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Rubrique : internautes / revues de presse
Mots clés : commerce, électronique, ventes, achats, bilan 
Citation : Juliette AQUILINA, "Réflexions autour du statut de la la radiodiffusion sur Internet", Juriscom.net, 22 octobre 1999


Commerce électronique : premier bilan

Juliette Aquilina


Il y a quelques mois, je me demandais au sein de cette même rubrique si l’année 1999 serait effectivement, comme l’annonçait avec enthousiasme la presse à l’époque, une année " charnière " en terme de commerce électronique. Alors que nous entamons le dernier tiers de cette année, quel bilan peut-on faire ?

Quelques chiffres…

Tout d’abord, en ce qui concerne le Web marchand français, les chiffres témoignent d’une progression plutôt favorable, puisqu’elle s’élève à plus de 30%. En février 1999, on recensait quelques 700 sites de langue française permettant d’effectuer des commandes en ligne et livrant en France. En juin 1999, on dénombrait environ 1000 sites répondant à ces trois critères. Le chiffre d’affaires mensuel moyen de ces sites est de 50 000 francs et ce sont l’informatique et les voyages qui " se taillent la part du lion ", représentant à eux seuls 70% des ventes grand public.

Voir http://www.journaldunet.com/99juin/990628bilanecommerce.shtml.

Mais il ne faut certainement pas se reposer sur ces " lauriers chiffrés "! Les États-Unis ont encore quelques longueurs d’avance sur l’Europe ou l’Asie en la matière. Le développement tant décrié du B to C, ou commerce électronique grand public, émane principalement des sites américains. Ainsi, le marché de la vente aux particuliers, qui s’élevait à 8 milliards de dollars en 1998 rien qu’aux États-Unis, aurait plus que doublé cette année, franchissant la barre des 20 milliards de dollars (source : étude du cabinet américain Forrester). Quant au commerce électronique, pris dans son ensemble, ses revenus devraient connaître une croissance de 145 % en Amérique du Nord, passant de 15 milliards à 36 milliards de dollars pour 1999 ! À bon entendeur…

…et l’Europe a l’oreille plutôt fine! Dans ce contexte très compétitif, elle a décidé de mettre les bouchées doubles. Les récentes déclarations du premier ministre anglais Tony Blair annoncent déjà la couleur.

Dans une dépêche datée du 13 septembre dernier, l’AFP reportait les propos du premier ministre de Grande-Bretagne. Lors d’une allocution prononcée à Cambridge, ce dernier s’est engagé à adopter un programme d’action composé de 60 mesures. Dans cet objectif, M. Blair a désigné officiellement le premier " e-envoy ", Alex Allan, responsable du commerce électronique, " chargé d’aider les entreprises britanniques à se préparer à l’ère électronique ". Et le premier ministre d’insister : " nous devons adopter Internet aujourd’hui, et non dans quelques années. Si vous [les entreprises britanniques] ne voyez pas l’opportunité qu’offre Internet, il deviendra une menace (…) Si vous n’exploitez pas le potentiel du commerce électronique, vous pourriez faire faillite " !

On comprend, à travers ce discours musclé, que l’Angleterre souhaite rattraper son léger retard face aux États-Unis ou au Canada. Le Web marchand britannique a pourtant généré cette année des revenus d’environ 10 millions de livres, soit 15 millions de dollars US, ce qui est nettement supérieur à la moyenne de ses voisins européens ! Mais, dans la perspective de faire du commerce électronique " un puissant moteur de la croissance [qui permettrait] de juguler l’inflation grâce aux économies de coût qu’il permet ", le gouvernement britannique entend intensifier ses efforts.

Côté européen toujours, un salon dédié au commerce électronique, parrainé par la Commission Européenne, a ouvert ses portes le 29 septembre dernier à Paris. Intitulé Web Commerce Europe 99, ce salon accueillait une cinquantaine d’entreprises spécialisées dans le domaine, qui présentaient les dernières solutions applicables et organisaient plusieurs tables rondes. Entre autres, ont été évoquées les questions relatives à l’infrastructure légale européenne, la certification, la " notarisation " des échanges électroniques ou encore les infrastructures à clés publiques.

À ce propos, quelles balises juridiques ont été concrètement posées au cours de cette année 1999 ?

Les balises juridiques : encore et toujours la confiance…

C’est le développement du commerce électronique et la protection des consommateurs, autre côté du miroir, qui marquent véritablement cette année 1999. Sécurité et confiance sont sur toutes les bouches : " La sécurité et sa cousine la confiance sont des conditions gagnantes nécessaires au développement du commerce électronique…"

Voir article paru dans Multimédium, " Plus de sécurité avant d’acheter en ligne, disent les québécois ", http://www.mmedium.com/cgi-bin/nouvelles.cgi?Id=2608.

Le ministre responsable de l’Inforoute québécoise, David Cliche, a annoncé début septembre la rédaction d’un projet de loi sur le commerce électronique, " (…) pour rassurer les québécois et nous donner les moyens de faire du commerce électronique dans le respect des lois et des valeurs sociétales qui tiennent à cœur aux gens d’ici ". Cette loi serait la réponse directe aux souhaits de la CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International) de voir ses pays membres transposer dans leur droit interne l’encadrement du commerce électronique. Elle devrait être adoptée au printemps prochain.

Dans un communiqué de presse, publié dans le Devoir du 13 septembre 1999, Jean Monty, président de Bell Canada, s’est prononcé en faveur de l’autoréglementation des activités commerciales sur Internet. " Il faut que les consommateurs aient confiance dans la vente et dans l’achat par Internet. S’ils ne sont pas à l’aise, le commerce électronique ralentira. S’autoréglementer, ce n’est pas de l’altruisme. C’est dans notre intérêt ".

Le 12 septembre dernier avait lieu à Paris une grande conférence organisée par le GBDe (Global Business Dialogue on electronic commerce), gigantesque lobby créé en début d’année pour faire entendre le point de vue du " monde des affaires " dans l’élaboration des normes régissant le commerce électronique. La position de M. Monty est semblable à celle du GBDe qui préfère la souplesse à une " réglementation étatique rigide ou conflictuelle ". Bell Canada, précurseur dans ce domaine, a d’ailleurs émis son propre Webtrust qui consiste en une série de mesures, de codes de bonne conduite et de labels garantissant l’honnêteté des marchands électroniques…

En France, le 1er septembre dernier, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi donnant force probante à la signature et aux documents électroniques, au même titre que la preuve littérale, sur papier (Voir Bulletin E-Law n°12). Cette loi, dont l’objectif est " d’accélérer l’entrée de la France dans la société de l’information " devrait être votée à la fin de l’année et son entrée en vigueur se ferait courant 2000. Nous rappelons également que la Poste et Sagem ont créé, en août dernier, la première autorité de certification des messages électroniques, sous législation française, Certinomis. Jusqu’à présent, les autorités de certification de ce genre étaient quasiment inexistantes en France, ou tombaient sous le coup d’autres législations, du fait d’obstacles juridiques trop grands. Désormais, la signature électronique et le développement des infrastructures à double clé numérique font partie du paysage français.

C’est un projet de loi identique qui a vu le jour cet été aux États-Unis. Le Digital Signature Act est actuellement à l’étude devant le Congrès américain. De plus, la Californie est le premier état américain à s’être d’ores et déjà muni d’une loi sur la signature électronique. À titre d’anecdote, l’article paru sur le site Multimédium nous précise que " le projet de loi accordant une reconnaissance légale à la signature électronique a été entériné par le gouverneur de la Californie, Gray Davis, électroniquement pour le spectacle, puis à la main pour la postérité ". Ce texte rend donc légal tout document, contrat ou entente, signé électroniquement, au même titre que les documents signés manuellement.

Alors, 1999, année charnière ? Oui, d’une certaine manière… Le " cru " juridique est plutôt bon. Les textes de loi se multiplient, les acteurs – professionnels du commerce et consommateurs – se sentent de plus en plus concernés et s’organisent sur la Toile. Enfin, le commerce électronique prend forme en Europe, se calquant sur le modèle américain. Cependant, Internet est loin d’être entré dans les habitudes de consommation de toutes les populations. De plus, certaines incertitudes subsistent… En attendant les chiffres clé et les prochaines statistiques de Noël, soyons donc prudents : 1999, année prometteuse !

J. A.

 

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