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Bulletin d'actualité juridique en droit des technologies de l'information dirigé par Pierre-Emmanuel Moyse,
édité sur Juriscom.net par Lionel Thoumyre

Droit du Cyberespace # 11

Juillet-août 1999

Présentation

Commentaires des lecteurs

Rédacteurs :
Pierre-Emmanuel Moyse (moysep@CRDP.UMontreal.CA)
Lionel Thoumyre (lionel@juriscom.net)
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Chercheurs au Centre de Recherche de Droit Public
Université de Montréal
Bureau A-8425-6
Tél. (514) 343-6111 poste 1201

 

Canada : Spamming et Netiquette

Affaire 1267632 Ontario Inc. c. Nexx Online Inc., Cour supérieure de l’Ontario, 9 juillet 1999

Il s’agit de la première décision canadienne traitant d’une affaire relative aux courriers non-sollicités (" junk mail " ou " spam ") et de la mise en œuvre des règles de la " Netiquette ".

Un prestataire de services Internet de Toronto, Nexx Online, décide de fermer le compte d’hébergement de son client, la société 1267632 Ontario Inc., gestionnaire du site Beaverhome.com. Le motif invoqué était le suivant : depuis le 31 mars 1999, Beaverhome.com avait procédé à l’envoi journalier de plus de 200 000 messages non sollicités via les services d’un tiers prestataire. Or, cette pratique est réputée contraire aux règles de la fameuse " Netiquette " auxquelles le contrat d’hébergement renvoie expressément. La société cliente estime néanmoins que la Nexx Online n’était pas fondée à déconnecter son site et décide de la poursuivre pour non respect de ses obligations contractuelles.

Au travers de l’analyse des termes du contrat d’hébergement, la juge Janet Wilson relève tout d’abord qu’aucune clause apparente n’interdit au client de Nexx Online de distribuer des messages commerciaux non-sollicités. En revanche, elle invoque deux clauses contractuelles en faveur de la société défenderesse :

1.- le client consent au respect de la " Netiquette ". Cette clause est ainsi rédigée :

" Account Holder agrees to follow generally accepted " Netiquette " when sending e-mail messages or posting newsgroup messages (…) " ;

2.- une seconde clause prévoit que le client pourrait avoir à accepter l’adjonction de nouvelles dispositions contractuelles de la part de Nexx Online (avec une option de remboursement en faveur du client en cas de refus). Or, le Président de la société défenderesse avait informé son client, en août 1998, qu’il n’accepterait aucune distribution de courriers commerciaux non-sollicités à l'aide de ses services.

L’intérêt du présent jugement réside essentiellement dans l'argumentation du juge Wilson qui mène à conférer force juridique aux règles de la " Netiquette " par le biais contractuel.

Tout d’abord, la cour déduit les règles non-écrites de la " Netiquette " en matière de spamming d’un ensemble de documents : l’article d’un auteur américain (John Levine, " Why is spam bad? " : http://spam.abuse.net/spambad.html) ainsi que quatre jugements des États-Unis (Cyber Pomotion Inc. v. American Online Inc., E.D. Pa. Nov. 4, 1996 ; CompuServe Inc. v. Cyber Promotions Inc., S.D. Oh. Feb. 3, 1997 ; Parker v. C.N. Enterprises, Tex. Travis County Dist. Ct. Nov. 10, 1997 ; Cyber Promotions, Inc. v. Apex Global Information Services Inc., E.D. Pa. Sept. 30, 1997). Elle conclut alors que l’envoi non-sollicité de courriers publicitaires contrevient clairement aux principes émergents de la " Netiquette ", à moins que le fournisseur de service ne l’ait expressément permis.

Enfin, la juge Janet Wilson n’hésite pas à déclarer que la société demanderesse a agi en violation des termes du contrat, dans la mesure ou ce dernier renvoie la partie cliente au respect des principes de la " Netiquette ". Ainsi, la pratique du spamming, au mépris de la déontologie en vigueur sur le Réseau, a justifié la déconnexion du site Beaverhome.com.

" 31 (…) I conclude that sending unsolicited bulk commercial e-mail is in breach of the emerging principles of Netiquette, unless it is specifically permitted in the governing contract. As the rules of Netiquette govern the parties' Contract, the plaintiff is in breach of its terms justifying disconnection of service. Secondly, in the alternative, Nexx is permitted to add terms to the Contract precluding a Nexx client sending unsolicited bulk e-mail directly, or through a third party. If the plaintiffs do not concur with the new term, they are entitled to a rebate of the pro-rated balance of the Contract price, and the defendant is entitled to disconnect service. The defendant has agreed to repay the prorated balance owing under the Contract from April 5, 1999 to August 5, 1999. "

Notons qu’au Québec, la " Netiquette " pourrait s’imposer aux cocontractants, même en l’absence de clauses y faisant expressément référence, sur la base de l'article 1434 du Code civil : "Le contrat valablement formé oblige ceux qui l'ont conclu non seulement pour ce qu'ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d'après sa nature et suivant les usages, l'équité ou la loi".

L.T.

Références :

- texte du jugement : http://legal.web.aol.com/decisions/dljunk/nexxorder.html ;

- l’article de Mark Evans sur Globe Technology.com, " Ontario judges rules against junk E-mail ": http://globetechnology.com/gam/News/19990709/RSPAM.html ;

- les articles sur le sujet du spamming de Eric Labbé, "Pourriel, pollupostage et référencement abusif : le spamming dans tous ses états", Juriscom.net, avril 1999, http://www.juriscom.net/espace2/spam2.htm ; "Spamming et législation américaine : vers un projet fédéral décisif", Juriscom.net, mars 1999, http://www.juriscom.net/espace2/spam1.htm ;

- l'interview du professeur Pierre Trudel sur l'autoréglementation, dans l'espace "Professionels" de  Juriscom.net : http://www.juriscom.net/espace2/guide.htm.  

 

Canada : Gestion collective, accréditation et droits d’utilisation d’œuvres préexistantes sur support électronique

Au Canada, l’auteur d’une œuvre peut gérer ses droits de trois façons différentes. Les deux premières sont communes à tous les systèmes de droits. Il s’agit de la licence de gré à gré et de la gestion collective. Il existe au Canada une voie médiane originale qui est celle de la négociation collective. Une association, pour ne pas utiliser le vocable " syndicat ", peut être accréditée par un organisme fédéral afin de négocier des accords cadres. Contrairement à la gestion collective, ce système inspiré des mécanismes de droit du travail ne repose pas sur une quelconque cession de droit. La Loi sur le statut de l’artiste prévoit un processus d’accréditation spécifique et hors des dispositions de la loi sur le droit d’auteur.

Ceci étant rappelé, venons en à notre affaire. Le tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs a eu à entendre un litige opposant, d’une part, deux associations d’artistes (The Writers’ Union of Canada et la league of Canadian Poets) qui demandaient leur accréditation afin de représenter leurs membres et, d’autre part, le ministère du Patrimoine canadien ainsi que différents intéressés. Les associations d’artistes voulaient obtenir les prérogatives nécessaires pour représenter, entre autre, les " auteurs d’œuvres littéraires en langues autres que le français, publiés initialement en volumes, sous forme multimédia ou sous forme électronique et destinées à être exécutées ou à être adaptées pour d’autres médias, y compris l’audio, l’audiovisuel, le multimédia ou d’autres formes électroniques ". Cette demande d’accréditation, concernant l’utilisation secondaire ou subséquente d’œuvres déjà publiées, fut vivement contestée par les demandeurs. En effet, les auteurs désirant confier la négociation de leurs droits à une association accréditée ne transfèrent aucunement leurs droits et, si on conçoit qu’une telle négociation est efficace dans le cas d’une première utilisation (par exemple, une première concession à des fins de publication d’une anthologie), les utilisations secondaires (par exemple la possibilité de diffuser l’œuvre par Internet) sont souvent prévues au contrat de licence ou, si elles ne font l’objet d’aucune clause spécifique, on sait que certains tribunaux ont reconnu l’existence de licences implicites. Ce qui signifie, en d’autres termes, que l’action d’une telle association s’étend sur un domaine réservé du droit d’auteur, puisque l’octroie de droits secondaires ou dérivés et leur existence naissent de mécanismes propres à l’administration des droits patrimoniaux. Il peut donc s’en suivre une certaine confusion entre les rôles impartis aux acteurs transigeant sur des droits et ceux négociant des ententes cadres.

Le tribunal profite de l’introduction de la requête en opposition pour clarifier les distinctions, parfois subtiles, qui subsiste entre le régime de la loi sur le droit d’auteur et celle sur le statut de l’artiste :

" [63] Les associations d'artistes sont des organisations démocratiques. Le paragraphe 23(1) de la Loi prévoit que le Tribunal doit s'assurer, avant qu'une association d'artistes ne puisse être accréditée pour représenter un secteur particulier, que l'association a pris des règlements qui, entre autres, habilitent ses membres actifs à participer à ses assemblées, à y voter et à se prononcer par scrutin sur la ratification de tout accord-cadre les visant. Ce sont les membres d'une association qui décident des questions qu'ils désirent faire négocier par celle-ci en leur nom. Dans les secteurs où les sociétés de gestion collective fonctionnent de manière efficace, les membres peuvent très bien décider de ne pas confier à leur association le mandat de négocier les questions liées au droit d'auteur. C'est aux membres qu'il revient de faire un tel choix.

[64] Dans certains secteurs, les membres d'une association d'artistes peuvent décider qu'il convient que celle-ci tente de faire inclure dans un accord-cadre des dispositions relatives au droit d'auteur sur leurs œuvres préexistantes. L'activité de négociation collective ne fait pas de l'association d'artistes le mandataire de l'artiste aux fins de céder le droit d'auteur sur ces œuvres ou d'octroyer des licences à leur égard, mais elle lui permet simplement d'établir les conditions minimales devant s'appliquer si un artiste décide de céder un droit d'auteur particulier à un producteur partie à l'accord-cadre ou de lui accorder une licence à son égard. Dans l'exemple ci-dessus, si l'artiste a déjà confié l'administration de ses droits d'auteur à une société de gestion collective, il enjoindra au producteur de faire affaire avec celle-ci. Sinon, l'artiste peut engager des négociations individuelles avec le producteur, les conditions prévues dans l'accord-cadre servant alors de seuil pour les négociations.

[65] Le Tribunal espère que ces explications sur la manière dont les régimes créés en vertu de la Loi sur le statut de l'artiste et de la Loi sur le droit d'auteur permettront de clarifier la question. Il rejette par conséquent la demande des ministères intervenants de modifier la définition du secteur de manière à exclure de la négociation collective les questions liées à l'utilisation d'œuvres préexistantes. "

P.-E.M.

Référence :

Décision du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs concernant la demande d'accréditation présentée par the Writers' Union of canada et la league of Canadian Poets , 10 et 11 septembre 1998 : http://homer.ic.gc.ca/capprt/decision/dec028_f.html.

 

Canada : Meta tags, droit des marques et conflit de juridiction

Affaire Convectaire NMT Inc. c. Ouellet Canada Inc., Cour supérieure du Québec (Chambre civile), district de Montréal, 1999

Comment augmenter les visites de son site web ? Il suffit d’insérer des mots clés pertinents dans les meta-tags du code html. Par exemple : le nom d’un concurrent ! C’est a priori la manière dont Ouellet Canada Inc. a procédé au dépens de la société Convectaire.

Ces deux sociétés canadiennes se livrent concurrence dans le domaine du chauffage électrique. Ayant constaté que Ouellet utilisait 44 fois le nom de sa société dans ses codes hypertextes, Convectaire allègue que la défenderesse exerce une concurrence déloyale et agit de manière à s’approprier sa clientèle.

La discussion se fonde sur la responsabilité légale issue de la Loi sur les marques de commerce et notamment sur son article 7 :

" Art. 7. Nul ne peut : b) appeler l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre ; […]. "

Convectaire prétend que la responsabilité de la défenderesse est établie en rapportant les faits suivants : chaque fois qu’une personne utilise le mot " Convectaire " dans un moteur de recherche, elle reçoit deux adresses électroniques, celle de la demanderesse et celle de Ouellet Canada Inc.

Mais, quand bien même la cour admet que la confusion créée chez le public résulte des inscriptions du mot " Convectaire " dans le site Internet de Ouellet, elle décline sa compétence au profit de la Cour supérieure du district de Montmagny. Elle fait donc droit à l’exception déclinatoire invoquée par la défenderesse au motif que :

" 14. (…) la demanderesse n'allègue aucun fait qui serait survenu ou aucun geste qui aurait été commis dans le district de Montréal. L'"acte" auquel l'article 53.2 de la Loi [sur les marques de commerce] fait référence n'est pas la confusion mais bien le geste qui donne naissance au droit d'action et qui donne au tribunal le pouvoir d'accorder une réparation. Ici, il n'y a ni preuve ni allégation que toute la cause d'action, l'acte qui contrevient à la Loi, a pris naissance dans le district de Montréal. Cette conclusion est suffisante pour disposer de la requête. "

En conclusion, le tribunal se prononce clairement sur les problèmes de conflit de compétence territoriale autour de l’Internet. Il effectue également une remarque générale, à propos de la pertinence de la loi actuelle confrontée aux nouveaux médias, qui mérite d’être relevée :

" 17. Le tribunal ajoute que dans l'état actuel du droit civil, les principes qui le régissent ainsi que nos règles de procédures sont loin d'être désuets. Les principes qui le sous-tendent sont encore d'actualité et s'appliquent même aux nouveaux modes de communications comme celui qui est fourni par l'Internet. En effet, serait-il logique que chaque consommateur induit en erreur par la confusion créée par Ouellet puisse poursuivre cette dernière devant le tribunal de son propre domicile; ce serait faire fi des règles de procédure, soumettre Ouellet à un fardeau énorme et encourager une multiplicité de recours qui en bout de ligne ne sont pas dans l'intérêt de la justice. Les principes de base qui guident le fondement de la responsabilité enseignent qu'il faut rechercher les faits générateurs de droit plutôt que la source de l'obligation. "

L.T.

Références :

- le texte du jugement est disponible sur le site du professeur Michaël Geist (http://aix1.uottawa.ca/~geist/cilrp1.html) à l’adresse suivante : http://aix1.uottawa.ca/~geist/ouellet.htm ;

- la liste des affaires et articles relatifs au conflit de juridiction est également disponible sur le site de Michaël Geist à l’adresse suivante : http://aix1.uottawa.ca/~geist/jurisdiction.html ;

- article sur le sujet des meta tags, droit d’auteur et moteurs de recherche : Éric Labbé et Pierre-Emmanuel Moyse, " Les faces cachées de l’information ", Juriscom.net, 8 novembre 1998, http://www.juriscom.net/universite/doctrine/article1.htm.

 

Canada et États-Unis : Réglementation de l’Internet

Le même jour, le 19 juillet 1999, le CRTC (Conseil de la Radiodiffusion et des Télécommunications Canadiennes) et la FCC (Federal Communications Commission) se prononcent sur leur politique d’exemption de réglementation pour l’Internet.

Du côté canadien, l’avis du CRTC rappelle tout d’abord les conclusions de son Rapport sur les nouveaux médias, publié le 17 mai dernier, selon lequel il n’apparaissait pas nécessaire de réglementer les entreprises de radiodiffusion, offrant des services de nouveaux médias, pour atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Pour justifier cette prise de position, le rapport faisait remarquer que l’Internet fournit de précieux services aux Canadiens, ordinairement inaccessibles par les autres médias, et que l’obligation pour les entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias de détenir une licence "  ne contribuerait d’aucune façon à leur développement, pas plus qu’elle n’augmenterait les bénéfices qu’en retirent les citoyens, les consommateurs et le monde des affaires du Canada ". Conformément à l’article 9(4) de la Loi, le CRTC présente alors son projet d’ordonnance qui vise à exempter de la réglementation :

" les personnes qui exploitent en tout ou partie au Canada des entreprises de radiodiffusion de la catégorie composée d’entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias [c’est à dire offrant des services de radiodiffusion sur Internet]. "

De la même manière, la FCC rejette la nécessité de prendre des mesures immédiates relativement à l’Internet. Publié sous la responsabilité de Jason Oxman, le rapport intitulé " The FCC and the Unregulation of the Internet " s'inscrit dans la politique de non réglementation de l’Internet suivie par la FCC depuis 1970. Tout comme le CRTC, l’organisme américain souligne les raisons d’une telle exemption : les ménages américains retirent une formidable plus value de leur connexion à 20$ par mois, incluant des services de placements, de réservations de voyages, de recherche de documents, de communication email ou d’achat à distance. Le rapport précise, peut-être avec un peu trop d'emphase, que l’Internet a généré, l’an dernier, plus de 300 milliards de dollars de revenus aux États-Unis et qu’il a rapidement modifié la manière dont les américains travaillent.

L.T.

Références :

CRTC :

- l’avis public du CRTC (1999-118) est disponible à l’adresse suivante : http://www.crtc.gc.ca/FRN/BCASTING/NOTICE/1999/P99118_0.txt ;

- sur le statut de la radiodiffusion sur Internet, voir l’article de Juliette Aquilina, " Réflexions autour du statut de la radiodiffusion sur Internet ", Juriscom.net, 21 mars 1999, http://www.juriscom.net/revues/rp6.htm.

FCC :

- résumé du rapport de la FCC : http://www.fcc.gov/Bureaus/OPP/News_Releases/1999/nrop9004.html ;

- rapport : http://www.fcc.gov/Bureaus/OPP/working_papers/oppwp31.txt ;

- annonce de la parution du rapport sur Cnet : http://www.news.com/News/Item/0,4,39373,00.html.

 

États-Unis : Conflit de juridiction – noms de domaine

Affaire Desktop Technologies, Inc. c. Colorworks Reproduction & Design, Inc., Cour fédérale du district Est de Pennsylvanie, 24 février 1999

La société canadienne Colorworks Reproduction & Design, Inc. gère un site web depuis août 1995 sous le nom de domaine " colorworks.com ", accessible par l’ensemble des utilisateurs d’Internet. De son côté, la compagnie américaine Desktop Technologies estime que la société canadienne a agi, d’une part en violation de ses droits sur la marque " Colorworks " (tradmark infringement) enregistrée aux États-Unis en juin 1996 et, d’autre part, en concurrence déloyale (unfair competition).

La défenderesse, la société Colorworks Reproduction & Design, soulève ici l’absence de compétence territoriale de la cour. Il appartient donc à la demanderesse de rapporter les faits permettant de retenir la compétence de la juridiction américaine.

La cour rappelle quelques principes constitutionnels gouvernant l’exercice de la compétence territoriale aux États-Unis. Fondés sur le Quatrième Amendement, garantissant un procès équitable aux justiciables, ces principes diffèrent selon qu’il s’agit de l’exercice d’une compétence " générale " ou " spécifique " :

1. Dans le cadre de la compétence dite " générale ", la compétence territoriale peut s’exercer même lorsque le demandeur est un non-résident dans la mesure où ce dernier dirige une activité " systématique et continue " dans l’État de Pennsylvanie. Mais, suivant des critères reconnus par la jurisprudence récente (voir Grutkowski c. Steamboat Lake Guides & Outfitters, Inc. [E.D. Pa. 28 dec. 1998]), le juge Buckwalter détermine que la nature passive du site de la société canadienne ne permet pas de conclure à l’exercice d’une compétence générale :

" Defendant's web site contains information describing the various services it offers, and contains several pages of advertisements and employment opportunities at Colorworks. Thus, the interactivity of Defendant's web site is plainly limited to exchanging files with Defendant via Internet FTP or e-mail. The web site also indicates that receiving a file via Internet FTP or e-mail does not constitute an order or sale; the site does not permit a reader to place an order over the Internet and thus, does not permit Defendant to "transact business" over the Internet. See Grutkowski, 1998 WL 962042, at *4. Instead, the site specifically directs the reader to print out a copy of the fax order form provided and to fax it into Defendant to place an order. Defendant will not begin working on the order until it has verified the order by telephone. Defendant's web site is tantamount to a passive advertisement. Though commercial in nature, Plaintiff has failed to establish that Defendant has maintained either systematic or continuous contacts necessary to establish general personal jurisdiction. "

2. La compétence dite " spécifique " permet, quant à elle, l’exercice d’une compétence territoriale même en présence d'un demandeur non-résident lorsqu’il existe un " minimum de contacts " dans les rapports entre le défendeur et l’État du for. Notons que ces standards excluent les contacts " résultant du hasard, fortuits, ou atténués ". La cour estime ainsi que ce " minimum " ne peut être atteint dans le cas présent, quand bien même le nom de domaine et le site web du défendeur sont accessibles en Pennsylvanie et contrefont la marque du demandeur au sein de cet État. Le juge Buckwalter profite du litige pour édicter un principe émergent, selon lequel l’enregistrement d’une marque appartenant à autrui comme nom de domaine et la mise en ligne d’un site web sur Internet ne sont pas des éléments suffisants pour soumettre une partie domicilié dans un État donné à la juridiction d’un autre :

" Simply registering someone else's trademark as a domain name and posting a web site on the Internet is not sufficient to subject a party domiciled in one state to jurisdiction in another . . . There must be "something more" to demonstrate that the defendant directed his activity towards the forum state. "

L.T.

Références :

Le texte du jugement est disponible sur le site de la Cour fédérale du district Est de Pennsylvanie : http://www.paed.uscourts.gov/opinions/99D0154P.HTM.

L’ensemble de la jurisprudence américaine sur les conflits de juridictions relatifs à l’Internet peut se retrouver sur :

- le site Perkinscoie.com (avec résumés) : http://www.perkinscoie.com/resource/ecomm/netcase/cases-15.htm ;

- le site de John Marshall Law School : http://www.jmls.edu/cyber/cases/jur.html#cases ;

- le site de David G. Post (avec résumés) : http://www.cli.org/DPost/jcases.html ;

- Cyberlaw Encyclopedia : http://www.gahtan.com/cyberlaw/Jurisdiction/Cases.

Articles à consulter sur le sujet des conflits de juridictions :

- Michael C. Silberberg, " Personal Jurisdiction and the Internet ", Law Journal Extra, November 6, 1996, http://www.ljextra.com/internet/110796c2.html ;

- Christopher W. Meyer, " World Wide Web Advertising: Personal Jurisdiction Around the Whole Wide World? ", Washigton and Lee Law Review, Vol 54, n. 3, Summer 1997, http://www.wlu.edu/~lawrev/text/543/Meyer.htm ;

- Cabinet Lucash, Gesmer & Updegrove, " Personal Jurisdiction, Tradmark law and the Internet ", Lgu.com, May 19, 1998, http://www.lgu.com/tm46.htm ;

- listes générales d’articles disponibles sur le Web sur le site de John Marshall Law School : http://www.jmls.edu/cyber/index/juris1.html#lawrev et http://www.jmls.edu/cyber/index/juris.html#top et sur Cyberlaw Encyclopedia : http://www.gahtan.com/cyberlaw/Jurisdiction/Articles.

 

États-Unis : Conflit de juridiction – diffamation (1)

Bochan c. La Fontaine, Cour fédérale du district d’Alexandrie, 26 mai 1999

La Cour fédérale du district d’Alexandrie en Virginie vient de se reconnaître compétente pour juger d’un cas de diffamation mettant en cause un défendeur résidant au Texas. Ce dernier avait utilisé son compte AOL pour envoyer le message objet du litige. Selon le tribunal de Virginie, le fait que le message ait été simplement stocké, à un moment donné, sur un serveur Usenet hébergé en Virginie, suffit à donner compétence à la Cour de Virginie.

P.-E.M.

Références :

Affaire commentée :

- sur le site du New York Time (Dans la section Technology, tapez "Bochan " dans le champ " search ", note de Carl S. Kaplan): http://www.nytimes.com ;

- sur InternetNews : http://www.internetnews.com/isp-news/article/0,1087,8_136521,00.html.

Pour les références générales sur ce sujet, se reporter à la capsule supérieure.

 

États-Unis : Conflit de juridiction – diffamation (2)

Affaire Jewish Defense Org. c. Superior Court of Los Angeles County, Cour d’appel du second circuit de Californie, 8 juin 1999 (Super. Ct. No. BC179060)

Chaque tribunal a sa propre opinion sur ce qu’il faut entendre par compétence, de telle manière que l’on pourrait y voir un moyen efficace pour les juges de se laver les mains d’affaires peu orthodoxes ! Le 8 juin 1999, la Cour d’appel du second circuit a rejeté l’action en diffamation instituée devant elle en raison d’un défaut de compétence. Le propriétaire du site pro-nazis en litige était partie à des contrats d’hébergement le liant à deux fournisseurs d’accès californiens (Geocities et Xoom). Cet élément de rattachement a été jugé insuffisant pour pouvoir conférer juridiction aux tribunaux de Californie.

" Accordingly, the instant record permits the conclusion that defendants’ only contacts with California after 1989 consisted of (1) the use of the mail to mail some documents (…) in California in connection (…), and (2) contracting with one or more Internet service providers who happen to be located in California, so as to permit them to operate a passive web site from their residence in New York. (…) We thus conclude that there was an insufficient basis for the assertion of general jurisdiction over defendants. We proceed to address the issue of whether defendants’ conduct is sufficient to establish specific jurisdiction. "

P.-E.M.

Références :

Texte du jugement disponible sur Findlaw : http://caselaw.findlaw.com/data2/CaliforniaStateCases/B129319.DOC.

Pour les références générales sur ce sujet, se reporter à la capsule supérieure.

 

États-Unis : Piratage informatique, statistiques

38 % des entreprises du domaine informatique nouvellement créées dans le monde ont été victimes de piratage informatique. Ce chiffre étonnant apparaît dans un rapport publié en juin 1999 par l’association américaine CEO. Championne toutes catégories, l’Amérique latine se voit attribuer la palme de la piraterie mondiale avec un taux de 60 % en 1998. Ce rapport apporte également d’autres statistiques intéressantes telles que le nombre estimé d’utilisateurs d’Internet en 1999 (150 millions), etc…

P.-E.M

Référence :

Le site de CEO Forum : http://www.bsa.org/ceoforum.

 

États-Unis : Projet de loi relatif au problème de l’an 2000

Le 15 juin dernier, le Sénat américain a approuvé le projet de loi S. 1138 (To regulate interstate commerce by making provision for dealing with losses arising from Year 2000 Problem-related failures that may disrupt communications, intermodal transportation, and other matters affecting interstate commerce) précisant les obligations auxquelles devront être soumises les personnes, professionnelles ou non, affectées par le problème de l’an 2000. On notera en particulier l’exonération de responsabilité prévue pour les petites entreprises, certainement justifiée par les coûts nécessaires afin de prévenir les incidents techniques. Le montant des sommes réclamées à titre de dommage et intérêts punitifs est également limité pour éviter les spéculations judiciaires et l’engorgement des tribunaux. De la même manière, les actions intentées envers les entités gouvernementales ne peuvent donner droit à des dommages et intérêts punitifs.

Autre disposition intéressante, l’article 7 du projet de loi impose que le demandeur suive une procédure particulière favorisant le règlement hors cour. Ce dernier doit spécifier, dans une lettre de mise en demeure, les dommages pour lesquels il entend actionner le défendeur ainsi qu’apporter des informations spécifiques sur la nature de la plainte (et, en particulier, le défaut dont souffre le matériel, l’ampleur des dommages, le fondement de l’action, les coordonnées de la personne habile à négocier). On favorise donc la communication entre les parties concernées. Á cet effet, les intéressés ont 30 jours pour répondre par écrit à cet avis. Si, à l’issu de ce délai, le défendeur propose une médiation ou un autre mode de résolution de conflits, ce dernier dispose d’un délai supplémentaire de 60 jours pour trouver une solution autre que judiciaire.

Article 7 du Y2K Bill (extraits)

" SEC. 7. PRE-LITIGATION NOTICE.

(a) IN GENERAL- Before commencing a Y2K action, except an action that seeks only injunctive relief, a prospective plaintiff with a Y2K claim shall send a written notice by certified mail (with either return receipt requested or other means of verification that the notice was sent) to each prospective defendant in that action. The notice shall provide specific and detailed information about--

(1) the manifestations of any material defect alleged to have caused harm or loss;

(2) the harm or loss allegedly suffered by the prospective plaintiff;

(3) how the prospective plaintiff would like the prospective defendant to remedy the problem;

(4) the basis upon which the prospective plaintiff seeks that remedy; and

(5) the name, title, address, and telephone number of any individual who has authority to negotiate a resolution of the dispute on behalf of the prospective plaintiff.

(b) PERSON TO WHOM NOTICE TO BE SENT- The notice required by subsection (a) shall be sent--

(1) to the registered agent of the prospective defendant for service of legal process;

(2) if the prospective defendant does not have a registered agent, then to the chief executive officer of a corporation, the managing partner of a partnership, the proprietor of a sole proprietorship, or to a similarly-situated person for any other enterprise; or

(3) if the prospective defendant has designated a person to receive pre-litigation notices on a Year 2000 Internet Website (as defined in section 3(7) of the Year 2000 Information and Readiness Disclosure Act), to the designated person, if the prospective plaintiff has reasonable access to the Internet.

(c) Response to Notice-

(1) IN GENERAL- Within 30 days after receipt of the notice specified in subsection (a), each prospective defendant shall send by certified mail with return receipt requested to each prospective plaintiff a written statement acknowledging receipt of the notice, and describing the actions it has taken or will take to address the problem identified by the prospective plaintiff (…).

(1) IN GENERAL- If the prospective defendant responds and proposes remedial action it will take, or offers to engage in alternative dispute resolution, then the prospective plaintiff shall allow the prospective defendant an additional 60 days from the end of the 30-day notice period to complete the proposed remedial action before commencing a legal action against that prospective defendant (…) "

P.-E.M.

Référence :

- le texte du projet de loi est disponible sur le site Thomas : http://thomas.loc.gov (tapez S1138 dans le champ " By Bill Number ") ;

- annonce sur Multimédium : http://www.mmedium.com/cgi-bin/nouvelles.cgi?Id=2434 ;

- analyse sur Techlaw Journal : http://www.techlawjournal.com/y2k/19990612.htm.

 

États-Unis : Rio MP3 et droit d’auteur

Recording Indus. Association of America, Inc. c. Diamond Multimedia Sys., Inc., Cour d’appel du 9ème circuit, 15 juin 1998 (29 F. Supp. 2d 624)

Le 15 juin 1999, la Cour d’appel du 9ème circuit a mis un terme aux débats relatifs à l’application du Audio Home Recording Act de 1992 aux appareils Rio MP3 commercialisés par la société Diamond. Ladite loi, adoptée principalement pour encadrer l’utilisation des lecteurs de cassettes DAT (Digital Audio Tape), oblige les distributeurs et fabricants d’appareil d’enregistrement numérique à équiper ces derniers d’un système empêchant la copie de deuxième génération. L’emploi de termes généraux dans le texte de loi aurait pu permettre une interprétation large et, de ce fait, obliger le fabricant de MP3 à prévoir un procédé technique permettant de contrôler la reproduction non-autorisée d’œuvres musicales. Infirmant la décision de première instance qui lui est soumise, la cour du neuvième circuit conclut que l’équipement dont il est question n’entre pas dans la définition d’appareil d’enregistrement numérique (digital audio recording device) prévu à l’article 1001 (3) du Audio Home Recording Act de 1992.

" any machine or device of a type commonly distributed to individuals for use by individuals, whether or not included with or as part of some other machine or device, the digital recording function of which is designed or marketed for the primary purpose of, and that is capable of, making a digital audio copied recording for private use… "

Cette définition doit se lire avec celle d’enregistrement musicale numérique - Digital musical recording, article 1005(A) - pour comprendre le syllogisme de la Cour d’appel :

" material object- (i) in which are fixed, in a digital recording format, only sounds, and material, statements, or instructions incidental to those fixed sounds, if any, and (ii) from which the sounds and material can be perceived, reproduced, or otherwise communicated, either directly or with the aid of a machine or device ".

Fort de ces définitions, le tribunal conclut que l’objet matériel à partir duquel est transféré le fichier musical, c’est-à-dire le disque dur d’un ordinateur, contient d’autres données que celles incidentes aux sons fixés, telles que les logiciels de traitement de texte et autres. Le raisonnement n’est pas de la plus grande rigueur juridique ! Voici comment est formulé l’attendu principal de la décision :

" The typical computer hard drive from which a Rio directly records is, of course, a material object. However, hard drives ordinarily contain much more than "only sounds, and material, statements, or instructions incidental to those fixed sounds." Id. Indeed, almost all hard drives contain numerous programs (e.g., for word processing, scheduling appoint- ments, etc.) and databases that are not incidental to any sound files that may be stored on the hard drive. Thus, the Rio appears not to make copies from digital music recordings, and thus would not be a digital audio recording device under the Act's basic definition unless it makes copies from transmis- sions. [4] Moreover, the Act expressly provides that the term "digital musical recording" does not include: a material object- (i) in which the fixed sounds consist entirely of spoken word recordings, or (ii) in which one or more computer programs are fixed, except that a digital recording may contain statements or instructions constituting the fixed sounds and incidental material, and statements or instructions to be used directly or indirectly in order to bring about the perception, reproduction, or com- munication of the fixed sounds and incidental mate- rial. Id. S 1001(5)(B) (emphasis added). As noted previously, a hard drive is a material object in which one or more programs are fixed; thus, a hard drive is excluded from the definition of digital music recordings. This provides confirmation that the Rio does not record "directly" from "digital music recordings," and therefore could not be a digital audio record- ing device unless it makes copies "from transmissions" ".

P.-E.M.

Références :

Le texte du jugement est disponible sur Findlaw : http://laws.findlaw.com/9th/9856727.

Annonce sur :

- Multimédium : http://www.mmedium.com/cgi-bin/nouvelles.cgi?Id=2432 ;

- News.com : http://www.news.com/News/Item/0,4,37943,00.html et http://www.news.com/News/Item/0,4,37943,00.html.

Sur les précédents de l’affaire voir :

- les bulletins E-Law 6 et 9 :

http://www.juriscom.net/elaw/e-law6.htm (5ème et 6ème capsules),
http://www.juriscom.net/elaw/e-law9.htm (1ère capsule) ;

- l’article de Thibault Verbiest, " La révolution du MP3 ", Juriscom.net, juin 1999, http://www.juriscom.net/espace1/cb3.htm.

 

États-Unis : Noms de domaine et cybersquatters

Le 11 juin 1999, le sénateur Spencer a présenté devant le sénat un projet de loi S. 1255 (Anticybersquatting Consumer Protection Act, An Act to provide for the registration and protection of trade-marks used in commerce, to carry out the provisions of certain international conventions, and for other purposes) visant à mettre un terme à l’enregistrement des marques renommées par des individus peu scrupuleux faisant, par la suite, le négoce de noms de domaine.

Les condamnations encourues et prévues par le texte présenté s’échelonnent de 3 000 à 300 000 dollars, si l’enregistrement en litige a été effectué intentionnellement afin de nuire à l’ayant droit de la marque, et de 1 000 à 1 000 000 dollars par marque de commerce et par individu selon discrétion de la cour. Le projet peut porter le flanc à nombreuses critiques. D’une part il ne vise apparemment que les marques de renom et, à défaut de consensus international sur ce qu’il faut entendre par renom, il sera bien difficile de dessiner le champ d’application d’une telle loi. Faut-il regonfler la protection des supermarques ? D’autre part, le projet institue un système d’amende sur le seul fondement d’un enregistrement que l’on devine de mauvaise foi mais sans que l’on puisse véritablement assurer à cette action un fondement juridique. Le projet, bien qu’institué en vue de modifier la loi américaine sur les marques de commerce, ne s’explique pas sur ce point. S’agit-il d’une action sur le fondement d’un type de responsabilité délictuelle, d’une action en contrefaçon ?

P.-E.M.

Référence :

Site Thomas : http://thomas.loc.gov (tapez S1255 dans le champ " By Bill Number ").

 

États-Unis : Bases de données

Amendements sur le HR 1858

Le 22 juillet 1999, le sous-comité des Finances du Commerce Committee a approuvé de manière unanime une version amendée de projet de loi HR 1858 (The Consumer and Investor Access to Information Act) relatif aux bases de données. Pour plus d'explications sur les projets HR 1858 et HR 354, nous renvoyons le lecteur au E-Law 10.

Les amendements votés sur le HR 1858 tendent principalement :

- à assurer que le Titre II, offrant une protection accrue pour les " real-time stock market data ", ne concerne que les extractions, ventes, distribution ou redistribution, ou autre dissémination de toute " market information " ;

- à faire prévaloir la loi fédérale sur les lois étatiques qui garantissent des droits différents de ceux prévus au Titre II, ou des droits additionnels ;

- à renforcer les dispositions qui préservent la possibilité de passer contrat sur les " real-time market data " ;

- à améliorer les dispositions conférant certains pouvoirs à la Securities and Exchange Commission relatifs à la qualification des " real-time market information ".

Le projet doit passer prochainement devant le sous-comité des Télécommunications.

L.T.

Références :

- annonce et analyse sur Techlaw Journal : http://www.techlawjournal.com/intelpro/19990722a.htm ;

- sur les projets de lois actuels relatifs aux bases de données aux États-Unis, voir E-Law 10 : http://www.juriscom.net/elaw/e-law10.htm.

 

États-Unis : Signature électronique

Amendements sur le HR 1714 (E-SIGN Act)

Le sous-comité des Finances avait encore, le 22 juillet 1999, à se prononcer sur les nouveaux amendements apportés au projet de loi HR 1714, relatif aux signatures électroniques.

En substance, le Electronic Signatures in Global and National Commerce (E-SIGN) Act, reconnaît la validité des signatures électroniques pour le commerce inter-étatique au sein de la fédération. Selon le Représentant Tom Bliley, président du House Commerce Committee, cette loi établira une équivalence entre la signature manuscrite et la signature électronique. Elle a été conçue pour garantir la validité juridique des transactions commerciales électroniques effectuées en ligne, et reconnaître tout contrat qui aurait été passé sur les réseaux électroniques.

L’amendement du Représentant Mike Oxley, président du sous-comité des Finances, modifie notamment le Titre III de la législation. Il confère maintenant à la Security and Exchange Commission le pouvoir de promulguer des réglementations qui imposeront l’exigence d’une signature manuscrite pour certains échanges financiers :

" the Commission may require that contracts, agreements, or records relating to purchases and sales, or establishing accounts for conducting purchases and sales, of penny stocks be manually signed, and may require such manual signatures with respect to transactions in similar securities if the Commission determines that such securities are susceptible to fraud and that such fraud would be deterred or prevented by requiring manual signatures. "

L.T.

Références :

- le projet de loi HR 1714 (6 mai 1999) : http://www.techlawjournal.com/cong106/digsig/hr1714ih.htm ;

- annonce et analyse de l’amendement sur Techlaw Journal : http://www.techlawjournal.com/internet/19990722.htm ;

- les projets de loi en matière de signature électronique sont référencés sur Techlaw Journal à l’adresse suivante : http://www.techlawjournal.com/cong106/digsig/Default.htm.

 

France : Bug de l’an 2000

Affaire Trésis et SA IPIB c. La SA Royal & SunAlliance, Cour d’appel de Paris, 9 juin 1999

Le 31 décembre 1998, le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris a rendu une ordonnance par laquelle il rejetait la demande des sociétés Trésis et IPIB tendant à contraindre la société Royale & SunAlliance à proroger leur contrat d’assurance. Elles alléguaient que la rupture de ce contrat leur cause un dommage imminent dans la mesure où elles ne bénéficient plus de garantie à la veille du bug de l’an 2000.

Cette fois-ci, la Cour d’appel fait droit à la demande des deux sociétés en considérant, d’une part, que l’assureur avait contracté initialement en connaissance des activités des SSII ainsi que de l’existence du bug et, d’autre part, que la privation de garantie pour couvrir le dommage imminent du bug de l’an 2000 compromet gravement leurs activités :

" Considérant qu’il est constant qu’en raison de la proximité de la date de réalisation possible du risque assuré, les deux sociétés se sont vues refuser, par les assureurs qu’elles ont contactés, la prise en charge de ce risque, lesdits assureurs refusant sur ce point tout nouvel assuré ; que cette absence de garantie compromet gravement leurs activités tant futures que passées, certaines entreprises ayant déjà fait connaître qu’en dépit de la satisfaction qu’elles tirent des prestations fournies, elles seraient amenées à mettre un terme aux relations contractuelles en raison de l’absence de couvertures d’assurances ; que la conclusion des contrats nouveaux s’en trouve affectée. "

La cour conclut que la privation de garantie est constitutive du dommage imminent, au sens de l’article 873 du nouveau code de procédure civile, et décide de proroger les effets du contrat d’assurances après le 1er janvier 1999.

L.T.

Références :

- affaire annoncée sur Legalis.net : http://www.legalis.net/legalnet/actualite/risque_an2000.htm ;

- texte de l’arrêt disponible sur Legalis.net : http://www.legalis.net/legalnet ;

- liste des articles sur le sujet du bug de l’an 2000 disponibles sur Juriscom.net : http://www.juriscom.net/index2.htm#Bug.

 

France : Contrefaçon d’œuvres enregistrées sur compact disque – copie privée

Affaire Laser Storage, Tribunal de grande instance de Valence, 2 juillet 1999

Le propriétaire d’un magasin de Valence, Laser Storage, qui gravait des CD audio et CD ROMs pour le public, a été condamné pour contrefaçon.

Le TGI de Valence profite de l’affaire pour engager la discussion sur l’application de l’exception de la copie privée pour les œuvres enregistrées sur disque compact. Il rappelle tout d’abord que le Code de propriété intellectuelle tempère l’exclusivité du droit de divulgation de l’auteur en permettant à l’utilisateur d’effectuer une copie privée d’œuvre d’art ou de logiciel. Le TGI cite notamment l’article L. 122-6-1:

" La personne ayant le droit d’utiliser le logiciel peut faire une copie de sauvegarde lorsque celle-ci est nécessaire pour préserver l’utilisation du logiciel. "

Mais le jugement écarte, sans doute avec trop de facilité, l’application de l’exception de la copie privée des logiciels enregistrés sur CD ROMs pour la raison suivante :

" Il doit être ici relevé que la copie sauvegarde est effectivement nécessaire pour les logiciels livrés sur supports spécialement vulnérables, c’est-à-dire dont le contenu peut être altéré sans faute de l’utilisateur, tel un programme sur disquette. Tel n’est pas le cas du CD Rom qui n’est exposé, comme tout autre bien, qu’aux dommages accidentels ou par manque de soins et non aux risques de dégradation logicielle. "

Autre point intéressant du jugement, le tribunal se penche sur le fait de savoir si l’exception de copie privée peut jouer lorsque la reproduction est effectuée par un tiers, ce que ne précise pas le Code de propriété intellectuelle :

" Que le client réalise lui-même sa copie ou que la tâche soit matériellement exécutée par l’exploitant ne change que les modalités d’accomplissement de l’acte et non son économie. "

Il relève cependant que Pascal Drouot, propriétaire de " Laser Storage ", effectuait des copies d’œuvres au profit de personnes n’ayant pas acquitté les droits d’auteurs ou n’ayant pas acquis de licence d’utilisation. En outre, ce dernier a accepté de copier de multiples fois un même CD, s'adonnant ainsi à des actes de " piratage " manifestement en violation des droits d'auteurs et des producteurs.

L.T.

Références :

- affaire annoncée sur ZDNet France :
http://www.zdnet.fr/cgi-bin/a_actu.pl?File_ini=a_actu.zd&ID=10105&Rub=2&Dat=199907152359.

- lecture recommandée sur l’exception de la copie privée : André Lucas, Droit d’auteur et numérique, Paris, Litec, 1998, p. 191 à 203.

 

Pays-Bas : Contrefaçon – Responsabilité des intermédiaires – Liens hypertextes

Affaire Church of Scientology c. Karin Spaink and others, Cour de district de La Haye, 9 juin 1999 (96/1048)

Dans cette affaire, la défenderesse avait publié sur son site Internet un affidavit, pièce d’un dossier judiciaire, qui reproduisait des parties substantielles de plusieurs ouvrages appartenant aux ayants droit de Ron Hubbard, célèbre fondateur du mouvement religieux de Scientologie. La cour de La Haye n’a eu aucun mal pour qualifier de contrefaçon la " reproduction " et la " dissémination " de l’œuvre protégée – pour reprendre les mots de la cour – même en partie, alors qu’aucune autorisation n’a été octroyée à la défenderesse. Cette solution est constante depuis l’affaire américaine Playboy.

Plus intéressant est le sort réservé aux fournisseurs d’accès qui ont permis la dissémination illicite de l’œuvre (L’Église de Scientologie a poursuivi plusieurs fournisseurs, co-défendeurs à l’action intentée contre Spaink). Dans un premier temps, la cour rappelle en des termes très généraux que la fonction essentielle d’un fournisseur est d’héberger l’information et d’en permettre l’accès. Ainsi, ils ne peuvent être tenus responsables du contenu qui transite ou qui est stocké en mémoire sur leur serveurs, contenu sur lequel il leur est difficile d’exercer un quelconque contrôle :

" To close, the question arises (in brief) as to how far the Service Providers themselves are infringing copyright if users of their services place infringing documents on the Internet. The court first notes that the activities of the Service Providers with regard to this case are limited to providing information from and/or to its users and the storage of this information. The Service Providers do not select the information and do not process it either. They only provide the technical means to enable publication by others. Together with its presiding judge (summary judgement of 12 March 1996) the court believes that in these circumstances the Service Providers do not do the publishing themselves, but only provide the opportunity for publication. The court further believes that the activities of the Service Providers do not involve a copyright relevant reproduction. It concerns here reproductions dictated by technology that arise not so much as a result of the action of the Service Provider but from the holder of a home page or the consumer who consults this information at home. "

Dans un second temps, elle suit les enseignements du projet de Directive relative à l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (21 août 1998, 98/C 108/03, 628 final). La cour précise que les reproductions temporaires qui ont lieu lors de l’activation des fichiers par un utilisateur, via un lien hypertexte ou une adresse Internet, et leur transport subséquent, doivent être assimilées à de simples incidences techniques échappant au droit d'auteur.

Pourtant, la cour accueille en partie la requête introduite par l’Église de Scientologie. Bien que les prestataires soient absous pour les contenus auxquels ils donnent accès, la cour estime qu'ils engagent leur responsabilité en certaines circonstances. Notamment lorsqu’ils ont été avertis de l’existence d’une contrefaçon, disponible au travers de leurs services, et qu’ils n’ont pas pris les mesures nécessaires pour que cesse l’infraction :

" (…) This does not detract from the fact that the Service Provider, who does not reproduce or publish material himself, nevertheless can be bound to assist and take adequate measures, on the grounds of the care that is fitting in the conduct of society, if he is notified that one of the users of his computer system is infringing copyright or otherwise acting unlawfully through the use of his home page. A certain degree of care may thus be expected from the Service Provider with regard to the occurrence of further infringements. Also in view of the fact that the Service Providers operate in a business capacity, the possibility available to them of denying access to the home page, and the damage that could result from further infringements, it must be judged that the Service Provider who has been notified that a user of his services is infringing copyright or otherwise acting unlawfully on his home page, is himself acting unlawfully if he does not then intervene when the correctness of the notification of this fact cannot be reasonably doubted. "

Notons que le principe d’exonération posé par la cour, ainsi que les exceptions, ressemblent de près à ceux posés à l’article 14 (intitulé " Hébergement ") du projet de Directive du 18 novembre 1998 relative à certains aspects du commerce électronique (Com(98) 586 final). L’on fera également l’analogie avec la doctrine de " contributory infringement " qui sert à étendre le champ de la responsabilité à des personnes autres que les acteurs directs (comme ici K. Spaink).

En définitive, la cour sanctionne Spaink pour acte de contrefaçon, ainsi que les fournisseurs qui ont maintenu un lien hypertexte pointant vers le matériel contrefait.

Peut-être la cour affirme-t-elle trop facilement la nature illicite des liens hypertextes établis vers une œuvre protégée :

" Declares it to be the law that by having a link on their computer systems which when activated brings about a reproduction of the works that CST has the copyright to on the screen of the user, without the consent of the plaintiffs, the Service Providers are acting unlawfully if and insofar that they have been notified of this, and moreover the correctness of the notification of this fact cannot be reasonably doubted, and the Service Providers have then not proceeded to remove this link from their computer system at the earliest opportunity. "

Étant donné les controverses actuelles sur les liens hypertextes, l’on aurait apprécié que la cour étoffe son argumentation.

P.-E.M. & L.T.

Références :

- texte du jugement en anglais sur xs4all : http://www.xs4all.nl/~kspaink/cos/verd2eng.html ;

- affaire annoncée sur Cnet : http://www.news.com/News/Item/0,4,37622,00.html ;

- CIPertext, site consacré au sujet des liens hypertextes : http://www.droit.umontreal.ca/~farassef/cipertexte/index.html ;

- articles de vulgarisation : Lionel Thoumyre, " Liens hors-la-loi ", Netsurf, n°29, août 1998, réédité sur Juriscom.net, http://www.juriscom.net/espace1/chrojur1.htm.

 

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