Un sentiment de liberté absolue accompagne les
pérégrinations du surfeur innocent. Sait-il seulement quune pléthore de
mécanismes travaille à son insu derrière chacune de ses connexions ? Pour ne citer
quelle, la technique des cookies est habituellement utilisée par de nombreux
sites dans le but didentifier les us et coutumes des internautes.
Or, les sociétés de marketing
comptent parmi les principaux consommateurs de cookies. Elles les ont adoptés afin
de cibler les internautes en établissant des profils d'habitudes, de centres d'intérêts
et de réflexes très précis destinés à être enregistrés dans leurs bases de
données. Mais il y a pire : couplées aux informations délivrées par les
techniques de sondages classiques, les données fournies par ces agents électroniques
permettent au webmaster indiscret de déduire la religion, les opinions politiques ou les
murs de ses visiteurs réguliers. Cela pose un véritable problème au regard de la
protection de la vie privée des particuliers. Autrefois invisible aux yeux des diffuseurs
dinformation, le téléspectateur devenu internaute ne possède plus le pouvoir de
" regarder sans être observé ". La législation actuelle peut-elle
remédier à une telle situation ?
Adoptée en 1978, la loi
française relative à linformatique, aux fichiers et aux libertés confère à
lindividu le droit de contrôler lexactitude des ses données personnelles et,
au besoin, de les rectifier (art. 3). En outre, linstallation de tout procédé de
collecte de données personnelles devra faire l'objet d'une déclaration préalable
auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui vérifiera
alors son adéquation avec les impératifs de la loi (art. 16). Sans doute notre droit
permet-il de réfréner lutilisation abusive des informations délivrées par les
" espions électroniques ". Mais il ne confère toujours pas à
linternaute la maîtrise directe sur la collecte de ses données personnelles. Seul
larticle 31 de la loi se rapproche de cet objectif en interdisant de " mettre
ou conserver en mémoire informatique, sauf accord exprès de l'intéressé, des
données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines
raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances
syndicales ou " les murs " des personnes. ".
Lon regrettera simplement que le système de l " accord
exprès " nait pas été généralisé à toute collecte
dinformation.
De son côté, la directive
européenne 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du
traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données
semblait remédier aux déficiences de la loi française. Larticle 7 proscrit ainsi
la collecte des données personnelles opérée sans le consentement de lintéressé.
Le responsable du traitement sera néanmoins dispensé dobtenir laccord du
quidam dans de (trop) nombreux cas. Par exemple, la collecte nécessaire à la
réalisation dun " intérêt légitime " pourra toujours
se faire à linsu de linternaute.
Il faut se rendre à
lévidence, l " invisibilité " du surfeur ne
constitue pas en-soi un privilège juridiquement protégé. Sous le regard complice du
législateur, les spectateurs du Web demeurent soumis à la curiosité des acteurs.
L. T.
Liens :
Loi informatique et liberté
Directive européenne
Mémoire sur la protection des données
personnelles