Cette dernière vise notamment à garantir la
reconnaissance juridique des signatures électroniques et à mettre en uvre un
régime juridique permettant leur reconnaissance.
Dans le dispositif prévu par les institutions communautaires, la
fiabilité des signatures électroniques repose sur la délivrance de certificats émis
par des prestataires de services destinés à identifier lexpéditeur. La
proposition de directive a prévu des exigences essentielles portant sur la fiabilité de
ces prestataires et sur lutilisation de systèmes dignes de confiances.
Ainsi, ces " prestataires de services de
certification ", donc des entreprises, délivreront des certificats au public.
Le certificat correspondant à une attestation numérique qui lie un dispositif de
vérification de signature à une personne et confirme lidentité de cette personne.
Cette proposition envisage toute signature sous forme numérique
intégrée, jointe ou liée logiquement à des données et non seulement celles reposant
sur la cryptographie à clé publique et qui sont aujourdhui les plus courantes.
Cependant, selon une première lecture, ne seraient pas concernées les
signatures électroniques utilisées exclusivement à lintérieur de systèmes
fermés, notamment pour un groupe de sociétés ou un réseau bancaire. Les personnes
appartenant à ces systèmes conservent la liberté de convenir des conditions dans
lesquelles elles acceptent les signatures électroniques, dans les limites déterminées
par les lois nationales.
Force est de constater que cette proposition vise à fixer des règles
minimales en matière de responsabilité des prestataires vis à vis de toute personne qui
accorde du crédit à son certificat. A moins que le prestataire ne démontre quil a
vérifié les informations certifiées avec toute la diligence requise. Pour ce faire le
prestataire pourrait convenir de limiter lutilisation du certificat à un montant
maximal de transactions. Il convient de relever que ces règles minimales portent
notamment sur la validité de son contenu.
Quoiquil en soit, les instances communautaires semblent vouloir
éviter tout régime dautorisation préalable. Cela ne va pas sans poser quelques
problèmes de concordances des législations. Rappelons que la réglementation française
en matière de cryptographie soumet la délivrance dune signature électronique à
une procédure de déclaration préalable (voir nos réflexions sur le sujet dans
JURISCOM). Certes une accréditation volontaire pourrait tout de même être insaturée ou
maintenue pour élever le niveau du service de certification fourni.
Ainsi, dans la mesure où le certificat est émis par un prestataire
qui remplit les conditions essentielles, la signature doit avoir la même valeur juridique
que celle manuscrite et doit être admissible comme preuve dans le cadre dune
procédure judiciaire et ceci indépendamment de la technologie utilisée (on peut
raisonnablement considérer que les liens juridiques contractuels échapperont à cette
nouvelle réglementation, ce qui peut paraître curieux dans la perspective du
développement du commerce électronique).
Face à cette évolution, comment appréhender les
solutions déjà existantes dans notre droit interne ?
Tout dabord, le droit français ne se contente pas de retenir un
élément matériel puisque, de jurisprudence constante, lélément intentionnel du
contenu de lengagement prédomine.
Notre cour suprême a refusé dadmettre depuis longtemps la
signature par empreinte digitale. Aussi, comment imaginer la reconnaissance juridique par
cette dernière de la signature électronique ?
Les " communautaristes " (les spécialistes du
droit communautaire), se replieraient sur la quasi absence de marge de manuvre de
notre droit (les parlements nationaux des membres de lUnion sont
devenus de véritables chambres denregistrement des textes communautaires et toutes
les juridictions suprêmes de ces Etats, sauf exception, ont reconnu la primauté du droit
communautaire sur leur législation interne) , puisque pour ces derniers le droit
français est devenu une subdivision du droit communautaire
Sans vouloir polémiquer, nombreux sont les exemples où, à tort ou à
raison, la Cour de Cassation et le Conseil dEtat résistent et font fi des positions
communautaires.
Après ces considérations portant sur la hiérarchie des normes en
droit interne, il convient de se pencher sur létat du droit positif et plus
particulièrement sur les positions de la cour de cassation qui permettraient
dappréhender lalchimie qui est à réaliser entre les positions rigoristes du
code civil et le progrès technique.
Nous pouvons évoquer lévolution qua connu le chèque en
droit cambiaire, où la Cour de Cassation a fini par admettre la griffe sur un chèque.
Cet exemple peut paraître insuffisant, en revanche, en droit bancaire
où linformatique joue un rôle fondamentale, notre cour suprême a favorisé le
développement des prémices dun preuve informatique.
Chacun dentre nous a le souvenir quil fallait signer un
récépissé pour les premiers paiements par carte, avec ce que lon appelait
" les fers à repasser ".
Or, le passage au terminal à paiement électronique et à la carte à
puce nous montre que notre droit sait peu ou prou sadapter aux évolutions de son
environnement. La puce permettant lidentification du porteur de la carte et son
authentification lors de la transaction.
Cette démonstration pourrait laisser nos lecteurs perplexes sur les
intentions du droit français. Un arrêt du 2 décembre 1997 (Cass Com 02/12/1997 SA
Descamps c/ SA Banque Scalabert Dupont : JCP E 1998, n°5 p.178) de la chambre
commerciale vient nous éclairer sur les intentions des magistrats français (voir
" lAudace technologique de la Cour de Cassation , vers la libération de
la preuve contractuelle ", par Pierre CATTALA et Pierre-Yves GAUTIER, JCP E, p.
884). Pour la Cour, lécrit " peut être établi et conservé sur
tout support, y compris par télécopie, dès lors que son intégrité et
imputabilité de son contenu à lauteur désigné, ont été vérifiées ou ne sont
pas contestées ".
Il apparaît au terme de cet arrêt quun écrit peut être
immatériel et que, grâce au progrès de la technique, la fiabilité de cet écrit serait
incontestable (une commande via le réseau en étant une démonstration éclatante).
Nous ne cherchons pas à revenir sur limportante littérature
portant sur la signature électronique (pour une étude complète, voir JCP éd G., 1998,
p.583 et s., " La sécurité et confiance dans le commerce
électronique " par E.A. CAPRIOLI) , simplement permettez-nous quelques
réflexions sous forme dinterrogations.
A notre avis, Christophe DEVYS nous délivre une très bonne
définition de la signature entendue comme " tout signe intimement lié à un
acte permettant didentifier et dauthentifier lauteur de cet acte et
traduisant une volonté non équivoque de consentir à cet acte " (Du sceau
numérique à la signature électronique, sous la direction de C. DHENIN, Vers une
administration sans papier, Paris, La documentation Française, 1996, p.96). Autrement
dit, la signature remplit deux fonctions juridiques : lidentification de
lauteur et la manifestation de sa volonté.
- Sur le problème de lidentification de lauteur, on sait que, pour le moment,
cest lexistence du support papier qui permet de résoudre la question de la
vérification de lidentité du contractant ou encore de sa capacité. Le problème
se retrouve dans la vente par correspondance, et plus précisément dans les contrats
entre absents. Or pourquoi un changement de culture du catalogue papier à lInternet
ne permet pas la reprise de solutions qui sont pourtant pertinentes ?
- A contrario, si la solution consiste à se retrancher derrière les carences de la
technique pour répondre aux problèmes posés, nous ne pouvons que souscrire à cette
affirmation pourtant peu originale. Autrement dit, malgré les évolutions technologiques,
ces dernières ne garantiraient pas encore assez de fiabilité notamment dans le domaine
de la preuve et plus précisément quant à lidentification de lauteur et la
manifestation de sa volonté.
Mais léquation " sécurité fonctionnelle correspond
à sécurité juridique " est pourtant inexacte ! En effet, même si la
tendance est à " I encrypt therefore I am " ou encore
de recourir aux garanties apportées par la certification , il nen demeure pas
moins que la reconnaissance juridique est toujours une question préalable. En effet,
juristes et professionnels de linformatique ont beau se renvoyer la balle, il faut
fixer un cadre réglementé permettant une reconnaissance juridique et dès lors trouver
des moyens techniques à propos.
- Quant à la manifestation de volonté, ce nest certainement pas la technique qui
altérera lexpression du consentement du contractant. En effet, tout
naturellement, la notion doffre et dacceptation peuvent cohabiter sur
lInternet. Or, nest ce pas lessence même de lInternet que
dêtre un immense champ doffres que lInternaute peut rencontrer et, en
connaissance, de cause décider daccepter les proposition de tels ou tels
sites
La gratuité de certaines informations na jamais été
contestée, et cest justement par une démarche volontaire que lon peut
accéder au plus que peut procurer une véritable offre au sens commerciale du terme.
Accès à linformation ne sous-entend pas consommation. Certes, lorsque je rentre
dans un musée, je paye un droit dentrée mais, ensuite, je suis libre de consulter
une uvre et à fortiori den acheter une
Il faudrait nous démontrer que les conditions retenues par le droit
français pour caractériser lexpression dune volonté et plus précisément
dun consentement, sont altérées dans les relations en ligne. Pour mémoire une
proposition précise, non équivoque et ferme permettant à un accipiens de
manifester sa volonté suffit à caractériser un consentement et par conséquent
lune des conditions de formation dun contrat !
De sorte que même les juristes, si il leur appartient de fixer ce
cadre que nous évoquions ci-dessus, se doivent dintégrer la genèse et le
fonctionnement de lInternet
Alors que Francis LORENTZ avait pu prendre position sur le droit de la
preuve (voir son rapport " Commerce électronique : une nouvelle donne pour
les consommateurs, les entreprises, les citoyens et les pouvoirs publics ", en
ligne sur le site Web du ministère de léconomie et des finances), son ministre de
tutelle ne sest pas prononcé sur la question et na fait quévoquer le
droit de la signature électronique dont il attend les travaux du Conseil dEtat pour
modifier les textes existants.
Mais il a néanmoins fait référence à un groupe de travail chargé
de proposer avant la fin de lannée " les conditions techniques et
juridiques dauthentification et de validation de la signature électronique dans
ladministration ". Nous pouvons comprendre que le ministre cherche avant
tout à faire de son administration (les finances) le modèle du genre et un laboratoire
de tests. Certain aurait pu trouvé paradoxal de voir ladministration placer des
mesures portant sur le commerce électronique au cur de ces préoccupations. En
effet, même si elle demeure dans certain contrat une personne " privée "
sans prérogative de puissance publique, le nombre de ses transactions en ligne
touchant au commerce électronique reste très limité. Certes la possibilité de régler
ses impôts en ligne consistera bien en une transaction...
Et bien, nous nappartenons pas à cette catégorie et même plus,
nous nous félicitons de la démarche ministérielle. Tout comme pour lan 2000 (voir
les conclusions du rapport THERY), le gouvernement Français a parfaitement appréhendé
le problème. Si la valeur de la preuve de documents numérisés suscite des
interrogations, cest bien parce que le commerce électronique est en pleine
expansion. Or, si des solutions satisfaisantes doivent être apportées en matière
dauthentification, de sécurité et de confidentialité des transactions, il
appartient dans un premier temps aux différents acteurs de lInternet de faire part
de leur préoccupations. La mise en place dun vaste forum de discussion sur le sujet
permettra à la France dadapter sa législation sans trop de précipitation.
Dautant plus que comme la toujours rappelé Me BENSOUSSAN,
à qui lhistoire semble donner raison, il appartiendra aux juristes de comprendre
que le passage dune logique informationnelle à une logique transactionnelle
implique lapplication de nombreux textes légaux et réglementaires existants
confortant quil ny a pas de vide juridique autour de lInternet (Alain
BENSOUSSAN, Internet : aspects juridiques, Ed. Hermès 1996).
Plus simplement les réformes nous les voulons, nous les attendons,
nous essayons de les faire mais souvent nous nous heurtons à des blocages qui sont
plutôt dordre culturel