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Rubrique : professionnels / volume 2
Mots clés : commerce, électronique, Belgique
Citation : Thibault VERBIEST, "La nouvelle loi blege sur le commerce électronique", Juriscom.net, 4 avril 2000
Première publication : Juriscom.net


La nouvelle loi belge sur le commerce électronique

Par Maître Thibault Verbiest
Avocat au Barreau de Bruxelles

email : thibault.verbiest@skynet.be


Le commerce électronique "grand public" (ou "business to consumer") connaît un essor fulgurant. Selon une étude récente, en 1999, 42% des internautes belges ont acheté via le Web (en majorité des CD's, des logiciels et des livres), pour un chiffre d'affaires total de 2,4 milliards BEF. D'autres produits et services sont appelés à se développer sur Internet, tels que les services financiers ou d'assurance en ligne, la réservation de tickets de cinéma etc. 

Toutefois, de nombreux consommateurs demeurent réticents face au commerce électronique, en raison notamment d'un manque de confiance dans  la probité des cyber-commerçants qui opèrent exclusivement via des magasins "virtuels" ainsi que dans la sécurité des transactions, encore majoritairement payées par cartes de crédit (dans 78% des cas).

C'est pour répondre à ce besoin de sécurité juridique qu'a été adoptée le 25 mai 1999 une loi réglementant les contrats à distance. Cette loi, transposition de la Directive européenne du 20 mai  1997 sur les contrats à distance, modifie la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques de commerce et la protection du consommateur. Elle est entrée en vigueur le 1er octobre 1999.

La notion de contrat à distance

La loi s'applique à "tout contrat concernant des produits ou services conclus entre un vendeur et un consommateur dans le cadre d'un système de vente ou de prestations de services à distance organisées par le vendeur, qui, pour ce contrat, utilise exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat, y compris la conclusion du contrat elle-même".

La loi vise donc tout contrat conclu en dehors de la présence physique des parties, qu'il s'agisse  des ventes traditionnelles par correspondance ou des transactions réalisées sur Internet.

Toutefois, sont expressément exclus du champ d'application de la loi (et de la Directive européenne qu'elle transpose) les contrats portant sur les services financiers.  Une Proposition de directive est en préparation à cet égard (proposition modifiée du 23 juillet 1999  sur la commercialisation à distance des services financiers auprès des consommateurs).

Les informations préalables à fournir au consommateur

Lors de l'offre en vente à distance, le consommateur doit être informé sans  équivoque, de manière claire et compréhensible, par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée, notamment sur les éléments suivants : l'identité du vendeur et son adresse géographique (ce qui exclut les simples boîtes postales), les caracteristiques essentielles du produit ou du service, les modalités de paiement, de livraison ou d'exécution du contrat, l'existence ou l'absence d'un droit de renonciation, le coût de l'utilisation de la technique de communication à distance, lorsqu'il est calculé sur une base autre que le tarif de base (par exemple, un supplément au coût de connexion à Internet), etc.

Par conséquent, dès lors que la technique de communication à distance utilisée est Internet, les informations préalables à la conclusion du contrat pourront être « fournies » par affichage sur le site web du vendeur, par exemple dans des conditions générales annoncées sur la page où l'offre est diffusée, et auxquelles il est renvoyé par lien hypertexte.

Il est à noter à cet égard que les articles 5 et 6 de la Proposition de directive sur le commerce électronique, dont la dernière mouture a été adoptée le 29 février 2000 par le Conseil européen, aura également vocation à s'appliquer dans la mesure où elle prévoit que tout vendeur devra mentionner sur son site web son adresse de courrier électronique, par laquelle il peut être contacté rapidement et de manière efficace par le consommateur (« hot line »), son numéro de registre de commerce et le lieu où se situe le registre, ainsi que son numéro de T.V.A.

La confirmation des informations précontractuelles

Le consommateur doit recevoir par écrit ou sur un autre support durable, à sa disposition et auquel il a accès, la confirmation des informations précontractuelles précitées, ainsi que d'autres éléments, tels que l'identification du produit ou du service et l'adresse géographique de l'établissement du vendeur où le consommateur peut présenter ses réclamations.

Par "support durable", il faut entendre notamment les courriers électroniques stockés sur le disque dur de l'ordinateur du consommateur. Une confirmation par e-mail est donc valable. En revanche, la validité d'une confirmation par affichage sur une page web est sujette à caution dans la mesure où la loi exige que le consommateur reçoive la confirmation, ce qui laisse penser qu'aucune démarche active de sa part ne puisse être sollicitée. Toutefois, une telle confirmation est susceptible d'être imprimée, ce qui pourrait satisfaire à la condition du support durable. Compte tenu de l'incertitude en la matière, il est conseillé de procéder aux confirmations exclusivement par e-mails et non par affichage sur son site web (d'autant que le commerce électronique se développera également via la téléphonie mobile et la technologie WAP, qui ne sont en principe pas conçues pour permettre au consommateur d'imprimer les confirmations qu'il recevrait sur l'écran de son portable) .

Le consommateur doit recevoir les informations au plus tard lors de la livraison pour les produits, et avant l'exécution du contrat pour les services. Toutefois, la confirmation pourra être valablement effectuée pendant l'exécution du contrat de services, si l'exécution a commencé, avec l'accord du consommateur, avant la fin du délai de renonciation.

L'obligation de confirmation ne s'applique pas aux services dont l'exécution elle-même est réalisée au moyen d'une technique de communication à distance, lorsque ces services sont fournis en une seule fois et que leur facturation est effectuée directement par l'opérateur de la technique de communication. Néanmoins, dans ce cas, le consommateur doit être informé de l'adresse géographique de l'établissement du vendeur où il peut présenter ses réclamations. Cette exception peut concerner par exemple certains services de consultations en ligne de bases de données.

Le droit de renonciation : en principe 7 jours

Pour tout contrat à distance, le consommateur dispose d'un délai d'au moins sept jours ouvrables pour renoncer au contrat. Ce droit s'exerce sans pénalités et sans indication de motif, sous réserve des frais directs de renvoi.

Pour les produits, le délai commence à courir à compter du lendemain du jour de leur livraison au consommateur lorsque les obligations d'information ont été remplies.

Pour les services, le délai de 7 jours court à compter du lendemain du jour de la conclusion du contrat. Toutefois, si les obligations d'information ont été remplies après la conclusion du contrat, le délai court à partir du jour où la confirmation est parvenue au consommateur (à condition que le délai n'excède pas trois mois).

Au cas où le vendeur n'a pas rempli ses obligations d'information, le délai de renonciation est de trois mois.

Toutefois, si, dans ce délai de trois mois, les informations sont fournies au consommateur, la loi prévoit un retour au délai de sept jours, qui commence à courir le lendemain du jour de la réception des informations.

En ce qui concerne le respect des délais de renonciation, il suffit que le consommateur notifie sa renonciation avant l'expiration de ceux-ci.

Sauf si les parties en ont convenu autrement, le consommateur ne peut exercer le droit de renonciation pour certains contrats limitativement énumérés, notamment les contrats de fourniture de services dont l'exécution a commencé, avec l'accord du consommateur, avant la fin du délai de renonciation de sept jours, ou les contrats de fourniture d'enregistrements audio ou vidéo ou de logiciels informatiques descellés par le consommateur.

Il est à noter à cet égard que la loi exige que le vendeur avertisse le consommateur de l'absence du droit de renonciation dans une clause dont le texte est imposé par la loi. Cette clause doit être rédigée en caractères gras dans un cadre distinct du texte, et en première page.

Au cas où le vendeur n'aurait pas fourni cette information, le consommateur bénéficiera du droit de renonciation de trois mois.

Le vendeur doit également informer le consommateur de l'existence du droit de renonciation. A défaut, le produit ou le service est réputé fourni au consommateur sans demande préalable de sa part et ce dernier n'est pas tenu de payer le produit ou le service ni de le restituer.

Il est donc essentiel pour le cyber-commerçant de faire figurer les clauses légales relatives à l'absence ou l'existence du droit de renonciation dans ses conditions générales en ligne ainsi que dans son e-mail de confirmation.

Les paiements anticipés

Aucun acompte ou paiement quelconque ne peut être exigé du consommateur avant la fin du délai de renonciation. Un paiement anticipé peut toutefois être proposé et accepté par le vendeur.

En outre, en cas d'exercice du droit de renonciation, le vendeur est tenu au remboursement des sommes versées par le consommateur, et ce sans frais. Ce remboursement doit être effectué au plus tard dans les trente jours suivant la renonciation.

La loi prévoit toutefois une exception à l'interdiction d'exiger un paiement anticipé : lorsque le vendeur apporte la preuve qu'il respecte les règles, qui devront être fixées par arrêté royal, en vue de permettre le remboursement des sommes versées par le consommateur. Ces règles pourront viser notamment les systèmes de cautionnement, de blocage transitoire des sommes versées, d'assurance ou de labellisation des sites (à l'image du label lancé en janvier dernier par Test Achats et d'autres associations européennes de consommateurs). Ainsi, un arrêté royal pourrait consacrer la labellisation  des sites web comme méthode permettant de valider la politique du site à l'égard du remboursement des sommes versées par le consommateur avant la fin de la période de renonciation. 

L'exécution du contrat

Sauf si les parties en ont convenu autrement, le vendeur doit exécuter la

commande au plus tard dans les trente jours à compter du lendemain de celui où le consommateur a transmis sa commande.

Sauf le cas de force majeure, en cas de défaut d'exécution du contrat par le vendeur, le contrat est résolu de plein droit, sans préjudice de l'obtention éventuelle de dommages et intérêts.

Le consommateur doit être remboursé dans les trente jours des sommes qu'il aura, le cas échéant, versées en paiement.

Les paiements électroniques

L'émetteur d'un "instrument de transfert électronique de fonds" (tel qu'une compagnie de cartes de crédit) doit mettre à la disposition du consommateur les moyens appropriés pour que celui-ci puisse adresser une notification, en cas de perte, de vol, ou d'utilisation frauduleuse de son instrument de paiement électronique.

Le consommateur doit notifier à l'émetteur ou à l'entité désignée par celui-ci (la banque du consommateur par exemple), dès qu'il en a connaissance :

   - la perte ou le vol de l'instrument de transfert électronique de fonds ou des moyens qui en permettent l'utilisationn ;

   - toute utilisation frauduleuse de l'instrument.

Jusqu'à la notification, le consommateur est responsable des conséquences liées à la perte, au vol, ou à l'utilisation frauduleuse par un tiers, de l'instrument de transfert électronique de fonds à concurrence de 6 000 francs, sauf :

   - si le consommateur a agi avec une négligence grave, à concurrence d'un montant qui doit encore être fixé par arrêté royal ;

   - si le consommateur a agi frauduleusement; en ce cas, aucun plafond n'est applicable.

Après la notification, le consommateur n'est plus responsable des conséquences liées à la perte, au vol, ou à l'utilisation frauduleuse par un tiers, de son instrument de transfert électronique de fonds, sauf s'il a lui-même agi frauduleusement.

L'émetteur est responsable de toutes les conséquences liées à la perte, au vol ou a l'utilisation frauduleuse de l'instrument de transfert électronique de fonds pour lesquelles le consommateur est libéré.

Toutefois, la responsabilité du consommateur n'est pas engagée si l'instrument de transfert électronique de fonds a été utilisé sans présentation physique ou identification électronique de l'instrument lui-même. A cet égard, la seule utilisation d'un code confidentiel ou de tout élément d'identification similaire n'est pas suffisante pour engager la responsabilité du titulaire.

Ainsi, la simple transmission du numéro d'une carte de crédit via un formulaire de commande en ligne ou via un courrier électronique sera insuffisante pour engager la responsabilité du consommateur.

Le système actuel est donc très sévère pour les émetteurs d'instruments de paiement électroniques, qui n'auront d'autre choix  que de développer à l'avenir des techniques d'identification sûres telles que la signature digitale. En effet, le numéro de carte de crédit peut être transmis par courrier électronique crypté auquel est joint une signature digitale combinée à un certificat d'identité délivré par une autorité de certification.

Il convient de rappeler à cet égard qu'une Directive européenne a été adoptée le 13 décembre 1999, qui confère force probante aux signatures digitales, basées sur la technique de la cryptographie asymétrique, et combinées à des  certificats émanant de prestataires de services de certification qui répondent aux conditions fixées par la directive (voir notre article "Quelle est la valeur juridique des contrats en ligne ?, L'Echo, 8 décembre 1999). La directive doit être transposée dans les législations des Etats membres au plus tard en juillet 2001.

Par ailleurs, sauf s'il a lui-même agi frauduleusement, le consommateur peut demander l'annulation d'un paiement en cas d'utilisation frauduleuse de son instrument de transfert électronique de fonds. Dans les trente jours, l'émetteur doit lui restituer les sommes versées, déduction faite, le cas échéant, d'un montant qui pourra être fixé par arrêté royal, si le consommateur a agi avec une négligence grave.

Preuve

La loi précise que la preuve de l'existence d'une information préalable, d'une confirmation écrite ou sur support durable, du respect des délais et du consentement du consommateur, incombe au vendeur.

Cette obligation est lourde de conséquences pour le cyber-vendeur. En effet, comment prouver que les informations préalables requises par loi ont été affichées à tel moment sur une page web, par nature évolutive ? Une solution serait de recourir aux services d'une autorité de certification qui validerait les informations présentes sur le site à un moment donné. Un tel système peut toutefois s'avérer onéreux et lourd à gérer. Le même problème se pose en ce qui concerne la confirmation des informations par e-mail. Une solution à cet égard serait d'exiger du consommateur l'envoi d'un accusé de réception électronique, qui serait crypté et signé digitalement. A nouveau, la généralisation de cette technique, encore peu utilisée,  contribuera à la sécurité des transactions avec les consommateurs.

T.V.

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Pour plus d'informations : A. Salaün, "Transposition de la directive contrats à distance en droit belge : commentaire de l'article 20 de la loi du 25 mai 1999", Journal des Tribunaux, Larcier (éd.),  8 janvier 2000 ; www.droit-technologie.org. Sur la légalité des courriers électroniques non sollicités (spamming) dans loi du 25 mai 1999, voir nos articles "Publicité et marketing sur Internet", L'Echo, 21 octobre 1999, et "Le développement d'Internet et la difficile protection de la vie privée", L'Echo, 16 décembre 1999. Tous les articles de L'Echo sont consultables dans les archives du site www.echonet.be.


Voir également sur Juriscom.net :

- Le juge et la preuve électronique 
(Travaux Universitaires - Doctrine), de Maître Eric Caprioli ;
- L'échange des consentements dans le commerce électronique
(Travaux Universitaires - Doctrine), de Lionel Thoumyre ;
- Contrats en ligne : quelle valeur juridique ?
(Espace "Professionnels"), de Maître Thibault Verbiest ;
- La nouvelle loi italienne sur le commerce électronique
(Espace "Professionnels"), de Giovanni Maria Riccio.

 

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