Publié dans le
magazine Netsurf quelques jours avant qu'un nouveau projet de loi soit présenté
devant le Conseil des ministres, le présent article n'aborde pas son analyse.
Vous
trouverez le projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de
linformation et relatif à la signature électronique dans le bulletin E-Law n°12
Coûteux, envahissant voire archaïque, le papier ne
résistera pas longtemps à la révolution du numérique. Un grand bonheur pour les
ennemis de la paperasserie. Un grand malheur pour les accros de la plume. Mais, surtout,
un énorme doute pour les acteurs du Réseau : comment assurer la preuve dun
contrat à distance dans un contexte juridique fondé pour lessentiel sur le support
papier ?
Prenons lexemple classique
dune transaction portant sur une chose dont la valeur excède 5000 FF. Selon
larticle 1341 du Code civil, la preuve de son existence ne pourra se faire que sur
présentation dun acte rédigé et signé de la main des cocontractants ou dun
notaire. Le formalisme de cette exigence ne laisse a priori que peu de place au
message électronique. Fort heureusement, de nombreuses exceptions légales permettent
dassouplir le principe de la preuve écrite. Il est donc permis de produire
dautres moyens de preuve, notamment lorsquil existe un commencement de preuve
par écrit ou une impossibilité matérielle de se préconstituer un écrit.
La brèche étant ouverte,
Maître Théo Hassler, avocat spécialisé dans le droit des NTIC au Barreau de
Strasbourg, estime que lexistence dun simple message électronique doit
pouvoir faire jouer la première exception : " A mon sens, le message
électronique devrait valoir comme le fax, cest à dire commencement de preuve pour
les actes juridiques, sous réserve toutefois de trouver des adminicules
extrinsèques pour le compléter ". Dautres juristes avancent
également que la pratique des échanges économiques sur Internet constituent une réelle
" impossibilité matérielle " de produire un écrit.
Quoiquil en soit, le
problème ne devrait pas tant se poser pour le message numérique flanqué dune
signature électronique réputée fiable. Dans ce cas précis, Maître Théo Hassler
considère que le message " devrait se voir conférer une force probatoire
supérieure à celle de lécrit classique " car, selon lui,
" le risque dimiter une signature nexiste plus "
tout simplement. Une consécration légale de cette proposition devrait justement rassurer
les acteurs économiques.
Létude du Conseil
dÉtat, délivrée en juillet 1998, préconisait déjà des modifications très
précises du Code civil dans le domaine de la preuve écrite. Aussi, la tâche du
législateur français est désormais guidée par la proposition de Directive du 18
novembre 1998 relative a certains aspect du commerce électronique, selon laquelle
les réformes législatives des États membres ne doivent pas " empêcher une
utilisation effective des contrats par voie électronique ", ni conduire
" à les priver deffet et de validité juridique ".
En écho à ces suggestions, la
majorité sénatoriale a finalement répondu par un projet de loi en date du 3 mars 1999.
Ce dernier propose dinsérer, dans larticle 1334 du Code civil, un alinéa
visant à reconnaître " officiellement " la valeur probatoire du
message numérique. Deux conditions expresses sont exigées : la fiabilité de la
signature électronique qui laccompagne et la conservation du message sous contrôle
du signataire. Les termes de la réforme gagneront certainement à être rediscutés. Mais
cette initiative doit être salué dans un contexte où linsécurité juridique
devient insupportable.
L.T.
Liens :
Lintégralité de linterview de
Maître Théo Hassler