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Rubrique : chroniques francophones / volume 1

5 juin 1999


La mise à disposition de pages Web est-elle dangereuse ?

 

Gérard HAAS

Olivier de TISSOT

DJCE - Docteur en droit

HEC - Docteur en droit

Avocat à la Cour

Professeur à l' ESSEC

 

L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 10 février 1999 dans l'affaire Estelle H. / Valentin L. a, pour la première fois en France à ce niveau, retenu la responsabilité d'un fournisseur d'hébergement du fait du contenu - des photos dénudées, portant atteinte au droit à l'image et à l'intimité de la vie privée d'Estelle Hallyday - des pages d'un site Web hébergé sur son serveur, et en a déduit qu'il devrait supporter la charge des dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice subi par Estelle. H.

L'analyse des motivations de cet arrêt à la lumière des divers textes de lois régissant la communication audiovisuelle doit permettre de préciser les règles juridiques gouvernant les responsabilités respectives du fournisseur d'hébergement et du propriétaire du site, ou des pages Web, hébergés par rapport aux tiers dont les droits pourraient être violés par le contenu du dit site.

Une fois ces règles établies, on pourra alors savoir comment le fournisseur d'hébergement devra d'une part rédiger le contrat le liant à son client de façon à éviter que les fautes de ce dernier n'engagent sa responsabilité et, d'autre part, agir lui-même en cas de plainte d'un tiers du fait du contenu du site hébergé.

 

1. Analyse de l'affaire Estelle H. c/  Valentin L.

Pour bien comprendre l’étendue du problème, cette analyse sera conduite au regard de la décision du juge des référés du 9 juin 1998 puis de l’arrêt de la Cour d’appel du 10 février 1999.

1.1. La décision du juge des référés du 9 juin 1998

Le site Web dénommé "www.altern-org/silversurfer", hébergé par le serveur "altern-org" appartenant à Valentin L., diffusait 19 photos d'Estelle H. la représentant partiellement ou totalement dénudée sans en avoir reçu l'autorisation de cette dernière.

Estelle H. saisit donc le juge des référés de Paris d'une demande de condamnation de Valentin L. en qualité de fournisseur d'hébergement à :

  • l'interdiction sous astreinte de 100.000 francs par jour d'implanter le service litigieux sur un site ou un serveur tiers et de poursuivre de façon quelconque la diffusion des 19 photos litigieuses sur le réseau Internet;

  • la publication de la décision à intervenir dans le Monde, Libération, trois périodiques spécialisés sur l'informatique, une revue sur Internet, et l'insertion de la décision sur les pages d'accueil des serveurs et des sites du défendeur;

  • le paiement d'une provision de 500.000 francs pour le préjudice qu'elle avait subi dans sa vie privée et professionnelle;

  • le paiement de 50.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile..

1.1.1. Position d’Estelle H.

Estelle H. fondait ses demandes sur deux arguments :

  • la numérisation et la diffusion illicites des photos litigieuses portaient atteinte à l'intimité de sa vie privée, lui causant ainsi un important préjudice tant professionnel que personnel ;

  • en tant qu'hébergeur du site "Silversurfer", Valentin L. était responsable dudit site et astreint, en vertu de l'article 43 de la loi du 30 septembre 1986, à déclaration préalable au CSA et au Procureur de la République.

Le juge des référés refusa de condamner Valentin L. à payer une provision sur des dommages-intérêts, en estimant que "la procédure de référé ne permet pas l'organisation d'un débat complet et contradictoire" sur la responsabilité des fournisseurs d'hébergement du fait du contenu des sites hébergés, et en renvoyant donc Estelle H. à saisir le juge du fond de sa demande de dommages-intérêts.

Mais, il n'en estima pas moins que, vu l'urgence, il y avait lieu de faire injonction à Valentin L., sous astreinte journalière de 100.000 francs, "de mettre en œuvre tous les moyens de nature à rendre impossible toute diffusion des clichés photographiques en cause à partir de l'un des sites qu'il héberge".

S'il refusait de statuer sur le problème des dommages-intérêts, le juge des référés n'en précisait pas moins dans les motifs de son ordonnance que :

-" le fournisseur d'hébergement a l'obligation de veiller à la bonne moralité de ceux qu'il héberge, au respect par ceux-ci des règles déontologiques régissant le Web, et au respect par eux des lois et de règlements , et des droits des tiers..."

- "s'agissant de l'hébergement d'un service dont l'adresse est publique et qui est donc accessible à tous, le fournisseur d'hébergement a, comme tout utilisateur du réseau, la possibilité d'aller vérifier le contenu du site qu'il héberge et en conséquence de prendre le cas échéant les mesures de nature à faire cesser le trouble qui aurait pu être causé à un tiers"...

- "pour pouvoir s'exonérer de sa responsabilité, le fournisseur d'hébergement devra donc justifier du respect des obligations mises à sa charge, spécialement quant à l'information de l'hébergé sur l'obligation de respecter les droits de la personnalité, le droit des auteurs, des propriétaires de marques, de la réalité des vérifications qu'il aura opérées, au besoin par des sondages, et des diligences qu'il aura accomplies dès la révélation d'une atteinte aux droits des tiers pour faire cesser cette atteinte."

On pouvait donc en conclure que les devoirs du fournisseur d'hébergement vis à vis des tiers consistaient en trois types d'obligations:

Les 3 devoirs du fournisseur d'hébergement vis à vis des tiers

  • 1°- Informer le propriétaire du site hébergé de son obligation de respecter les droits des tiers, et notamment des droits de la personnalité et des droits de propriété intellectuelle ;

  • 2°- Vérifier régulièrement que les sites hébergés respectent bien les droits des tiers ;

  • 3°- Agir immédiatement contre le site qui violerait les droits d'un tiers. Le juge ne précise pas comment, mais on peut supposer qu'il imaginait une mise en demeure au propriétaire du site de mettre fin à cette violation, ou même une fermeture unilatérale du site, par exemple.

1.1.2. Observations

Bien que la décision du juge des référés lui ait été favorable en ce qui concerne les dommages-intérêts réclamés par Estelle H., Valentin L. fit appel sur l'injonction sous astreinte qui lui était faite par le juge.

Sa stratégie consistait a faire juger qu'il n'avait aucune obligation légale de contrôler le contenu des sites qu'il hébergeait (il en hébergeait plus de 47.500, selon ses dires). Mais ceci permit aussi à Estelle H. de faire un appel incident sur sa demande d'indemnité provisionnelle.

1.2. L'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 10 février 1999

1.2.1. Position Valentin L.

Pour faire réformer l'ordonnance du 9 juin 1998, Valentin L. soutint trois arguments devant la Cour d'appel :

  • 1°- Le site Web "Silversurfer" avait été fermé par lui-même dès avant la décision du juge des référés, ce qui rendait sans objet l'injonction sous astreinte qui lui était faite par l'ordonnance;

  • 2° Le juge des référés prétend lui imposer une obligation de contrôle sur le contenu d'un site qu'il héberge, alors que cette obligation ne pèse que sur le responsable légal du site. Or, ni la loi sur la presse, ni le droit commun ne lui attribuent cette qualité de responsable légal ;

  • 3° Même s'il était considéré comme directeur de la publication du site hébergé, au sens des lois du 29 juillet 1982 et 30 septembre 1986, l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 interdirait qu'il soit poursuivi car les pages Web incriminées ne font pas l'objet d'une fixation préalable à leur communication au public (ce qui interdit qu'il puisse exercer un contrôle sur leur contenu avant leur communication au public).

1.2.2. Position Estelle H.

A cela, Estelle H. répondait que :

  • 1° Valentin L. avait bien la maîtrise technique du site hébergé, comme le prouvait le fait qu'il avait pu le fermer ;

  • 2° Valentin L. n'avait pas fait remplir au propriétaire du site hébergé son obligation de déclaration auprès du Procureur de la République (article 43, loi 30 septembre 1986) :

  • 3° Valentin L. avait violé les articles 9 du Code Civil et 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme en ne vérifiant pas si les photos litigieuses étaient ou non autorisées.

  • Elle persistait donc dans sa demande d'une provision de 500.000 frs sur la réparation de son préjudice, outre 50.000 frs au titre de l'article 700 NCPC.

1.2.3. Sur l'injonction sous astreinte

La Cour d'appel donna raison à Valentin L. sur l'injonction sous astreinte qui lui avait été faite par l'ordonnance d'avoir à prendre toute mesure propre à empêcher le diffusion des photos litigieuses, puisque cette diffusion avait effectivement cessé.

1.2.4. Sur la responsabilité du fait du contenu des sites hébergés

En revanche, elle lui donna tort sur sa prétention à n'encourir aucune responsabilité du fait du contenu des sites qu'il hébergeait.

En effet, tout en reconnaissant que le problème de la responsabilité du fournisseur d'hébergement devait faire l'objet d'un débat de fond, elle n'en affirmait pas moins que Valentin L. "n'est pas un simple transmetteur d'informations" et qu'il "doit donc, d'évidence, assumer à l'égard des tiers aux droits desquels il serait porté atteinte dans de telles circonstances, les conséquences d'une activité (la fourniture d'hébergement) qu'il a, de propos délibéré, entrepris d'exercer dans les conditions susvisées et qui, contrairement à ce qu'il prétend, est rémunératrice et revêt une ampleur que lui-même revendique."

Elle en concluait que la responsabilité de Valentin L. était donc engagée par la diffusion des photos litigieuses, qui portait atteinte au droit à l'image et à l'intimité de la vie privée d'Estelle H., en lui causant un préjudice incontestable "compte tenu de la profession exercée par Estelle H., de sa notoriété et de la diffusion démultipliée résultant des possibilités techniques offertes par Internet" ; et la Cour allouait à Estelle H. une provision de 300.000 francs, la publication de la décision dans trois revues ou quotidiens, et 30.000 francs au titre de l'article 700 NCPC.

1.2.5.Observations

Sur cette décision de la Cour d'appel de Paris, on pourra faire plusieurs observations:

L'argument décisif pour la condamnation, c'est que :

  • dans le cas de Valentin L., le fournisseur d'hébergement n'est pas un simple "transmetteur d'informations". Par voie de conséquence, il ne peut pas invoquer en sa faveur la jurisprudence établie pour les serveurs hébergeant des messageries "roses", qui exonérait les dits serveurs de toute responsabilité pour les contenus de ces messageries (Cass. crim. 15 novembre 1990 ; G. P. 1991. p. 179, note Doucet). Il ne fournit donc pas seulement des moyens techniques au site hébergé, et il doit donc assumer une certaine responsabilité sur le contenu du site hébergé.

Autre considération ayant sans doute fortement incité la Cour à retenir la responsabilité de Valentin L. :

  • c'est un "professionnel", dont l'activité est "lucrative". S'il avait hébergé bénévolement le site incriminé, la Cour aurait sans doute été beaucoup moins généreuse dans le montant de la provision sur dommages-intérêts allouée à Estelle H..

Le fait que le propriétaire du site incriminé, se dénommant "Silversurfer", soit resté inconnu, et n'ait pas été présent dans la procédure, alors que c'est pourtant lui qui est le premier responsable de la diffusion illicite des photos, n'est pas clairement pris en considération par la Cour. Elle se borne à constater que Valentin L. hébergeait de façon anonyme toute personne qui, "sous quelque dénomination que ce soit", en fait la demande, mais elle n'en déduit expressément aucune conséquence juridique.

On peut donc penser que même si "Silversurfer" avait été connu, la Cour n'en aurait pas moins retenu la responsabilité de Valentin L., mais elle aurait peut-être été moins sévère à son égard (on peut tout de même s'étonner que Valentin L., s'il connaissait son identité, n'ait pas appelé "Silversurfer" en garantie dans le procès...).

Tant la Cour de cassation, le 8 décembre 1998, que la Cour d'appel de Paris, le 10 janvier 1999, ont décidé que l’initiateur d’un service ne pouvait obtenir l’impunité en raison ni de sa qualité d’intermédiaire technique ni de l’absence de contrôle pour s’exonérer de toute sanction.

En outre, soulignons que la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 oblige toute personne qui met en œuvre un service de communication audiovisuelle à effectuer une double déclaration auprès du Procureur de la République et du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (C.S.A.).

Ainsi, l’hébergeur a le choix entre deux positions : soit il héberge des auteurs anonymes et, dans ce cas, il accepte d’être directement responsable des contenus en qualité de directeur de la publication, soit il exige des auteurs des pages qu’il héberge une identification préalable de telle sorte qu’il s’exonère de toute responsabilité dès lors qu’il n’avait pas au préalable connaissance du contenu illicite de ces pages.

La logique politique a pris le dessus sur la logique juridique et un Député de la majorité a proposé un projet qui tend à supprimer l’obligation pour le créateur de site de déclarer son activité au C.S.A. et retient la responsabilité de l’hébergeur lorsque celui-ci a participé à la création du contenu illicite ou lorsqu’il n’a pas empêché l’accès à ce même contenu bien qu’il en ait été saisi par une autorité judiciaire.

L’Assemblée Nationale a adopté ce texte, qui doit maintenant être soumis à l'examen des sénateur, limitant la responsabilité des hébergeurs de sites Internet. Ainsi, seuls les auteurs du contenu seront passibles de sanctions devant la loi.

 

2. Le régime juridique de la responsabilité du fournisseur d'hébergement2. Le régime juridique de la responsabilité du fournisseur d'hébergement 

N'étant pas un simple "transmetteur d'informations", et ne pouvant donc à ce titre bénéficier d'aucune irresponsabilité, le fournisseur d'hébergement a un certain nombre d'obligations vis à vis des tiers dont les droits seraient mis en cause par le contenu des sites hébergés.

Cette responsabilité peut d'ailleurs se déduire du fait que le fournisseur d'hébergement est astreint au respect d'un certain nombre de formalités par les lois du 29 juillet 1982, 1er août 1986 et 30 septembre 1986, formalités visant justement à permettre aux tiers de se défendre efficacement contre tout atteinte à leurs droits.

2.1. Les obligations légales du fournisseur d'hébergement

On précisera d'abord qu'un site Web doit être considéré comme un "service de communication audiovisuelle", au sens de la loi du 30 septembre 1986, dont l'article 2 précise:

" On entend par communication audiovisuelle toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée".

Il est a remarquer que ce sont les termes mêmes de cet article qu'a repris la Cour d'appel de Paris dans ses attendus pour caractériser l'activité du site "altern.org" de Valentin L..

  • Dès lors, comme tout service de communication audiovisuelle, un site Web doit respecter les articles 6, 73, 89, 90, 92, 93-2, 93-3, 94, 95 et 96 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

Un site Web doit être déclaré au Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et au Procureur de la République, conformément à l'article 43 de la loi du 30 septembre 1986.

  • Cette double déclaration doit donner un certain nombre de renseignements sur les personnes physiques responsables du site (voir Décret n°87-277 du 17 avril 1987).

Un site Web doit avoir un directeur de publication, personne physique clairement identifiée, conformément à l'article 93-2 de la loi du 29 septembre 1982.

Un site Web doit avoir un responsable du droit de réponse aux tiers mis en cause par le contenu du site, conformément à l'article 6 de la loi du 29 septembre 1982.

  • Dans la pratique, ce responsable est souvent le directeur de publication, mais ce n'est pas obligatoire.

Si le site Web procède à un traitement automatisé de données informatiques (livre d'or, forum etc.), ce dernier doit aussi faire une déclaration de ses fichiers à la CNIL (loi du 6 janvier 1978, dite "loi informatique et libertés").

Si le site Web peut être considéré comme "mettant à la disposition du public ... un mode écrit de diffusion de la pensée paraissant à intervalles réguliers", (par la diffusion régulière de chroniques hebdomadaires ou mensuelles, par exemple) il a le statut d'une "publication de presse", au sens de l'article 1 de la loi du 1er août 1986.

  • Il devra donc également avoir un directeur de la publication, un responsable de la rédaction, et respecter le droit de réponse des tiers (articles 6 et 13 loi du 29 juillet 1881).

La responsabilité pénale (et civile) "en cascade" prévue par l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 lui sera donc applicable pour toute infraction de presse, l'auteur principal de l'infraction étant le directeur de publication.

2.2. Le respect des droits des tiers

Comme l'a rappelé l'affaire Estelle H. / Valentin L., le respect des droits des tiers est l'une des obligations essentielles du responsable d'un site Web.

Ces droits sont nombreux, souvent complexes, et susceptible d'entraîner des condamnations à des astreintes et à des dommages-intérêts élevés. On peut en donner un classement sommaire.

2.2.1. Les droits de la personnalité

  • Droit à l'image ;

  • Droit à l'intimité de la vie privée ;

  • Droit au nom ;

  • Droit sur les données nominatives etc…

2.2.2. Les droits de propriété intellectuelle.

  • Droits de propriété littéraire et artistique ;

  • Droit sur les marques etc…

2.2.3. Les droits protégés par l'article 1382 du Code Civil.

  • Droit à ne pas être dénigré ;

  • Droit à une concurrence loyale etc…

2.2.4. Les droits protégés par la loi sur la presse ( 29 juillet 1881)

  • Diffamation ;

  • Injure ;

  • Présomption d'innocence etc…

3. Les modalités pratiques de la fourniture d'hébergement

On doit distinguer selon que la fourniture d'hébergement consiste à seulement à louer de l'espace (des pages Web) à l'intérieur d'un site dont on conserve l'entière maîtrise technique, ou à conserver en mémoire et à connecter sur Internet un site conçu et géré par une autre personne.

Ces deux situations sont bien différentes sur le plan technique et elle le sont également sur le plan des responsabilités juridiques.

3.1. Fourniture (payante ou gratuite) d'espace sur un site

Dans cette hypothèse, le fournisseur d'hébergement reste juridiquement responsable du contenu de l'espace fourni.

Il est donc soumis à toutes les obligations d'un service de communication audiovisuelle, et, éventuellement, d'une publication de presse.

Par voie de conséquence, il doit procéder aux déclarations obligatoires (CSA, Procureur de la République, CNIL), nommer un directeur de la publication et un responsable du droit de réponse.

Il est entièrement responsable, pénalement et civilement, des atteintes aux droits des tiers commises sur le site.

Afin de contrôler ses risques, il doit exercer une censure préalable sur le contenu des pages fournies, car même des clauses contractuelles exonératoires de responsabilité insérées dans le contrat passé avec les propriétaires des pages Web fournies seraient inopposables aux tiers (les clauses de garantie elles mêmes ne pourraient être utiles que contre des contractants solvables).

Il est permis de penser que c'est à ce titre que Valentin L. a été condamné par la Cour d'appel de Paris, qui a souligné dans son arrêt que Valentin L. " gère" le site litigieux.

3.2 . Hébergement d'un site sur lequel le fournisseur d'hébergement n'a pas de maîtrise préalable et directe

Pour ne pas se voir imputé la responsabilité (pénale ou civile) des atteintes aux droits des tiers commises sur le site hébergé, le fournisseur d'hébergement doit :

  • Informer

le propriétaire du site hébergé de ses obligations administratives :

- déclarations au CSA, au Procureur de la République, et, éventuellement, à la CNIL ;

- nomination d'un directeur de la publication ;

- nomination d'un responsable du droit de réponse des tiers.

Cette information peut être mentionnée dans le contrat de fourniture d'hébergement et la signature par le propriétaire du site certifiera qu'il a bien été informé.

  • Vérifier

que le propriétaire du site hébergé a bien rempli les dites obligations sous peine de résolution immédiate du contrat de fourniture d'hébergement. La vérification de l'identité, de l'honorabilité et de la solvabilité du directeur de publication devra être faite très sérieusement pour éviter tout reproche de favoriser l'activité nuisible aux tiers de prête-noms ou d'anonymes, comme dans l'affaire Hallyday/Lacambre.

  • Exiger

que les noms du directeur de la publication et du responsable du droit de réponse figurent sur la page d'accueil du site hébergé, de façon à permettre aux tiers de savoir à qui s'adresser en cas de besoin

  • Prévoir

dans le contrat de fourniture d'hébergement

  • un droit de vérification sur le contenu du site en cas de plainte d'un tiers. Pour faciliter l'exercice de ce droit de vérification, le fournisseur d'hébergement pourrait exiger que figure sur le site hébergé un lien hypertexte vers une adresse de courrier électronique permettant aux tiers de se mettre directement en contact avec lui.

  • des clauses permettant au fournisseur d'hébergement de procéder unilatéralement à une suspension d'accès au site, suspension partielle ou totale selon les cas, lorsque le propriétaire du site ne fournira pas la preuve qu'il a rempli ses obligations légales ou procédé aux modifications nécessaires pour protéger les droits des tiers.

  • clauses de garantie par le propriétaire du site pour toute action en justice de tiers contre le fournisseur d'hébergement, ou toute condamnation de ce dernier, du fait du contenu du site hébergé.

 

Conclusions

En définitive, la logique judiciaire a considéré que l’hébergeur de site doit assumer la responsabilité sur les contenus qu’il héberge à l’instar du directeur de publication d’un journal.

Or, un contrôle systématique de centaine de milliers de pages Web qui peuvent être modifiées à tout instant est évidemment impossible pour l’hébergeur et il ne doit pas non plus devenir le censeur ou le gendarme du Web.

Force est donc de constater que la Cour d’appel de Paris, en sa décision du 10 février 1999, ne s’est pas ralliée à l’avis exprimé par le Conseil d’Etat dans son rapport (Page 185) qui opte pour " l’irresponsabilité de principe des fournisseurs ", sauf s’ils " ont agi en connaissance de cause et (s’ils) n’ont pas accompli les diligences normales pour faire cesser l’infraction ".

Par ailleurs, le gouvernement, dont le Ministre des Finances s’est fait écho au Parlement le 3 mars dernier, a laissé sous-entendre que   " même si il n’appartient pas au gouvernement de commenter une décision de justice ", il fallait que " les responsables éditoriaux soient ceux qui ont fait le site et non les prestataires techniques qui mettent à disposition des pages Web " et qu’il convenait donc " d’adapter la législation " pour éviter une multiplication de condamnations contre les hébergeurs.

G.H. et O.D.T.


A consulter sur Juriscom.net :

- Les hébergeurs dans les filets de la justice, de Lionel Thoumyre ;
- Le mannequin et l'hébergeur, de Lionel Thoumyre et Thibault Verbiest ;
- La responsabilité des prestataires techniques sur Internet dans le Digital Millenium Copyright Act américain et le projet de directive européen sur le commerce électronique, de Valérie Sédallian.

 

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