Rubrique : internautes / le droit
pour tous
Mots clés : hébergement, hébergeurs, prestataires, fournisseurs,
responsabilité
Citation : Lionel THOUMYRE, "Les hébergeurs dans les filets de la justice",
Juriscom.net, octobre 1998
Première publication : Netsurf, n°30, septembre 1998
Les hébergeurs dans les
filets de la justiceUne simple affaire de
photographies diffusées sur le Net a donné lieu au prononcé d'une décision inattendue.
Le statut juridique des fournisseurs d'hébergement semble se préciser. Pourtant, les
débats ne font que commencer.
Lionel Thoumyre
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Encore et
toujours des photos de paparazzi sur le Net. Insidieusement, le propriétaire du site
" Silversurfer " diffusait une vingtaine de clichés représentant Estelle
Halliday dans le plus simple appareil. Leur publication dans la presse avait déjà donné
lieu à plusieurs condamnations. Une nouvelle fois, le célèbre mannequin agit en
référé pour que cesse l'atteinte à l'intimité de sa vie privée. Première cible :
" altern.org ", l'hébergeur des pages litigieuses. Rendue le 9 juin dernier,
une décision du Tribunal de grande Instance de Paris lui ordonne de " mettre en
uvre tous les moyens de nature à rendre impossible toute diffusion des clichés
photographiques ".
Mais l'affaire dépasse la mesure d'urgence. " Le président
Gomez a voulu, je pense, rendre une décision de principe " nous confie Maître
Galvez, l'avocat d'Estelle Halliday. Le magistrat a saisi l'occasion du litige pour se
prononcer de manière générale sur la responsabilité des hébergeurs. " Le
fournisseur d'hébergement a l'obligation de veiller à la bonne moralité de ceux qu'il
héberge, au respect par ceux-ci des lois et des règlements et des droits des tiers
" affirme le juge des référés. Le professionnel devra donc justifier du respect de
ces obligations pour s'exonérer de sa responsabilité. Est-ce à dire que l'hébergeur se
verra appliquer un succédané du statut éditorial ? Rappelons que celui-ci le rendrait
responsable du contenu des sites qu'il héberge comme s'il en était l'auteur principal.
Les victimes pourraient alors systématiquement agir contre lui !
Néanmoins, les avis s'opposent toujours sur la question. A commencer
par ceux des camps adverses. Côté " altern.org ", Maître Lévy affirme que
" la responsabilité du fournisseur d'hébergement ne peut être engagée au titre
de la responsabilité éditoriale. Nous sommes dans le cas d'une diffusion en direct
empêchant la mise en uvre d'un tel régime juridique. " D'où la critique
: " le Président Gomez édicte une obligation à la charge du professionnel qui
le force à censurer préventivement le contenu des pages qu'il héberge. C'est contraire
aux principes de la liberté d'expression. Il ne revient pas au fournisseur d'hébergement
de présumer des délits que son client pourrait commettre. "
Tout semble reposer sur l'assimilation de l'hébergeur au directeur des
publications. Sans celle-ci, l'on ne pourrait légitimement exiger du professionnel le
contrôle a priori des contenus. Or, l'avocat du mannequin est catégorique : " Je
ne vois pas pourquoi ce qui est sanctionné sur un journal ne le serait pas sur le web."
Il ajoute que " le fournisseur d'hébergement est l'équivalent du directeur de la
publication, sans nuances. " Maître Galvez estime que la décision du 9 juin va
dans ce sens et précise qu'elle " constitue un message clair visant à affirmer
définitivement que le Net n'est pas hors-la-loi ".
Les hébergeurs n'ont qu'à bien se tenir ! Certains estiment cependant
que le magistrat n'a fait qu'émettre une opinion personnelle. A moins qu'elle ne soit
confirmée au-delà de la procédure d'urgence, celle-ci ne porterait pas à conséquence.
Pourtant, on ne cesse d'en parler dans les couloirs du Ministère de la justice.
L. T.
Liens :
Texte de l'ordonnance
Voir également sur Juriscom.net :
- Quelle
responsabilité pour les acteurs de l'Internet ?, de Thibault Verbiest ;
- Le mannequin et
l'hébergeur, de Thibault Verbiest et Lionel Thoumyre.
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