@ccueil / actualité / jurisprudence / chroniques / internautes / professionnels / universitaires

Rubrique : internautes / le droit pour tous
Mots clés : distribution, sélective, commerce, électronique, concurrence
Citation : Lionel THOUMYRE, "Electrochoc pour le commerce électronique", Juriscom.net, avril 2000
Première publication : Netsurf, n°48, mars 2000


Électrochoc pour le commerce électronique

La Cour de Versailles interdit à un distributeur agréé de commercialiser les produits de son fournisseur sur Internet. Cette décision pourrait sembler rétrograde. Elle se justifie néanmoins dans le cadre de la distribution sélective.  

Lionel Thoumyre


Une Cour d’appel s’est prononcée pour la première fois sur une affaire relative au commerce électronique. Lié par plusieurs contrats de distribution sélective avec les laboratoires Pierre Fabre, Alain B. avait entrepris la vente de produits renommés (Klorane, A-Derma et autres Avène) à partir du site Web “ Paraformplus.com ”. Sans doute pensait-il agir dans son bon droit : ses contrats l’incitaient précisément à “tout faire pour développer les ventes” des articles Pierre Fabre. Malheureusement, la société Pierre Fabre estimait que cette initiative était plutôt de nature à lui porter un grave préjudice. Rappelons que la technique de commercialisation par distribution sélective est justement adoptée pour préserver la notoriété d’une gamme de produits. Le fournisseur sélectionne ainsi ses distributeurs en fonction d’aptitudes particulières. Ces derniers doivent alors se conformer aux directives de vente développées par leur cocontractant. 

Tel n’était pas le cas d’Alain B. qui, en dépit d’une mise en demeure, a refusé de stopper la commercialisation de ses produits sur Internet. Pierre Fabre l’assigne alors en référé devant le Tribunal de commerce de Pontoise. Mais la défense conteste aussitôt le caractère contractuel des conditions générales de distribution et de vente, lesquelles étaient simplement exposées sur un document pré-imprimé, ne comportant aucune date, ni signature. Délivrée le 15 avril 1999, l’ordonnance du Tribunal de commerce lui donnera raison en reprochant à la société demanderesse de n’avoir pas su démontrer en quoi la commercialisation au moyen d’un site Internet contrevient aux obligations expressément souscrites par Alain B.

Piqué au vif, la société de cosmétique fait appel de la décision. Contre toute attente, la Cour de Versailles renverse sans compromis le résultat de première instance. Dans un arrêt du 2 décembre 1999, le juge affirme tout d’abord que les relations contractuelles existant entre la SA Pierre Fabre et Monsieur B. “n’ont pas d’influence sur la solution du litige” ! Peu importe qu’elles aient été ou non signées, les obligations mentionnées au sein des conditions générales de vente s’imposent de facto à tous les membres du réseau de distribution. Selon elles, les produits Pierre Fabre doivent être agencés d’une manière spécifique, apparaître dans un point de vente répondant à une image de qualité au sein duquel le vendeur pourra assurer les réponses aux interrogations de sa clientèle. La Cour conclut finalement que la commercialisation sur Internet, pratiquée par Alain B., ne permet pas de remplir les objectifs visés par les laboratoires Pierre Fabre

Une telle décision pourrait porter un coup fatal au commerce électronique des produits de qualité. Yann Dietrich – juriste au Groupe des Ecoles des Télécommunications – nous rassure cependant : “la Cour n’exclu pas que la vente sur Internet remplisse un jour les conditions inhérentes à la commercialisation dans le cadre de réseaux de distribution sélective ”. Il poursuit : “ les réseaux haut débits, tel que le VTHD (vraiment très haut débit) auquel participe le Groupe des Écoles des Télécommunications, permettront un contact personnalisé avec les vendeurs, notamment par visioconférence. La nature même de la vente sur Internet pourrait être bouleversée”. Et d’ailleurs, pourra-t-on encore parler de vente à distance ?

L.T.

Liens :

Arrêt de la Cour d’appel 
Analyse du premier jugement

 

Juriscom.net est une revue juridique créée et éditée par Lionel Thoumyre
Copyright © 1997-2001 Juriscom.net / Copyright © 2000 LexUM