@ccueil / actualité / jurisprudence / chroniques / internautes / professionnels / universitaires

 Jurisprudence : France : résumés droit à l'image

Estelle H.
1998

Lynda L.
1999

Lynda L.
(Cour d'appel)

2000

 

 


Estelle H.

09/06/98, TGI Paris, aff. Estelle H. c/ Daniel et Valentin

Une vingtaine de clichés représentant Estelle Estimant que la numérisation et la diffusion de ces images porte atteinte à l’intimité de sa vie privée, Estelle assigne en référé le gérant du service d’hébergement, Valentin L.. Elle demande au tribunal qu’il soit fait interdiction de poursuivre la diffusion de ces photographies.

Par une décision en date du 9 juin 1998, le Tribunal de grande instance de Paris ordonne au fournisseur d’hébergement de "mettre en œuvre les moyens de nature à rendre impossible toute diffusion des clichés photographiques en cause à partir de l'un des sites qu'il héberge" et ce sous astreinte de 100.000 F/jour".

Mais l’intérêt du jugement réside essentiellement dans l’un des attendus portant sur la responsabilité du fournisseur d’hébergement. L’ordonnance précise bien que l’atteinte est "le fait du titulaire du site" mais qu'il convient toutefois de s'interroger "sur la responsabilité du fournisseur d'hébergement et du fournisseurs d'accès". Valentin

Le Président Gomez a donc tenu à préciser que " le fournisseur d'hébergement a l'obligation de veiller à la bonne moralité de ceux qu’ il héberge (...) et au respect par eux des lois et des règlements et des droits des tiers ". Il ajoute que " pour pouvoir s'exonérer de sa responsabilité, [le fournisseur] devra donc justifier du respect des obligations mises à sa charge (...) "

Jusqu’alors les tentatives de réglementation par les pouvoirs publics ont été fortement critiquées. Le degré de responsabilité du fournisseur d'hébergement semble maintenant se préciser par la voie jurisprudentielle.

Dans une interview exclusive pour Juriscom.net, l’avocat d’Estelle H. nous confie que "les pouvoirs publics se réjouissent de ce qu’une jurisprudence vienne éclaircire la question de la responsabilité des fournisseurs d’hébergement". Maître Galvez poursuit : "L’essence de l’Internet c'est sa rapidité. Par sa flexibilité, seule la jurisprudence peut valablement s'adapter aux problèmes du réseau."

Le texte de l’ordonnance est disponible sur le site de Legalis.net :
<http://www.legalis.net/jnet>.  

Pour plus d’informations sur l'affaire jugée en référé par le TGI Paris voir l'article de Lionel Thoumyre, "Les hébergeurs dans les filets de la justice", Netsurf, septembre 1998, n°30, disponible sur Juriscom.net

Note : l’affaire a été jugée en appel. Statuant en référé le 10 février 1999, la Cour d'appel de Paris condamne M. Valentin L. à verser à Mme Estelle H. une provision sur dommages-intérêts de 300 000 FF.

Valentin L. prétendait que l'injonction du premier juge créait, à son égard, " une obligation de contrôle du contenu du site WEB qui ne peut peser que sur le responsable légal de ce site, qualité que ni la loi sur la presse, ni le droit commun ne fait peser sur lui. "

La Cour d’appel retient de son côté " qu'en offrant, comme en l'espèce, d'héberger et en hébergeant de façon anonyme (…) toute personne qui, sous quelque dénomination que ce soit, en fait la demande aux fins de mise à disposition du public ou de catégories de publics, de signes ou de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère de correspondances privées, Valentin L. excède manifestement le rôle technique d'un simple transmetteur d'informations. " La cour conclut alors que Valentin doit " d'évidence, assumer à l'égard des tiers aux droits desquels il serait porté atteinte dans de telles circonstances, les conséquences d'une activité qu'il a, de propos délibérés, entrepris d'exercer dans les conditions susvisées et qui, contrairement à ce qu'il prétend, est rémunératrice et revêt une ampleur que lui-même revendique. "

Pour un commentaire sur l'ensemble de l'affaire, replacée dans le contexte international, voir :
Thibault Verbiest et Lionel Thoumyre, "Le mannequin et l'hébergeur", Juriscom.net, 25 février 1999. 

Affaire résumée par Lionel Thoumyre

Retour au sommaire


Lynda L.

08/12/1999, TGI Nanterre, 1ère ch., Lynda L. c/ Sté Multimania, Sté France Cybermédia, Sté SPPI, Sté Esterel

L'affaire traîtée par le tribunal de grande instance de Nanterre part d'une plainte de l'ex-mannequin, Lynda L., dont les photos ont été diffusées sur des sites aux noms évocateurs : Goutemoi et autres Parisvoyeur. Réalisés pour une publication dans la presse traditionnelle, les clichés litigieux représentaient la jeune femme dans le plus simple appareil. Or, a aucun moment la plaignante n'en avait autorisé la publication électronique. C'est pourquoi elle assigne en réparation de son préjudice la société SPPI, un éditeur de sites à caractère érotique, ainsi que les sociétés Multimania, Esterel et Cybermédia.

Le TGI a condamné les hébergeurs à payer au mannequin environ 220 000 F de dommages et intérêts (10 000 F par photo litigieuse hébergée).

Le tribunal rappelle tout d'abord que les hébergeurs doivent respecter « une obligation générale de prudence et de diligence », et qu'ils doivent veiller au respect du droit des tiers en mettant en oeuvre « des moyens raisonnables d'information, de vigilance et d'action ». Les juges remarquent cependant que la société Multimania s'est bien acquittée de son obligation d'information pour avoir incité ses membres, suite à l'affaire Altern, à respecter le droit à l'image des mannequins. Tout allait bien jusque-là. Mais le tribunal reproche ensuite aux prestataires de n'avoir pas su prendre de mesures raisonnables pour détecter les contenus illicites et les supprimer de leurs serveurs. La décision du 8 décembre va donc très loin puisqu'elle impose aux hébergeurs une véritable obligation de surveillance et de censure préventive sur le seul fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil.

Selon l'un des avocats des sociétés condamnées, cette décision « est en totale contradiction » avec l'article 15 de la directive sur le commerce électronique (en cours de validation au sein de l'Union Européenne). Selon cet article, les prestataires ne peuvent se voir imposer aucune « obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou circonstances indiquant des activités illicites. »

Jugement du TGI Nanterre du 8 décembre 1999 sur Juriscom.net.

Brève sur ZDNet :
<http://www.zdnet.fr/actu/soci/a0011976.html>.

Affaire résumée par Lionel Thoumyre

Retour au sommaire


Lynda L. - Cour d'appel

08/06/2000, CA Versailles, 12ème ch., Sté Multimania c/ Lynda. L.

Le jugement  du 8 décembre 1999, qui avait fait droit à la demande en dommages-intérêt du mannequin Lynda L. à l’encontre de plusieurs prestataires de services et d’hébergement pour la diffusion de ses photographies sur Internet, vient d’être infirmé appel.

Par un arrêt du 8 juin 2000, la Cour d’appel de Versailles condamne Mme Lynda L. à rembourser à l’hébergeur Multimania Production les 20 000 Frs qui lui avait été versé au titre de l’exécution provisoire du jugement infirmé.

La cour n’a pas remis en cause le principe selon lequel une société prestataire d’hébergement est tenue à une obligation de vigilance et de prudence vis à vis du contenu des sites qu’elle abrite. Mais elle précise que cette obligation de moyen n’implique pas l’examen général et systématique des contenus des sites hébergés. Elle rappelle également que les diligences à la charge du prestataire, pour procéder au repérage des contenus illégaux ou dommageable, ne doivent être « spontanément envisagée », au stade de l’exécution du contrat d’hébergement avec le client-créateur du site, que si la société d’hébergement a eu « connaissance ou est informé de l’illégalité » d’un site ou lorsque « les circonstances ou modalités de la réalisation, de l’évolution ou de la consultation du site, auxquelles elle doit veiller par des outils, méthodes ou procédures techniques d’analyse, d’observation et de recherche, la mettent en mesure d’en suspecter le contenu ». En dehors de ces hypothèses, on ne pourrait donc reprocher au prestataire, comme l’ont fait les juges de première instance, de ne pas avoir contrôlé le contenu d’un site dont elle ignorait l’existence ou le contenu.

Les magistrats de la Cour d’appel vont d’ailleurs plus loin en précisant que le fait, pour un hébergeur grand public comme Multimania, de devoir s’ingérer systématiquement dans les rapports de droit entre les particuliers n’est pas  « sans risque pour la liberté d’expression ».

Arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 8 juin 2000 sur Juriscom.net.

Pour une rétrospective des affaires relatives à la responsabilité des prestataires, voir :
Lionel Thoumyre, « Responsabilité sur le Web : une histoire de la réglementation des réseaux numériques », 
Lex Electronica
, vol. 6, nº1, printemps 2000, <http://www.lex-electronica.org/articles/v6-1/thoumyre.htm>.

Affaire résumée par Lionel Thoumyre

Retour au sommaire

 

Juriscom.net est une revue juridique créée et éditée par Lionel Thoumyre
Copyright © 1997-2001 Juriscom.net / Copyright © 2000 LexUM