Il y a quelques mois, je me demandais au sein de cette
même rubrique si lannée 1999 serait effectivement, comme lannonçait avec
enthousiasme la presse à lépoque, une année
" charnière " en terme de commerce électronique. Alors que nous
entamons le dernier tiers de cette année, quel bilan peut-on faire ?
Quelques chiffres
Tout dabord, en ce qui
concerne le Web marchand français, les chiffres témoignent dune progression
plutôt favorable, puisquelle sélève à plus de 30%. En février 1999, on
recensait quelques 700 sites de langue française permettant deffectuer des
commandes en ligne et livrant en France. En juin 1999, on dénombrait environ 1000 sites
répondant à ces trois critères. Le chiffre daffaires mensuel moyen de ces sites
est de 50 000 francs et ce sont linformatique et les voyages qui " se taillent
la part du lion ", représentant à eux seuls 70% des ventes grand public.
Voir http://www.journaldunet.com/99juin/990628bilanecommerce.shtml.
Mais il ne faut certainement pas
se reposer sur ces " lauriers chiffrés "! Les États-Unis ont encore
quelques longueurs davance sur lEurope ou lAsie en la matière. Le
développement tant décrié du B to C, ou commerce électronique grand public,
émane principalement des sites américains. Ainsi, le marché de la vente aux
particuliers, qui sélevait à 8 milliards de dollars en 1998 rien quaux
États-Unis, aurait plus que doublé cette année, franchissant la barre des 20 milliards
de dollars (source : étude du cabinet américain Forrester). Quant au
commerce électronique, pris dans son ensemble, ses revenus devraient connaître une
croissance de 145 % en Amérique du Nord, passant de 15 milliards à 36 milliards de
dollars pour 1999 ! À bon entendeur
et lEurope a
loreille plutôt fine! Dans ce contexte très compétitif, elle a décidé de mettre
les bouchées doubles. Les récentes déclarations du premier ministre anglais Tony Blair
annoncent déjà la couleur.
Dans une dépêche datée du 13
septembre dernier, lAFP reportait les propos du premier ministre de
Grande-Bretagne. Lors dune allocution prononcée à Cambridge, ce dernier sest
engagé à adopter un programme daction composé de 60 mesures. Dans cet objectif,
M. Blair a désigné officiellement le premier " e-envoy ", Alex
Allan, responsable du commerce électronique, " chargé daider les
entreprises britanniques à se préparer à lère électronique ". Et le
premier ministre dinsister : " nous devons adopter Internet
aujourdhui, et non dans quelques années. Si vous [les entreprises britanniques]
ne voyez pas lopportunité quoffre Internet, il deviendra une menace (
)
Si vous nexploitez pas le potentiel du commerce électronique, vous pourriez
faire faillite " !
On comprend, à travers ce
discours musclé, que lAngleterre souhaite rattraper son léger retard face aux
États-Unis ou au Canada. Le Web marchand britannique a pourtant généré cette année
des revenus denviron 10 millions de livres, soit 15 millions de dollars US, ce qui
est nettement supérieur à la moyenne de ses voisins européens ! Mais, dans la
perspective de faire du commerce électronique " un puissant moteur de la
croissance [qui permettrait] de juguler linflation grâce aux économies de
coût quil permet ", le gouvernement britannique entend intensifier ses
efforts.
Côté européen toujours, un
salon dédié au commerce électronique, parrainé par la Commission Européenne, a ouvert
ses portes le 29 septembre dernier à Paris. Intitulé Web Commerce Europe 99, ce
salon accueillait une cinquantaine dentreprises spécialisées dans le domaine, qui
présentaient les dernières solutions applicables et organisaient plusieurs tables
rondes. Entre autres, ont été évoquées les questions relatives à
linfrastructure légale européenne, la certification, la " notarisation "
des échanges électroniques ou encore les infrastructures à clés publiques.
À ce propos, quelles balises
juridiques ont été concrètement posées au cours de cette année 1999 ?
Les balises
juridiques : encore et toujours la confiance
Cest le développement du
commerce électronique et la protection des consommateurs, autre côté du miroir, qui
marquent véritablement cette année 1999. Sécurité et confiance sont sur toutes les
bouches : " La sécurité et sa cousine la confiance sont des conditions
gagnantes nécessaires au développement du commerce électronique
"
Voir article paru dans Multimédium,
" Plus de sécurité avant dacheter en ligne, disent les
québécois ", http://www.mmedium.com/cgi-bin/nouvelles.cgi?Id=2608.
Le ministre responsable de
lInforoute québécoise, David Cliche, a annoncé début septembre la rédaction
dun projet de loi sur le commerce électronique, " (
) pour rassurer
les québécois et nous donner les moyens de faire du commerce électronique dans le
respect des lois et des valeurs sociétales qui tiennent à cur aux gens dici ".
Cette loi serait la réponse directe aux souhaits de la CNUDCI (Commission des Nations
Unies pour le Droit Commercial International) de voir ses pays membres transposer
dans leur droit interne lencadrement du commerce électronique. Elle devrait être
adoptée au printemps prochain.
Dans un communiqué de presse,
publié dans le Devoir du 13 septembre 1999, Jean Monty, président de Bell Canada,
sest prononcé en faveur de lautoréglementation des activités commerciales
sur Internet. " Il faut que les consommateurs aient confiance dans la vente et
dans lachat par Internet. Sils ne sont pas à laise, le commerce
électronique ralentira. Sautoréglementer, ce nest pas de laltruisme.
Cest dans notre intérêt ".
Le 12 septembre dernier avait
lieu à Paris une grande conférence organisée par le GBDe (Global Business
Dialogue on electronic commerce), gigantesque lobby créé en début dannée
pour faire entendre le point de vue du " monde des affaires " dans
lélaboration des normes régissant le commerce électronique. La position de M.
Monty est semblable à celle du GBDe qui préfère la souplesse à une " réglementation
étatique rigide ou conflictuelle ". Bell Canada, précurseur dans ce domaine, a
dailleurs émis son propre Webtrust qui consiste en une série de mesures, de
codes de bonne conduite et de labels garantissant lhonnêteté des marchands
électroniques
En France, le 1er
septembre dernier, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi donnant force
probante à la signature et aux documents électroniques, au même titre que la preuve
littérale, sur papier (Voir Bulletin E-Law
n°12). Cette loi, dont lobjectif est " daccélérer
lentrée de la France dans la société de linformation " devrait
être votée à la fin de lannée et son entrée en vigueur se ferait courant 2000.
Nous rappelons également que la Poste et Sagem ont créé, en août
dernier, la première autorité de certification des messages électroniques, sous
législation française, Certinomis. Jusquà présent, les autorités de
certification de ce genre étaient quasiment inexistantes en France, ou tombaient sous le
coup dautres législations, du fait dobstacles juridiques trop grands.
Désormais, la signature électronique et le développement des infrastructures à double
clé numérique font partie du paysage français.
Cest un projet de loi
identique qui a vu le jour cet été aux États-Unis. Le Digital Signature Act est
actuellement à létude devant le Congrès américain. De plus, la Californie est le
premier état américain à sêtre dores et déjà muni dune loi sur la
signature électronique. À titre danecdote, larticle paru sur le site Multimédium
nous précise que " le projet de loi accordant une reconnaissance légale à la
signature électronique a été entériné par le gouverneur de la Californie, Gray Davis,
électroniquement pour le spectacle, puis à la main pour la postérité ". Ce
texte rend donc légal tout document, contrat ou entente, signé électroniquement, au
même titre que les documents signés manuellement.
Alors, 1999, année charnière ?
Oui, dune certaine manière
Le " cru " juridique est plutôt bon.
Les textes de loi se multiplient, les acteurs professionnels du commerce et
consommateurs se sentent de plus en plus concernés et sorganisent sur la
Toile. Enfin, le commerce électronique prend forme en Europe, se calquant sur le modèle
américain. Cependant, Internet est loin dêtre entré dans les habitudes de
consommation de toutes les populations. De plus, certaines incertitudes subsistent
En attendant les chiffres clé et les prochaines statistiques de Noël, soyons donc
prudents : 1999, année prometteuse !
J. A.