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Rubrique : internautes / le droit pour tous
Mots clés : preuves, signatures, contrat, commerce, électronique
Citation : Lionel THOUMYRE, "Preuve et signature numériques", Juriscom.net, octobre 1999
Première publication : Netsurf, n°42, septembre 1999


Preuve et signature numériques

La rapidité des échanges " dématérialisés " s’effectue souvent au détriment de la confiance des acteurs. Il s’agit avant tout d’assurer la force probante du contrat électronique. Une seule solution : reconnaître la signature électronique.

Lionel Thoumyre


Publié dans le magazine Netsurf quelques jours avant qu'un nouveau projet de loi soit présenté devant le Conseil des ministres, le présent article n'aborde pas son analyse. Vous trouverez le projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relatif à la signature électronique dans le bulletin E-Law n°12


Coûteux, envahissant voire archaïque, le papier ne résistera pas longtemps à la révolution du numérique. Un grand bonheur pour les ennemis de la paperasserie. Un grand malheur pour les accros de la plume. Mais, surtout, un énorme doute pour les acteurs du Réseau : comment assurer la preuve d’un contrat à distance dans un contexte juridique fondé pour l’essentiel sur le support papier ?

Prenons l’exemple classique d’une transaction portant sur une chose dont la valeur excède 5000 FF. Selon l’article 1341 du Code civil, la preuve de son existence ne pourra se faire que sur présentation d’un acte rédigé et signé de la main des cocontractants ou d’un notaire. Le formalisme de cette exigence ne laisse a priori que peu de place au message électronique. Fort heureusement, de nombreuses exceptions légales permettent d’assouplir le principe de la preuve écrite. Il est donc permis de produire d’autres moyens de preuve, notamment lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit ou une impossibilité matérielle de se préconstituer un écrit.

La brèche étant ouverte, Maître Théo Hassler, avocat spécialisé dans le droit des NTIC au Barreau de Strasbourg, estime que l’existence d’un simple message électronique doit pouvoir faire jouer la première exception : " A mon sens, le message électronique devrait valoir comme le fax, c’est à dire commencement de preuve pour les actes juridiques, sous réserve toutefois de trouver des adminicules extrinsèques pour le compléter ". D’autres juristes avancent également que la pratique des échanges économiques sur Internet constituent une réelle " impossibilité matérielle " de produire un écrit.

Quoiqu’il en soit, le problème ne devrait pas tant se poser pour le message numérique flanqué d’une signature électronique réputée fiable. Dans ce cas précis, Maître Théo Hassler considère que le message " devrait se voir conférer une force probatoire supérieure à celle de l’écrit classique " car, selon lui, " le risque d’imiter une signature n’existe plus "… tout simplement. Une consécration légale de cette proposition devrait justement rassurer les acteurs économiques.

L’étude du Conseil d’État, délivrée en juillet 1998, préconisait déjà des modifications très précises du Code civil dans le domaine de la preuve écrite. Aussi, la tâche du législateur français est désormais guidée par la proposition de Directive du 18 novembre 1998 relative a certains aspect du commerce électronique, selon laquelle les réformes législatives des États membres ne doivent pas " empêcher une utilisation effective des contrats par voie électronique ", ni conduire " à les priver d’effet et de validité juridique ".

En écho à ces suggestions, la majorité sénatoriale a finalement répondu par un projet de loi en date du 3 mars 1999. Ce dernier propose d’insérer, dans l’article 1334 du Code civil, un alinéa visant à reconnaître " officiellement " la valeur probatoire du message numérique. Deux conditions expresses sont exigées : la fiabilité de la signature électronique qui l’accompagne et la conservation du message sous contrôle du signataire. Les termes de la réforme gagneront certainement à être rediscutés. Mais cette initiative doit être salué dans un contexte où l’insécurité juridique devient insupportable.

L.T.

Liens :

L’intégralité de l’interview  de Maître Théo Hassler

 

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