ans le
    cadre des relations commerciales sur Internet, de nombreux documents électroniques
    peuvent être échangés (emails, formulaires de commande en ligne, envois de factures
    électroniques
). En cas de litige portant sur une transaction, les parties en
    présence devront prouver ce qu'elles allèguent, tâche délicate lorsque les éléments
    de preuve sont essentiellement des documents électroniques ou des impressions de ceux-ci.
    Or, il est primordial pour l'avenir du commerce électronique d'assurer une parfaite
    sécurité juridique en la matière.
    Le système actuel
    Notre système probatoire, de tradition napoléonienne, est strictement
    réglementé. Seuls sont en principe admissibles les moyens de preuve repris aux articles
    1341 et suivants du Code civil, le principe de base étant la prééminence de la preuve
    littérale (l'écrit manuscrit) dès que l'objet de la transaction dépasse 15.000 francs.
    Lexistence et le contenu de lacte juridique doivent être prouvés par un acte
    sous seing privé, à savoir un écrit original qui simposera comme acte sous seing
    privé pour autant que la signature soit reconnue. Toutefois, ni lécrit, ni la
    signature ne font lobjet dune définition légale. La signature est
    généralement définie comme étant un graphisme personnel qui permet détablir la
    présence physique du scripteur à lacte et par lequel une personne marque son
    consentement au contenu de l'acte. Les deux fonctions remplies par la signature sont donc
    l'identification du signataire et l'authentification. 
    Dans ces conditions, il est difficile de considérer un enregistrement
    électronique, un fax ou l'impression d'un courrier électronique comme un écrit parfait
    au sens de l'article 1341 du Code civil. 
    En France, en revanche, la Cour de cassation a pris une position
    novatrice en la matière, en décidant le 2 décembre 1997 que "l'écrit (
)
    peut être conservé sur tout support, y compris par télécopie, dès lors que son
    intégrité et l'imputabilité de son contenu à l'auteur désigné ont été vérifiées
    ou ne sont pas contestées". Toutefois, il est douteux qu'une telle décision
    puisse être rendue en matière de courrier électronique. Si la télécopie est en
    général revêtue d'une signature manuscrite qui n'apparaît qu'à l'état de copie sur
    le document du destinataire, il sagit néanmoins dun élément de nature à
    permettre d'imputer le document à son auteur. Tel nest pas le cas du courrier
    électronique, la "signature" nétant que typographique. 
    Les règles de preuve précitées ne s'appliquent pas lorsque le
    défendeur est commerçant et a procédé aux opérations litigieuses dans l'intérêt de
    son commerce. La preuve entres commerçants ou à l'égard de ces derniers est donc libre.
    A titre d'exemple, il a été considéré en France que les actes de commerce se prouvent
    à l'égard d'une banque en sa qualité de commerçant par toute voie de droit. Le juge
    reste cependant maître d'apprécier la force probatoire de ce que lui rapportent les
    parties et reste libre "d'écarter telle ou telle offre de preuve lorsque le fait
    ne lui paraît pas pertinent". Son pouvoir à cet égard est discrétionnaire. 
    Par ailleurs, il est permis daménager contractuellement
    ladministration de la preuve, qu'il s'agisse de déterminer les modes de preuve
    admissibles ou d'établir une hiérarchie dans la valeur probante des éléments de
    preuve.
    Toutefois, dans le cas de conventions sur la preuve conclues avec des
    consommateurs, il convient d'être attentif à la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques
    du commerce qui considère comme abusives les clauses limitant les moyens de preuve que le
    consommateur peut utiliser.
    La Proposition de directive sur le commerce électronique
    La Proposition de directive sur le commerce électronique, actuellement
    discutée au Conseil, prévoit que les Etats membres veilleront "à ce que leur
    législation rende possibles les contrats par voie électronique". La
    proposition traite aussi du moment auquel le contrat est réputé conclu : lorsque le
    destinataire du service a reçu, par voie électronique, de la part du prestataire
    laccusé de réception de lacceptation du destinataire de service (acceptation
    réalisée par exemple en cliquant sur icône affiché sur une page web). Il est à noter
    que, dans la dernière mouture de la Proposition de directive (1er septembre 1999), le
    système initialement préconisé par la Commission a été simplifié. En effet, dans le
    premier texte présenté le 18 novembre 1998, il était prévu que le destinataire du
    service devait en outre confirmer la réception de laccusé de réception.
    La Directive européenne sur les signatures électroniques
    La notion de signature électronique se réfère aux divers mécanismes techniques qui
    permettent aux destinataires de données transmises électroniquement de vérifier
    l'authenticité et l' intégrité de celles-ci. Toutefois, à elles seules, les signatures
    électroniques sont en principe insuffisantes à prouver l'identité du
    "signataire" de la donnée transmise. C'est pour assurer une telle
    identification qu'a été créée l'activité de prestation de services de certification,
    dans le cadre de laquelle des tiers de confiance sont chargés de délivrer des
    certificats établissant le lien entre une personne physique et une donnée électronique.
    Dans la foulée de la loi-type sur le commerce électronique de la Commission des
    Nations-Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), la Commission européenne a
    décidé dencadrer juridiquement les signatures électroniques et les services de
    certification . Cest ainsi que la Commission présenta, le 13 mai 1998, une
    Proposition de directive sur les signatures électroniques. Après un avis en seconde
    lecture du Parlement, le Conseil de l'Union europénne a décidé d'adoper, le 30 novembre
    dernier, la Proposition de directive sur la reconnaissance des signatures électroniques.
    Formellement, le texte deviendra Directive après le signature du Président du Parlement
    européen, normalement prévue pour le 13 décembre. 
    Les principaux éléments de la Directive sont:  
    1°) La reconnaissance légale
    La Directive prévoit qu'une signature électronique ne peut être
    écartée légalement pour la seule raison de sa forme électronique (notion de
    recevabilité en justice). 
    La signature électronique est définie de manière large et
    neutre d'un point de vue technologique : il s'agit d'"une donnée sous forme
    électronique qui est jointe ou liée logiquement à d'autres données électroniques et
    qui sert de méthode d'authentification". Une telle définition pourrait viser,
    par exemple, les signatures "biométriques" (telles que celles utilisant la
    reconnaissance vocale).
    La Directive accorde toutefois un statut juridique supérieur à la
    "signature électronique avancée" basée sur un certificat qualifié, et créé
    par un dispositif sécurisé de création de signature. 
    La "signature électronique avancée" est définie comme
    étant "une signature électronique qui satisfait aux exigences suivantes : a)
    être liée au signataire, b) permettre d'identifier le signataire, c) être créée par
    des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif et d) être liée
    aux données auxquelles elle se rapporte de telle sorte que toute modification ultérieure
    des données soit détectable".
    Quant à la notion de certificat qualifié, il s'agit  (i) d'un
    certificat délivré par un prestataire de service de certification satisfaisant aux
    exigences de fiabilité visées à l'Annexe II de la Directive, et (ii) qui contient une
    série de mentions figurant à l'Annexe I de la Directive, telles que l'identité du
    titulaire, sa clé publique, les limites d'utilisation du certificat, la date de validité
    du certificat, un numéro de série, l'identité et la signature digitale de l'autorité
    de certification
    Il ne fait pas de doute qu'en l'état actuel de la technique, ces
    définitions renvoient en fait à la signature digitale ou numérique, basée sur la
    cryptographie asymétrique, permettant de sécuriser les communications par le chiffrement
    des messages envoyés. La cryptographie asymétrique peut être décrite comme suit : une
    personne reçoit deux clés générées de telle sorte qu'un message encrypté avec l'une
    ne pourra être déchiffré qu'avec l'autre. L'une des clés reste secrète et n'est
    connue que du titulaire à qui les clés ont été attribuées, l'autre étant rendue
    publique et aisément accessible. En outre, dans le cadre de l'échange de données, un
    prestataire de service de certification intervient pour délivrer au destinataire un
    certificat établissant le lien entre l'expéditeur du message et sa clé publique.
    Ainsi, la Directive prévoit que les Etats membres veillent "à
    ce que les signatures électroniques avancées basées sur un certificat qualifié, et
    créé par un dispositif sécurisé de création de signature : a) répondent aux
    exigences légales dune signature à légard de données électroniques de la
    même manière quune signature manuscrite répond à ces exigences à légard
    de données manuscrites ou imprimées sur papier et b) soient recevables comme preuve en
    justice". 
    Il s'agit de la clause dite d'assimilation, à savoir que de telles
    signatures électroniques (les signatures digitales "certifiées" décrites plus
    haut à l'heure actuelle) doivent béneficier de la même force probante que celle
    accordée aux signatures manuscrites.
    2°) La libre circulation et la non-discrimination
    Tous produits et services liés aux signatures électroniques pourront circuler
    librement et seront soumis seulement à la législation et au contrôle du pays d'origine.
    Les Etats membres ne pourront pas soumettre la prestation de services de certification à
    un régime d'autorisation obligatoire. Les accréditations libres et volontaires sont donc
    permises. 
    Les Etats membres doivent par ailleurs veiller à ce que
    lefficacité juridique et la recevabilité comme preuve ne soient pas refusées à
    une signature électronique au seul motif  quelle ne repose pas sur un
    certificat qualifié, délivré ou non par un prestataire accrédité de services de
    certification. 
    3°) Responsabilité des prestataires de services de certification
    La législation communautaire prévoit un minimum de règles de responsabilité
    incombant aux prestataire de services de certification, en particulier s'agissant de la
    validité du contenu du certificat. Cette approche vise à assurer la libre circulation
    des certificats et des services de certification au sein du marché intérieur, à
    renforcer le sentiment de confiance des consommateurs et à encourager les opérateurs à
    développer des systèmes sûrs.  
     4°) Champ d'application
    La législation couvre la délivrance de certificats au public visant à identifier
    l'expéditeur d'un message électronique. En accord avec les principes de l'autonomie des
    parties et de la liberté de contracter, la législation autorise toutefois le
    fonctionnement de systèmes régis par des contrats de droit privé tels que des réseaux
    Intranet d'entreprises ou des systèmes bancaires, où une relation de confiance existe
    déjà et où il n'y a pas un besoin évident de réglementation.  
    5°) Dimension internationale
    Afin de promouvoir un marché global du commerce électronique, la Directive comprend
    des mécanismes de coopération avec les pays tiers, sur la base de la reconnaissance
    mutuelle de certificats ou sur la base d'accords bilatéraux ou multilatéraux. 
     Les projets de lois belges
    A l'instar de la France, le gouvernement belge a décidé d'initier la
    tranposition de la future Directive européenne sur les signatures électroniques dans
    deux projets de lois distincts. 
    Le premier projet, déposé au Parlement le 14 avril 1999, vise à
    modifier certaines dispositions du Code civil relatives à la preuve des obligations, et
    en particulier l'article 1322 du Code civil, qui serait modifié comme suit : "une
    signature au sens de cet article peut être un ensemble de données numériques pour
    autant qu'elle puisse être imputée à une personne déterminée et qu'elle établisse le
    maintien de l'intégrité de l'acte". Avec une telle définition, toutes les
    signatures électroniques deviendraient recevables en justice, et ce conformément au
    prescrit de la Directive.
    Le second projet de loi, adopté en Conseil des Ministres le 26 mars
    1999, vise à mettre en place un régime juridique applicable aux activités des
    autorités de certification agréées dans le cadre de l'utilisation des signatures
    digitales. Ce projet n'a pas été déposé devant la Chambre avant sa dissolution et ne
    le sera sans doute jamais dans la mesure où il devrait être remplacé sous peu par un
    avant-projet de loi relatif à l'activité des prestataires de service de certification,
    neutre sur le point technologique et non limité aux signatures digitales ou numériques.
    Sur ce point, le nouveau texte, plus conforme à la Directive, doit être entièrement
    approuvé. 
    Deux différences notables sont toutefois à relever par rapport au
    texte de la Directive. D'une part, le gouvernement belge entend obliger les prestataires
    de services de certification accrédités à identifier leurs clients par un contact
    face-à-face. Cette exigence, qui ne se retrouve pas dans la Directive, nous semble
    excessive et susceptible de porter atteinte à la compétitivité des prestataires belges
    sur un marché européen de la certification sans frontières et donc hautement
    concurrentiel. Comment les prestataires belges de services de certification pourraient-ils
    résister à la concurrence de prestataires établis dans d'autres Etats membres et qui
    seraient autorisés, en vertu de leurs législations nationales, à identifier les
    demandeurs de certificats sans contact face-à-face ? Sur le plan des principes, une
    analogie utile peut être faite à cet égard avec les législations européenne et belge
    sur la lutte contre le blanchiment de capitaux qui imposent aux banques et intermédiaires
    financiers de sassurer de lidentité de leurs nouveaux clients au moyen
    dun document probant dont il est pris copie.
    Tant la Commission européenne que la Commission bancaire et
    financière admettent le principe de l'identification à distance des clients, par exemple
    dans le cas de transactions boursières par Internet, étant entendu que la procédure
    d'identification à distance doit offrir toutes les garanties de fiabilité. En France, le
    Conseil des marchés financiers, par une décision du 15 septembre 1999 sur les
    opérations de bourse via Internet, a même réglementé la question : l'e-trader a
    lobligation d'obtenir copie par fax ou par poste dune pièce didentité
    (passeport, carte didentité, permis de conduire), outre un relevé didentité
    bancaire ou un chèque annulé et un justificatif de domicile du futur client. De plus, le
    prestataire a lobligation de confirmer au nouveau client quil a bien reçu les
    documents précités en lui adressant une lettre avec avis de réception, et ce afin
    détablir la réalité du domicile qui lui a été communiqué. Quelques e-brokers
    français appliquent déjà cette procédure d'identification entièrement à distance (le
    contrat d'ouverture de compte étant téléchargeable depuis leurs sites). Il nous semble
    qu'une telle solution, qui n'a d'ailleurs rien de "progressiste" dans le
    contexte du commerce électronique, pourrait être transposée à l'identification des
    demandeurs de certificats électroniques.
    La deuxième différence de fond est relative à la force probante des
    signatures électroniques avancées. Conformément à la Directive, le projet de loi met
    en place un système volontaire d'accréditation : un prestataire peut exercer ses
    activités de certification sans autorisation préalable. S'il souhaite obtenir une
    accréditation de l'Administration, il devra répondre à une série de conditions
    stipulées par ou en vertu de la loi, et qui visent à garantir et accroître la confiance
    dans les services de certification. Toutefois, seules les signatures électroniques
    avancées combinées à des certificats délivrés par des prestataires accrédités
    jouiront automatiquement de la même force probante que les signatures manuscrites. Dès
    lors que le certificat est émis par un prestataire non accrédité, la signature
    électronique sera recevable en justice (elle ne pourra être rejetée comme preuve pour
    le seul motif qu'elle se présente sous forme électronique ou qu'elle ne repose pas sur
    un certificat délivré par un prestataire accrédité), mais, pour acquérir force
    probante (à savoir s'imposer au juge comme élément de preuve), il faudra prouver que
    toutes les exigences imposées par la loi relativement à la délivrance des certificats
    ont été rencontrées. La régime envisagé répond à un souci de sécurité et de
    fiabilité légitime mais sa compatibilité avec la Directive européenne sera sans doute
    posée dans la mesure où celle-ci ne réserve pas aux seuls prestataires accrédités le
    bénéfice de la clause d'assimilation précitée.
    Pour plus d'informations sur la signature électronique au niveau
    européen, en Belgique et à l'étranger : http://www.droit.fundp.ac.be/liens/default.htm;
    http://europa.eu.int/comm/dg15/fr/media/sign/index.htm
    ;
    http://www.droit-technologie.org ;
    http://www.juriscom.net.