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Bulletin d'actualités juridiques en droit des technologies de l'information dirigé par Pierre-Emmanuel Moyse,
édité sur Juriscom.net par Lionel Thoumyre

Droit du Cyberespace # 12

Septembre 1999

Présentation

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du bulletin n°12 en format Word RTF
   

Rédacteurs :

Pierre-Emmanuel Moyse (moysep@CRDP.UMontreal.CA)
Lionel Thoumyre (lionel@juriscom.net)
--------------------------------------------------------------------
Chercheurs au Centre de Recherche de Droit Public
Université de Montréal
Bureau A-8425-6
Tél. (514) 343-6111 poste 1201

Au sommaire :

Argentine - Signature électronique
Autriche - Spamming
États-Unis - Fiscalité, droit des marques, cryptographie et vie privée, cybersquatting
France - Base de donnée, preuve et signature électronique, droit des journalistes 

     

Argentine : Signature électronique

Le " Digital Firm Law " : un projet de loi sur la signature électronique

[19 août 1999] Le " Digital Firm Law ", un projet législatif sur la signature électronique, est actuellement examiné par le Congrès argentin. S’il vient à être adopté, l’Argentine serait le premier pays d’Amérique Latine à conférer, en vertu d'une disposition législative, une valeur juridique accrue aux contrats passés sur Internet, lorsqu’ils sont accompagnés d’une signature électronique.

Le gouvernement argentin a travaillé depuis plus de deux ans et demi sur ce projet destiné à valider tout document signé en ligne au travers d’un système d’identification hautement sécurisé. Ce procédé pourra également servir à combattre le développement de la corruption.

L.T.

Références :

- annoncé sur Findlaw
http://www.legalnews.findlaw.com/ ;
- survol international des initiatives politiques relatives aux signatures numériques sur le site Internet Law and Policy Forum
http://www.ilpf.org/digsig/survey.htm.


Autriche : Spamming, courriers non sollicités

L’Autriche adopte le système " opt-in " pour réglementer le spamming

[20 juillet 1999] Nous savions déjà que la Directive européenne du 20 mai 1997 sur les contrats à distance (97/7/EC) a adopté, en son article 10, le système dit " opt-out " pour ce qui concerne les sollicitations commerciales transmises par tout autre technique de communications que les automates d’appel ou télécopieurs. Selon ce système, le consommateur devra s’inscrire sur une liste spéciale pour manifester son désire de ne pas ou de ne plus recevoir de courrier électronique non-sollicité de la part de l’entreprise émettrice. Le second paragraphe de l’article 10 est ainsi rédigé : 

" Article 10 § 2. Les États membres veillent à ce que les techniques de communication à distance, autres que celles visées au paragraphe 1, lorsqu'elles permettent une communication individuelle, ne puissent être utilisées qu'en l'absence d'opposition manifeste du consommateur. "

De même la proposition modifiée du 1er septembre 1999, ajoute à l’article 7 de la proposition de Directive du 18 novembre 1998 : 

" Les États membres seront tenus de veiller à ce que les registres "opt-out" soient mis à la disposition des consommateurs et régulièrement consultés par les prestataires de services à l'origine de ces communications. Il s'agit d'une solution pragmatique et applicable au problème des communications commerciales non sollicitées qui n'enfreint pas les directives en vigueur ".

Ces dispositions, qui réglementent la pratique du spamming en faveur des entreprises émettrices, sont très critiquées par de nombreux commentateurs. Selon eux, dès lors que l’envoi de messages non-sollicités sur le réseau s’opère aux dépends des utilisateurs (voir l'article d'Éric Labbé), la législation communautaire devrait poser un principe préalable de prohibition. Néanmoins, l’article 14 du texte communautaire du 20 mai 1997 laisse la possibilité aux États membres d’apporter les restrictions qu’ils désirent en vue d’assurer une meilleure protection du consommateur :

" Article 14 - Clause Minimale - Les Etats Membres peuvent introduire ou maintenir, dans les zones couvertes par cette Directive, des dispositions plus strictes et compatibles avec le Traité, afin d'assurer un meilleur niveau de protection du consommateur. "

La commission des lois du Parlement autrichien a donc utilisée cette faculté, en juillet dernier, pour adopter un amendement à la loi sur les télécommunications visant à restreindre plus sévèrement la pratique du spamming. Selon le principe adopté de l’ " opt-in ", les émetteurs devront maintenant obtenir l’accord préalable de leur cibles publicitaires avant tout envoi de courriers électroniques commerciaux. Cet accord pourra être donné par inscription sur une liste spécifique.

Voici une traduction en anglais de l’amendement (source EuroCAUCE : http://www.euro.cauce.org/fr/countries/c_at.html) :

§ 101. Unsolicited Calls

Calls - including the sending of telefaxes - for advertising purposes without the prior consent of the subscriber are not permitted. The consent of any one person authorised by the subscriber to use that subscriber's connection is of equal standing. Consent can be revoked at any time; the revocation of such consent has no effect on contractual relations with the party to whom consent had been given.

Sending of email in bulk or for advertising purposes requires the prior - revocable at any time - consent of the recipient.
... 
§ 104.

(3) An infraction subject to a fine of up to 500,000 ATS (EUR 36,330 or USD $37,060) is committed by anyone who... contrary to § 101 makes unsolicited calls or sends bulk or advertising email.
(19990719)

L.T.

Références :

Sources d’information sur le projet de loi :
- l’amendement à la loi autrichienne sur les télécommunications est disponible sur le site EuroCAUCE
http://www.euro.cauce.org/fr/countries/c_at.html ;
- la loi autrichienne sur les télécommunications (en allemand) : http://www.bmv.gv.at/tk/3telecom/recht/tkg/inhalt.htm.

Renseignements sur le spamming :
- explications sur les systèmes " opt-in " / " opt-out ", voir : Lionel Thoumyre, " Email publicitaires : tarir à la source ", Juriscom.net, novembre 1998,
http://www.juriscom.net/espace1/chrojur4.htm ;
- spécificités techniques du spamming, voir : Éric Labbé, " Pourriel, pollupostage et référencement abusif : le spamming dans tous ses états ", Juriscom.net, avril 1999,
http://www.juriscom.net/espace2/spam2.htm ;
- EuroCAUCE prévient les consommateurs européens contre les méfaits du spamming
http://www.euro.cauce.org/fr/index.html.

Directives et propositions de directives européennes :
- Directive du 20 mai 1997 97/7/CE sur les contrats à distance, voir sur le site EURO-Lex :
http://www.europa.eu.int/eur-lex/fr/lif/dat/1997/fr_397L0007.html ;
- proposition modifiée du 1er septembre 1999 visant à établir un cadre juridique cohérent pour le développement du commerce électronique au sein du marché unique, sur le site de la DG 15 : http://europa.eu.int/comm/dg15/fr/media/eleccomm/eleccomm.htm.


États -Unis : Noms de domaine et droit des marques

Affaire Interstellar c. Epix 9835142, Cour d'appel du neuvième circuit en Californie, 6 juillet 1999

La situation est désormais classique : une société X, titulaire d'un droit sur une marque X, réalise qu'Internet existe et que sa marque est enregistrée en tant que nom de domaine par une société Y. C'est sur ce même canevas que la cour du neuvième circuit a récemment infirmé la décision des juges du fond. 

La société Interstellar Starship Services (ISS), dont on ne connaît que peu de chose, avait enregistré le nom " epix.com " auprès de NSI. Son malheureux propriétaire, par ce fait consterné, enjoignit NSI d'arrêter le dommage. Il présenta son certificat d'enregistrement de marque daté de 1990 pour la dénomination " Epix " et, convaincu du bon droit, NSI désactiva le nom de domaine jusqu'à ce que justice soit rendue. Ce qui ne tarda pas. 

Au stade interlocutoire, le juge de première instance se prononça en faveur de ISS : les diverses activités commerciales de ISS empêchent de voir une quelconque concurrence condamnable ou contrefaçon (Interstellar v. Epix 9835142, (1997) 983 F. Supp. 1331 [District de l'Oregon]). La cour du neuvième circuit rétorqua par une décision à l'allure de réprimande. Le juge du fond devait examiner l'utilisation réelle du nom de domaine et du site Internet pour juger de l'existence ou non d'un acte de contrefaçon. Pour se faire elle devait suivre consciencieusement le test à 8 branches posé dans l'arrêt Brookfield :

" Whether a likelihood of confusion exists requires us to consider the eight "Sleekcraft factors," which we recently revisited in Brookfield: [1] similarity of the conflicting designations; [2] relatedness or proximity of the two companies' products or services; [3] strength of [Epix]'s mark; [4], marketing channels used; [5] degree of care likely to be exercised by purchasers in selecting goods; [6] [ISS]'s intent in selecting its mark; [7] evidence of actual confusion; and [8] likelihood of expansion in product lines. "

P.-E.M.

Référence :

Texte du jugement sur Findlaw
http://caselaw.findlaw.com/cgi-bin/getcase.pl?court=9th&navby=case&no=9835142


États-Unis : Fiscalité

Le sénateur Hollings propose un projet de loi pour taxer les ventes sur Internet

[2 août 1999] Il y a un an, le Congrès adoptait une loi provisoire, " The Omnibus Appropriations Bill " destinée à maintenir l'exonération fiscale des transactions ayant cours sur Internet. Cette liberté toute relative fut accordée pour une durée de trois ans. Liberté surveillée peut-on dire puisqu'en janvier 1999 le Sénateur Bob Smith a proposait déjà de prolonger indéfiniement le moratoire initialement prévu.

Mais, le 26 juillet dernier, le Sénateur Ernest Hollings a soumis un nouveau texte (le S 1433 IS) qui mettrait fin au moratoire. Le "  Sales Tax Safety Net and Teacher Funding Act " vise en effet à imposer une taxe nationale de 5% opérée sur les ventes réalisées par Internet et par courrier direct :

"There is hereby imposed on the first retail sale of merchandise effected via the Internet, by mail order through a catalog, or by direct sales other than through a local merchant, a tax equal to 5 percent of the price for which so sold."

L.T.

Références : 

Analyse du projet sur Tech Law Journal :
http://www.techlawjournal.com/taxation/19990802.htm.

Le texte du projet de loi est disponible :
- sur le site Thomas
http://thomas.loc.gov (tapez S1433 dans le champ " By Bill Number ") ;
- sur Tech Law Journal
http://www.techlawjournal.com/cong106/nettaxes/s1433is.htm.

Un résumé de l’ensemble des projet de loi américain en matière de fiscalité sur Internet est disponible sur Tech Law Journal :
http://www.techlawjournal.com/cong106/nettaxes/Default.htm.


États-Unis : Droit des marques, agissements parasitaires

Affaire AOL c. AT&T, 13 août 1999 Ref. : AOL v. AT&T, U.S.D.C, E.D. VA, Case No. 98-1821-A.,opinion of Judge Claude Hilton

[17 août 1999] AOL reproche à la société AT&T , qui gère un service concurrent dénommé WorldNet, de reprendre les termes " You Have Mail ", " Buddy List " et " IM " utilisés par le premier prestataire depuis bientôt dix ans. AOL a donc intenté un procès devant la Cour du district Est de l’État de Virginie en invoquant deux moyens : la contrefaçon de marque et la concurrence déloyale. 

De son côté AT&T estime que les termes qu’il utilise sont de nature générique et ne peuvent faire l’objet d’aucune protection par le droit des marques. Le 13 août 1999, la cour a délivré un jugement interlocutoire en faveur d’AT&T

Le juge Claude M. Hilton estime notamment que les termes enregistrés ou utilisés par AOL sont génériques et qu’ils ne peuvent donner prise à une quelconque protection sous le Lanham Act, quand bien même la société demanderesse leur aurait conféré une nouvelle signification (pages 16 à 18 du Memorendum Opinion : http://www.techlawjournal.com/courts/aolvatt/19990813op.htm):

" A mark is generic when it " Identifies a class of product or service, regardless of source [.]" Glover v. Ampak, Inc., 74 F. 3d 57, 59 (4th Cir. 1996) […]. Generic marks never qualify for the protections of the Lanham Act; are not registrable; and a registred mark can be canceled at any time upon a finding that the mark is, or become, generic. See 15 U.S.C. § § 1052, 1064(3); see also Park ‘N Fly, Inc. v. Dollar Park and Fly, Inc., 469 U.S. 189, 194, 105 S. Ct. 658, 661, 83 L. Ed. 2d 582 (1985) […]. Further, even if a producer or provider has achived secondary meaning in its genenic mark through promotion and advertising, the generic mark is still not entitled to protection because to allow protection would " deprive competing manufactureurs of the product of the night to call an article by its name. " See Abercrombie & Fitch, 537 F. 2d at 9 […]. "

AOL estimait également que la protection devait lui être accordée au motif que AT&T aurait pu utiliser des termes alternatifs ou des synonymes. Le Juge Hitlon répondra que l’existence de synonymes ne signifie pas que le terme n’est pas générique (page 18 du Memorandum Opinion) :

" The existence of synonyms for a terme does not mean the terme is not generic. There may be more than one term which the consuming public understands as designating a goods ". Loctite Corp. V. National Starch & Chem Co., 516 F. Supp. 190, 201 (S.D.N.Y. 1981) (holding that " Super Glue ", " Instant Glue " and " Ten Second Glue " are all generic ").

Le juge ajoute aussi que l'emploi d'un mot ordinaire de la langue anglaise comme marque ne peut fonder d'appropriation exclusive (page 19 du du Memorandum Opinion). AOL conserve la possibilité de faire appel de l’opinion du Juge Hilton devant la Cour d’appel du 4ème Circuit.

L.T.

Références :

- annonce de la plainte sur ZDNet France
http://www.zdnet.fr/actu/inte/a0009452.html ;
- analyse de l’affaire sur Tech Law Journal
http://www.techlawjournal.com/intelpro/19990817.htm ;
- Memorandum Opinion du Juge Hilton : 
http://www.techlawjournal.com/courts/aolvatt/19990813op.htm.


États-Unis : Crime, cryptographie, investigations

Un projet de loi pour combattre la cryptographie criminelle

[20 août 1999] Le ministre de la justice a proposé, à la fin du mois d’août 1999, un projet de loi destiné à faciliter la tache des agents de l’État lorsqu’ils doivent déjouer l’utilisation des programmes cryptographiques à des fins criminelles. Le texte du projet permet aux enquêteurs de réclamer un mandat spécial de la part du juge afin qu'ils puissent pénétrer les domiciles et les lieux de travail des suspects et   rechercher les mots de passe des programmes cryptographiques. Cette procédure constitue le premier pas de l’investigation.

Depuis longtemps, le FBI (Bureau d'Enquête Fédéral) faisait pression pour qu’une telle autorisation puisse être délivrée aux enquêteurs. Ils auraient besoin de nouvelles " armes " pour contrecarrer les moyens de plus en plus sophistiqués utilisés à des fins criminelles : fraude, trafique de drogue, terrorisme, distribution de pornographie infantile...

Comme l’on pouvait s’y attendre, cette initiative a fait réagir les associations en lutte pour le respect des libertés civiles. David L. Sobel, de l’Electronic Privacy Information Center (EPIC), a souligné le paradoxe qu’un tel projet de loi engendrerait. Il serait bien ironique, selon lui, que l’utilisation d’un instrument inventé pour protéger la vie privée donne le feu vert aux autorités pour pénétrer dans le domicile des individus. Le projet sera bientôt soumis au Congrès.

L.T.

Références :

- Washigton Post :
http://www.washingtonpost.com/wp-srv/WPlate/1999-08/20/144l-082099-idx.html ;
- Réaction de l’Epic :
http://www.epic.org/crypto/legislation/cesa_release.html ;
- New York Times :
http://www.nytimes.com (faire une recherche dans les archives avec les mots clés : " computer encryption ". Cliquer sur l’article de Steven Lee Myers du 20 août. Attention, la consultation de cet article est devenue payante) ;
- projet annoncé sur Findlaw :
http://www.legalnews.findlaw.com.


État-Unis : Droit pénal et diffusion de matériel protégé sur Internet

No Electronic Theft Act

[29 août 1999] En décembre 1997 entrait en vigueur les nouvelles dispositions du No Electronic Theft Act, dispositions qui allaient renforcer la loi américaine sur le droit d'auteur en introduisant un délit de contrefaçon spécifique. Tout individu impliqué ou qui s'engage sciemment dans des activités de contrefaçon par des moyens électroniques ou autres contrevient à l'article 506 (a) du Copyright Act. Peu importe d'ailleurs que la contrefaçon ait profité ou non à son auteur du moment qu'il s'agit d'un acte caractérisé de contrefaçon. 

Pour la première fois de son histoire législative, ce texte vient de trouver son délinquant : un étudiant de 22 ans de l'État d'Oregon. Arrêtée et jugée actuellement devant la cour fédéral du district de la ville d'Eugene le 20 août 1999, la jeune personne a plaidé coupable au chef d'accusation qui était à sa charge. Lors de sa première comparution, elle admit avoir communiqué illégalement par Internet des fichiers musicaux, des logiciels et des œuvres cinématographiques sous format numérique. La cour rendra sa sentence début novembre. Porté malgré lui à la célébrité, l'inculpé risque jusqu'à trois ans de prison et un maximum de 250 000 dollars d'amende.

On invitera le lecteur à prendre connaissance de l'affaire LaMacchia (United States v. LaMacchia, (1994) 871 F.Supp. 535 [District Massassuchetts]) rendue alors que les dispositions pénales permettaient de condamner l'auteur d'un délit semblable à la seule condition qu'il agisse dans le but de retirer profit de ses actes. Dans cette espèce, la cour accueillit la défense de LaMacchia après avoir constaté que les envois répétés d'œuvres protégées par Internet ne répondaient à aucune recherche de gain.

La loi fut amendée à la suite de cette affaire. Le nouveau texte comprend une définition plus large de la notion de gain financier et introduit l'article 506 (a) qui ne requiert plus une telle exigence. Le No Electronic Theft Act est aussi appelé LaMacchia Act.

On comparera l'article 506 aux dispositions de la loi canadienne contenues aux articles 42, C-42, 1997:

RECOURS CRIMINELS

Infractions et peines

42 
(1) Commet une infraction quiconque, sciemment :
a) se livre, en vue de la vente ou de la location, à la contrefaçon d'une œuvre ou d'un autre objet du droit d'auteur protégés;
b) en vend ou en loue, ou commercialement en met ou en offre en vente ou en location un exemplaire contrefait;
c) en met en circulation des exemplaires contrefaits, soit dans un but commercial, soit de façon à porter préjudice au titulaire du droit d'auteur;
d) en expose commercialement en public un exemplaire contrefait;
e) en importe pour la vente ou la location, au Canada, un exemplaire contrefait.

Le contrevenant encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de vingt-cinq mille dollars et un emprisonnement maximal de six mois, ou l'une de ces peines, ou, sur déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation, une amende maximale d'un million de dollars et un emprisonnement maximal de cinq ans, ou l'une de ces peines.

Possession et infractions découlant d'une action, et peines

(2) Commet une infraction quiconque, sciemment :
a) confectionne ou possède une planche conçue ou adaptée précisément pour la contrefaçon d'une œuvre ou de tout autre objet du droit d'auteur protégés;
b) fait, dans un but de profit, exécuter ou représenter publiquement une œuvre ou un autre objet du droit d'auteur protégés sans le consentement du titulaire du droit d'auteur.

Le contrevenant encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de vingt-cinq mille dollars et un emprisonnement maximal de six mois, ou l'une de ces peines, ou, sur déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation, une amende maximale d'un million de dollars et un emprisonnement maximal de cinq ans, ou l'une de ces peines.

Le tribunal peut disposer des exemplaires ou planches

(3) Le tribunal devant lequel sont portées de telles poursuites peut, en cas de condamnation, ordonner que tous les exemplaires de l'œuvre ou d'un autre objet du droit d'auteur ou toutes les planches en la possession du contrefacteur, qu'il estime être des exemplaires contrefaits ou des planches ayant servi principalement à la fabrication d'exemplaires contrefaits, soient détruits ou remis entre les mains du titulaire du droit d'auteur, ou qu'il en soit autrement disposé au gré du tribunal [...]

P.-E.M.

Références :

- texte du jugement commenté : 
http://www.usdoj.gov/opa/pr/1999/August/371crm.htm ;
- texte de la loi américaine (article 506) : 
http://www.gseis.ucla.edu/iclp/hr2265.html ;
- commentaires de la loi : 
http://sago.tamu.edu/legal/copyright.htm ;
- texte de la décision LaMacchia,
http://www.law.seattleu.edu/chonm/Cases/lamacchi.html ;
- Loi canadienne sur le droit d'auteur, site de M. Geist, section législation :
http://aix1.uottawa.ca/~geist/cilrp1.html.


États-Unis : Nouvelle parution, droit de la finance et bourse

L'avocat Blake Bell avec lequel nous avions collaboré pour les débuts des bulletins E-law en langue française, vient de mettre en ligne un site Internet dédié aux différents aspects de la sécurité des marchés financiers de haute technologie. De nombreuses questions juridiques apparaissent lorsque des internautes dénigrent les comptes de sociétés cotées en bourse ou diffuse de fausses rumeurs. Les impacts de ces fausses informations peuvent avoir un effet dévastateur sur les cotations.

P.-E.M.

Référence :

http://www.cybersecuritieslaw.com


États-Unis : Cybersquatting, droit des marques, noms de domaine

Affaires Amazon.com c. CITI Service ; AOL c. Brazilian American Online ; Amazon Bookstore c. Amazon.com

[2 septembre 1999] Le célèbre cyber-libraire, Amazone.com a intenté un procès contre les responsables de la société CITI Service, établit en Grèce, qui possèdent les noms de domaine " Amazone.gr " et " Amazon.com.gr ". L’entreprise américaine lui reproche de reprendre son concept, d’empiéter sur son propre marché et de lui avoir volé son nom ainsi que son interface graphique. En outre, CITI Service se serait rendue coupable d’extorsion en proposant, en mai dernier, de céder une partie importante du contrôle du site au géant américain… pour la modique somme de 1,6 million de dollars US !

La société américaine a porté l’affaire devant une cour fédérale de Delaware. Les responsables de CITI Service soulèvent néanmoins l’exception d’incompétence et invoquent, au soutien de leur prétention, le fait que leur serveur est établi en Grèce. Le plaignant devra donc prouver que l’activité de CITI Service tombe bien sous la juridiction des États-Unis. La défense estime encore qu’Amazon.com ne peut pas subir de préjudice de la prétendue perte des clients qui se dirigent vers le site " Amazon.gr " car, selon elle, les internautes n’inscrivent pas par pur hasard le " .gr " à la fin d’une adresse Internet. 

Les précédents étrangers ne sont pas forcément en faveur d’Amazon.com. Dans une espèce similaire, AOL avait reproché à un fournisseur d’accès brésilien l’utilisation du nom de domaine " aol.com.br ". L’affaire a été jugée successivement par une cour fédérale puis par une cour d’appel du Brésil. Or, le juge d’appel a estimé que le fournisseur Brazil's America On Line n’avait pas à rétrocéder le nom de domaine dès lors qu’il avait pris l’initiative de l’enregistrer avant son rival américain (la règle du " premier arrivé – premier servi " a encore de bon reste !). La clientèle de CITI Service semble cependant être beaucoup moins localisée que celle de Brazil’s American On ligne. Une petite différence qui pourra s’avérer essentielle aux yeux de la cour américaine.

Enfin, l’un des dirigeants de CITI Service, Greg Smith, annonce qu’il entend accuser à son tour Amazon.com de fraude fiscale. La société américaine expédierait ses produits sur le territoire Grec sans s’acquitter des taxes et des droits de douanes obligatoires… Entre temps, la société grecque a choisi d’afficher un nouveau nom sur sa page de présentation (Greekbooksonline.com), mais elle demeure toujours propriétaire des noms de domaine litigieux.

Pour la petite histoire, Amazon.com fait l'objet d'une procédure judiciaire depuis le mois d’avril pour avoir usurpé la marque du libraire féministe de Minneapolis, Amazon Bookstore Inc. (http://www.amazonfembks.com), lequel affiche le nom " Amazon " depuis 1970. Arroseur-arrosé, le géant américain doit faire face à une demande qu’elle connaît bien : le plaignant exige l’interdiction de toute utilisation de la marque " Amazon " et la restitution des profits découlant de l’utilisation de sa marque.

L.T.

Références :

L’action en justice d’Amazone.com contre CITI Service est annoncée et commentée sur :
- ZDNet France
http://www.zdnet.fr/actu/inte/a0009299.html ;
- ZDNet.com
http://www.zdnet.com/zdtv/cybercrime/news/story/0,3700,2317142,00.html et
http://www.zdnet.com/zdnn/stories/news/0,4586,2316505,00.html ;
- CNet (News.com) : 
http://www.news.com/News/Item/0,4,40658,00.html (état de l’affaire au 18 août) et
http://www.news.com/News/Item/0,4,41241,00.html (état de l’affaire au 2 septembre) ;
- Usa Today
http://www.usatoday.com/life/cyber/tech/ctf887.htm

Sur l’affaire opposant AOL et Brazil’s American Online, voir :
- un commentaire du jugement de première instance (en faveur d’AOL), sur Arent Fox :
http://arentfox.com/newslett/tips/tip991a.html
- l’annonce de la décision d’appel (en faveur de Brazil’s American Online), sur Internetnews.com :
http://www.internetnews.com/intl-news/article/0,1087,archive_6_128941,00.html.

Sur l’affaire opposant Amazon.com au libraire Amazon Bookstore, voir sur CNet :
http://www.news.com/News/Item/0,4,35117,00.html.


France : Bases de données

Affaire France Télécom, Tribunal de commerce de Paris, 18 juin 1999

[8 juillet 1999] Deux sociétés, la SARL MA Éditions et la SA Iliad ont attiré les foudres de France Télécom pour avoir constitué des services d’annuaire par téléchargement des données accessible par Minitel sous le code 3611. Lors du procès, France Télécom fait valoir ses droits en invoquant les dispositions de la loi du 1er juillet 1998 relative à la protection des bases de données. De leur côté, les deux sociétés dénoncent les pratiques anticoncurrentielles de France Télécom. Elles reprochent à la société de télécommunication de ne pas leur avoir proposé une offre suffisamment raisonnable pour qu’elles puissent récupérer les données de son annuaire qui, depuis le 1er janvier 1998, doit être présenté sur le marché de la concurrence.

Après avoir rejeté la demande de saisine pour avis du Conseil de la concurrence, le tribunal analyse la contrefaçon au regard de la loi du 1er 1998. Dans un premier temps, il rapporte l’argumentation de la société France Télécom, selon laquelle : 

" l'article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle lui permet notamment d'interdire l'extraction et la réutilisation d'une partie substantielle du contenu de sa base de données, dès lors que " la constitution, la vérification ou la présentation (de celle-ci) atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel " "

Puis le tribunal constate, en rapportant précisément l’ensemble des frais avancés par France Télécom, que la société demanderesse atteste bien d’un investissement financier et peut donc se prévaloir de cette disposition.

En définitive, le Tribunal de commerce de Paris a lourdement sanctionné les agissements des deux sociétés défenderesses. Elles ont été condamnés à verser 100 millions de francs à titre de dommages et intérêts à France Télécom... une sanction sans doute exemplaire !

L.T.

Références :

- le texte du jugement est disponible sur le site Legalis.net (cliquez sur " Oui " après avoir pris connaissance des conditions imposées par l’éditeur) :
http://www.legalis.net/cgi-iddn/certificat.cgi?IDDN.FR.010.0001813.000.R.A.1999.027.40100 ;
- Loi du 1er juillet 1998 portant transposition dans le Code de la propriété intellectuelle de la Directive 96/9/CE du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données :
http://www.legifrance.gouv.fr (cliquez sur "Journal Officiel" et procéder à la recherche par date de publication, sélectionner le 2 juillet 1998, choisir le texte n°2) ;
- pour en savoir plus sur la protection des bases de données en France, voir l’article de Gérard Haas et Olivier de Tissot, " Protection d’une base de données et site web ", Juriscom.net, septembre 1999,
http://www.juriscom.net/chronique/basedonnees.htm.


France : Preuve et signature électroniques

Projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relatif à la signature électronique

[3 septembre 1999] Présenté le 1er septembre devant le Conseil des ministres, un projet de loi propose de conférer une valeur juridique accrue au document électronique. Nous savons que le droit civil français est fortement marqué par la primauté de l’écrit en matière probatoire. Or, celui-ci était inextricablement lié au support papier à l’époque où les articles du Code civil ont été rédigé. D’où la difficulté de faire accepter le document électronique comme mode de preuve littérale.

Le préambule du projet rappelle très justement que la Commission des Nations-unies pour le Droit Commercial international (CNUDCI) avait adopté, il y trois ans, une loi-type sur le commerce électronique. Celle-ci incitait les signataires à la reconnaissance juridique des documents électroniques. Á signaler également, la proposition de Directive du 18 novembre 1998, modifiée le 1er septembre 1999, qui invite les États membres à mettre en œuvre approprié pour les contrats conclus par voie électronique et à leur conférer une valeur juridique stable (Article 9 intitulé : " Traitement des contrats par voie électronique ") : 

" 1. Les États membres veillent à ce que leur législation rende possibles les contrats par voie électronique. Les États membres s'assurent, notamment, que le régime juridique applicable au processus contractuel n'empêche pas l'utilisation effective des contrats par voie électronique ni ne conduise à priver d'effet et de validité juridiques de tels contrats pour le motif qu'ils sont passés par voie électronique. "

Dans le but de favoriser le commerce électronique en France et de satisfaire aux propositions internationales et communautaires, le texte en examen devant le Conseil des ministres propose donc l'admission du document électronique à titre de preuve. Il aurait maintenant le même statut que l'écrit, à condition toutefois "que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité".

Nous retiendrons plus particulièrement les articles suivants que le projet entend insérer dans le Code civil : 

- Art. 1316 : " La preuve littérale ou par écrit résulte d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission. "

Note : ainsi définie, la preuve par écrit se trouve enfin explicitement détaché du support papier traditionnel.

-  Art. 1316-1 : " L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. "

Note : le présent article entend précisément satisfaire aux conditions posée par la proposition communautaire du 18 novembre 1998. Mais il ajoute des exigences d’identification et de conservation. L’identification de la personne dont l’écrit électronique émane pourra être établie par une signature électronique fiable ajointe au document.

- Art. 1316-2 : " Lorsque la loi n’a pas fixé d’autres principes, et à défaut de convention valable entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous moyens le titre le plus vraisemblable quel qu’en soit le support. "

Note : le législateur contourne ici la difficulté posée par la tendance naturelle à vouloir faire prévaloir la preuve écrite traditionnelle à la preuve électronique. Il se fie donc à la sagesse du juge pour trancher la question des conflits de preuves.

- Art. 1322-2 al 2 : " Lorsqu'elle est électronique, [la signature] consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. "

Note : le projet consacre ici la reconnaissance de la signature électronique, sous des conditions déterminées. En définissant la signature électronique, le législateur s’assure simplement qu’elle puisse remplir les caractéristiques de la signature ordinaire: identification du cocontractant et validité de son consentement sur l’acte signé (exigence du lien entre la signature et le document).

Pour finir,  l’article 3 du projet de loi indique que l’article 1326 du Code civil sera modifié en remplaçant les mots : " de sa main " par les mots : " par lui-même ". Le texte corrigé se lirait donc ainsi : 

- Art. 1326 : " L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui verser un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres. "

Le législateur s’inquiétait-il du fait qu’un individu puisse utiliser la main d’une tiers personne pour signer un acte d’engagement à son profit ? Plus sérieusement, cet article semble avoir été adopté pour éviter que l’on s'obstine à faire référence à l’utilisation d’un stylo, d’une feuille de papier et, surtout, à la force du poignet. La rédaction de cet article permet même d’envisager des procédés de rédaction évolués, comme ceux permettant la transcription dactylographiée des signaux vocaux. Remarquons que de plus de législations adoptent des formulations techniquement neutres de manière à garantir l'adaptation des textes à l'évolution technologique.

L.T.

Références :

Sur le projet de loi :
- communiqué du gouvernement du 1er septembre 1999 : 
http://www.premier-ministre.gouv.fr/GOUV/010999.HTM ;
- projet de loi sur Legifrance (attention, l’URL peut charger) :
http://www.legifrance.gouv.fr/citoyen/legifrance_actualite/Fr/preparation/preuventi.htm ;
- annonce et analyse sur Droit-technologie.org :
http://www.droit-technologie.org/2_1.asp?actu_id=936460936&month=9&year=1999.

Sur les travaux communautaires :
- proposition de Directive du 18 novembre 1998 sur le commerce électronique, sur EURO-Lex:
http://www.europa.eu.int/eur-lex/fr/com/dat/1998/fr_598PC0586.html
- annonce de la modification de la proposition de directive sur Droit-technologie.org :
http://www.droit-technologie.org/2_1.asp?actu_id=-879828503&month=9&year=1999 ;
-proposition modifiée du 1er septembre 1999 visant à établir un cadre juridique cohérent pour le développement du commerce électronique au sein du marché unique, sur le site de la DG 15 :
http://europa.eu.int/comm/dg15/fr/media/eleccomm/eleccomm.htm.
- proposition de Directive du 16 juin 1998 sur un cadre commun les signatures électroniques, disponible sur EURO-Lex :
http://www.europa.eu.int/eur-lex/fr/com/dat/1998/fr_598PC0297.html ;
- modification de la proposition de Directive du 16 juin 1998, présentée le 13 janvier 1999, sur EURO-Lex
http://www.europa.eu.int/eur-lex/fr/com/dat/1999/fr_599PC0195.html.

Pour en savoir plus sur les enjeux de la signature électronique, voir la rubrique "Professionnels" de Juriscom.net et cliquez sur le thème : "Commerce, contrat, preuve et signature électroniques" :
http://www.juriscom.net/espace2/professionnels.htm#Commerce.


France : Droit des journalistes sur Internet

Affaire Le Progrès, Tribunal de Grande Instance de Lyon, 21 juillet 1999

[8 septembre 1999] Pour la troisième fois en France, un tribunal doit se prononcer sur  le sort à réserver aux droits des journalistes dont les articles ont été republiés sur support électronique. Après les affaires DNA et Figaro, la situation est devenue bien classique. Sans s’être ménagée une nouvelle cession de droits, la société éditrice du journal Le Progrès a diffusé sur Minitel et Internet les articles de ses journalistes auparavant publiés sur support papier.

Quatre journalistes, ainsi que le Syndicat National des Journalistes (SNJ), ont alors demandé aux juges de constater que la SA Groupe Progrès " ne possède que les droits de première publication (des articles) et qu'elle est contrefacteur ". De son côté, la société défenderesse soutenait qu’elle était investit des droits d’auteur en application de l'article L. 113-5 du Code de propriété intellectuelle, le journal étant notamment divulguée sous son nom.

Article L.113-5 CPI :

" L'œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l'auteur. "

La société affirmait également que la diffusion électronique ne constitue ni une nouvelle publication ni une reproduction. 

Le tribunal rapporte alors la définition de l’œuvre collective (article L. 113-2 CPI), qui implique notamment la fusion de la contribution personnel des divers auteurs dans l’ensemble en vue duquel l’œuvre collective est conçue. Les juges constatent ensuite que les articles des journalistes sont " parfaitement identifiables " et concluent de manière très laconique qu’ils ne peuvent donc pas se fondre " dans l'ensemble désigné comme étant le journal Le Progrès ". Le journal échappe donc à la qualification d’œuvre collective.

Pour faire droit à la demande des journalistes, il reste à déterminer si la société Groupe Progrès bénéficiait d’une cession de droit pour la diffusion des articles sur Minitel ou Internet. Mais les contrats des journalistes ne font aucune référence à la diffusion électronique. Aussi, selon l’article L. 761-9 al. 2 du Code du travail, le droit de faire paraître dans plus d'un journal ou périodique les articles des journalistes doit être constaté par convention expresse " précisant les conditions dans lesquelles la reproduction est autorisée ". Le tribunal recherche alors si la SA Groupe Progrès a utilisé les articles pour les faire paraître " dans plus d'un journal ".

Contrairement aux jurisprudences précitées (DNA et Figaro), le présent jugement a le mérite d'envisager que la reproduction intégrale du contenu papier sur réseau électronique pourrait ne pas s'identifier à une nouvelle publication :

" Attendu qu'un journal ne s'identifie pas seulement par son support mais également par son contenu, sa présentation, son lectorat, et surtout sa ligne éditoriale. Qu'en ce sens la reproduction intégrale et à l'identique du quotidien LE PROGRES sur un support télématique ne constituerait pas la parution dans plus d'un journal au sens de l'article L. 761-9 du Code du Travail, mais seulement un procédé d'archivage particulier si chaque article était restitué dans l'environnement qui était le sien dans le support papier. Que pour ce motif, le Tribunal rejettera la demande tendant à faire juger que la société GROUPE PROGRES ne possède que les droits de première publication. "

Cependant, le tribunal s’empresse ensuite de clarifier la différence entre la publication papier et la publication électronique :

" Mais attendu qu'il résulte des documents produits que, aussi bien en ce qui concerne le Minitel qu'Internet, les articles peuvent être appelés à partir d'un thème ou de mots-clés ; que la totalité des articles du journal-papier ne sont pas consultables par l'Internet mais seulement 300 sur 1 200 environ, selon la SA GROUPE PROGRES ; que le lectorat est élargi au-delà de la zone habituelle de diffusion du journal-papier ;

Attendu en conséquence que le produit diffusé par voie télématique doit être considéré comme un autre journal au sens du code du travail et donner lieu à une convention expresse définissant les conditions dans lesquelles la reproduction des articles est autorisée par leurs auteurs. Que la diffusion sans autorisation constitue une contrefaçon des droits d'auteur des journalistes.

Attendu en conséquence que le tribunal fera droit à la demande d'interdiction d'exploiter les sites Minitel et Internet litigieux sous astreinte, dans les termes du dispositif. "

En conséquence de quoi, le tribunal conclue à la contrefaçon et ordonne à la société Groupe Le Progrès de cesser la diffusion des articles sur Minitel et Internet. 

Cette jurisprudence confirme bien les décisions antérieures. Mais sa portée ne se limite pas au simple fait d'assimiler la diffusion du contenu d’un journal sur réseaux électroniques à une seconde publication. Elle va plus loin en retirant explicitement au journal Le Progrès le caractère d’œuvre collective. En ce sens, la décision du 21 juillet 1999 confirme, en quelque sorte, les arguments développés par les demandeurs au cours de l’affaire Figaro, selon lesquels " la qualification d’œuvre collective donnée à un journal, qui serait donc titulaire des droits, est vivement critiquée par une partie de la doctrine et remise en cause par certaines décisions ayant retenu la qualification d’œuvre de collaboration, supposant l’existence de clause de cession ". Nous savons que la qualification d’œuvre collective pose effectivement un certain nombre de difficultés au regard de la définition contenue à l’article L.113-2 du Code de propriété intellectuelle. En réalité, ni la doctrine, ni la jurisprudence ne parviennent à s’entendre sur ce sujet. Une chose est sûr, la jurisprudence actuelle escamote la difficulté.

Enfin, précision procédurale cette fois, le tribunal ne se prononce pas clairement sur la portée de l’action collective effectuée par le Syndicat National des Journalistes. Certes, l’un des attendus précise que :

" Le SNJ dont l’action vise à défendre les intérêts collectifs de la profession est donc recevable en sa demande aux côtés des journalistes en lien contractuel avec la société défenderesse. "

Néanmoins, nous ne retrouverons pas, au sein du dispositif, la mention d’une quelconque interdiction faite au profit de l’ensemble des journalistes en relation contractuelle avec la société. Le tribunal mentionne seulement que l’astreinte éventuelle devra être répartie entre les quatre journalistes et le SNJ, ce qui pourrait laisser entendre que la portée du jugement se limite uniquement au nombre des demandeurs. L’affaire sera rejugée en appel le 5 octobre 1999.

L.T.

Références :

Annonce sur ZDNet
http://www.zdnet.fr/actu/inte/a0010735.html.

Texte du jugement sur Legalis.net (cliquez sur " Oui " après avoir pris connaissance des conditions imposées par l’éditeur) :
http://www.legalis.net/cgi-iddn/certificat.cgi?IDDN.FR.010.0015689.000.R.A.1999.027.40100.

Textes des jugements antérieurs :
- affaire DNA, sur Juriscom.net
http://www.juriscom.net/jurisfr/dna.html ;
- affaire Figaro, sur Juriscom.net
http://www.juriscom.net/jurisfr/figaro.htm

Code de propriété intellectuelle sur le site de Jérôme Rabenou : 
http://www.rabenou.org/cpil.html.

Á consulter : le bulletin E-Law n°10, faisant référence à des affaires similaires au Canada et en France :
http://www.juriscom.net/elaw/e-law10.htm.

 

Sommaire de E-Law

 

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