"Que faire à l'aube de
l'an 2000 ?"
Juliette
Aquilina
Tel est le titre d’un article paru dans La Presse,
quotidien montréalais, le 27 janvier dernier. Quelques 300 jours avant la date fatidique,
cette question est sur toutes les lèvres !
Ainsi, dans Le Monde du 19
janvier 1999, Pascale Santi a consacré son article à l’épineux problème des
assurances.
Le risque potentiel lié au
passage à l’an 2000 pose en effet la question de sa couverture par les compagnies
d’assurance. Cela, alors que le coût du " bogue " à
l’échelon mondial s’évaluerait à 1200 Milliards de dollars !
Les acteurs se sentent tous
concernés. Plus de 200 associations américaines se sont déjà érigées pour faire face
au " chaos ", les entreprises élaborent fiévreusement des
" stratégies " et les journaux consacrent tous des dossiers à
l’évènement. Les assureurs, quant à eux, continuent leur campagne de
sensibilisation.
Selon la Fédération Française
des Sociétés d’Assurance (FFSA), cette campagne préventive aurait commencé en
1997, avec la distribution de plusieurs millions de dépliants informatifs aux PME.
Pourtant, la majeure partie d’entre elles n’est pas encore prête à affronter
les problèmes éventuels…
En mai 1998, la FFSA rappelait
que " les enjeux ne sont pas seulement financiers [et qu’il]
peut y avoir des impacts sur la sécurité civile et nationale, sur des vies humaines, sur
le bon fonctionnement des institutions [ou encore] sur l’image des entreprises
(...) ".
Et, comme le souligne Pascale
Santi, " le risque va bien au-delà du seul risque informatique puisque tous
les systèmes d’automation sont concernés, ce qui rend très difficile son
évaluation ".
On imagine aisément, sur les
plans technique et juridique, que toute la chaîne des relations sera touchée, si bogue
il y a !
Les rapports qu’entretient
l’entreprise avec ses fournisseurs, ses clients ou ses sous-traitants, risquent
d’être perturbés et de générer ainsi " un jeu complexe de
responsabilités ".
En Angleterre, la réaction des
assureurs face à la lourdeur potentielle du sinistre a été plutôt " brutale ".
Ces derniers ne considèrent pas l’an 2000 comme un aléa assurable. Le passage au
XXIe siècle aurait été suffisamment prévisible !
Les américains et la plupart des
autres pays européens abordent la problématique avec plus de souplesse. " Certes,
l’an 2000 en tant que tel n’est pas un aléa, mais le fait d’oublier de
vérifier un automate ou de s’apercevoir qu’une correction a été mal faîte,
cela devient aléatoire ", nous précise Rachel Rebois, la responsable de
l’évaluation des risques chez Péchiney.
Aussi, les assureurs devraient,
en principe, couvrir tous les dommages matériels liés au phénomène (incendie,
panne d’électricité, etc.). S’agissant de la responsabilité civile,
qui est de loin la question la plus délicate, il est fortement conseillé aux entreprises
d’engager des plans d’action afin d’anticiper d’éventuels conflits.
C’est ce que Pascal Rouget,
directeur technique à Commercial Union Assurances, appelle " la gestion en
bon père de famille " : suite aux différentes campagnes préventives,
" une entreprise est censée avoir fait le nécessaire pour appréhender le
passage à l’an 2000 et pris toutes les mesures nécessaires pour poursuivre son
activité ".
Le même conseil a été
prodigué par Me Joelle Boisvert, avocate montréalaise, lors de sa collaboration à
l’article publié dans La Presse (précité). Selon elle, toute entreprise
doit " développer un plan d’action et le respecter ".
Il devrait normalement et raisonnablement s’élaborer de la manière suivante :
- création d’un groupe de
travail interne à l’entreprise chargé des problèmes liés à l’an 2000;
- évaluation du degré
d’indépendance de l’entreprise face à ses clients et fournisseurs;
- révision des engagements
contractuels de l’entreprise et détermination de l’étendue de ses obligations
– de moyens ou de résultats;
- préparation d’un
éventuel plan de relève par l’entreprise " prudente et diligente ";
Parallèlement à tous ces
conseils et interventions médiatiques, une plate-forme " coordination 2000 "
a été mise en place depuis le 1er janvier 1999. Elle est censée regrouper environ 80
experts, notamment du domaine des assurances, d’ici le mois de juin. La FFSA explique
que cette " assistance technique et juridique [aura pour] fonction
principale de déterminer la cause technique du sinistre (...) et un rôle
d’observatoire [afin] de prévenir un risque ‘sériel’ ".
Nul ne peut donc véritablement
prévoir quel sera l’impact du passage à l’an 2000 sur le bon fonctionnement de
nos entreprises, ni même si les hypothétiques " scénarios-catastrophes "
se réaliseront…
Quoiqu’il en soit, on peut
vivement encourager les principaux acteurs économiques – au premier rang desquels
figurent les entreprises – à prendre les mesures techniques et juridiques
nécessaires pour limiter l’ampleur du phénomène.
Comme nous le rappelle Me
Boisvert, " un plan de relève c’est prévoir aujourd’hui comment
ces situations seront gérées demain, si les conséquences appréhendées du bogue se
matérialisent ".
Or, prévention et prévision
ne sont-elles pas précisément des missions liées à la fonction d’assureur ?
S’il subsiste encore un
certain flou quant à la prise en charge effective qu’opéreront les compagnies
d’assurance, l’opinion de Michel Courtier, patron des risques chez Alcatel,
pourrait fournir un indice. Alors qu’il n’exclut pas spécifiquement le
" risque an 2000 ", il précise : " si on espère
une couverture, il faut faire preuve de prévention ".
A bon " entrepreneur ", salut
!
J. A.
A voir également sur Juriscom.net :
- Réflexions sur les aspects juridiques du passage à l'an
2000,
(Espace "Professionnels") d'Alexandre Menais ;
- Commentaire du jugement
du 16 juin 1998 - Tribunal de commerce de Créteil,
(Espace "Professionnels") d'Alexandre Menais ;
- Bug de l'an 2000 :
première décision en faveur des utilisateurs - Tendance ou cas d’espèce ?,
(Espace "Professionnels") d'Alexandre Menais ;
- Texte du jugement du
Tribunal de commerce de Créteil du 16 juin 1998 (affaire Novatel) ;
- Texte de l'arrêt de la
Cour d'appel de Dijon du 4 février 1999 (affaire Bel Air Informatique).