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TRIBUNAL DE COMMERCE DE NANTERRE

Ordonnance de référé

4 octobre 2000

SA Yves Saint Laurent Parfums, SA Parfums Van Cleef & Arpels c/ SA Parfumsnet

 

Commentaire (par Yann Dietrich et Alexandre Menais)

 

DEMANDEURS

SA YVES SAINT LAURENT PARFUMS

Comparant par SCP VINCENT-MOLAS-LEGER 87 BLD SAINT MICHEL CUSIN 75005 PARIS et par Me Antoine CHOFFEL 26 Cours ALBERT 1ER 75008 PARIS

SA PARFUMS VAN CLEEF & ARPELS

Comparant par SCP VINCENT MOLAS LEGER CUSIN 87 Bd Saint Michel 75005 PARIS et par Me Antoine CHOFFEL 26 Cours ALBERT 1ER 75008 PARIS.

DEFENDEUR

SA PARFUMSNET

Comparant par SCP KAHN et ASSOCIES 51 Rue Dumont d’Urville 75116 PARIS

Débats à l’audience publique du 28 septembre 2000, devant M. Philippe DUTHEIL, Président ayant délégation de Monsieur le Président du Tribunal, assisté de Mlle Valérie MOUSSAOUI, Greffier

Décision contradictoire, en premier ressort.

Par acte d’huissier de justice en date du 07 septembre 2000, SA YVES SAINT LAURENT PARFUMS et SA PARFUMS VAN CLEEF & ARPELS nous demandent de :

- ordonner la cessation, sous astreinte de 3.000 francs par jour de retard, de toute commercialisation au moyen du site Internet « Parfumsnet.fr » des gammes de produits YVES SAINT LAURENT PARFUMS et PARFUMS VAN CLEEF ET ARPELS SA,

- faire interdiction à la société PARFUMSNET, de commercialiser les gammes de produits considérés sur un site ou un serveur tiers,

- ordonner, sous astreinte de 3.000 francs par jour de retard, la publication sur le serveur de l’ordonnance à intervenir, pendant un délai de six mois à compter de la date de ladite ordonnance,

- condamner la société PARFUMSNET à payer aux sociétés YVES SAINT LAURENT PARFUMS et PARFUMS VAN CLEEF ET ARPELS SA la somme de 30.000 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions, SA PARFUMSNET nous demande de :

In limine litis ;

Vu l’article 234 du nouveau (ancien article 177) du Traité de ROME,

Vu l’article 220 nouveau (ancien article 164) du Traité de ROME,

Vu les articles 81 (ancien article 85) et 82 (ancien article 86) du Traité de ROME,

Vu l’arrêt « groupement d’achat Edouard Leclerc contre Commission » du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes du 12 octobre 1996,

- saisir la Cour de justice des Communautés Européennes d’une question préjudicielle visant à :

- déterminer si les réseaux de distribution sélective et les réseaux des demanderesses en particulier, peuvent avoir pour objet ou effet d’interdire a priori l’accès des réseaux aux opérateurs Internet,

- déterminer si les critères actuels d’agrément fixés par les demanderesses en considération exclusive d’un point de vente physique, et écartant ainsi les points de vente Internet, sont licites au regard des articles 81 (ancien article 85) et 82 (ancien article 86) du Traité de ROME,

Et surseoir à statuer,

A défaut,

Vu les articles 81 (ancien article 85) et 82 (ancien article 86) du Traité de ROME,

Vu l’arrêt « groupement d’achat Edouard Leclerc contre Commission » du Tribunal de première instance des Communautés Européennes du 12 octobre 1996,

- statuer sur l’exception d’illégalité soulevée par PARFUMSNET à l’encontre de toute décision d’exemption de leur réseau qui serait produite par les demanderesses,

A titre principal,

Vu l’article 234 du nouveau (ancien article 177) Traité de ROME,

Vu l’article 220 nouveau (ancien article 164) du Traité de ROME,

Vu les articles 81 (ancien article 85) et 82 (ancien article 86) du Traité de ROME,

Vu les articles 7 et 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 devenus les articles 420.1 et 420.2 du Code de Commerce (partie législative, annexe à l’ordonnance N°2000.912 du 18 septembre 2000 Libre IV publié au Journal Officiel du 21 septembre 2000)

Vu l’arrêt « groupement d’achat Edouard Leclerc contre Commission » du Tribunal de première instance des Communautés Européennes du 12 octobre 1996,

Vu l’arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation SA GEPHAV c/ SNC BIOTHERM du 21 octobre 1997,

- relever la caducité de la décision d’exemption produite et que les demanderesses ne satisfont pas à l’obligation de prouver la licéité et la validité de leur réseau,

- constater, au contraire, des moyens exposés par les demanderesses, que la jurisprudence du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes et de la Cour de Cassation a retenu que les conditions d’accès des réseaux ne peuvent envisager « l’exclusion a priori des formes modernes de commerce » et ne peuvent « avoir pour objet ou pour effet d’exclure certaines formes déterminées de distribution »,

- déclarer les demanderesses irrecevables pour défaut de qualité à agir,

A défaut,

- constater que la jurisprudence du Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes et de la Cour de Cassation a retenu que les conditions d’accès des réseaux ne peuvent envisager « l’exclusion a priori des formes modernes de commerce » et ne peuvent « avoir pour objet ou pour effet d’exclure certaines formes déterminées de distribution ».

- relever l’existence de contestations sérieuses,

- dire et juger n’y avoir lieu à référé dans la présente instance qui soulève des contestations sérieuses dont la solution relève de la compétence du juge du fond,

- à défaut, statuer sur l’exception d’illégalité soulevée par PARFUMSNET à l’encontre de toute décision d’exemption de leur réseau qui serait produite par les demanderesses,

- condamner les demanderesses à supporter les dépens de la présente instance,

- condamner les demanderesses à payer par provision à la société PARFUMSNET un montant de 30.000 francs par application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

subsidiairement,

- si par extraordinaire, le juge des référés estimait valide le réseau de distribution sélective des demanderesses et faisant droit à leurs demandes,

- relever que la juridiction des référés n’est pas autorisée à statuer pour l’avenir,

- rejeter la demande de publication sur le site PARFUMSNET.FR de l’ordonnance à intervenir.

SUR QUOI

Les sociétés YVES SAINT LAURENT PARFUMS et PARFUMS VAN CLEEF ET ARPELS SA nous exposent qu’elles ont mis en place un réseau de distribution sélective pour leurs produits ; que cette distribution sélective a été reconnue valide par la Commission Européenne ; qu’elles ont découvert le 26 juillet 2000 que la société PARFUMSNET vendait leurs produits parfumant et cosmétique au travers d’un site Internet sans avoir sollicité un quelconque agrément ; elles ajoutent que le mode de commercialisation utilisé par PARFUMSNET relève des agissements fautifs particulièrement sérieux, la présentation de certains produits ne correspondant pas à leur destination ni à leurs conditions d’utilisation ; elles nous demandent de faire interdire la commercialisation au moyen du site Internet « PARFUMSNET.FR » de leurs gammes de produits, rappelant l’urgence qu’il y aurait à faire cesser le trouble ;

La société PARFUMSNET réplique que les demanderesses n’apportent pas la preuve de la licéité de leur réseau ; qu’Internet est un marché pertinent en soi, les demanderesses tentant de s’assurer l’exclusivité de ce marché sans appliquer les règles qui leur incombent au vu du droit de la concurrence ;

La société PARFUMSNET ajoute qu’un réseau de distribution sélective ne saurait avoir pour objet ou pour effet d’exclure par matière une ou des formes déterminées de commerce ;

Enfin la société PARFUMSNET indique que la présente procédure viserait à déstabiliser  économiquement la société PARFUMSNET et constituerait un abus de droit à son égard ;

Mais attendu qu’Internet étant, en fait, un simple moyen de communication, il ne saurait constituer en soi un marché pertinent ; qu’il constitue, en l’espèce, seulement un élément du marché des parfums et produits cosmétiques ; qu’il doit donc obéir aux règles de ce marché ; qu’en l’espèce ce marché est caractérisé par la présence d’un réseau de distribution sélective mis en place par les sociétés YVES SAINT LAURENT PARFUMS et PARFUMS VAN CLEEF ET ARPELS SA ; que la licéité de ce réseau a été reconnue et n’est pas, à ce jour, remise en cause ;

Qu’il appartenait à PARFUMSNET de solliciter un agrément des sociétés YVES SAINT LAURENT PARFUMS et PARFUMS VAN CLEEF ET ARPELS SA ; qu’en s’abstenant de le faire elle contrevenait donc aux règles de ce marché ; qu’en outre en commercialisant, sans y être autorisée et dans des conditions sommaires, voire erronées, – erreurs sur leur destination – les produits des sociétés YVES SAINT LAURENT PARFUMS et PARFUMS VAN CLEEF ET ARPELS SA, la société PARFUMSNET porte atteinte à la notoriété et à la renommée de ces marques, qu’il y a donc lieu de faire cesser ce trouble en statuant dans les termes ci-après ;

SUR L’ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Attendu que le défendeur a obligé les demandeurs à exposer des sommes non comprises dans les dépens ; qu’il paraît équitable de condamner le défendeur à payer aux demandeurs la somme demandée ;

PAR  CES  MOTIFS

Nous, Président,

Ordonnons la cessation, sous astreinte provisoire du 3.000 francs par jour de retard, de toute commercialisation au moyen du site Internet « Parfumsnet.fr » des gammes de produits YVES SAINT LAURENT PARFUMS et PARFUMS VAN CLEEF ET ARPELS SA et ce à compter de la signification de la présente ordonnance.

Faisons interdiction à la société PARFUMSNET, de commercialiser les gammes de produits considérés sur un site ou un serveurs tiers,

Ordonnons, sous astreinte provisoire de 3.000 francs par jour de retard, la publication sur le serveur de la présente ordonnance, pendant un délai de six mois à compter de la présente ordonnance,

Nous réservons les liquidations éventuelles desdits astreintes.

Condamnons SA PARFUMSNET à payer à SA YVES SAINT LAURENT PARFUMS et SA PARFUMS VAN CLEEF & ARPELS la somme globale de 30.000 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamnons  SA PARFUMSNET aux dépens.

Rappelons que l’exécution provisoire est de droit.

Liquidons les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 126,78 francs (dont TVA 20,78 francs).

La minute de la présente Ordonnance est signée par le Président et le Greffier.

Texte communiqué par Benoît Tabaka (e-juris)


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