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Rubrique : internautes / le droit pour tous
Mots clés : responsabilité, prestataires, intermédiaires, fournisseurs, image, directive
Citation : Lionel THOUMYRE, "Les intermédiaires en stand-by", Juriscom.net, juin 1999
Première publication : Netsurf, n°38, mai 1999


Les intermédiaires en stand-by

Le statut des prestataires a déjà une longue histoire… Depuis le temps qu’on en parle, il n’est toujours pas fixé ! L’affaire Estelle H. contre Valentin L. rappelle la nécessité de déterminer le niveau de responsabilité des intermédiaires techniques.

Lionel Thoumyre


Publié dans le magazine Netsurf quelques jours avant l'apparition de la proposition d'amendement du député Patrick Bloche, le présent article n'aborde pas son analyse. Vous trouverez le projet d'amendement Bloche à la fin du bulletin E-Law n°10


Adopté le 10 avril 1996, l’ " amendement Fillon " définissait déjà les circonstances dans lesquelles les intermédiaires techniques pouvaient s’exonérer de leur responsabilité. Pour cela, ils devaient bloquer l’accès aux services que le Conseil Supérieur de la Télématique jugeait préjudiciables. Mais l’essentiel de la loi n’a pas résisté à la censure du Conseil Constitutionnel. La juridiction suprême reprochait au législateur d’avoir délégué une partie importante de son pouvoir à un organisme tiers.

Depuis, le politique n’est plus intervenu. La question devait se régler à coup de droit commun, et on l’a enterrée. Pourtant, elle est brûlante d’actualité ! La condamnation en justice de Valentin Lacambre, le gestionnaire du service d’hébergement Altern.org, a mis le feu aux poudres. En effet, le jugement de la Cour d’appel de Paris du 10 février dernier s’est écarté du droit commun pour fait peser une responsabilité éditoriale sur le dos des hébergeurs. La définition du statut juridique des intermédiaires est alors redevenue une affaire politique. Quelques semaines après le prononcé du jugement, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’Economie et des Finances, s’est prononcé en faveur de l’exonération des hébergeurs. Plus pragmatique, Alain Madelin, président de Démocratie Libérale, s’est empressé de déposer une proposition de loi visant à déresponsabiliser les prestataires au niveau pénal.

Pourquoi réagir maintenant, alors même que la proposition de directive " relative à certains aspects juridiques du commerce électronique " semble régler le problème ? Parue le 18 novembre 1998, la proposition instaure un principe d’exonération de responsabilité civile et pénale au bénéfice des intermédiaires (article 12 à 15). Le système impose simplement aux hébergeurs de prendre " rapidement des mesures pour retirer les informations ou rendre l’accès à celles-ci impossible " lorsque l’existence d’une infraction a été portée à leur connaissance. Il y a fort à parier que, sous un tel régime, Valentin Lacambre aurait échappé à sa condamnation. Mais la directive est loin d’être adoptée et l’on devra encore attendre sa transposition dans notre droit positif. Un processus plutôt long… C’est pourquoi nos hommes politiques ont décidé de prendre les rênes en main !

Leur intention est très louable. Elle risque cependant de donner lieu à l’adoption d’une loi " cul de jatte ". En effet, le projet de Monsieur Madelin n’établit des principes d’exonération qu’au niveau pénal. Il ne serait d’aucun secours aux hébergeurs poursuivis au civil, comme l’a été Valentin. Aussi, le nouvel article 42-2, destiné à être inséré dans la loi relative à la liberté de communication, se propose d’exonérer " les personnes intermédiaires techniques (…) sauf s'il est établi que ces personnes ont, en connaissance de cause, personnellement commis l'infraction, participé à sa commission, ou qu'ils n'ont pas accompli les diligences nécessaires à la faire cesser. " Or, la nature et le moment où les prestataires devront accomplir ces " diligences nécessaires " ne sont pas définis. Si le projet Madelin était adopté tel quel, les prestataires seraient toujours soumis à l’incertitude juridique.

Face à la précipitation politique, nous rappellerons les bons mots que Talleyrand réservait à son valet : " va doucement, je suis pressé ".

L.T.

Liens :

Proposition d’Alain Madelin

Regard international sur l’affaire Altern.org

 

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