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Rubrique : internautes / le droit
pour tous
Le
Réseau se joue des frontières. La diffusion de contenus demeure toutefois
encadrée par les diverses législations des nations connectées. La France
dispose d’ailleurs d’un corpus de textes imposant destinés à dresser
les contours de la liberté d’expression. Au niveau pénal, l’article 24
de la loi de 1881, initialement prévue pour la presse écrite, interdit
notamment les propos faisant “ l’apologie des crimes contre
l'humanité ” et ceux ayant pour but de provoquer “ à
la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne
ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur
appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race
ou une religion déterminée ”. Maintes fois remaniée, la loi de
1881 s’applique aujourd’hui à tout écrit ou parole diffusée par les
ondes ou sur réseaux télématiques. Il ne fait aucun doute que l’Internet
rentre dans son champ d’application. C’est d'ailleurs sur le fondement de
cette loi qu'un artiste au verbe provocateur a fait l'objet de plusieurs
poursuites pour avoir diffusé des textes de chansons
racistes sur son site web (note : précisons que l'auteur de ces textes n'a
encore subi aucune condamnation pour des raisons liées à des vices de
procédure. En levant la prescription de l'action publique pour les
infractions de presse commises sur le Réseau, l'arrêt
du 15 décembre 1999 de la Cour d’appel de Paris N’y
a t-il donc pas moyen d’échapper à l’application du droit local ?
Beaucoup d’internautes savent qu’un vent de liberté souffle aux
Etats-Unis. En effet, le Premier amendement de la Constitution américaine
limite, dans une certaine mesure, la répression des messages racistes ou révisionnistes.
Dès lors, certains idéologues xénophobes ont choisi de faire héberger
leurs pages litigieuses sur des serveurs situés sur le nouveau continent.
Cette technique ne les met pas à l’abri pour autant. L’article 113-2 du
nouveau Code pénal français stipule précisément que le droit interne
demeure applicable aux infractions commises sur le territoire de la République
lorsque l’un des ses éléments constitutifs y a été perpétré. Ainsi,
peu importe qu’un message raciste provienne d’un serveur argentin,
canadien ou américain. Dès lors qu’il est réceptionné sur notre
territoire, l’auteur du message s’expose à des poursuites sur le
fondement de la loi de 1881. Ce principe a été affirmé par un jugement
correctionnel du
Tribunal de grande instance de Paris, le 13 novembre 1998, à propos de la
mise en ligne d’écrits révisionnistes hébergés sur un serveur aux
Etats-Unis. Les juges français se sont reconnus compétents non seulement
pour traiter du litige, mais aussi pour faire application de la loi française
en matière de presse écrite, rappelant que “ le délit est réputé
commis partout où l’écrit a été diffusé ”. Ce n’est donc
pas la loi du lieu du serveur qui a vocation à jouer en matière pénale,
mais la loi du pays de réception. L’Eldorado informationnel ne serait-il
qu’une Utopie ? Oui et non. Si l’auteur du message se situe lui-même
hors du territoire de la République, il pourrait bénéficier du refus de
l’exequatur du jugement national. Car il ne sera jamais évident
d’obtenir l’exécution des décisions françaises hors frontières et
notamment aux Etats-Unis. Quoiqu’il en soit, un ressortissant français
qui voudrait placer une page illicite au regard du droit interne sur un
serveur situé à l’étranger ne ferait pas un bon calcul. L.T. Liens : |
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Thoumyre |