Canada : Tarif des droits à percevoir pour l'exécution ou la
communication par télécommunication d'uvres musicales ou dramatico-musicales
Décision de la Commission du
droit d'auteur sur la communication des uvres au public par Internet
[27 novembre 1999] La Commission
canadienne du droit d'auteur a été créée par une loi de 1935 qui venait apporter
certains aménagements au système canadien de gestion collective. L'avènement du
phonogramme et de la radiodiffusion sans fil avait déjà fait l'objet d'une concertation
internationale lors de la convention de Rome de 1928 (art. 11 bis), ces nouvelles
technologies participant d'une utilisation massive d'uvres musicales. La Commission
avait donc pour fonction principale d'approuver les tarifs relatifs aux exécutions
public. Depuis lors, la Commission n'a cessé de jouer un rôle croissant dans le système
canadien. Véritable tribunal administratif, la Commission examine et approuve désormais
les tarifs pour la copie privée (régime introduit en avril 1997) et les communications
par télécommunication des uvres musicales qui relèvent, pour partie, des droits
voisins conférés aux producteurs, artistes-interprètes et radiodiffuseurs (également
introduits en avril 1997).
C'est dans ce cadre général que
doit être présentée la décision que la Commission du 27 octobre 1999. La Société
canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) avait déposé,
auprès de la Commission, un projet de tarif pour la communication au public par
télécommunication au Canada d'uvres musicales. Introduite pour les années 1996,
1997 et 1998, cette demande comprenait en son article 22 un projet de redevance pour les
communications d'uvres musicales "au moyen d'ordinateurs ou d'autres
appareils connectés à un réseau de télécommunications". C'est bien entendu
la communication d'uvres via Internet qui est ici visée. À la suite d'une
procédure contradictoire très complète, la Commission a accueilli le projet de tarif
tel que proposé à l'article 22.
Dans ses motifs, la Commission
élucide plusieurs points de droit importants. En effet, un tarif ne peut être accueilli
si aucun droit substantiel n'en supporte l'établissement. Il s'agissait, à cet effet,
d'examiner la portée de l'article 3(1) de la Loi canadienne sur le droit d'auteur qui
octroie à l'auteur le droit de "communiquer au public, par télécommunication,
une uvre [
] musicale". Voici les principales conclusions auxquelles
la Commission est arrivée :
"1)
Une uvre musicale n'est pas communiquée au moment où elle est rendue disponible
sur un serveur.
2) Une uvre musicale est
communiquée par télécommunication au moment où un serveur contenant l'uvre
répond à une demande et qu'il y a transmission de paquets sur l'Internet.
3) Le caractère public ou privé
d'une communication sur l'Internet découle de principes juridiques établis.
4) Il n'est pas nécessaire
qu'une communication soit instantanée ou simultanée pour être une communication au
public.
5)En rendant une uvre
accessible une personne autorise sa communication [
].
9) La personne qui crée un
hyperlien intégré qui renvoie à une uvre autorise la communication de celle-ci.
La personne qui ne fait que fournir un lien que l'utilisateur doit activer ne l'autorise
pas (et n'est donc pas responsable d'une violation de droit d'auteur, nos
parenthèses).
10) Les communication sont lieu
au site du serveur à partir duquel l'uvre est transmise, peu importe l'origine de
la demande ou l'emplacement du site Web d'origine. Par conséquent, pour qu'une
communication ait lieu au Canada, elle doit provenir d'un serveur situé au Canada sur
lequel un contenu a été mis. À ce propos, la communication mise en branle par un
hyperlien intégré a lieu au site auquel le lien conduit"
La Commission explicite chacune
de ces conclusions tout au long des quelques 60 pages de sa décision. Dans son l'ensemble
la décision nous semble juste. Quelques remarques préliminaires seront présentées
brièvement :
- l'application du tarif aux
seules communications d'uvres faites à partir d'un serveur canadien et donc
l'efficacité d'un régime de perception paraît illusoire dès lors qu'il est aisé
d'expatrier des données comportant des uvres protégées. Dès lors
l'établissement de liens automatiques permet d'échapper à la perception de redevance au
Canada.
- la distinction entre un
hyperlien intégré et un hyperlien "passif" (activé par l'utilisateur) est
intéressante mais peu satisfaisante. Nous comprenons que la personne à l'origine du
premier autorise la communication de l'uvre au public alors que la deuxième ne
ferait rien qui impliquerait l'application des règles du droit d'auteur. Dans le premier
des deux cas seulement, si la personne n'est pas titulaire de droit, la création de liens
automatiques contrevient à la loi sur le droit d'auteur, cette prérogative étant
attribuée exclusivement à l'auteur ou à ses ayants droits. Cette distinction est
difficile à soutenir dès le moment où il appartient à l'utilisateur, dans les deux
cas, de provoquer la transmission de l'uvre : soit en se rendant à une adresse
Internet, celle-ci créant automatiquement le lien vers une uvre, soit en cliquant
sur un lien passif. La nature de la communication dans les deux cas ne change donc pas.
P-E.M.
Références :
Texte de la décision sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/jurisca/tarif22.htm.
Annonce sur Multimedium, Jean-François
Codère , " La musique sur Internet officiellement protégée au
Canada " :
http://www.mmedium.com/cgi-bin/nouvelles.cgi?Id=2727.
Cybernote sur Juriscom.net,
Bertrand Salvas, " 22 vlà ltarif ! " :
http://www.juriscom.net/espace1/cb5.htm.
Canada et États-Unis : Noms
de domaine, gestion
Politique de lICANN aux
États-Unis
Transfert de gestion vers lACEI au Canada
[27 novembre 1999] Suite à
la publication du "Livre Blanc" par
le gouvernement Clinton en 1998 et aux recommandations émises par le Comité ad-hoc international sur les noms de domaine
génériques (IAHC), les fonctions d'enregistrement et de gestion des noms de
domaine subissent d'importantes transformations.
La distribution et la gestion des
noms de domaine de type générique (".com", ".org" et
".net") s'effectuaient par le biais d'InterNIC,
une entité du Département du commerce américain. Depuis 1993, cette tâche est
assumée par Network Solutions Inc.
(NSI) en vertu d'une entente entre cette dernière et la U.S.
National Science Foundation. Enfin, la gestion et l'assignation des adresses
numériques IP était dévolue à l'Internet Assigned
Numbers Authority (IANA), une entité à but non-lucratif agissant pour le compte
du Département du commerce américain. Aujourd'hui, ces tâches sont désormais
réunies au sein d'une corporation privée sans but lucratif, l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers
(ICANN).
En transférant la gestion
complète du système de noms de domaine (DNS) à une entité privée, le gouvernement
américain donne suite aux inquiétudes et aux critiques formulées par les internautes
et, également, aux recommandations mises de l'avant par le IAHC. Ainsi, on désire
promouvoir une meilleure concurrence quant à l'attribution des noms de domaine, une plus
grande stabilité de la gestion du DNS face à la croissance imposante d'Internet, tout en
favorisant une participation internationale au processus de gestion.
Formée en novembre 1998, l'ICANN
est, depuis le 10 novembre 1999, l'entité officielle pour la gestion du système des noms
de domaine. Cet organisme prend le relais du Département du commerce américain
pour la coordination du système de serveurs de base ("www"), l'allocation des
adresses IP, la gestion du système de nom de domaine et l'assignation des paramètres de
protocoles. Toutefois, cette transition ne sera complète qu'en septembre 2000, date
prévue pour le transfert officiel.
En ce qui a trait à
l'attribution des noms de domaine, l'ICANN servira de registre principal chargé
d'administrer les domaines génériques (".com", ".net" et
".org") et de maintenir une base de donnée complète sur les enregistrements.
La distribution proprement dite sera effectuée par le biais d'entités accréditées
auprès de l'ICANN. En octobre 1999, il existait déjà onze registraires officiels
se partageant la tâche d'enregistrer les domaines génériques. Quant aux autres domaines
(".gov", ".mil", ".edu" et ".int"), leur gestion
continue d'être assumée par différents organismes américains. Pour l'instant, et ce
jusqu'en 2004, Network Solutions Inc. joue le double rôle de registre et
registraire afin de permettre une meilleure transition.
Au Canada, la gestion du domaine
".ca" sera bientôt transférée vers une autre entité, l'Autorité canadienne sur les enregistrements Internet
(ACEI). Au moment où le gouvernement américain annonçait les grandes lignes de son
"Livre Blanc", des membres de la communauté Internet du Canada se réunissaient
afin de discuter d'une réforme du domaine ".ca". Le Comité consultatif sur le nom de
domaine canadien entreprit alors la transition de la gestion du DNS
canadien.
La nouvelle structure du domaine
".ca" sera quelque peu calquée sur le modèle élaboré par l'entente ICANN-NSI-Département
du commerce américain. L'Autorité Canadienne pour les enregistrements Internet
coordonnera le système des noms de domaine canadien alors que l'obtention d'un domaine
".ca" s'effectuera par la biais de registraires accrédités.
Cependant, contrairement à la
réforme des domaines génériques, on procède également à la révision des critères
d'attribution des noms de domaines canadiens. En effet, les politiques jadis adoptées ont
eu pour effet de pousser un nombre important de requérants vers les domaines
génériques, compromettant ainsi la survie du domaine ".ca".
Quant à la réforme, il semble y
avoir des retards sur l'échéancier prévu. En effet, le document du Comité
consultatif sur le nom de domaine canadien prévoyait que l'Autorité canadienne
sur les enregistrements Internet débuterait ses activités au début de l'année
1999. Or, le registre n'a toujours pas accueilli ses premiers "clients" et la
gestion des noms de domaine est toujours exécutée par CDNnet, un organisme
canadien qui distribue, sur une base volontaire, les noms de domaine. Selon son directeur,
John Demco, l'implantation de l'Autorité canadienne sur les enregistrements Internet
est en voie d'accomplissement mais on ne sait toujours pas le moment où elle pourra être
pleinement active. Entre-temps, les règles du domaine ".ca" continuent de
s'appliquer.
Bruno Ménard
Références :
Nouvelle politique de
lICANN :
http://www.icann.org/udrp/udrp.htm.
Liste des entreprises
accréditées :
http://www.icann.org/registrars/accredited-list.html.
Annonce sur CNet, Courtney
Macavinta, " Domain policy aims to keep fights out of court " :
http://news.cnet.com/news/0-1005-200-805704.html.
Critique de la résolution adoptée
par lICANN sur le site de lEFF, Shari Steele, " EFF Critical
of ICANN's Uniform Dispute Resolution Policy " :
http://www.eff.org/icann_letter_82499.html.
État-Unis : Conflit de
juridiction, casino virtuel
Affaire People c. World
Interactive Gaming Corp., 26 juillet 1999, Cour Suprême de New York, Judge Charles Edward
Ramos
[5 octobre1999] Pari manqué. La
Cour suprême de lÉtat de New York vient denjoindre, en juillet dernier, une
société propriétaire dun casino virtuel de cesser toute activité illégale et de
réparer le tort causé à certains investisseurs du même État. La société
défenderesse, filiale dune société américaine mais régulièrement constituée
selon les lois de lÉtat dAntigua (société dite Off Shore), donnait
accès à un casino virtuel via son site Internet. Strictement réglementées par une loi
étatique, les activités de pari doivent faire lobjet dune autorisation
spéciale. À défaut elles sont prohibées par larticle 9(1) de la loi
constitutionnelle de lÉtat de New York. Objet dun autre chef
daccusation, la société mandatait également des agents téléphoniques afin
dinciter les résidents du même État à acquérir des parts de son capital social.
Là encore un tissu de règles fédérales et provinciales plaçait la défenderesse en
illégalité.
La question essentielle
quà eu à résoudre le juge est celle de savoir si les lois de lÉtat de New
York peuvent permettre de sanctionner une entité légalement formée dans une autre
juridiction et où ces mêmes activités ne sont pas même considérées comme illégales.
Fait intéressant, le candidat joueur, qui désirait sinscrire au casino, devait
respecter certaines exigences en remplissant un formulaire électronique. Si lÉtat
dorigine sélectionné était " New York ", laccès était
instantanément refusé. Ce dispositif technique na pas persuadé le juge de la
bonne foie de la partie incriminée. Se reconnaissant compétent il édicte plusieurs
indices qui justifient sa position :
" Although
at first glance, Internet transactions may appear novel, ''traditional jurisdictional
standards have proved to be sufficient to resolve all civil Internet jurisdictional
issues''[...] Moreover, even without physical presence in New York, WIGC's activities are
sufficient to meet the minimum contact requirement of International Shoe Co. v.
Washington, 326 US 310, 316 [1945]. The nature and quality of the defendant's activity
must be such that ''the defendant purposefully avails itself of the privilege of
conducting activities within the forum state, thus invoking the benefits and protections
of its laws'' (Agrashell, Inc. v. Bernard Sirotta Co.,344 F2d 583, 591 [2nd Cir 1965]).
The use of the Internet is more than the mere transmission of communications between an
out-of-state defendant and a plaintiff within the jurisdiction. "
P-E.M.
Références :
Texte de la décision sur le site de lOffice
of NYS Attorney General :
http://www.oag.state.ny.us/internet/litigation/wigc.html.
Annonce de la décision sur :
- New York Law Journal, Michael A. Riccardi, " Online Gambling
Enjoined in New York " :
http://www.nylj.com/stories/99/07/072699a1.htm ;
- Fedsources.com, " New York Judge Rules Internet Gambling Not Beyond
State Authority " :
http://www.fedsources.com/spotlight/archive/state/s072999-5.asp ;
- Itnews.com, James Ledbetter et Steve Viuker, " Judge locks New Yorkers
out of offshore Web casinos " :
http://itnews.com.au/crn/news/028_030899f.htm.
Réponse à la décision de lInteractive
Gaming Council :
http://www.rgtonline.com/newspage/artlisting.cfm/3451.
États-Unis : Marques de
commerce, noms de domaine
Affaire Hasbro, Inc. c. Clue
Computing Inc., 2 septembre 1999, Cour fédérale de district du Massachussetts,
n° 97 10065
[5 octobre1999] Rares sont les
décisions qui refusent de donner droit aux titulaires dune marque lorsque celle-ci
est utilisée comme nom de domaine par une tierce personne. Assez rare en tout cas pour
que lon signale ce litige mettant en cause la marque " CLUE "
qui à donné son nom au célèbre jeu de détective (Le Cluedo en français) et
où le Colonel Moutarde retrouve Melle Rose assassinée à coups de poignard... à moins
que le coupable ait utilisé une clef anglaise ? Quoi quil en soit, la société Clue
Computing, société unipersonnelle qui plus est, a réussi à convaincre le juge.
Lemploi par celle-ci du nom de domaine Clue.com ne relève ni dun acte de
contrefaçon ni dun acte de dilution et ce, quelque soit le niveau de juridiction
envisagé : provincial ou fédéral. Le juge Woodlock refusera de reconnaître la
confusion au motif que :
" Finally,
the kind of confusion that is more likely to result from Clue Computing's use of the
"clue.com" domain name namely, that consumers will realize they are at the wrong
site and go to an Internet search engine to find the right one is not substantial enough
to be legally significant. "[A]n initial confusion on the part of web browsers is not
cognizable under trademark law." [...] I conclude that, although the need to search
for Hasbro's site may rise to the level of inconvenience, it is not sufficient to raise a
dispute as to actual confusion. The paucity of evidence of reasonable and actual confusion
weighs heavily against Hasbro's ability to show a likelihood of confusion. "
De la même façon il conclut à
labsence de dilution et dénie le caractère célèbre de la marque
" Clue ".
P-E.M.
Référence :
Texte de la décision sur le site Clue.com :
http://www.clue.com/legal/hasbro/d2.html.
États-Unis : Monopole,
position anticoncurrentielle
Affaire United States of
America c. Microsoft Corporation, 5 novembre 1999
[10 novembre 1999] Le juge
Jackson de la cour fédérale du district de Columbia vient de rendre un jugement
préliminaire qui risque d'affaiblir la position hégémonique de Microsoft dans
les domaines de l'informatique et télécommunication.
Par ce "finding of facts"
la cour se réserve la faculté d'apporter ses conclusions dans un mémorandum qui
comportera, le cas échéant, les condamnations et réparations consécutives à la
situation de monopole créée par Microsoft.
Ce jugement de 134 pages qui se
lit comme une saga est intéressant pour plusieurs raisons :
1 - Il définit nombre de termes
techniques et vulgarise le vocabulaire qui échoit à ce domaine spécialisé ; en
particulier, on retrouve des définitions justes et concises des termes Internet et World
Wide Web.
2- La part de marché détenue
par Microsoft pour les PC (personnal computers) compatibles avec les systèmes Intel
avoisine les 95 %. La politique de prix menée par Microsoft empêche toute
concurrence effective dans ce domaine, les standards de compatibilité étant imposés par
Microsoft.
3 - Le juge Jackson insiste sur
le fait que les consommateurs sont mieux informés et construit son exposé sur l'impact
néfaste qu'une telle situation de monopole peut avoir sur l'intérêt du consommateur.
Ces digressions semblent annoncer un jugement sur le fond qui ferait état des
difficultés pour arriver, dans une telle situation, à l'équilibre Intérêt du Public
v. Propriété intellectuelle (voir à ce sujet, http://www.law.library.mcgill.ca/journal/abs/433moyse.htm).
Les droits de propriété intellectuelle vont certainement voir naître en leur sein, dans
le Code civil ou de manière sui generis, des droits de nature consumériste afin
de tenir compte de l'intérêt des utilisateurs (par analogie au consommateur).
4 - Le juge fait ensuite la liste
des situations réelles démontrant un l'abus de position dominante de Microsoft,
soit à cause de manuvres financières, soit encore en raison d'ententes
stratégiques visant à contrôler le marché. Les plus frappantes de ces situations sont
celles mettant en cause le Navigator de Netscape et l'application Java
développée par la société Sun. Afin d'empêcher la distribution de ces
technologies (middleware) Microsoft a retenu des informations sensibles
empêchant ou retardant ainsi les développeurs de Netscape et de Sun de
programmer des versions de leurs produits compatibles avec Windows 95 puis inclut
son propre navigateur Explorer dans les versions de Windows. Comme ces stratégies
n'ont pas suffi, Microsoft mis en place un réseau de licences exclusives afin que
seuls les produits Microsoft soient utilisés. AOL, AT&T, Prodigy,
les plus puissants fournisseurs d'accès à Internet, s'obligèrent ainsi à proposer Explorer
et d'autres produits de la même société à leurs abonnés. Apple et Intel
firent également l'objet de manuvres dissuasives de la part de Microsoft et
concédèrent certaines faveurs au géant de peur d'être évincé du marché de
l'informatique :
"Apple
increased its distribution and promotion of Internet Explorer not because of a conviction
that the quality of Microsoft's product was superior to Navigator's, or that
consumer demand for it was greater, but rather because of the in terrorem effect of the
prospect of the loss of Mac Office. To be blunt, Microsoft threatened to refuse to
sell a profitable product to Apple, a product in whose development Microsoft had
invested substantial resources, and which was virtually ready for shipment."
IBM PC Company IBM PC Company ne fut pas
épargnée. Le juge note que :
"The
discriminatory treatment that the IBM PC Company received from Microsoft on account
of the "software directions" of its parent company also manifested itself in the
royalty price that IBM paid for Windows. In the latter half of the 1990s, IBM (along with
Gateway) paid significantly more for Windows than other major OEMs (Original Equipment
Manufacturers, like Compaq, Dell, and Hewlett-Packard) that were more compliant with Microsoft's
wishes".
5 - Les actions menées par Microsoft
pour conserver et asseoir son monopole ont, constate le juge, porté préjudice non
seulement aux consommateurs en altérant les règles de la concurrence (les privant ainsi
d'un choix et d'une meilleure qualité) mais aussi aux entreprises innovatrices
désireuses de mettre leurs produits en marché :
"Most
harmful of all is the message that Microsoft's actions have conveyed to every
enterprise with the potential to innovate in the computer industry. Through its conduct
toward Netscape, IBM, Compaq, Intel, and others, Microsoft has demonstrated that it
will use its prodigious market power and immense profits to harm any firm that insists on
pursuing initiatives that could intensify competition against one of Microsoft's
core products. Microsoft's past success in hurting such companies and stifling
innovation deters investment in technologies and businesses that exhibit the potential to
threaten Microsoft. The ultimate result is that some innovations that would truly
benefit consumers never occur for the sole reason that they do not coincide with Microsoft's
self-interest".
P-E.M.
Références :
Texte de la décision sur ZDNet.com :
http://www.zdnet.com/zdnn/special/9911msdoj/findfact.html.
Annonce sur Droit-technologie.org,
Thibault Verbiest, " Procès anti-trust contre Microsoft : première
décision " :
http://www.droit-technologie.org/2_1.asp?actu_id=1116293102&month=11&year=1999.
La saga du procès Microsoft retracée sur Libération :
http://www.liberation.fr/microsoft.
États-Unis : Nom de
domaine, droit des marques, spéculation
Anticybersquatting Act
[24 novembre 1999] La Chambre
des représentants américaine a adopté, en octobre dernier, un projet de loi interdisant
la spéculation sur les enregistrements de noms de domaine (cybersquatting). La
Maison Blanche menaçant dexercer son droit de veto sur toute loi interdisant
le cybersquatting, le législateur américain a inséré cette nouvelle loi dans le
Satellite Viewers Act, qui protège les diffuseurs de télévision par satellite.
Ce projet de loi qui est
désormais en examen devant le Sénat américain octroie notamment un recours civil aux
victimes de la spéculation sur les noms de domaines : politiciens, athlètes, acteurs,
etc. Ces dernières pourront intenter, dans le pays où le nom de domaine a été
enregistré, un recours en dommages et intérêt de 100 000$ US contre la ou les personnes
responsables du cybersquattage pour fins de revente, de contrefaçon ou de confusion.
Les opposants au projet de loi
estiment que ces nouvelles dispositions favoriseront les grandes sociétés, titulaires de
marques de commerce déjà déposées et ce, au détriment des petites entreprises
désirant acquérir un droit par lenregistrement dun nom de domaine. Selon
eux, une telle situation contreviendrait au droit à lexpression sur Internet (Internet
Free Speech). A. Michael Froomkin, professeur à lUniversité de Miami, déplore
que ces 100 000$ risquent de servir de moyen de pression lors des mises en demeures
effectuées par les grandes compagnies. Quand bien même les petites entreprises auraient
un droit dutilisation légitime, elles préfèreront rétrocéder leur nom plutôt
que de risquer le paiement de cette forte somme.
La Maison Blanche préfère
pour sa part que tout litige relatif aux noms domaines soit réglé par lICANN (Internet
Corporation for Assigned Names and Numbers). Chargé dadministrer le système
des noms de domaine, cet organisme sans but lucratif vient dadopter une nouvelle
procédure de règlement de différends lorsqu'un nom de domaine est en litige :
" Domaine Name Dispute
Resolution Policy ".
David Assor
Références :
Parcours législatif du
Anti-Cybersquatting Act :
- Techlaw Journal, " House Subcommittee Approves Anti-Cybersquatting
Bill " :
http://www.techlawjournal.com/intelpro/19991012.htm ;
- Techlaw Journal, " House Judiciary Committee Approves
Anti-Cybersquatter Bill " : http://www.techlawjournal.com/intelpro/19991015.htm.
Analyses et critiques du projet de loi :
- New York Times, Jeri Clausing, " Bill on Domain Name Speculation Passes
House " :
http://www.nytimes.com/library/tech/99/11/cyber/articles/10domain.html ;
- New York Times, Jeri Clausing, " House Passes Cybersquatting
Bill " :
http://www.nytimes.com/library/tech/99/10/cyber/articles/27cybersquatting.html ;
- le site de lEFF, " Stop the "Trademark Cyberpiracy
Prevention Act" " :
http://www.eff.org/pub/GII_NII/DNS_control/19991025_hr3028_alert.html.
États-Unis : Droits des
journalistes pigistes, uvre collective, banque de donnée, révision
Affaire J. Tasini, D. Whitford et
autres c. The New York Times Company et autres, Cour dappel du second circuit des
États-Unis, 24 septembre 1999, Chief Judge Winter
[25 novembre 1999] Le débat
portant sur le respect du droit des journalistes confrontés à la diffusion électronique
de leurs uvres a commencé aux États-Unis dès 1993.
I. Historique de
laffaire Tasini
La National Writers Union
(NWU) avait alors porté plainte contre quatre groupes de presse, comprenant notamment le New
York Times, ainsi que deux banques de données. Les occasionnels de la presse,
pigistes et auteurs indépendants, considéraient que les droits quils avaient
cédés pour la version papier de leurs uvres nengageait pas la cession de
leur " droits électroniques ". Ils exigeaient donc que leurs employeurs
obtiennent une nouvelle cession pour la publication de leurs uvres sur support
électronique, en échange dune seconde rémunération. Mais, à loccasion de
louverture de son site Web, le New York Times avait déjà entrepris de faire
signer un contrat à ses freelancers dont les termes stipulaient la renonciation de
leurs droits sur leurs futurs articles.
La question de savoir si les freelancers
pouvaient revendiquer le respect de leurs " droits électroniques "
sera abordée en justice quatre an plus tard à loccasion de la célèbre affaire Tasini
[Tasini and others v. New York Times and others, (1997) 972 F.Supp. 804
(S.D.N.Y.)]. Six journalistes pigistes sopposaient alors au chargement de leurs
articles dans des bases de données et sur CD-ROMs, effectué sans leur accord par les
groupes de presses évoqués ci-dessus. Nous retiendrons plus particulièrement, ici, le
cas du journaliste Whitford lié par un contrat antérieur au magazine Sport
Illustrated (Time Inc.) Leur convention précisait notamment que lauteur
transférait au magazine le droit de première publication sur son article. Sports
Illustrated affirmait que la cession de ce droit comprenait le transfert
implicite des droits électroniques de lauteur, étant entendu que le " first
publication right " désigne le droit de publier sur nimporte quel
médium, y compris les médias électroniques. La cour a rejeté cet argument en
précisant que le droit de première publication expirait dès lors que larticle
avait été publié une première fois sur nimporte quel support. Elle affirme
également que la publication électronique compte bien pour une seconde
publication :
" Because
Whitfords article was " first " published in print, the
electronic reprublication of that article some 45 days later simply cannot have been
" first " ".
Si lon sen était
tenu là, la demande aurait pu être accueillie. Mais, constatant quaucune
convention précise navait été passée entre les journalistes et leurs employeurs
au sujet de lexploitation numérique de leurs droits, la cour a reporté le débat
sur luvre collective. Les demandeurs ont alors avancé quils détenaient
un droit sur leur contribution individuelle que larticle 201 (c) du Copyright Act
de 1976 distingue précisément du droit des exploitants sur luvre collective.
De leur côté, les défendeurs soutenaient que la loi confère au titulaire du droit sur
luvre collective le privilège de procéder à des révisions sur celle-ci. La
cour déboute finalement les journalistes, considérant que la
" révision ", donnant lieu aux CD-ROMs et à la banque de données,
ne portait pas atteinte à leurs droits individuels (pour un commentaire de laffaire
Tasini jugée en 1997, voir David Flint, " Journalists, Copyright and the
Internet ", Business Law Review, n°19, 1998, p. 134).
Cette décision saverrait
particulièrement préoccupante pour la protection des droits des journalistes pigistes.
Elle aurait permis de légitimer toute rediffusion darticles sur Internet, sans
accord préalable des auteurs, sous prétexte que les processus de numérisation et de
mise en page HTML constituent simplement une " révision " de
luvre collective.
II. Le jugement de la Cour
dappel
Le verdict sera néanmoins
renversé par la décision de la Cour dappel du 2nd circuit. Elle
rappelle tout dabord que le privilège de révision permet effectivement à
lauteur dune uvre collective de reproduire et de distribuer les
contributions individuelles des auteurs au sein dune édition révisée. Mais il
doit sagir dune nouvelle édition appartenant à la même collection
(" in the same series "). La cour remarque alors que les bases
de données, pouvant contenir un grand nombre déditions différentes de plusieurs
milliers de magazines, ne peuvent être considérées en elles-mêmes comme une nouvelle
édition appartenant à la même collection. Elle précise plus exactement que :
" An
electronic database can contain hundreds or thousands of editions of hundreds or thousands
of periodicals, including newspapers, magazines, anthologies, and encyclopedias. To view
the contents of databases as revisions would eliminate any need for a privilege for "a
later collective work in the same series" "
Il est également rappelé que le
privilège de révision constitue une exception à la règle générale selon laquelle
lauteur dune contribution individuelle est initialement investi du copyright
sur celle-ci. Or, la cour estime que le fait de considérer une base de données
électroniques comme étant la révision dune uvre collective constitue une
interprétation beaucoup trop large de larticle 201 (c) du Copyright Act américain,
conduisant à faire prévaloir lexception sur la règle générale.
" Second,
the privilege set forth in Section 201(c) is an exception to the general rule that
copyright vests initially in the author of the individual contribution. Reading
"revision of that collective work" as broadly as appellees suggest would cause
the exception to swallow the rule. See Commissioner v. Clark, 489 U.S. 726,
739 (1989) (when a statute sets forth exceptions to a general rule, we generally construe
the exceptions "narrowly in order to preserve the primary operation of the
[provision]"). "
Il découle de lensemble de
ces discussions que le privilège de révision ne permettait pas Time Inc de céder
les articles de Whitford à une tierce entreprise pour leur reproduction électronique.
Laccord de lauteur de la contribution individuelle était donc nécessaire.
L.T.
Références :
Texte du jugement sur Findlaw :
http://laws.findlaw.com/2nd/979181.html.
Sur les précédents de laffaire voir
Yves Eudes, " La cyberfronde des pigistes américains ", Le Monde,
supplément multimédia, 9 septembre 1996 :
http://www.lemonde.fr/multimedia/sem3796/textes/act37964.html.
Laffaire Tasini est retracée
sur le site de la National Writers Union : http://www.nwu.org/tvt/tvthome.htm.
Analyse de laffaire sur le site du bureau Thelen
Reid & Priest LLP, " Second Circuit Addresses Important Copyright Issue
Affecting Online Publications " :
http://www.thelenreid.com/articles/report/rep24_idx.htm.
France :
CNIL, spamming et protection des données personnelles
Rapport de la CNIL du 14
octobre 1999
[25 novembre 1999] Chargée de
veiller au respect de la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à
linformatique, aux fichiers et aux libertés (Journal officiel du 7 janvier 1978
et rectificatif au JO du 25 janvier 1978), la CNIL (Commission Nationale de
linformatique et des libertés) vient dadopter le 14 octobre dernier un
rapport intitulé " Le publipostage électronique et la protection des données
personnelles ". Ce rapport examine la situation des données personnelles au
regard de la Loi Informatique et Libertés et de la Directive 95/46/CE du Parlement
européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes
physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données (Journal Officiel des Communautés européennes du 23
Novembre 1995, n° L. 281, p. 31) relativement au publipostage électronique ou
" spamming ".
Avant de sintéresser au
rapport lui-même, il convient de préciser que le publipostage électronique est
caractérisé par le fait denvoyer par courriel des messages, le plus souvent
commerciaux, à une ou plusieurs personnes sans leur consentement. Cest pourquoi,
nous pouvons dire que le publipostage électronique est susceptible de porter atteinte à
la vie privée. La CNIL explique que la collecte des informations nominatives, dont
ladresse électronique des internautes, peut être envisagée de trois manières.
Premièrement, lutilisation
des informations nominatives enregistrées volontairement par linternaute sur un
site Web semble ne pas poser de problèmes quant à la protection des données
personnelles, linternaute pouvant sopposer à recevoir des messages
commerciaux ou autres de la part du site web auquel il a communiqué ses informations. En
considérant quil ny a pas de violation de la vie privée dans ce contexte ci,
la CNIL réaffirme lexistence dun droit dopposition tout en
admettant la technique du opt-out. En effet, linternaute peut exercer son
droit dopposition soit au moment de lenregistrement de ses informations
nominatives, soit ultérieurement. Cette possibilité offerte aux internautes
sapparente à celle accordée aux abonnées téléphoniques demandant à être
inscrit sur les " listes oranges " ou " listes
rouges " de France Télécom ; ou au système " Stop
publicité " mis en place par la Fédération française des Entreprises de
Vente à Distance ou encore par lAssociation
Canadienne de Marketing Direct.
Deuxièmement, le publipostage
électronique peut employer les informations nominatives contenues dans le fichier
dun site Web qui a été cédé à un ou plusieurs tiers. Cette collecte est licite
dès linstant où linternaute a été informé, au moment de la collecte, de
la finalité et des destinataires du traitement en question, et quil a été mis en
mesure de sy opposer.
Troisièmement, il est possible
de recourir aux informations nominatives diffusées sur les espaces publics
dInternet. On peut donc se demander si cette collecte porte ou non atteinte à la
vie privée des internautes car les informations en questions sont accessibles sur un site
public. Se pose alors la sempiternelle question de la frontière entre la sphère publique
et privée de la vie des individus. Les personnes publiques nont-elles plus de droit
à la vie privée? Une information laissée dans un lieu public nest-elle pas
susceptible de protection? La Directive 95/46/CE, par exemple, semble donner une réponse
en définissant ce quil convient dentendre par données personnelles :
" Est
considérée comme étant une donnée personnelle " toute information concernant
une personne physique identifiée ou identifiable; est réputée identifiable une personne
qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un
numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son
identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou
sociale " (art. 2 a) de la Directive 95/46/CE). "
Par conséquent, on peut
considérer ladresse électronique comme une donnée personnelle devant être
protégée au même titre que lidentité, les convictions religieuse et politique,
etc. de toute personne. Ainsi, le fait dutiliser ladresse électronique
dun internaute recueillie sur un forum de discussion, un annuaire porte atteinte à
la vie privée de ce dernier. En effet, en participant à un forum de discussion,
linternaute exprime son opinion dans un lieu et sur un sujet donné, ce qui ne veut
pas dire quil accepte que son nom, voire ses idées, soient repris dans
dautres endroits, à dautres fins. Cest pourquoi, le Rapport estime que
ce type de collecte est contraire au principe de finalité, dinformation préalable
et dopposition reconnue à toute personne en ce qui concerne la protection de ses
données personnelles.
Au regard de toutes ces formes de
collecte dinformations nominatives, la CNIL recommande non seulement
ladoption et la diffusion de politiques, de codes de bonne conduite, de chartes en
matière de collecte et dutilisation des informations nominatives mis en place par
les acteurs dInternet. La CNIL préconise aussi la reconnaissance de la
technique comme mode de régulation (protocole " no_robot ",
projet P3P).
Pour certains, ces
recommandations peuvent dépasser la mission de la CNIL qui est de veiller au
respect de la Loi Informatique et Libertés. Or, il convient de reconnaître quavec
le développement croissant dInternet, la CNIL doit sécarter de sa
mission en favorisant la prise en compte de pratiques venant compléter, voire suppléer
laction législative des États. Dès lors, en adoptant cette position la CNIL
remplit entièrement sa mission qui est avant toute chose de veiller à ce que
linformatique, et donc Internet, ne porte pas atteinte à la vie privée des
individus, des internautes.
Cynthia Chassigneux
Références :
Le rapport " Le publipostage
électronique et la protection des données personnelles " est disponible sur le
site de la CNIL :
http://www.cnil.fr.
Annonce sur :
- Droit-Technologie.org, Thibault Verbiest, " France et spamming :
la CNIL en faveur de lopt-in " :
http://www.droit-technologie.org/2_1.asp?actu_id=-566134569&month=11&year=1999 ;
- ZDNet.fr, Jérôme Thorel, " La CNIL dénonce le Spam mais ne peut pas
sévir " :
http://www.zdnet.fr/cgi-bin/a_actu.pl?File_ini=a_actu.zd&ID=11413.
Discussion autour du spamming en Europe
sur le forum de Juriscom.net (utiliser le moteur de recherche avec le mot clé
" spam ") :
http://www.juriscom.net/forum/index.htm.
Au sujet du spamming, voir Éric Labbé,
" Le spamming et son contrôle " :
http://www.droit.umontreal.ca/~labbee/.
France : Marque, noms de
domaine, antériorité
Affaire Microcaz c.
Océanet et S.F.D.I., 29 juin 1999, Tribunal de grande instance du Mans, 1ère
Chambre
[20 octobre 1999]
" La propriété de la marque s'acquiert par l'enregistrement " :
tel est le principe posé par larticle L. 712-1 du Code la propriété
intellectuelle. Lenregistrement crée donc la protection. A défaut, aucun droit
privatif sur une marque de commerce ne trouverait à sappliquer. Cette certitude
avait jusqualors alimenté la plupart des actions en justice visant à faire
application de ce droit de propriété sur les noms de domaine incluant une dénomination
protégée.
Mais voici quune décision
du Tribunal de grande instance du Mans vient de tout remettre en question. Les faits sont
relativement classiques : une société, la SARL Microcaz, dépose la marque
" Océanet " auprès des services de lINPI (Institut National de la Propriété
Industrielle). Elle saperçoit quune seconde société, lEURL Océanet,
filiale de la société S.F.D.I., utilise le nom de domaine www.oceanet.fr. Or,
cette dernière exerce une activité de " provider " située en amont
de celle de Microcaz, notamment investie dans la prestation Internet et réseaux.
Le risque de confusion entre les deux sociétés est donc important. Cest pourquoi Microcaz
assigne les sociétés Océanet et S.F.D.I. en contrefaçon de marque. Outre
des dommages et intérêts, elle leur demande naturellement de cesser lutilisation
de la dénomination " Océanet " dans leur nom de domaine. Cette
action aurait eu toute les chances daboutir si le tribunal navait pas reçu
favorablement le subtile détail soulevé par la défense : S.F.D.I. utilisait
la dénomination " Océanet " sur Internet dès la mi-juillet 1996
alors que le dépôt de Microcaz ne remonte, lui, quau 2 septembre 1996. En
de pareil circonstances, le tribunal a estimé que le
" contrefacteur " nétait pas la S.F.D.I., mais
bien plutôt la société demanderesse !
" Il
résulte de ce qui précède que la société S.F.D.I., aux droits de laquelle vient
l'E.U.R.L OCEANET, utilisait la dénomination OCEANET comme nom de domaine dès la
mi-juillet 1996, soit antérieurement au dépôt par la demanderesse de sa marque complexe
reprenant cette dénomination. Par suite, même si son caractère frauduleux n'est pas
établi par les pièces du dossier, ce dépôt a été effectué en contravention avec les
dispositions de l'article L. 711-4 du C.P.I. et la marque déposée le 2 septembre 1996
sous le numéro 96640553 ainsi que son renouvellement effectué le 16 juin 1998 sous le
numéro 98737606 seront déclarés nuls pour indisponibilité du signe. "
Au regard de labondante
jurisprudence antérieure, Microcaz ne devait pas sattendre à un tel
retournement de situation. La présente décision mérite donc une attention toute
particulière, tant au niveau du droit quau niveau des faits.
Au niveau du droit, le principe
général demeure fixé par larticle L. 712-1 CPI : pas denregistrement,
pas de droit sur la marque. Pour autant, ce principe se limite à la marque de commerce et
ne sapplique pas, a priori, à une enseigne, un nom commercial ou a une
dénomination sociale. Or, aux termes de larticle L. 711-4 CPI, celui qui les
utilise est réputé avoir acquis des droits sur celles-ci, antérieurement à
lenregistrement dune marque, sous certaines conditions :
Extrait de
larticle L. 711-4
" Ne peut être adopté
comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :
a) A une marque antérieure
enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris
pour la protection de la propriété industrielle ;
b) A une dénomination ou raison
sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;
c) A un nom commercial ou à une
enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion
dans l'esprit du public ; (
) "
Pourquoi le nom de domaine ne
pourrait-il pas être qualifié de dénomination sociale ou denseigne ? Cette
interprétation du tribunal en vaut bien une autre. Dans une certaine mesure on se
rapproche ici des solutions en vigueur dans lAmérique du Nord où
lutilisation confère par elle-même un véritable droit sur une marque (article 3
de la Loi canadienne sur les marques de commerce). La portée de cette décision risque
donc dêtre considérable. Nous conclurons sur cette question : quel sort devra
être réservé aux enregistrements de marques effectués postérieurement à
lutilisation dune dénomination similaire au sein dun nom de
domaine ?
Enfin, au niveau des faits, la
décision semble cette fois-ci bien plus critiquable dans la mesure où il semble y avoir
eu une véritable confusion entre la notion de " nom de domaine " et
celle de " mise en ligne ". Le tribunal relève essentiellement que le
site de la S.F.D.I. était bien activé dès la mi-juillet 1996. Mais à aucun
moment nous ne pouvons lire dans la décision que la S.F.D.I. utilisait le nom de
domaine www.oceanet.fr ou même www.oceanet.com quelle avait vainement essayé
dobtenir aux Etats-Unis avant la date de constitution de lEURL Océanet,
à savoir le 11 septembre 1999. Avant cette date, le site était sans aucun doute mis en
ligne sous un autre nom de domaine, ne comportant par la dénomination
" Océanet ". Il nous apparaît donc erroné de conclure que
" la société S.F.D.I. (
) utilisait la dénomination Océanet comme
nom de domaine depuis la mi-juillet 1996 ". La décision fait
dailleurs lobjet dun appel qui sélève contre cette
" erreur de faits ".
L.T.
Références :
Texte du jugement disponible sur Juriscom.net :
http://www.juriscom.net/jurisfr/oceanet.htm.
Annonce sur ZDNet.fr, Yann Dietrich,
" Nom de domaine ou marque déposée, c'est l'antériorité qui
compte " :
http://www.zdnet.fr/actu/busi/a0011328.html.
Sur les questions relatives à lacquisition
dun droit sur la marque par son utilisation (au Canada), voir Pierre-Emmanuel Moyse,
" Noms de domaine : un pavé dans la marque ", 1997 :
http://www.droit.umontreal.ca/fqculte/cees/doc/moyse_01.html.
Travaux universitaires sur les noms de domaine et
le droit des marques en France :
http://www.juriscom.net/universite/memoires.htm.
France : Diffamation,
responsabilité des hébergeurs
Affaire AXA c/ Monsieur
Christophe M., Monsieur Christophe Sapet (Infonie), 28 septembre 1999, Tribunal de grande
instance de Puteaux
[29 novembre 1999] Il y a tout
juste un an, le 20 novembre 1998, les sociétés AXA-UAP et FINAXA
faisaient constater par huissier lexistence dun document aux allures
diffamatoires accessible sur le site personnel de Christophe M., hébergé chez Infonie.
Les sociétés ont donc assigné à la fois le Président du Conseil dadministration
dInfonie, en tant quauteur principal, et Christophe M. comme complice.
Le Tribunal de grande instance de
Puteaux établit facilement la mauvaise fois de Christophe M. pour qualifier de
" diffamatoires " les propos contenus au sein du document litigieux.
Mais lintérêt de laffaire réside dans laction en responsabilité
contre le Président dInfonie en tant quauteur principal. Assurément,
les dispositions de larticle 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 prévoient que le
directeur de la publication engage sa responsabilité en tant quauteur principal
toutes les fois que le message diffamatoire a fait lobjet dune fixation
préalable à sa communication au public. Larticle 93-2 précise aussi que,
" lorsque le service est fourni par une personne morale ", le
directeur de publication est bien " le président que directoire ou du
conseil dadministration ". Les juges rappellent néanmoins que le
directeur dun service de communication audiovisuelle est, avant tout, " celui
qui peut exercer son contrôle avant la publication, celui qui a la maîtrise du contenu
du service ". Le Président dInfonie peut-il donc être investi
de ce rôle ? La réponse du tribunal sera négative pour quatre raisons
principales :
1.- le fournisseur de contenus
informationnels nest autre que le créateur de la page personnelle, cest à
dire lauteur des propos diffamatoires ;
2.- lhébergeur ne possède
aucun maîtrise sur le contenu des informations avant leur mise en ligne ;
3.- le critère de la fixation
préalable ne peut être rempli dès lors quil nexiste aucun délai entre le
transfert de fichiers effectué par labonné sur son site Web et la mise à
disposition du public du contenu de ces fichiers.
4.- la loi de 1982 édicte une
responsabilité " alternative et non cumulative " entre lauteur
et producteur du service. Ce dernier ne peut donc être poursuivi comme auteur principal
si lauteur de lécrit a également été attrait dans la cause.
Voici quelques extraits
significatifs :
" Le
fournisseur dhébergement nintervient en aucune façon sur lémission
des données, il ne peut pas même en déterminer le thème ni le sujet. Il ne peut non
plus ni sélectionner, ni modifier les informations avant leur accessibilité sur
lInternet. "
" (
) le
transfert de la page personnel créé par labonné à partir de son ordinateur vers
le répertoire mis à sa disposition est effectué à une vitesse électronique
extrêmement rapide, dune durée de lordre de quelques centièmes de seconde
ou dixièmes de seconde de sorte que le fichier transféré par labonné est
accessible sur le réseau Internet immédiatement après la fin de son transfert par
labonné. "
" (
) il
apparaît que le fournisseur dhébergement de pages personnelles na aucune
maîtrise sur le contenu des informations avant que celles-ci ne soient disponibles sur
lInternet. Il sen déduit que le fournisseur dhébergement des pages
personnelles ne peut être considéré comme un directeur de publication ".
" (
) Une fois le
traitement informatique douverture du site personnel de labonné effectué, il
nexiste aucun délai entre lopération consistant pour labonné à
transférer un fichier créé par lui et son accessibilité sur Internet. Ce transfert se
produit de manière automatique. (
) Le fichier modifié ou ajouté sur le site
de labonné nest pas stocké ou fixé par la société Infonie avant sa
mise en ligne par labonné sur les pages personnelles ".
Cette décision met donc fin au
mythe selon lequel lhébergeur doit assumer la responsabilité éditoriale définie
par la loi de 1982. Jusqualors, les précédents jugements refusaient de se
prononcer clairement sur ce sujet. Laffaire Valentin Lacambre navait
dailleurs fait quembrouiller les commentateurs en raison des circonstances
particulières quelle présentaient : lhébergement dun site
anonyme et la mise en cause ambiguë de lhébergeur (sagissait-il de la mise
en uvre de la responsabilité de droit commun ou de la responsabilité
éditoriale ?). Il nous faut donc saluer la précision et la rigueur de la présente
décision.
L.T.
Références :
Texte de la décision disponible sur le site
de lAssociation des fournisseurs daccès (AFA) :
http://www.afa-france.com/html/action/jugement.htm
Décision annoncée et commentée sur :
- Le site de lAssociation des fournisseurs daccès (AFA),
" Diffamation par une page personnelle, le fournisseur d'hébergement n'est pas
directeur de la publication " :
http://www.afa-france.com/html/action/diffamation.htm
;
- Le Journal du Net, Philippe Guerrier, " Affaire Axa contre Infonie: un
bon point pour les hébergeurs " :
http://www.journaldunet.com/9910/991004infonie.shtml ;
- Droit-technologie.org, Philippe Vanlangendonck, " Responsabilité des
hébergeurs: l'affaire AXA/INFONIE " :
http://www.droit-technologie.org/2_1.asp?actu_id=-443910340&month=10&year=1999 ;
- Droit-technologie.org, Thibault Verbiest, " Affaire Axa/Infonie (suite)
: contraire à un arrêt de la Cour de cassation de France ? " :
http://www.droit-technologie.org/2_1.asp?actu_id=1668734349&month=10&year=1999.
France : Base de données,
extraction et réutilisation illicite
Affaire SA PRLine c. SA
Communication & Sales et SARL NewsInvest, 4 octobre 1999, Tribunal de grande instance
de Nanterre
[25 novembre 1999] Soulevée au
cours des affaires Electre (E-Law
10) et France Télécom (E-Law
12), la question de la protection des bases de données sur réseaux électroniques
ressurgit lors dun litige opposant deux sociétés spécialisées dans la diffusion
dinformations financières.
La SA PRLine retransmet
sur son site Internet des communiqués de presse provenant dentreprises côtés en
bourse. De son côté, la société Newsinvest diffuse le même type de
communiqués, ainsi quun certain nombre dinformations en provenance de la Commission
des opérations boursières (COB). Les deux entreprises coexistaient paisiblement
jusquà ce quun constat des agents de lAPP (Agence pour la
protection des programmes) confirme les doutes de la première société : plusieurs
communiqués présentés sur le site de Newsinvest émanent directement du serveur
de PRLine. Celle-ci assigne alors Newsinvest en référé sur deux moyens :
lagissement parasitaire et la protection des bases de données. Le juge ne
sintéressera quà la seconde question à propos de laquelle la défense
représentée par Maître Yves Sexer lui demande de constater :
1.
" que les communiqués financiers font partie de l'information financière
publique diffusée par les sociétés cotées ;"
et
2.
" que le coût de constitution d'une prétendue base de données constituée de
ces communiqués publiques provient du coût de numérisation de ces données, qui est
faible et qu'il est sérieusement contestable que le contenu du site de PRLINE ait
nécessité des investissements financiers matériels ou humains substantiels. "
La première conclusion visait à
nier lexistence dun quelconque droit dauteur sur les communiqués de
presse. Ceux-ci sont dailleurs considérés par la COB comme des
informations publiques. Cependant, PRLine ne prétendait aucunement détenir un
droit de propriété incorporel sur lesdits communiqués. La demande entendait simplement
protéger son travail par la mise en uvre des droits " sui
generis " conférés par la nouvelle législation du 1er juillet
1998, à savoir : le droit dinterdire l'extraction du contenu de la base de
données et la réutilisation " par la mise à la disposition du public de la
totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle "
de ce contenu (article L. 342-1 CPI). Précisons toutefois que le bénéficie de la
protection ne peut jouer que si lélaboration de la base de donnée témoigne
dun investissement substantiel.
Article L.
341-1
" Le producteur d'une
base de données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque des
investissements correspondants, bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque
la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un
investissement financier, matériel ou humain substantiel. "
Cest pourquoi la défense
conteste, en second lieu, lexistence dune protection au bénéfice de PRLine
sur sa " prétendue base de données " en dévalorisant les
investissements effectués par lentreprise.
Mais le juge des
référés nétant que juge de lévidence le tribunal se refuse à
déterminer lexistence dun investissement substantiel. Il remarque simplement
le sérieux de la contestation et renvoie les parties à se pourvoir sur le fond. Maître
Nicolas Courtier, lavocat de PRLine, nous confie cependant quil
ne sera pas utile de poursuivre la procédure, dès lors que, suite au constat des agents
de lAPP, Newsinvest a cessé toute reprise des communiqués
diffusés par PRLine. La question de savoir si lélaboration de la base de
données remplissaient bien les exigences de larticle L. 341-1 nen demeure pas
moins intéressante. Certes, il aurait été bien difficile dadmettre que le coût
de numérisation des données suffisait à déterminer un effort substantiel.
Linvestissement de PRLine se limitait-il néanmoins à cette simple
opération ? Leffort humain et financier aurait sans doute pu se révéler, par
exemple, dans le fait denvoyer des commerciaux en quête des communiqués de presse.
L. T.
Référence :
Texte du jugement :
http://www.juriscom.net/jurisfr/newsinvest.htm.
|