Publié dans le
magazine Netsurf vingt jours avant l'annonce des nouveaux décrets sur la
cryptographie, le présent article ne consiste pas en l'analyse de la politique récemment
définie par le gouvernement français. Vous
trouverez en annexe des indications sur les nouveaux décrets
du 17 mars 1999.
Seule la cryptographie permet de garantir la
confidentialité et lauthentification des messages numériques. Les acteurs du
commerce électronique doivent donc pouvoir lutiliser librement pour assurer la
sécurité de leurs transactions.
Les Etats-Unis lont bien
vite compris. Cest pourquoi le gouvernement américain avait mis le DES (Data
Encryption Standard), un procédé de chiffrement autrefois réservé au National
Security Agency, à la disposition du secteur privé. Lutilisation criminelle de
cette technique a pu inquiéter les autorités qui se sont momentanément investies dans
le contrôle des moyens de chiffrement. Mais les lobbies associatifs ont eu le dernier
mot. Aujourdhui, lutilisation de clés cryptographiques plus puissantes que le
vieux DES est toujours acceptée. Une unique restriction subsiste quant à
lexportation de clés supérieures à 56 bits. Cependant, celle-ci ne saurait
perdurer. Sil venait à être adopté, le E-Privacy Act permettrait la libre
exportation des systèmes de cryptage considérés comme "généralement
disponibles" sur le marché international, comprenant des logiciels tels que le
fameux PGP (Pretty Good Privacy). Tant bien que mal, les Etats-Unis
poursuivent une politique libérale au bénéfice de la protection de la vie privée et du
commerce électronique. Ce nest malheureusement pas le cas de la France dont la
législation a longtemps empêché tout recours aux procédés cryptographiques. Une loi
du 27 juillet 1996, annonçait pourtant leur libéralisation.
Avocat au barreau de Paris,
Maître Valérie Sédallian estime que la situation demeure inchangée : " la
seule nouveauté de la loi est la mise en place des tiers de confiance et, de mon point de
vue, on ne peut pas considérer ceci comme une "libéralisation". "
Rappelons simplement que le tiers séquestre a pour mission de délivrer aux autorités
les clés des utilisateurs suspects. Maître Sédallian poursuit : " Il
existe un consensus pour reconnaître que le commerce électronique nécessite le recours
à du chiffrement fort, en tout cas supérieur aux 40 bits autorisés aujourd'hui. Or, le
dispositif français vise à ce que, pour du chiffrement fort, les entreprises et les
utilisateurs soient plus ou moins obligés de passer par ce système de tiers de confiance. "
Outre laspect sécuritaire
de la politique française, le système instauré par la loi de 1996 pose un véritable
problème économique. Maître Sédallian nous lexplique : " le
système du tiers de confiance suppose le recours à une technologie spécifique (dite
" propriétaire ") qui risque de ne pas être toujours compatible avec
les standards internationaux. Les produits commercialisés par les tiers de confiance sont
forcément destinés au seul marché français. Celui-ci étant restreint et les
contraintes de développement et d'exploitation très lourdes, ces produits sont plus
coûteux. " Les entreprises françaises se trouvent donc désavantagées par
rapport à leurs concurrents étrangers qui ont, dans beaucoup de cas, accès à des
produits plus performants et bien moins coûteux.
En voulant conserver le contrôle
sur les procédés cryptographiques, le gouvernement contrevient gravement à la bonne
santé du commerce électronique national. Comment peut-il encore lignorer ? Le
Conseil dEtat reconnaît lui-même, dans sa dernière étude, quil est devenu
nécessaire dassouplir la législation existante.
L. T.
Liens :
Les politiques nord-américaines en matière
de cryptographie
Linterview complète de Maître Valérie
Sédallian
Annexe
Les nouveaux décrets (17 mars)
et arrêtés libéralisant la cryptologie ont été publiés au JO le 19 mars 1999. On
retiendra essentiellement :
1. - que le système de
déclaration se substitue à celui de l'autorisation la fourniture, l'utilisation et
l'importation des matériels et logiciels offrant un service de confidentialité mise en
uvre par un algorithme dont la clef est supérieure à 40 bits et inférieur
ou égale à 128 bits. Note : l'utilisation et l'importation sont soumises à déclaration
lorsqu'elles concernent des matériels et logiciels n'ayant pas fait l'objet
préalablement d'une déclaration par le producteur, le fournisseur ou l'importateur.
2.- que les opérations suivantes
sont dispensées de toute formalités :
- l'utilisation et l'importation
de matériels et logiciels offrant un service de confidentialité mise en uvre par
un algorithme dont la clef est inférieur ou égale à 40 bits ;
- l'utilisation et l'importation matériels et
logiciels offrant un service de confidentialité mise en uvre par un algorithme dont
la clef est supérieure à 40 bits et inférieur ou égale à 128 bits à condition
que l'utilisation et l'importation aient fait l'objet préalablement d'une déclaration
par le producteur, le fournisseur ou l'importateur.
Voir : http://www.journal-officiel.gouv.fr/