Publié dans le
magazine Netsurf quelques jours avant l'apparition de la proposition d'amendement
du député Patrick Bloche, le présent article n'aborde pas son analyse.
Vous
trouverez le projet d'amendement Bloche à la fin du bulletin E-Law n°10
Adopté le 10 avril 1996,
l " amendement Fillon " définissait déjà les
circonstances dans lesquelles les intermédiaires techniques pouvaient sexonérer de
leur responsabilité. Pour cela, ils devaient bloquer laccès aux services que le
Conseil Supérieur de la Télématique jugeait préjudiciables. Mais lessentiel de
la loi na pas résisté à la censure du Conseil Constitutionnel. La juridiction
suprême reprochait au législateur davoir délégué une partie importante de son
pouvoir à un organisme tiers.
Depuis, le politique nest
plus intervenu. La question devait se régler à coup de droit commun, et on la
enterrée. Pourtant, elle est brûlante dactualité ! La condamnation en
justice de Valentin Lacambre, le gestionnaire du service dhébergement Altern.org, a
mis le feu aux poudres. En effet, le jugement de la Cour dappel de Paris du 10
février dernier sest écarté du droit commun pour fait peser une responsabilité
éditoriale sur le dos des hébergeurs. La définition du statut juridique des
intermédiaires est alors redevenue une affaire politique. Quelques semaines après le
prononcé du jugement, Dominique Strauss-Kahn, ministre de lEconomie et des
Finances, sest prononcé en faveur de lexonération des hébergeurs. Plus
pragmatique, Alain Madelin, président de Démocratie Libérale, sest empressé de
déposer une proposition de loi visant à déresponsabiliser les prestataires au niveau
pénal.
Pourquoi réagir maintenant,
alors même que la proposition de directive " relative à certains aspects
juridiques du commerce électronique " semble régler le problème ? Parue le 18
novembre 1998, la proposition instaure un principe dexonération de responsabilité
civile et pénale au bénéfice des intermédiaires (article 12 à 15). Le système impose
simplement aux hébergeurs de prendre " rapidement des mesures pour retirer
les informations ou rendre laccès à celles-ci impossible " lorsque
lexistence dune infraction a été portée à leur connaissance. Il y a fort
à parier que, sous un tel régime, Valentin Lacambre aurait échappé à sa condamnation.
Mais la directive est loin dêtre adoptée et lon devra encore attendre sa
transposition dans notre droit positif. Un processus plutôt long
Cest
pourquoi nos hommes politiques ont décidé de prendre les rênes en main !
Leur intention est très louable.
Elle risque cependant de donner lieu à ladoption dune loi " cul de
jatte ". En effet, le projet de Monsieur Madelin nétablit des principes
dexonération quau niveau pénal. Il ne serait daucun secours aux
hébergeurs poursuivis au civil, comme la été Valentin. Aussi, le nouvel article
42-2, destiné à être inséré dans la loi relative à la liberté de communication, se
propose dexonérer " les personnes intermédiaires techniques (
)
sauf s'il est établi que ces personnes ont, en connaissance de cause, personnellement
commis l'infraction, participé à sa commission, ou qu'ils n'ont pas accompli les
diligences nécessaires à la faire cesser. " Or, la nature et le moment où les
prestataires devront accomplir ces " diligences nécessaires " ne
sont pas définis. Si le projet Madelin était adopté tel quel, les prestataires seraient
toujours soumis à lincertitude juridique.
Face à la précipitation
politique, nous rappellerons les bons mots que Talleyrand réservait à son valet :
" va doucement, je suis pressé ".
L.T.
Liens :
Proposition dAlain Madelin
Regard international sur laffaire
Altern.org