainsi quun lien de causalité
entre la faute et le dommage. Selon Maître Gérard HAAS, la faute est caractérisée par
lutilisation dun nom commercial de lentreprise, par exemple. Le dommage
résulte notamment du fait que lentreprise se voit privée dune présence sur
lInternet en ". com ", ce qui lui crée un préjudice commercial.
Quid de la responsabilité du bureau denregistrement ? Notre
spécialiste propose alors un système de cascade des risques.
" Lusurpateur entraîne le bureau dans sa chute, puisquen tant que
spécialiste du réseau Internet, il engage sa responsabilité pour manquement notamment
à son obligation de conseil et dinformation. La solution la plus radicale serait
que lInternic interdise purement et simplement le recours aux pseudonymes".
Dans le cas contraire, lon pourra encore sattendre à de nombreuses actions en
justice et, pourquoi pas, contre lInternic lui-même.
L. T.
Liens :
Les risques juridiques de lenregistrement dun
pseudonyme
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