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Jurisprudence : Canada : résumés conflits de juridictions

 

1999

 

Colorworks

Braintech

Convectaire (cf. rubrique droit des marques)

 

 

 


Colorworks

24/01/99, Cour fédérale du district Est de Pennsylvanie, aff. Desktop Technologies, Inc. c. Colorworks Reproduction & Design, Inc.

Il s'agit ici d'une décision américaine opposant une société établie en Pennsylavnie à une société canadienne.

La société canadienne, Colorworks Reproduction & Design, gère un site web depuis août 1995 sous le nom de domaine "colorworks.com", accessible par l’ensemble des utilisateurs d’Internet. De son côté, la compagnie américaine Desktop Technologies estime que la société canadienne a agi, d’une part en violation de ses droits sur la marque "Colorworks" (tradmark infringement) enregistrée aux États-Unis en juin 1996 et, d’autre part, en concurrence déloyale (unfair competition).

La défenderesse, la société Colorworks Reproduction & Design, soulève ici l’absence de compétence territoriale de la cour. Il appartient donc à la demanderesse de rapporter les faits permettant de retenir la compétence de la juridiction américaine.

La cour rappelle quelques principes constitutionnels gouvernant l’exercice de la compétence territoriale aux États-Unis. Fondés sur le Quatrième Amendement, garantissant un procès équitable aux justiciables, ces principes diffèrent selon qu’il s’agit de l’exercice d’une compétence "générale" ou "spécifique" :

1. Dans le cadre de la compétence dite "générale", la compétence territoriale peut s’exercer même lorsque le demandeur est un non-résident dans la mesure où ce dernier dirige une activité " systématique et continue " dans l’État de Pennsylvanie. Mais, suivant des critères reconnus par la jurisprudence récente (voir Grutkowski c. Steamboat Lake Guides & Outfitters, Inc. [E.D. Pa. 28 dec. 1998]), le juge Buckwalter détermine que la nature passive du site de la société canadienne ne permet pas de conclure à l’exercice d’une compétence générale : " Defendant's web site contains information describing the various services it offers, and contains several pages of advertisements and employment opportunities at Colorworks. Thus, the interactivity of Defendant's web site is plainly limited to exchanging files with Defendant via Internet FTP or e-mail. The web site also indicates that receiving a file via Internet FTP or e-mail does not constitute an order or sale; the site does not permit a reader to place an order over the Internet and thus, does not permit Defendant to "transact business" over the Internet. See Grutkowski, 1998 WL 962042, at *4. Instead, the site specifically directs the reader to print out a copy of the fax order form provided and to fax it into Defendant to place an order. Defendant will not begin working on the order until it has verified the order by telephone. Defendant's web site is tantamount to a passive advertisement. Though commercial in nature, Plaintiff has failed to establish that Defendant has maintained either systematic or continuous contacts necessary to establish general personal jurisdiction. "

2. La compétence dite "spécifique" permet, quant à elle, l’exercice d’une compétence territoriale même en présence d'un demandeur non-résident lorsqu’il existe un "minimum de contacts" dans les rapports entre le défendeur et l’État du for. Notons que ces standards excluent les contacts "résultant du hasard, fortuits, ou atténués". La cour estime ainsi que ce "minimum" ne peut être atteint dans le cas présent, quand bien même le nom de domaine et le site web du défendeur sont accessibles en Pennsylvanie et contrefont la marque du demandeur au sein de cet État. Le juge Buckwalter profite du litige pour édicter un principe émergent, selon lequel l’enregistrement d’une marque appartenant à autrui comme nom de domaine et la mise en ligne d’un site web sur Internet ne sont pas des éléments suffisants pour soumettre une partie domicilié dans un État donné à la juridiction d’un autre : " Simply registering someone else's trademark as a domain name and posting a web site on the Internet is not sufficient to subject a party domiciled in one state to jurisdiction in another . . . There must be "something more" to demonstrate that the defendant directed his activity towards the forum state. "

Le texte du jugement est disponible sur le site de la Cour fédérale du district Est de Pennsylvanie.

Affaire résumée par Lionel Thoumyre

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Braintech

18/03/99, Cour d’appel de Colombie Britannique, aff. Braintech Inc. c/ Kostiuk

La Cour d’appel de la Colombie Britannique se prononçait, le 18 mars dernier, sur les pourtours juridictionnels de l’Internet. C’est la première décision en ce genre au Canada. Le défendeur canadien, Kostiuk, avait tenu des propos diffamatoires à l’égard de Braintech sur un groupe de discussion. Braintech a alors engagé une action diffamatoire et obtenu gain de cause contre le défendeur dans un jugement rendu dans l’État du Texas le 7 mai 1997. Braintech tenta ensuite d’homologuer le jugement dans l’État canadien de Colombie Britannique. Mais la Cour d’appel a refusé d’accorder l’homologation du jugement du Texas, estimant que cette dernière juridiction n’aurait pas dû recevoir compétence pour traiter du litige.

Le juge Goldie remarque notamment que le défendeur n’est pas résident au Texas et n’y est d’ailleurs jamais "entré". Il propose alors une méthode permettant de déterminer la compétence d’une juridiction par l’examen du niveau d’interactivité et de la nature commerciale de l’échange d’information sur Internet : " [60] (…) If the defendant enters into contracts with residents of a foreign jurisdiction that involve the knowing and repeated transmission of computer files over the Internet, personal jurisdiction is proper. ... At the opposite end are situations where a defendant has simply posted information on an Internet Web site which is accessible to users in foreign jurisdictions. A passive Web site that does little more than make information available to those who are interested in it is not grounds for the exercise personal jurisdiction. ... The middle ground is occupied by interactive Web sites where a user can exchange information with the host computer. In these cases, the exercise of jurisdiction is determined by examining the level of interactivity and commercial nature of the exchange of information that occurs on the Web site."

La cour affirme alors que la présence passive d’un acteur sur Internet ne peut être assimilé à une présence suffisante (plus exactement, à une "substantial presence") dans un territoire tiers, ne pouvant ainsi légitimer la compétence de la juridiction de ce territoire pour un non-résident : "[65] In the circumstance of no purposeful commercial activity alleged on the part of Kostiuk and the equally material absence of any person in that jurisdiction having "read" the alleged libel all that has been deemed to have been demonstrated was Kostiuk's passive use of an out of state electronic bulletin. The allegation of publication fails as it rests on the mere transitory, passive presence in cyberspace of the alleged defamatory material. Such a contact does not constitute a real and substantial presence. On the American authorities this is an insufficient basis for the exercise of an in personam jurisdiction over a non-resident."

Le juge conclut ainsi : "[69] (…) In the circumstances revealed by record before this Court, British Columbia is the only natural forum and Texas is not an appropriate forum. That being so, comity does not require the courts of this province to recognize the default judgment in question."

Pour finir, nous remarquerons que la cour relève les effets nocifs que pourrait produire le fait de reconnaître compétence à n’importe quelle juridiction connectée à Internet sur la liberté d’expression : "[63] It would create a crippling effect on freedom of expression if, in every jurisdiction the world over in which access to Internet could be achieved, a person who posts fair comment on a bulletin board could be haled before the courts of each of those countries where access to this bulletin could be haled before the courts of each of those countries where access to this bulletin could be obtained."

Texte de l’arrêt.

Affaire résumée par Lionel Thoumyre,
avec la collaboration de
Jonathan L. Hickey et
Camille Champeval

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