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Bulletin d'actualités juridiques en droit des technologies de l'information dirigé par Pierre-Emmanuel Moyse,
édité sur Juriscom.net par Lionel Thoumyre

Droit du Cyberespace # 15-16

Décembre 1999 - avril 2000

Présentation

Montréal, le 11 avril 2000

Un travail de fourmis, d'insectes qui collectent et amassent parfois plus que ce que leur constitution ne le permet. Ceci me rappelle une fable de Lafontaine... L'équipe de E-law engrange donc pour vous, chers lecteurs, les bits, links, et autres aliments quotidiens du juriste version 2000.

On me dit que ces compilations sont du plus bel attrait et, qui plus est, d'une grande utilité. Les atours de cette page sont un atout que sa fonction ne dément pas. Encouragés par votre omniprésence, bercés par le doux bruit du compteur de hits, nous déménagerons bientôt nos locaux sans même bouger d'un pouce. Le LexUM de l'Université de Montréal va prochainement accueillir le successeur de E-Law, dont le nom restera secret jusqu’à son enregistrement J. Il s'agira d'un outil de veille juridique, plus dynamique encore, repensé et nourri de deux ans d'expérience éditoriale, auquel participeront plusieurs partenaires privés et institutionnels.

E-law #15-16 est donc le dernier de sa génération. Il nous laisse percevoir une naissance heureuse dont vous serez les premiers avisés. Merci pour vos encouragements et vos nombreuses visites.

P-E.M.

 

  Au sommaire :

OMPI

1. Quatre nouvelles décisions d'arbitrage


CANADA

2. Retransmission sur Internet :
    Aff. Icrave TV.com, janvier 2000

3. Liens hypertextes :
    Aff.
Imax c. Showmax, janvier 2000

4. Conférence avec Michael Geist, avril 2000 


ÉTATS-UNIS

5. Responsabilité du registraire :
    Aff. Lockheed. c. NSI,
octobre 1999

6. Brevets :
    Aff. Wang Laboratories c. AOL & Netscape, décembre 1999

7. Noms de domaine :
    Aff. AmericasCup,
décembre 1999

8. Responsabilité du fournisseur d'accès :
    Aff. Lunney c. Prodigy Services, décembre 1999

9. Noms de domaine :
    Récents développements, février 2000

10. Noms de domaine :
      Aff. Sporty's Farm c. Sportsman's Market, février 2000

11. Spamming :
      Loi « anti-spam » de Washington
, mars 2000

12. Paris sportifs :
      Aff. World Sports exchange,  février 2000

13. Hyperliens :
      A
ff. Tickets.com, mars 2000

14. Responsabilité du prestataire :
      Aff. Ben Ezra c. America Online, mars 2000

15. Délit d'initiés :
      Plainte de la Security and Exchange Commission, mars 2000

16. Encodage, liberté d'expression :
      Aff. Junger c. Daley, US Secretary of Commerce,
avril 2000


FRANCE

17. Jeux vidéo, droit moral :
      Aff. Coktel Vision, novembre 1999

18. Responsabilité du fournisseur d’hébergement, droit à l’image :
     
Aff. Lynda L., décembre 1999

19. Responsabilité du fournisseur d’accès, droit d’auteur :
      Aff. UUNet, octobre 1999

20. Droit des marques :
       Aff. DCLK c. Double Clic, février 2000

21. Responsabilité des intermédiaires :
      Réforme de la loi sur l’audiovisuel, mars 2000

22. Noms de domaine : 
      Aff. Sony c. Alifax, mars 2000

23. Noms de domaine :
      Aff. Altavista c. Pérez, janvier 2000

24. Publicité sur Internet : 
      A
ff. Crédit Mutuel, mars 2000

25. Responsabilité des fournisseurs d’hébergement, droit d’auteur :
      Aff. "Calimero", mars 2000 

26. Droit de la presse, procédure pénale :
      Aff. Jean-Louis C., mars 2000

 

Rédacteurs :

Pierre-Emmanuel Moyse
(Léger-Robic-Richard)
& Lionel Thoumyre
(CRDP)
------------------------------------------------
Centre de Recherche de Droit Public
Université de Montréal
Bureau A-8425-6
Tél. (514) 343-6111 poste 1201
Email : moyse@robic.com
et lionel@crdp.umontreal.ca 

Ont collaboré à ce numéro :

David Assor
(davidassor@hotmail.com)
Alexandre Braun
(abraun@pacific.net.sg)

Bruno Ménard
(burn@generation.net
Alexandre Nappey
(a.nappey@meyer-partenaires.com)

     

OMPI : Droit des marques, noms de domaine, procédures d'arbitrage

Quatre nouvelles décisions d'arbitrage

[27 février 2000] Depuis la première décision d'arbitrage rendue le 14 janvier 2000 dans l'affaire World Wrestling Federation Entertainment, Inc. v. Michael Bosman [Case No. D99-0001], le centre d'arbitrage de l'OMPI a rendu 4 autres décisions, toutes en faveur du propriétaire de la marque de commerce. De ce fait, les noms de domaine "stelladoro.com", "telstra.org", "americanvintage.com" et "musicweb.com" sont retournés dans les patrimoines respectifs des titulaires des marques : Stella d'Oro (enregistrées pour des services de mets cuisinés, US), Telstra (enregistré pour des services de télécommunication dans différents pays), American Vintage (enregistré pour des biscuits, US) et Music Web (enregistré pour des services électroniques de musiques enregistrées).

Selon un récent communiqué de presse de l'OMPI, 90 autres demandes sont en traitement.

P-E.M.

Références :

La liste des décisions rendues :  
http://arbiter.wipo.int/domains/decisions/html/d99-0001.html
.

La liste des décisions en attente :
http://arbiter.wipo.int/domains/pending/index.html.

Communiqué de presse de l'OMPI :
http://www.wipo.org/fre/pressrel/2000/p207.htm.


Canada et États-Unis : Retransmission d'émission de télévision par Internet

Aff. Icrave TV.com

[23 février 2000] Le 31 janvier dernier un groupe d'importants diffuseurs, parmi eux CTV Télévision et Société Radio Canada, a demandé qu'une injonction interlocutoire permanente soit rendue à l'encontre de la société IcraveTV.com. Cette dernière diffusait, via son site Internet, certaines émissions télévisuelles sans qu'aucune autorisation n'ait été donnée par les titulaires des droits. On rappellera que l'article 3(1)f de la Loi canadienne sur le droit d'auteur, visa principal de l'action, soumet à l'autorisation de l'auteur la communication de l'œuvre au public par télécommunication. IcraveTV.com ayant offert du contenu américain une poursuite similaire est en cours États-Unis.

P-E.M.

Note : les récents développement de l'affaire seront abordés dans une prochaine chronique de Juriscom.net qui sera annoncée sur la page suivante : http://www.juriscom.net/chronique/sommaire.htm

Références :

La procédure introduite devant la Cour fédérale du Canada :
http://www.cab-acr.ca/french/newsroom/00/nrf_jan3100.htm.

La procédure introduite devant les tribunaux américains :
http://www.mpaa.org/Press/icrave_complaint.htm.

Pour suivre l'affaire, voir les communiqués sur le site de l'Association canadienne des radiodiffuseurs :
http://www.cab-acr.ca/french/new/index.html.


Canada: Marques de commerce, hyperliens

Imax Corporation c. Showmax inc., Cour fédérale du Canada, 18 janvier 2000

[30 mars 2000] La Cour fédérale du Canada émet une injonction interlocutoire empêchant l’utilisation du nom commercial « Showmax » pour un cinéma à écrans géants qui devrait s’intaller cette année à Montréal.  La société Imax, qui exerce son activité sous ce nom depuis plus de trente ans et qui exploite aussi une chaîne de cinémas à écrans géants, prétendait qu’il y avait confusion avec sa marque déposée.  La demanderesse ajoute qu’elle subit un préjudice irréparable et que sa marque perdrait son achalandage si l’on permettait l’utilisation du nom « Showmax ».  Imax explique également que les liens hypertextes vers son site Internet, présentés sur le site de « Showmax », suggèrent l’existence d’un rapport économique entre ces deux compagnies.  Sur ce sujet, le juge Teitelbaum fait droit aux allégations d’Imax :

“ (...) I am satisfied that the Showmax website does contain images of the Imax theatre at the Old Port of Montreal and that it is reasonable to conclude that consumers would infer that the proposed Showmax theatre is operated and controlled by the same entity as the Imax theatre.”

L’expertise de la demanderesse rapportait l’existence d’une confusion chez 49 % de la population.  Les défenderesses, quant à elles, prétendaient qu’il n’y avait ni confusion ni preuve de dommages futurs possibles.  Mais leur démonstration a été jugée insuffisante par la Cour fédérale.

David Assor

Référence :

Le texte de la décision sur le site de la cour fédérale du Canada :
http://www.fja.gc.ca/en/cf/2000/orig/html/2000fca25888.o.en.html.


Canada : Conférence Lex Media nº3

Invité spécial : le professeur Michael Geist

[11 avril 2000] Lors de la plus récente conférence Lex Media de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, les organisateurs accueillaient, en la personne du professeur Michael Geist, un conférencier de marque. Ce dernier a brièvement entretenu les passionné(e)s de nouvelles technologies sur un projet particulier de l'American Bar Association : définir la juridiction d'Internet. Cette étude s'insère dans un processus global de définition des régimes juridiques applicables aux différents secteurs d'Internet. Selon les dires du professeur Geist, la version finale du projet devrait être soumise au courant de la période estivale 2000.

L'étude de la question repose essentiellement sur cinq prémisses :

1. Pertinence de la présence physique : le projet tend à se concentrer davantage sur la présence des acteurs et de leurs liens avec l'État au lieu de l'acte lui-même.

2. Mécontentement général du conflit « site actif » vs. « site passif » : afin d'éviter de tomber dans les zones grises, la solution serait plutôt la « théorie de la cible ». Quel est le public ou l'individu ciblé par l'acte ou le site ?

3. Transfert du pouvoir : à qui appartient le pouvoir lors de transactions sur Internet ? Au consommateur ou au commerçant ?

4. Choix contractuel : quelles règles contractuelles s'appliquent ? Peut-on, par contrat, se défaire de sa responsabilité sur Internet ?

5. Responsabilité des intermédiaires : qui sont les intermédiaires détenteurs du contrôle de l'information et du contenu sur Internet ? À part les fournisseurs d’accès et d’hébergement, peut-il y avoir d'autres intervenants visés ?

Bruno Ménard


États-Unis :  Noms de domaine, responsabilité du NSI

Affaire Lockheed. c. Network Systems Inc., Cour d’appel du 9ème circuit, 25 octobre 1999 25 octobre 1999

[20 décembre 1999] La société Lockheed possède et dirige un laboratoire de design et de construction d’aéroplanes, nommé « The Skunk Works », qui a développé depuis 1943 le prototype du premier avion de chasse américain, les avions-espions U-2 et SR-71 ainsi que les F-117 et autres F-22. « Skunk Works » est une marque de services incontestable. Un tiers, que l’on qualifiera aisément de « cybersquatter », a enregistré plusieurs combinaisons de cette dénomination auprès du NSI : « skunkworks.com » ; « skunkworks.net » ; « skunkwrks.com » ; « skunkwerks.com » etc… La société Lockheed a alors porté à la connaissance du NSI, l’organisme américain responsable de la gestion et de l’attribution des noms de domaine de tête génériques (.com, .net, .org), que l’enregistrement des noms de domaines « skunkworks.com » et « skunkworks.net » contrefaisait sa marque de service. Après quoi, elle lui somme d’annuler ces enregistrements. Mais le NSI n’a pris aucune action pour répondre à la demande de Lockheed. La demanderesse finit par obtenir la rétrocession des noms de domaines litigieux auprès du tiers déposant. Le NSI tarde néanmoins à annuler les enregistrements précédents et autorise ensuite un second cybersquatteur à s’emparer des noms de domaines tant convoités par Lockheed. La société demanderesse poursuit alors le NSI pour contrefaçon, « dilution » de sa marque et concurrence déloyale au regard du Lanham Act.

Un premier jugement déboute Lockeed de ses demandes [985 F. Supp. 949 (C.D. Cal. 1997)]. L’affaire est alors portée devant la Cour d’appel du 9ème circuit à San Francisco qui examine les fondements de l’éventuelle complicité du NSI. En se basant sur le précédent de l’affaire Inwood Lab. Inc. c. Ives Lab. Inc. [456 u.s. 844, 853 –54 (1982)], le juge Trott rappelle que la complicité pour contrefaçon de marque est admise toutes les fois que le défendeur 1) incite intentionnellement un tiers à contrefaire la marque du demandeur ou 2) fournit un « produit » (a product) à un tiers qu’il sait être utilisé en vue de contrefaire la marque de service. La société Lockheed invoquait uniquement le second motif que la cour rejettera en considérant que la fourniture d’un service technique de routage n’est qu’un simple « service », et non un « produit ».

La responsabilité du registraire est donc écartée pour la contrefaçon ou la complicité de contrefaçon de marque de commerce résultant de l’enregistrement d’un nom de domaine sur ses services.

L.T.

Références :

Texte de la décision sur Findlaws.com :
http://laws.findlaw.com/9th/9756734.html.

Annonce sur CNet.com, Evan Hansen, "House, courts make decisions on Cybersquatting" :
http://news.cnet.com/news/0-1005-200-1402912.html?tag=st.ne.1002.


États-Unis :  Brevets

Affaire Wang Laboratories, Inc. c. America Online, Inc. and Netscape Communications Corp.,  17 décembre 1999

[20 décembre 1999]  La société Wang Laboratories a fait appel de la décision d'une Cour de district de l'État de Virginie, laquelle avait jugé que les défendeurs, America Online (AOL) et Netscape Communications Corporation,  n’avaient pas enfreint les droits de brevet dans l'invention Videotex Frame Processing développée par la demanderesse en 1983. 

Wang Laboratories soutenait que les systèmes de recherche de sites par mots-clés sur AOL (favorite places) et sur Netscape (bookmarking) constituaient des contrefaçons de son invention.  Les défenderesses affirmaient, quant à elles, qu'elles utilisaient un protocole différent appelé « bit-mapped ».  Or, le juge de première instance a estimé que le brevet de la société Wang ne couvrait que les systèmes à base de caractères.  De plus, il jugea que le protocole de Wang, le Videotex Frame, différait totalement des systèmes de recherche de sites (« generically and fundamentally different »).  Le juge poursuit en définissant le mot « frame », qui apparaît dans la description du brevet, comme « a page of information assembled prior to display which is encoded in a character-based protocol... ».

 AOL et Netscape ont d’ailleurs admis que le système « frame » pouvait inclure, à la fois, les deux types de protocoles (bit-mapped ou à base de caractères).  Mais les deux sociétés ajoutent que l’utilisation de ce mot, par Wang, en conjonction avec le mot « characters », limite nécessairement la portée du brevet aux seuls systèmes à base de caractère.  Le juge considère aussi que la référence par Wang au « bit-mapped protocol », dans sa description du brevet, n’a pas pour effet d’élargir la portée de la protection.

La cour examine en outre  « la doctrine des équivalences » selon laquelle une technologie interchangeable avec celle qui est brevetée ne doit pas être incluse dans la description  (« A known interchangeability is a useful objective standard of equivalency »).  Mais, quand bien même ces deux protocoles sont maintenant interchangeables, leurs fonctionnements et leurs structures diffèrent substantiellement.  Cette doctrine est donc écartée.

Enfin, le juge effectue une analyse des recours précédents intentés par Wang Laboratories.  Il constate que la technologie de Wang n’est réduite, d’après les allégations de la société demanderesse, qu’aux seuls protocoles à base de caractères.

David Assor

Référence :

Texte de la décision sur le site America Online Legal:
http://legal.web.aol.com/decisions/dlip/wang.html


États-Unis : Noms de domaine, droit des marques, spéculation

Règlement extrajudiciaire pour l'affaire AmericasCup

[30 décembre 1999]  À la mi-décembre 1999, l’éditeur de sites sportifs, Quokka.com, a intenté une poursuite en Californie contre deux sociétés néo-zélandaises qui avaient enregistré le nom de domaine "AmericasCup.com".  C'eût été l’occasion de tester la nouvelle législation américaine adoptée le 29 novembre 1999 : l'Anti-Cybersquatting Consumer Protection Act.

Quokka avait obtenu, en avril 1999, le droit exclusif d’utilisation sur Internet de la marque "AmericasCup".  Le détenteur de cette marque de commerce, America’s Cup Properties, lui a cédé ce droit sans avoir, au préalable, enregistré le nom de domaine.  Le 8 décembre 1999, le juge D. Lowell Jensen a ordonné une injonction temporaire contre Justin Nicholas et Arron Brett, les défendeurs, pour empêcher l’utilisation du nom "AmericasCup.com" enregistré auprès du Network Solutions Inc. 

Mais le litige n'a pas abouti au prononcé d'une décision sur le fond puisque, le 29 décembre, les défendeurs ont accepté de céder la propriété du nom de domaine au détenteur de la marque de commerce.  Ce règlement hors cour a été homologué par le juge Jensen, lequel a tenu à réserver sa juridiction pour le cas où l’affaire resurgirait plus tard.  Belsky, l’avocat de la demande, estime que cette "victoire" bénéficiera à l’application générale de  l'Anti-Cybersquatting Consumer Protection Act : "By retaining jurisdiction, and successfully issuing a temporary restraining order against Nicholas and Brett on Dec. 8, the judge helped establish that a U.S. court could enforce the Act against foreign domain holders."

Il faut préciser que le nom de domaine en litige était un nom de domaine générique (.com). Telle situation aurait difficilement pu se produire dans le domaine canadien. L'attribution des .ca, à l'image de ce qui se passe pour nombre de noms de domaine géographique, est soumise à de nombreuses conditions. Notamment, le registraire canadien n'autorise qu'un seul enregistrement par personne morale. Il est donc rare que l'enregistrement d'un .ca se face en concurrence directe avec les droits d'un tiers, d'autant que le registraire canadien n'accorde l'enregistrement que lorsque le requérant justifie d'une marque de commerce ou d' un lien direct entre le nom et la raison d'affaire de l'entreprise.

David Assor

Références :

Annonces sur :
- Multimedium, Dominic Fugère , “Premier test pour la loi anti-cybersquattage américaine” :
http://www.mmedium.com/cgi-bin/nouvelles.cgi?Id=2957 ;
-
Zdnet.com, Jennifer Mack, “Anti-Cybersquatting law faces first test” :
http://www.zdnet.com/zdnn/stories/news/0,4586,2409825,00.html ;
- Zdnet.com, Jennifer Mack,  “Quokka settles America's Cup suit” (à propos du règlement hors cour)  : 
http://www.zdnet.com/zdnn/stories/news/0,4586,2415299,00.html.


États-Unis :  Responsabilité des intermédiaires (fournisseur d’accès), diffamation

Affaire Lunney c. Prodigy Services, Cour d’appel de l’État de New York, décembre 1999

[20 janvier 2000] La Cour d’appel de New York s’est prononcée sur une affaire impliquant la responsabilité du fournisseur d’accès Prodigy. Elle a jugé que le rôle du prestataire ne pouvait être assimilé à celui d’un éditeur (publisher) et devait donc échapper à l’important degré de responsabilité traditionnellement supportée par la profession éditoriale. Cet arrêt renverse non seulement le jugement de première instance, mais également le verdict prononcé dans la célèbre affaire impliquant le même défendeur : Statton Oakmont c. Prodigy [N.Y. Misc. LEXIS 229, No. 31063/94 (1995)].

L’affaire débuta en septembre 1994 lorsqu’une personne visiblement malintentionnée avait ouvert plusieurs comptes de courriers électroniques chez Prodigy sous le nom d’un jeune scout, Alexandre Lunney, pour envoyer des messages violents et sexuellement explicites au chef scout de la localité. Choqué, ce dernier a averti les services de police de Bronxville. Il s’est avéré, après enquête, qu’Alexandre Lunney n’était pas le véritable auteur de ces messages.

Averti de la situation, Prodigy a présenté ses excuses auprès de Mr. Lunney et a fermé l’ensemble des comptes qui étaient utilisés aux fins de l’infraction. Mais le père d’Alexandre décida d’assigner le prestataire en diffamation, lui reprochant d’avoir autorisé l’ouverture des comptes sous le nom de son fils. La cour accepte le fondement de la diffamation mais refuse de condamner le prestataire. Le juge Rosenblatt fonde sa décision sur les précédents d’une affaire impliquant la responsabilité d’une compagnie de téléphone. Or, il a été jugé que celle–ci n’exerçait qu’un rôle passif dans la transmission des télécommunications (Anderson c. New York Tel. Co., 35, NY2d 746). Le fournisseur d’accès ne jouant, lui-aussi, que le rôle d’un simple « tuyaux », il ne peut être tenu pour responsable des messages diffamatoires circulant sur ses réseaux au titre d’une obligation éditoriale :

“Prodigy's role in transmitting e-mail is akin to that of a telephone company, which one neither wants nor expects to superintend the content of its subscribers' conversations. In this respect, an ISP, like a telephone company, is merely a conduit. Thus, we conclude that under the decisional law of this State, Prodigy was not a publisher of the e-mail transmitted through its system by a third party.”

La cour devait également se prononcer sur la responsabilité du prestataire pour la diffusion de deux messages postés sur l’un de ses Bulletin Boards (panneaux d’affichage électronique). Quand bien même Prodigy se réserve le droit d’exercer un contrôle éditorial sur ceux-ci, le juge estime que le prestataire n’en avait pas l’obligation :

“The Appellate Division aptly concluded that even if Prodigy "exercised the power to exclude certain vulgarities from the text of certain [bulletin board] messages," this would not alter its passive character in "the millions of other messages in whose transmission it did not participate" (250 AD2d 230, 237), nor would this, in our opinion, compel it to guarantee the content of those myriad messages. We agree with the Appellate Division in its conclusion that, in this case, Prodigy was not a publisher of the electronic bulletin board messages.”

Enfin, il est intéressant de noter que la cour ne juge pas opportun de faire application, dans ce débat, de l’article 47 USC §230 du Communication Decency Act, lequel prévoit l’immunité des fournisseurs d’accès.

L.T.

Références :

Texte de la décision :
http://www.nycourts.com/scripts/csearch.exe/singledecision?&FILE=cpny3369.002&CRT=5

Annonce sur :
- New York Law Journal, John Caher,  "Internet provider not Liable for defamation" :
http://www.nylj.com/stories/99/12/120399a2.htm ;
- Bytes in brief,
Nelson & Wolfe/Sensei Enterprises, "N.Y. Appeals Court rules that libel laws don’t apply to ISPs" : 
http://www.senseient.com/news01_2000.htm.


États-Unis : Récents développements en matière de noms de domaine

ICANN

[27 février 2000] Les noms de domaine connaissent une adolescence bien agitée. Les législateurs s'activent sur leurs tablettes tentant d'appréhender le phénomène mais force est de constater que la matière est loin d'être maîtrisée.

D'abord, l'administration des noms de domaine génériques (.com, .net, …) vient d'être remaniée selon les directives et règlements de l'ICANN, emportant dans leur flot de mots de nombreuses modifications. Ensuite, chaque pays semble adopter des règles particulières quand à l'octroie des noms de domaine géographique (.ca, .fr, …). À chacun selon ses moyens. Le Canada est toujours en attente d'un registraire de .ca qui reprendrait la gestion des registres jusqu'à présent sous la gouverne d'une équipe de l'Université de Colombie Britannique. Un accord doit être signé afin de transférer le registre à l'organisme CIRA. Ce transfert tant attendu devrait se faire l'été 2000.

P-E.M.

Références :

ICANN
http://www.icann.org.

Eresolution, centre d'arbitrage des différends :
http://www.eresolution.ca.

CIRA
http://www.cira.ca.


États-Unis : Marques de commerce, noms de domaine

Affaire Sporty's Farm c. Sportsman's Market, Cour d'appel du second circuit, 2 février 2000 - Anticybersquatting Act

[27 février 2000] La nouvelle loi américaine Anticybersquatting (S. 1948) qui vient d'être inaugurée à l'occasion d'une décision Sporty's Farm v. Sportsman's Market, [February 2nd, 2000, 98-7452 (USCA, Sec. Circ.)]. Le défendeur, un concurrent oeuvrant dans le domaine de l'aviation, avait enregistré le nom de domaine "Sporty.com" reproduisant à l'identique la marque "Sporty" du demandeur. Le défendeur avait pris soin de maintenir, sous le nom "Sporty.com", un site de vente de sapin de Noël afin de profiter de la règle de la spécificité des marques. L'opération fut aussi coûteuse qu'inutile puisque la Cour d'appel du second circuit ordonna le transfert du nom de domaine au demandeur en application de la nouvelle loi.

La loi amende le Trademark Act de 1946, 15 U.S.C. 1125(d)(1)(A) qui se lit, dans ses principales dispositions, ainsi :

"A person shall be liable in a civil action by the owner of a mark, including a personal name which is protected as a mark under this section, if, without regard to the goods or services of the parties, that person --

(i) has a bad faith intent to profit from that mark, including a personal name which is protected as a mark under this section; and

(ii) registers, traffics in, or uses a domain name that --

(I) in the case of a mark that is distinctive at the time of registration of the domain name, is identical or confusingly similar to that mark;

(II) in the case of a famous mark that is famous at the time of registration of the domain name, is identical or confusingly similar to or dilutive of that mark; . . ."

P-E.M

Références:

Le texte de loi peut être sur le site Thomas (taper "S. 1948", Titre III) :
http://thomas.loc.gov/.

La décision est accessible sur le serveur payant PACER, banque de données des arrêts des Cours fédérales de district: 
http://pacer.uspci.uscourts.gov/.

On référera également le lecteur à la décision anglaise de la High Court of Justice condamnant le cybersquatting, British Telecommunications PLC v. One in a Million Ltd., [(1999) 1 Fleet Street reports 1]. Le seul enregistrement d'une marque de commerce ou d'une dénomination sociale peut être constitutif d'une contrefaçon au sens de la loi anglaise sur les marques de commerce et d'un délit de substitution.


États-Unis : Spamming

La loi « anti-spam » de Washington, inconstitutionnelle ?

[14 mars 2000]  La législation anti-spam de l’État de Washington, une des plus contraignantes parmi les différents états américains, vient d'être déclarée contraire à la constitution.  Le juge Palmer Robinson, du King County Superior Court, rejette la poursuite intentée contre un individu qui avait envoyé des courriers non sollicités, et ce, pour motif d’inconstitutionnalité de la loi.  Selon le magistrat, cette loi viole la section de la constitution américaine traitant du commerce inter-étatique.  Il affirme que cette législation trop restrictive et encombrante (« unduly restrictive and burdensome »).  Le juge explique que cette loi porte davantage préjudice aux commerçants légitimes qu'elle ne favorise les consommateurs.

Cette législation de 1998 interdit les courriers électroniques commerciaux qui affiche dans leur sujet une information trompeuse. Cette loi prohibe aussi les courriels contenant une adresse de retour incorrecte ou dont le chemin de transmission sur Internet a été déguisé.  La loi permet en outre aux personnes physiques ou morales de l’État de Washington, ainsi qu’au Procureur général de cet État, d’intenter un recours civil contre les « spammers ».

Dans cette affaire, le bureau de Christine Gregoire, Procureur général, avait reçu dix-sept plaintes à propos d'un message électronique envoyé par Jason Heckel. Ce message était intitulé : « Get-rich-quick for $39.95 »  (Devenez riches pour 39.95$).

Le bureau du Procureur général compte faire appel du jugement avant le 10 avril.  Regina Cullen, assistante au bureau du Procureur, explique que le Premier amendement de la Constitution américaine protège nullement la parole trompeuse (« misleading speech »).  Selon elle, le fait que l'affaire s'insère dans un contexte de commerce inter-étatique ne change rien à l’étendue de la protection constitutionnelle.

Il faut noter que, depuis l’adoption du texte en 1998, de nombreux spammers ont eu à subir des poursuites judiciaires.  Mais, ces poursuites ont toujours abouti, soit à un règlement hors cour, soit à la condamnation des défendeurs. Nous restons, à l'heure actuelle, dans l'expectative d'une décision de la Cour d'appel.

David Assor

Référence :

Annonce sur ZDNet.com, Chris devoney et David Raikow, "One small victory for spammers..." :
http://www.zdnet.com/zdnn/stories/news/0,4586,2462018,00.html.

Sur le spamming aux États-Unis, voir Éric Labbé, "Spamming et législation américaine : vers un projet fédéral décisif", Juriscom.net, Esapce Professionnels, mars 1999 :
http://www.juriscom.net/espace2/spam1.htm.

Sur le spamming en Europe, voir Lionel Thoumyre, "Spam : quelle réglementation ?", Netsurf, janvier 2000, disponible sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/espace1/chrojur14.htm.


États-Unis : Paris sportifs sur Internet

Affaire World Sports exchange, Cour fédérale de Manhattan, 28 février 2000

[18 mars 2000]  Le 28 février 2000, un jury de la Cour fédérale de Manhattan a condamné un homme de trente trois ans, Jay Cohen, pour avoir exploité une entreprise de paris sportifs sur Internet, la World Sports Exchange, à partir de l'île d'Antigua.  En 1998, vingt-deux propriétaires de ce type d’entreprises ont été accusés d’actes criminels sur la base du Wire Wagner Act.  De ces 22 défendeurs, dix ont déjà plaidé coupable et sept ont disparu des États-Unis.  Jay Cohen est le premier à subir un procès de la sorte.  Le Wire Wagner Act prohibe l’utilisation de lignes téléphoniques pour fins de paris sportifs au plan inter-étatique ou international.  

Benjamin Brafman, l’avocat de la défense, plaidait que ni le fait de parier dans l’État de New-York, ni le fait de recevoir un tel pari dans l’État souverain d'Antigua, constituent un acte illégal.  Il ajoute que cette loi, promulguée il y a quarante ans, ne visait que les actes commis par téléphone.  Dès lors que l’Internet n’existait pas au moment de l’adoption du texte, Me Brafman estime que le champ d’application de cette loi ne peut inclure les communications effectuées dans le "Cyberespace".  Me Brafman achève son plaidoyer en rappelant que le Congrès américain est présentement en train de considérer l’adoption d’un projet de loi, le Kyl bill, qui prohiberait ce type de paris sur Internet. Ceci démontrerait que la gestion des paris sur Internet ne peut être considérée comme illégale dès aujourd'hui.  Mais le juge Thomas P. Griesa a rejeté la requête initiale en irrecevabilité. 

Suite à cette condamnation, Jay Cohen est passible d’un maximum de cinq ans d’emprisonnement pour violation de la loi fédérale, de deux ans supplémentaires pour les sept autres chefs d’accusation reliés,  ainsi que d'une amende de 250 000 $.  Le juge Griesa devra prononcer la sentence de Cohen le 23 mai prochain. 

L’associé du défendeur, Steve Schillinger, un des sept à avoir quitté le pays lors de l’accusation de 1998, maintenait, dans une entrevue effectuée par l'agence Reuters en 1999, qu’il ne commettait aucun acte illégal.  Schillinger expliquait que le gouvernement américain ne pouvait pas avoir compétence sur sa compagnie, World Sports Exchange, puisque celle-ci n’était pas américaine.

Ce jugement va sans doute servir de précédent pour inciter à l’adoption du Kyl bill, projet de loi proposé par le sénateur Jon Kyle de l'Arizona.

À date, l’industrie du pari sur Internet compte 650 sites et devra générer un revenu d’un milliard et demi de dollars cette année.  Ce chiffre atteindra les trois milliards d’ici l’an 2002.  Il y a donc fort à parier que le jugement New-Yorkais fera des remous...

David Assor

Références :

Annonces sur :
- ZDNet.com, Gail Appleson (Reuters), "Offshore Net Gambling takes a hit" :
http://www.zdnet.com/zdnn/stories/news/0,4586,2452956,00.html?chkpt=zdhpnews01 ;
- ZDNet.com, Margaret Kane, "Gambling prohibition a long shot?" :
http://www.zdnet.com/zdnn/stories/news/0,4586,2468521,00.html.


États-Unis : Hyperliens

Affaire Tickets.com

[30 mars 2000]   Effet de mode ou appât du gain, de plus en plus d'entreprises investies sur le Net effectuent des liens vers des sites rivaux pour augmenter leur clientèle.  Une entreprise spécialisée dans la vente de billets de spectacles, Ticketmaster Online-CitySearch inc., a ainsi agi en concurrence déloyale contre Tickets.com pour avoir effectué plusieurs liens profonds vers son site.  Ces "deep linking" envoient les usagers vers des pages secondaires d'un serveur en les détournant de la page de garde (front page) qui contient la plupart des publicités et annonces.  Or, celles-ci sont justement une source de revenus importante pour les exploiteurs de sites Internet, raison pour laquelle ils n'apprécient guère la pratique du deep linking. L’avocat de la demande, Robert Platt, expliquait que ce type d'hyperlinking permet à la compétition d’utiliser à son profit, sans autorisation, le travail sur lequel une tierce entreprise a investie d'importantes sommes d'argent : « If we spend substantial money to build a site, why should they be able to take that and build their business on the backs of our hard work ? ».

Le juge en charge de l'affaire, Harry Hupp, a décidé de rejeter les quatre allégations de la demande en remarquant que les liens profonds ne constituent pas en eux-même un acte de concurrence déloyale. Le juge explique que l’utilisation d’hyperliens ne peut être prohibée : (1) si l’usager comprend qu’il a été renvoyé vers un site différent et (2) si l'entreprise défenderesse n’a pas simplement copié le contenu site d’une autre.

L'avocat de la défense, Daniel Harris, explique que tous les sites ouverts font partie d’une même communauté dans le "Cyberespace".  Il précise également que les sites doivent nécessairement suivre les règles et coutumes en formation au sein de cette communauté libre.

                                                David Assor

Référence : 

Annonce sur Silliconevalley News, "Judge says Internet companies may provide links to rivals" :
http://www.sjmercury.com/svtech/news/breaking/merc/docs/080151.htm ou
http://www.sjmercury.com/svtech/news/breaking/ap/docs/368961l.htm.

Sur les liens hypertextes, voir Lionel Thoumyre, "Liens hors la loi", Netsurf, nº29, août 1998, disponible sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/espace1/chrojur1.htm.


États-Unis : Responsabilité civile du prestataire, clause du bon Samaritain

Affaire Ben Ezra, Weinstein, & Co., Inc. c. America Online Inc., Cour d'appel du 10ème Circuit, 14 mars 2000 - Communication Decency Act (47 U.S.C. § 230)

[30 mars 2000] Dans Ben Ezra, Weinstein, & Co., Inc. v. America Online Inc. [No. 99-2068 (10th Cir., 14 mars 2000)], la Cour d'appel a accordé le bénéfice d'exclusion de responsabilité prévue au paragraphe 230 du Communication Decency Act. AOL était poursuivi en responsabilité civile pour avoir communiqué des côtes boursières erronées via son site Internet dédié aux investisseurs. La cour accorde l'immunité au fournisseur d'accès et décide : 

"Imposing liability on Defendant for the allegedly inaccurate stock information provided by ComStock would "treat" Defendant as the "publisher or speaker," a result § 230 specifically proscribes. In this regard, we agree with the Fourth Circuit's decision in Zeran, 129 F.3d at 327. There, the Fourth Circuit held § 230 barred a plaintiff's suit seeking to hold AOL liable for defamatory speech initiated by a third party. Id. at 330 ("By its plain language, § 230 creates a federal immunity to any cause of action that would make service providers liable for information originating with a third party . . . ."). Accordingly, the district court in this case correctly concluded Defendant is immune from suit pursuant to § 230 and properly granted Defendant's motion for summary judgment."

P-E.M.

Référence :

Texte de la décision disponible sur Findlaw.com :
http://laws.findlaw.com/10TH/992068.html


États-Unis : Délit d'initiés

Plainte de la Security and Exchange Commission

[30 mars 2000] Une plainte vient d'être introduite par la Security and Exchange Commission des États-Unis contre plusieurs personnes ayant développé un réseau d'initiés via Internet. Les personnes incriminées disposaient d'information confidentielle (principalement fusion, acquisition) qu'ils revendaient contre commissions. L'information passait ensuite via des chat rooms à un groupe d'investisseurs composé d'amis, de voisins ou de collègues. Profits en deux ans : $ 8,5 millions.

P-E.M

Références :

Annonce sur USA today, Del Jones, "Old company learns new tricks" :
http://www.usatoday.com/money/bcovmon.htm.

Texte de la plainte (14 mars 2000):
http://www.sec.gov/enforce/extra/freecomp.htm.


États-Unis :  Encodage, liberté d'expression

Junger c. Daley, United States Secretary of Commerce, Cour d’appel du sixième circuit, 4 avril 2000

[11 avril 2000] La Cour d'appel du sixième circuit vient de prononcer son jugement dans l'affaire Junger c. United States Secretary of Commerce [No. 98-4045]. Le demandeur, professeur de son état, avait contesté la constitutionalité de la réglementation américaine limitant l'importation et l'exportation de logiciel d'encodage sur le visa du Premier amendement de la Constitution américaine. Le juge de première instance avait rejeté ses prétentions et refusé de rendre un jugement déclaratoire au motif que le Premier amendement ne pouvait pas être invoqué pour protéger le code source des logiciels d'encodage. Le Premier amendement est gardien de l'expression uniquement et non de la fonctionnalité d'une chose. Toutefois, infirmant la décision de première instance, le juge Weber décide que le logiciel d'encodage, malgré sa nature fonctionnelle, n'en reste pas moins un moyen d'expression. Il renvoie la cause devant la cour inférieure afin qu'elle examine la constitutionalité de la législation américaine. 

“We recognize that national security interests can outweigh the interests of protected speech and require the regulation of speech. In the present case, the record does not resolve whether the exercise of presidential power in furtherance of national security interests should overrule the interests in allowing the free exchange of encryption source code.

Before any level of judicial scrutiny can be applied to the Regulations, Junger must be in a position to bring a facial challenge to these regulations. In light of the recent amendments to the Export Administration Regulations, the district court should examine the new regulations to determine if Junger can bring a facial challenge.

For the foregoing reasons, we REVERSE the district court and REMAND the case to the district court for consideration of Junger's constitutional challenge to the amended regulations.”

P-E.M.

Référence :

Texte de la décision :
http://caselaw.findlaw.com/cgi-bin/getcase.pl?court=6th&navby=case&no=00a0117p.


France : Jeux vidéo, droit moral, oeuvre de collaboration ou oeuvre collective

Affaire J.-V. Vincent c. Havas Interactive Europe (venant aux droits de Coktel Vision SA), S. Schmid, M. Tramis, CA Versailles, 18 novembre 1999

[15 décembre 2000] Dans un arrêt de novembre 1999 la Cour d'appel de Versailles a décidé, relativement à un litige de titularité des droits dans un jeu vidéo :

- le jeu n'est pas une oeuvre audiovisuelle (L. 121-5 et L. 121-6), le producteur ne bénéficie donc pas de la présomption de titularité des droits ;

- il s'agit d'une oeuvre collective et non de collaboration (L. 113-2), la titularité est donc accordée au producteur et non au réalisateur de séquences qui filme des acteurs afin de numériser les images par la suite ;

- le droit au respect de l'oeuvre subsiste au bénéfice de l'auteur même si ce dernier n'est plus titulaire des droits patrimoniaux. 

La Cour d'appel condamnera le défendeur à 75 000 francs de dommages pour violation au droit moral... Non, non, le droit moral n'est pas mort, il vit encore !

P-E.M.

Référence :

La décision d'appel est est disponible sur Legalis.net :
http://www.legalis.net/legalnet/judiciaire/decisions/auteur/arret_ca-versailles_181199.htm.


France : Responsabilité des intermédiaires (fournisseurs d’hébergement), droit à l’image

Affaire Lunda L. c. Sté Multimedia, Sté France Cybermedia, Sté SPPI, Sté Esterel, TGI Nanterre, 8 décembre 1999

[20 décembre 1999] Le 8 décembre 1999, le Tribunal de grande instance de Nanterre condamnait trois hébergeurs pour atteinte au droit à l'image du mannequin Lynda Lacoste dont les photos avaient été reproduites et diffusées sur des sites dédiés à l’érotisme. Originellement réalisés pour une publication dans la presse traditionnelle, les clichés litigieux représentaient la jeune femme dans le plus simple appareil. La plaignante n'en avait toutefois jamais autorisé la publication électronique. Elle a donc assigné en réparation de son préjudice la société SPPI, un éditeur de sites à caractère érotique, ainsi que les sociétés Multimania, Esterel et Cybermédia.

Évoquant les articles 1382 et 1383 du Code civil, le tribunal rappelle que les hébergeurs doivent respecter « une obligation générale de prudence et de diligence » et veiller au  respect du droit des tiers en mettant en œuvre « des moyens raisonnables d'information, de vigilance et d'action. » Il reproche ensuite aux prestataires de n'avoir pas su prendre de mesures raisonnables pour détecter les contenus illicites et les supprimer de leurs serveurs. Le TGI condamne alors les hébergeurs à payer au mannequin environ 220 000 F de dommages et intérêts.

L.T.

Références :

Texte du jugement sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/jurisfr/lacoste.htm.

Annonces sur :
- Juriscom.net, Murielle Cahen, « Les hébergeurs condamnés dans une nouvelle affaire de mannequin » :
http://www.juriscom.net/archives/informations/octdec99.htm ;
- ZDNet.fr, Lionel Thoumyre, « Le tribunal de Nanterre valide le délit d'hébergement » :
http://www.zdnet.fr/actu/soci/a0011976.html.

Sur la responsabilité civile des prestataires, voir Lionel Thoumyre, "Le procès civil des hébergeurs", Netsurf, nº47, février 2000, disponible sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/espace1/chrojur16.htm


France : Responsabilité des intermédiaires (fournisseur d’accès), droit d’auteur

Affaire Groupe Revue Fiduciaire c. EDV, UUNet France, UUNet Technologies Inc., TC Paris, référé, 1er octobre 1999

[20 janvier 2000] La société EDV a reproduit, sans autorisation de l’ayant droit, un article intitulé « Micro-entreprise – choisir le bon régime fiscal » issu de la Revue Fiduciaire. Cette dernière demande au tribunal de commerce de Paris d’ordonner solidairement à EDV, ainsi qu’à ses fournisseurs d’accès, UUNet France et UUNet Technologies Inc. (société de droit américain), de supprimer l’article contrefaisant du site « edvfrance.com ».

Même si l'affaire a fait l'objet d'une entente de règlement puis d'une homologation, le tribunal se prononce sur la mise hors cause des sociétés UUNet au motif suivant :

"(…) les sociétés UUNET et UUNET France ont démonté que leurs seules prestations dans le cas d’espèce consistaient a fournir un accès à leur réseau Internet, et que de ce fait elles ne sauraient être tenues pour responsables de la nature et de la licéité des informations dont elles assuraient la transmissions."

Cette décision a donc le mérite d’appliquer le principe de neutralité des transporteurs d’informations déjà consacré par le traité de l’OMPI en matière de droits d’auteur.

La question restait ouverte pour les fournisseurs d’hébergement dont la responsabilité sera engagée quelques mois plus tard dans la décision « Calimero » (voir ci-dessous).

L.T.

Références :

Texte de l’ordonnance sur le site de l’AFA :
http://www.afa-france.com/html/action/jugement2.htm.

Commentaire sur le site de l’AFA :
http://www.afa-France.com/html/action/diffusion.htm.


France : Droit des marques

Affaire SARL DCLK France, Sté Double Click Inc. c. SA Double Clic, CA Paris, référé, 8 février 2000

[20 février 1999] La société Double Click Internet Advertising (maintenant dénommée DCLK France) et la société Double Click Inc. ont fait appel de l’ordonnance du Tribunal de grande instance de Paris du 15 octobre 1999 qui, non seulement n’avait pas répondu favorablement à leur demande en contrefaçon et en nullité de la marque « Double Clic » appartenant à la société Double Clic (sans « k »), mais les avait également condamné au versement de 80000 F à titre de dommages-intérêts et leur avait interdit de faire usage de leur dénomination en France sous astreinte de 5000 F par infraction constatée. Les sociétés appelantes font état des graves conséquences qu’impliquerait l’application de la décision de première instance sur la survie de la société DCLK France.

La Cour relève que la société DCLK est sollicitée par de nombreuses sociétés françaises et que Double Click Inc. est incontestablement le leader mondial de la publicité sur le réseau Internet. Dès lors que l’audience du site de l’appelante est liée à son nom de domaine, l’abandon du terme « Double Click » et le choix d’un nouveau nom de domaine entraînerait « des conséquences manifestement excessives hors de proportion avec le trouble auquel le tribunal a entendu mettre fin. » Le juge des référés estime donc que la demande en arrêt de l’exécution provisoire est bien fondée et renvoi l’affaire devant sa 4ème chambre section A. Cette affaire sera plaidée à l’audience du 10 mai 2000.

L.T.

Référence :

Texte de l’ordonnance d’appel sur Legalis.net :
http://www.legalis.net/jnet/decisions/marques/ord_ca_paris_080200.htm
.


France : Responsabilité des intermédiaires, identification des éditeurs de services en ligne

Réforme de la loi sur l’audiovisuel relative à la liberté de communication

[30 mars 2000] Le 23 mars dernier, l’Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture un texte visant à « responsabiliser et protéger les hébergeurs de site web ». Ce projet de loi doit encore être voté par le Sénat et sera ensuite soumis pour avis devant la Commission européenne.

Il s’agit d’un remaniement de l’amendement que le député Patrick Bloche avait précédemment proposé à la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le gouvernement a ainsi inséré un nouvel article 43-6-4 qui instaure une « obligation d’identification » à la charge des éditeurs de services en ligne. L’article est ainsi rédigé :

"Article 43-6-4 : Les services de mise en ligne autres que de correspondance privée sont soumis à une obligation d’identification qui peut être directe ou indirecte.

Toute personne dont l’activité est d’éditer un service en ligne autre que de correspondance privée tient à la disposition du public les éléments suivants :

- si elle n’est pas dotée de la personnalité morale, les nom, prénom et domicile de la ou des personnes physiques propriétaires ou copropriétaires ;

- si elle est dotée de la personnalité morale, sa dénomination ou sa raison sociale et son siège social ;

- le nom du directeur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction.

Toutefois, les personnes n’éditant pas à titre professionnel un service en ligne autre que de correspondance privée ont la possibilité de se limiter à la mise à disposition du public de leur pseudonyme et du nom du prestataire chargé de stocker les données de leur service. Dans cette dernière hypothèse, elles doivent communiquer à ce prestataire les éléments d’identification visés au deuxième alinéa ainsi que le pseudonyme qu’elles entendent utiliser.

Est puni de six mois d’emprisonnement et de 50 000 F d’amende le fait de mentionner de faux éléments d’identification.

Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal de l’infraction définie au présent article. Les peines encourues par les personnes morales sont :

- l’amende, suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal ;

- les peines complémentaires prévues aux « 2°, 4°, 9° de l’article 131-39 du code pénal.

Les personnes qui stockent d’une manière directe et permanente pour mise à disposition du public des signaux, des écrits, des images, des sons ou des messages de toute nature doivent s’assurer du respect de l’obligation d’identification directe ou indirecte par les personnes pour lesquelles ils assurent cette prestation.

Est puni de six mois d’emprisonnement et de 50 000 F d’amende le fait, pour les personnes visées à l’alinéa précédent, de ne pas déférer à une demande de l’autorité judiciaire d’avoir accès ou de se faire  communiquer les éléments d’identification visés au présent article.

Le sixième alinéa du 2° de l’article 43 est applicable aux services en ligne autres que de correspondance privée.

Un décret en conseil d’Etat fixera les modalités d’application du présent article."

Cette obligation d’identification à la charge des éditeurs n’apparaissait pas au sein des premières moutures de l’amendement Bloche. Elle semble devoir remplacer l’obligation de déclaration préalable d’un système de communication audiovisuelle auprès du Procureur de la République prévue par l’article 43-1 de la loi de 1986. Rappelons que seulement un millier de sites web avaient fait l’objet d’une telle déclaration et que le CSA avait accepté, en février dernier, que l’on procède à la suppression de cette formalité.

Dans le même temps, le CSA proposait d’instaurer une obligation d’identification à la charge de l’hébergeur sur demande d’une autorité judiciaire. Outre l’obligation qui pèse maintenant sur les éditeurs au sein de l’article 43-6-4, l’article 43-6-2 du projet de loi voté par l’Assemblée nationale répond à l'objectif de cette proposition en refusant d’exonérer les hébergeurs qui, saisi par autorité judiciaire, « n’ont pas agit promptement pour empêcher l’accès [au contenu d’un service en ligne], sous réserve qu’[ils] en assurent le stockage de manière directe ou permanente. »

Par ailleurs, un dernier sous-amendement ajoute une nouvelle hypothèse de mise en œuvre de la responsabilité de l’intermédiaire à l'article 43-6-2. Les prestataires se verraient refuser le bénéfice de l’exemption dès lors qu’ils n’auraient « pas respecté les conditions d’accès [au contenu d’un service un ligne] ou à ses mises à jour telles que déterminées par les titulaires des droits. »

Petit à petit, le destin des prestataires se dessine sous la plume d’un législateur prudent mais quelque peu opiniâtre. Prudent car il doit composer entre le respect de la liberté d’expression et celui des lois en vigueur, sans nuire à l’activité des portiers de la « nouvelle économie » (les intermédiaires techniques). Opiniâtre car il tente encore d’adapter les vestiges de la réglementation des services de communication audiovisuelle aux autoroutes de l’information.

L.T.

Références :

Texte voté par l'Assemblée nationale le 22 mars :
http://www.assemblee-nationale.fr/2/pdf/ta0473-01.pdf.

Communiqué de l'AFA (Association des Fournisseurs d'Accès et de service
internet) :
http://www.afa-france.com/html/action/230300.htm.

Le commentaire de Sébastien Canevet :
http://www.canevet.com/actua/archives/di-125.htm.

Sur la responsabilité civile des prestataires, voir Lionel Thoumyre, "Le procès civil des hébergeurs", Netsurf, nº47, février 2000, disponible sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/espace1/chrojur16.htm.


France : Noms de domaine, droit des marques, distribution sur Internet

Affaire Sony Corporation, S.A. Sony France c. SARL Alifax, TGI Nanterre, 20 mars 2000

[11 avril 2000] Distributeur exclusif des produits Sony, la société Alifax avait enregistré deux noms de domaine reproduisant les marques de Sony Corporation exploitées par Sony France : « espace Sony » et « Sony ». Elle gérait sous le nom « espace-sony.com » un site de commerce électronique dont le développement fut cofinancé par Sony en 1997. Mise en demeure de cesser l’exploitation dans un premier temps, puis assignée devant le Tribunal de grande instance de Nanterre pour contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme, Alifax s’est prévalue du droit d’usage de la marque accordé par le contrat de distribution « à titre d’enseigne et pour l’ensemble des activités commerciales ».

Cependant, le tribunal opère une distinction entre “ le droit concédé par Sony au distributeur (…) simple droit d’utilisation accordé à titre précaire ” et une licence d’exploitation. Il en déduit que les prérogatives accordées par Sony à son distributeur ne lui permettaient pas d’enregistrer les dénominations et marques à titre de nom de domaine et, a fortiori, d’en faire une exploitation au moyen d’un site, et ce malgré la participation aux frais de développement et une connaissance des faits antérieure à deux ans. A cette occasion, le tribunal revient in fine sur la qualification juridique du nom de domaine. Les juges se démarquent sensiblement de l’approche antérieure de la jurisprudence en estimant que “ le droit d’usage (…) ne permet au distributeur que la seule utilisation de la marque à titre d’enseigne (…), il ne justifie pas l’appropriation d’un nom de domaine reprenant les marques ”.

Par ailleurs, les magistrats critiquent le risque de confusion suscité par le site, ce dernier apparaissant comme le site officiel de Sony en France, tant en raison de son adresse qu’au vu de son référencement dans les annuaires et moteurs de recherche. En fait, le tribunal dénonce l’accaparement d’un nom de domaine qui empêche le titulaire de droit de fédérer l’ensemble de son réseau à cette adresse. En définitive, le distributeur a été lourdement condamné : 230 000 francs de dommages intérêts sur le fondement de la contrefaçon de marque, concurrence déloyale et parasitaire.

Cette affaire n’est pas sans rappeler les récents développements provoqués par l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 2 décembre 1999 dans l’affaire Pierre Fabre Dermo Cosmétiques et autres c. M. A..B. Il était question, là aussi, d’un réseau de distribution (sélective cette fois) et les juges ont infirmé une ordonnance de référé du tribunal de commerce de Pontoise en date du 15 avril 1999, condamnant le distributeur à cesser de commercialiser les produits du fournisseur par le biais d’un site de commerce électronique. Il convient de noter qu’en l’espèce, le litige ne portait pas sur l’usage d’un nom de domaine mais sur l’étendue des prérogatives des parties à un contrat de distribution. Enfin, il faut se rappeler qu’une autre affaire avait autorisé l’exploitation d’un site de présentation identifié pourtant sous un nom de domaine reprenant la dénomination sociale de l’employeur : il s’agit du cas Norwich Union France c. J-F.P.

Alexandre Nappey

Références :

Le texte du jugement est disponible sur Legalis.net :
http://www.legalis.net/jnet/decisions/marques/tgi_nanterre_200300.htm.

Pour une approche générale de la distribution sur Internet, voir l’article de Me Thibault Verbiest, « Comment concilier la distribution sélective et Internet », Juriscom.net, Espace Professionnels, février 2000 :
http://www.juriscom.net/espace2/2/ce0218.htm.

L’arrêt Fabre est publié sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/jurisfr/fabre2.htm.

Pour un commentaire :
- de l’affaire Fabre jugée en première instance, voir Yann Dietrich et Alexandre Menais, « La distribution sélective à l’épreuve du commerce électronique », Juriscom.net, Espace Professionnels, mai 1999 :
http://www.juriscom.net/espace2/fabre.htm ;
- de l’affaire Fabre jugée en appel, voir Lionel Thoumyre, "Électrochoc pour le commerce électronique", Netsurf, nº48, mars 2000, disponible sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/espace1/chrojur17.htm.

L’ordonnance de l’affaire Norwich Union est disponible sur Legalis.net :
http://www.legalis.net/jnet/decisions/marques/ord_tgi-bordeaux_120599.htm.


France : Noms de domaine, droit des marques

Affaire A.V .Internet Solution Limited c. R. Pérez et SARL Adar Web, TC Paris, référé, 28 janvier 2000

[11 avril 2000] Le début de l’année 2000 était voué aux litiges consécutifs au fameux bogue : il a surtout été marqué par de retentissantes affaires de cybersquatting. Après la médiatisation du conflit entre « houra.fr » et « houra.com », l’affaire du nom de domaine français d’Altavista a fait sourire plus d’un internaute. Dans le cadre du lancement de son interface francophone, le célèbre moteur de recherche découvrit que le nom de domaine « altavista.fr » avait été réservé par une entreprise française, Raphaël Pérez Conseils, quelques semaines auparavant. La société irlandaise décide alors d’assigner le détenteur du nom de domaine sur le fondement de la responsabilité civile pour atteinte à son nom commercial. En effet, ladite société ne pouvait invoquer de droit sur la marque AltaVista dont elle n’est pas titulaire. Hormis des questions subsidiaires tenant à la procédure, le défendeur développe trois arguments pour se justifier : (1) le respect des règles de nommage édictées par l’AFNIC ; (2) l’absence de risque de confusion ; (3) l’utilisation du nom de domaine à des fins non commerciales.

Cependant, le tribunal met en avant que le nom de domaine a été réservé récemment et que, contrairement aux dires de M. Pérez, il n’a jamais été exploité par un site “ consacré à son voyage au Mexique ”, ni même activé. Les juges émettent donc des doutes sur les affirmations du défendeur compte tenu de sa profession de conseiller en systèmes informatiques. Il était en effet très peu probable que M. Pérez ignore les projets d’implantation en France du célèbre moteur.

Sur le respect de la charte de nommage de l’AFNIC, le jugement est très sévère, comme le fût la presse à l’époque de l’affaire sur le système de réservation des noms de domaine : “ l’attribution du nom de domaine selon la règle “ premier arrivé, premier servi ” et en l’absence d’un mécanisme de vérification préalable efficace, notamment de recherche d’antériorité, est une source de conflits entre les noms de domaine et ceux d’autres identifiants ”. Il est vrai que pour contourner les exigences du nommage en “.fr”, il a suffi au défendeur de modifier son extrait Kbis pour y ajouter la dénomination Altavista. Cela dit, les juges considèrent qu’il y a un abus de droit dans la réservation du nom, caractérisé par les circonstances : la demanderesse établit en effet que M. Pérez lui a proposé le rachat du nom pour 60 000 francs.

Les circonstances étant contre lui, le défendeur pouvait s’attendre à être condamné dans une des rares affaires de cybersquatting ayant opposé un pirate français à une victime étrangère. Mais l’aspect le plus intéressant de cette décision consiste dans le fait pour le tribunal de retenir la faute de la victime. Les juges reprochent en effet à la demanderesse d’avoir “ par sa négligence, contribué à créer, en ne prenant pas, dès l’étude de son projet d’implantation en France, les précautions nécessaires pour s’assurer la réservation du nom de son futur domaine français ”. Plus encore, il est reproché à la firme AV Internet Solutions Limited de ne pas avoir précisé l’état de disponibilité du nom de domaine “ altavista.com.fr ” (accessible sans justificatif), celui-ci étant en l’occurrence libre.

Ces circonstances conduisent le tribunal à considérer que la demanderesse n’est que partiellement bien fondée en sa demande : “ rien ne s’oppose (…) à une utilisation par la société AV Internet Solutions Limited du nom de domaine “ altavista.com.fr ” ”. Le préjudice apparaissant de ce fait amoindri, les juges statuent en équité et, tout en interdisant l’usage du nom litigieux par le défendeur, rejettent les prétentions fondées sur l’article 700 NCPC et laissent aux parties la charge de leurs dépens.

Alexandre Nappey

Référence :

Texte de l’ordonnance sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/jurisfr/altavista.htm.  

Sur le cybersquatting, voir Lionel Thoumyre, "À vos marques !", Netsurf, nº44, novembre 1999, disponible sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/espace1/chrojur13.htm.

Sur les conflits relatifs aux noms de domaine, voir Alexandre Nappey, "Le contentieux judiciaire entre marque et nom de domaine", Juriscom.net, Études et mémoires, 1999 :
http://www.juriscom.net/universite/etudes/domaine.htm.


France : Publicité sur Internet, protection des consommateurs

Affaire SA coopérative « Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne » c. Association « Fédération Logement Consommation et Environnement d’Ile-et-Villaine », Cour d’appel de Rennes, 31 mars 2000

[11 avril 2000] Selon la Fédération Logement Consommation et Environnement d’Ile-et-Villaine, le site de la Compagnie Financière du Crédit Mutuel de Bretagne ne respecte pas les prescriptions de l’article L. 311-4 du Code de la consommation. Cette publicité porte sur une carte de crédit dite « Crédit Préférence » laquelle, au dire de la Fédération, omet de préciser la durée du contrat, la nature et l’objet de l’opération et l’identité exacte du prêteur. Cette dernière assigne donc le Crédit Mutuel de Bretagne en référé pour qu’il soit ordonné la suppression immédiate de la publicité diffusée sur le site Internet www.cm.fr. Le juge de première instance fait droit aux prétentions de la demanderesse et astreint, à peine de 25 000 F par infraction constatée, le Crédit Mutuel de Bretagne à retirer la page litigieuse. La défense fait appel de l’ordonnance devant la Cour d’appel de Rennes en soutenant notamment qu’un site Internet ne constitue pas un support de publicité puisque « l’utilisateur du site doit effectuer des manœuvres volontaires de consultation des documents du site. » Mais le juge d’appel écarte l’argument en précisant que :

"Le fait que le site ne puisse être consulté qu’après abonnement, et au choix du site par l’usager d’Internet, ne change en rien le caractère publicitaire des annonces qui peuvent y être faites. La situation est exactement identique à celle de l’acheteur d’un journal contenant des publicités (…)"

Cet arrêt n’innove guère. Il ne fait finalement que confirmer l’ensemble de la jurisprudence relative à la diffusion sur le Web de messages portant atteinte aux droits des tiers ou à l’ordre public et ce, depuis l’affaire Jacques Brel. Il semble malgré tout affirmer définitivement le caractère public des informations mises à disposition sur un site web :

"La démarche volontaire de celui qui va consulter volontairement un message publicitaire accessible au public d’une manière ou d’une autre ne fait pas disparaître le caractère publicitaire de l’information qui lui est délivrée."

La cour confirme ainsi la solution apportée par le juge de première instance.

 L.T.

Références :

Texte de l’arrêt disponible sur le site Legalis.net :
http://www.legalis.net/jnet/decisions/e-commerce/ca-rennes_310300.htm.


France : Responsabilité des intermédiaires (fournisseur d’hébergement), droit d’auteur, exception de parodie

Affaire Cons. Pagotto et Société Rever c. Monsieur G. et Altern B, TGI Paris, 24 mars 2000

[11 avril 2000] Rendu célèbre par les nombreux procès dont il a fait l’objet depuis l’affaire Estelle H., Valentin Lacambre essuie une nouvelle condamnation pour avoir hébergé un site portant préjudice aux ayants droit du petit poussin noir dénommé Calimero. Dirigé par Monsieur G., le site en question affichait l’effigie du personnage de dessin animé sous le titre « La page française de Calimero » pour présenter un site sadomasochiste pouvant être joint à partir de l’adresse « www.calimero.org ». Saisi par la famille Pagotto, héritière du créateur de Calimero, et la société Rever, le Tribunal de grande instance de Paris devait se prononcer sur l’atteinte aux droits d’auteur attachés au tendre volatil ainsi que sur la contrefaçon de la marque « Calimero », concédée par licence d’utilisation exclusive à la société demanderesse. Mais l’action était également dirigée contre Valentin Lacambre, gestionnaire du service Altern.org, accusé d’avoir hébergé le site litigieux.

Sans contester la matérialité des actes qui lui étaient reprochés, Monsieur G. a soulevé l’exception de l’article L. 122-5-4° du Code de la propriété intellectuelle selon lequel l’auteur ne peut interdire la parodie, le pastiche et la caricature. Mais le tribunal constatent que le nom et le personnage de Calimero sont « reproduits servilement sans ajout ou retrait, sans travestissement », or, la parodie suppose « un travail de démarquage, de travestissement ou de subversion de l’œuvre parodiée, travail que le public perçoit comme tel. » L’exception de parodie ne peut donc pas s’appliquer en l’espèce.

Les juges reprochent ensuite à Valentin Lacambre d’avoir accepté d’héberger un site reproduisant, dans son adresse et son contenu, une marque renommée. Ils admettent qu’il ne peut reposer sur le prestataire « une présomption de connaissance du contenu des sites qu’il héberge », mais ils ajoutent que Valentin Lacambre « ne pouvait pas ignorer le nom de domaine et l’adresse du site de Monsieur G. et donc que ce nom était exclusivement constitué de la reproduction servile d’une marque renommée… », pour engager finalement sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. La mise en œuvre de cette responsabilité semble avoir été renforcée par le maintien d’un lien hypertexte, sur le serveur Altern.org, entre l’ancienne adresse contrefaisante et la nouvelle adresse du site de Monsieur G.

Le tribunal refuse l’appel en garantie de Monsieur G. formé par Valentin Lacambre dès lors qu’aucune clause contractuelle ne le prévoyait. Il condamne finalement l'auteur à 300 000 F de dommages-intérêts et l’hébergeur, in solidum avec l’auteur, au versement de 60 000 F.

L.T.

Références :

Texte du jugement sur Altern.org :
http://altern.org/defense/calimoreau/texte.html
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France : Droit de la presse, procédure pénale

Affaire Jean-Louis C. c. Ministère public, Licra, la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, Mrap et Uejf, Cour de cassation, ch. criminelle, 21 mars 2000

[11 avril 2000] Jean-Louis C. avait formé un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris qui, statuant sur l’exception de prescription dans l’affaire l’opposant à l’Union des étudiants juifs de France et d’autres associations antiracistes, avait considéré que les infractions de presse commises sur le Web prennent un caractère continu.

Dans un arrêt du 21 mars 2000, la chambre criminelle de la Cour de cassation frappe ce pourvoi de nullité sur le fondement de l’article 59 de la Loi sur la liberté de la presse de 1881. Il dispose notamment que "Le pourvoi contre les arrêts des cours d’appel qui auront statué sur les incidents et exceptions autres que les exceptions d’incompétence ne sera formé, à peine de nullité, qu’après le jugement ou l’arrêt définitif et en même temps que l’appel ou le pourvoi contre ledit jugement ou arrêt".

Cette décision, qui peut sembler décevante dans la mesure ou elle reporte sine die l’issue du débat sur le régime de prescription des infractions commises sur le web, est toutefois conforme à la loi et à la jurisprudence antérieure (Ord. Prés. Ch. crim., 6 juillet 1987 : Bulletin criminel, n. 288).

La Cour d’appel doit donc maintenant examiner le débat de fond : des propos volontairement caricaturaux peuvent-ils être considérés comme racistes ? Si la question semble avoir reçu une réponse positive dans l’affaire Patrick Sébastien (Crim, 4 nov 1997, Dr pénal 1998, comm 33, obs M. Véron), elle n’en reste pas moins aussi épineuse que les problèmes de prescription.

Texte de l’arrêt (fourni par Romain Zanolli) :

"Sur la validé du pourvoi :

Attendu que, selon l'article 59 de la loi du 29 juillet 1881, le pourvoi contre les arrêts des cours d'appel ayant statué, en matière de presse, sur les incidents et exceptions autres que les exceptions d'incompétence, ne peut être formé, à peine de nullité, qu'après l'arrêt sur le fond et en même temps que le pourvoi contre ledit arrêt ;

Attendu que l'arrêt attaqué, rejetant l'exception de prescription de l'action, entre dans les prévisions du texte précité ;

Par ces motifs,

CONSTATE que le pourvoi se trouve frappé de nullité ;

ORDONNE que la procédure sera continuée conformément à la loi devant la juridiction saisie."

Alexandre Braun

Références :

Texte de l’arrêt disponible sur Legalis.net :
http://www.legalis.net/jnet/decisions/illicite_divers/ca_paris_210300.htm

Commentaire de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, voir Alexandre Braun, "Les infractions de presse commises sur Internet prennent un caractère continu", Juriscom.net, Espace Professionnels, janvier 2000 :
http://www.juriscom.net/espace2/2/press0110.htm.

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