Vous
trouverez un commentaire de la dernière affaire relative au droit des journalistes
(Affaire Le Progrès, Tribunal de Grande Instance de Lyon, 21 juillet 1999) dans le bulletin E-Law n°12
Petits et grands titres de la presse traditionnelle
apparaissent sporadiquement sur le Web. Les éditeurs ont rapidement compris les avantages
quils peuvent retirer du réseau : élargir et internationaliser leur lectorat
tout en diminuant fortement les coûts de distribution. Titulaires des droits
dauteur sur luvre collective que constitue chacun des numéros, ils
nhésitent pas à mettre en ligne les articles réalisés pour la version papier,
dans lignorance des droits appartenant aux seuls journalistes.
Une première affaire a mis un
frein à cette pratique naissante. La direction du quotidien les Dernière Nouvelles
dAlsace avait autorisé le prestataire Plurimedia à republier le contenu
de son canard sur le Net. Constatant quune seconde utilisation de leurs articles
avait été faite sans leur accord et sans négocier de nouvelle rémunération, les
journalistes des DNA, accompagnés de deux syndicats, assignent Plurimedia
devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Strasbourg. La société
défenderesse oppose alors trois arguments de taille. Tout dabord, elle prétend
détenir les droits de reproduction des journalistes de son contrat avec les DNA.
Elle allègue ensuite que léditeur de presse est le seul à être investi des
droits dauteur sur luvre collective et peut donc en autoriser
laccès sur Internet. Troisième et dernier argument : les journalistes ont
déjà consenti à une première publication de leur article pour lédition sur
papier journal, dont la version électronique ne se distingue pas. Nul besoin, donc, de
demander leur accord une seconde fois.
Dans son jugement du 4 février
1998, le tribunal rejette les affirmations de Plurimedia en rappelant, tout
dabord, que le fait de posséder les droits dauteur sur luvre
collective ne prive pas le journaliste de ses droits sur sa propre contribution. Il ajoute
que " le journaliste limite la cession de son droit dauteur à une
première publication ". Or, selon le juge, la publication sur Internet
équivaut à une seconde publication. Elle ne peut être assimilée à celle du journal
papier pour les raisons énoncées dans lordonnance de référé :
" la communication par réseau présente une spécificité technologique ; le
produit nest pas le même que celui du journal ; il sagit dun nouveau
moyen de communication. "
Cette solution sera confirmée
dans une seconde affaire impliquant la société de gestion du Figaro Magazine.
Léditeur avait procédé à la publication télématique de ses archives et
proposait lenvoi de copies darticles par fax ou e-mail... sans
laccord de ses journalistes. Devant le tribunal, la défense essayait à nouveau de
faire admettre que " lédition télématique nest quun
prolongement de la diffusion du journal ", ne nécessitant pas un nouvel
accord des journalistes. Mais, le 14 avril 1999, le Tribunal de grande instance de Paris
conclu de manière générale que toute reproduction " sur un nouveau
support résultant de la technologie récente ", à savoir le Minitel,
Internet, et sur CD-ROM, exige non seulement une nouvelle rétribution des journalistes
mais, surtout, le consentement exprès des ayants droit.
Lenseignement a déjà
porté ses fruits puisque la direction des Échos a accepté de négocier le sort
des articles de ses journalistes. Conclu en juillet dernier, laccord autorise
l'utilisation gratuite des articles pour l'édition électronique du jour. En revanche,
les journalistes recevront une rémunération pour toute consultation des articles tombés
dans les archives payantes. Une solution raisonnable : elle ne compromet pas la mise en
ligne de la presse traditionnelle.