Commerce électronique : les
réformes européennes
Par Maître Valérie
Sédallian
Avocat à la Cour de Paris
email : sedallian@argia.fr
Résumé
La Commission européenne
mène actuellement différents travaux dans le domaine du commerce électronique. Elle a
présenté récemment différents projets de directives couvrant tous les aspects
juridiques du commerce électronique : signature électronique, contrats en ligne,
monnaie électronique.
Parmi ces différentes
propositions, celle concernant la signature électronique revêt une importance
particulière : la validité juridique de la signature électronique est en effet une
question clé. Concomitamment, un projet de réforme sur le droit français de la preuve
vient dêtre annoncé. Ces projets montrent que lon tend incontestablement
vers une reconnaissance de la valeur juridique du document électronique. Le projet de
directive sur la signature traite également de la fourniture des services de
certification qui ne sont dotés en droit français daucun statut spécifique.
Introduction
On assiste à une grande
activité normative au niveau européen en ce qui concerne le commerce électronique. La
Commission mène actuellement différents travaux dans ce domaine. Lobjectif est
celui dune sécurité juridique optimale des transactions en ligne : les
initiatives législatives se multipliant dans les états membres, la Commission souhaite
mettre en place un cadre juridique harmonisé au niveau européen.
1. Pourquoi le droit
européen ?
Dans une perspective de veille
juridique sur le commerce électronique, il est important de connaître ces projets
européens et les orientations qui sen dégagent :
- la norme communautaire prime sur la norme
nationale : le texte national devra tenir compte de la norme européenne ;
- les directives communautaires une fois
adoptées entrent en vigueur dans un délai moyen de deux ans : le juge doit
interpréter le droit national à la lumière du texte et de la finalité dune
directive même non encore transposée (arrêts 193/88 Fratelli Costanzo du 22 juin 1989,
152/84 Marshall du 26 février 1986, C-106/89 Marleasing du 13 novembre 1990, C-91/92
Faccini Dori du 14 juillet 1994);
- un règlement est directement applicable ;
- actions de lobbying : indication aux
institutions compétentes de la position de lentreprise à légard de leur
projet ;
- une directive 83/189 du 28 mars 1983 prévoit
une procédure dinformation de la Commission dans le domaine des normes et
réglementations techniques.
Linformation sur le
droit communautaire en cours délaboration permet danticiper la norme à
venir.
2. Panorama des différents
projets
Une des problématiques du
commerce électronique est de créer les conditions de la confiance Cette confiance passe
par la sécurité : sécurité technique mais aussi sécurité juridique.
Pour chaque règle juridique
concernant le commerce électronique, il existe un texte européen en cours de
discussion :
a. Réglementation de la
cryptographie
Proposition de règlement du
Conseil du 15 mai 1998 instituant un régime communautaire unifié de contrôle des
exportations à double usage (COM (98) 257, JOCE du 21 décembre 1998) : prévoit la
suppression des restrictions existantes aux transferts intra-communautaires en ce qui
concerne les produits de cryptologie, remplacées par une procédure de notification.
b. Contrats
- Projet de directive sur un
cadre commun pour les signatures électroniques du 16 juin 1998 (COM(98)297, JOCE du 23
octobre 1998) : vise à faire produire à la signature électronique des effets
équivalents en matière de preuve, à la signature manuscrite et fixe les principes
applicables à la fourniture de services de certification.
- Proposition de directive
relative à certains aspects juridiques du commerce électronique dans le Marché
intérieur en date du 18 novembre 1998 : cette proposition concerne différents
domaines : établissement des prestataires et informations générales à fournir,
communications commerciales, contrats par voie électronique, responsabilité des
intermédiaires techniques, codes de conduite, règlement des différents.
c. Sécurité des
consommateurs
- Directive 97/7 du 20 mai 1997
concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (JOCE
du 4 juin 1997) ;
- Résolution du Conseil du 3
novembre 1998 sur les aspects de la société de linformation concernant les
consommateurs : mise en avant de la nécessité de créer un climat de confiance pour
les consommateurs. Linstauration de cette confiance repose sur loffre dans le
domaine des nouvelles technologies dun niveau de protection équivalent à celui qui
est assuré dans les transactions traditionnelles.
d. Systèmes de paiement
- Recommandation de la Commission
du 30 juillet 1997 concernant les opérations effectuées au moyen dinstruments de
paiement électronique, en particulier la relation entre émetteur et titulaire :
fixe des exigences minimales dans la relation émetteur/ titulaire de linstrument en
matière de formation du contrat, responsabilité, voies de recours, information du client
(Recommandation 97/489, JOCE du 2 Août 1997).
- En date du 29 juillet 1998,
deux propositions de directive concernant l'activité des institutions de monnaie
électronique : ces projets visent à fournir un cadre réglementaire aux
établissements émettant de la monnaie électronique. Les propositions définissent la
monnaie électronique comme un montant monétaire stocké sur une carte à microprocesseur
(carte prépayée ou " porte-monnaie électronique ") ou sur une
mémoire d'ordinateur (monnaie de réseau ou de logiciel) et qui est accepté comme moyen
de paiement par des entreprises autres que l'émetteur.
Les projets de directives sur le
commerce électronique, la monnaie électronique, la signature électronique sont
disponibles sur le site Internet de la DG XV , en français et en anglais :
http://europa.eu.int/comm/dg15/fr/media/eleccomm/index.htm
Parmi ces projets, celui
concernant la signature électronique est particulièrement important en matière de
commerce électronique : il sagit dune question centrale. En effet, les
implications juridiques de la signature numérique couvrent aussi bien la formation du
contrat en ligne, que la preuve, le paiement, ou les opérations de banque électronique.
En outre, ce projet de directive
sarticule avec une réforme en cours de préparation au niveau national sur le droit
de la preuve.
I. Vers la reconnaissance
juridique du document électronique
1.1. La problématique de la
preuve électronique en milieu ouvert
La sécurisation des échanges
est plus complexe à organiser en milieu ouvert.
État présent du droit de la
preuve
Le droit français de la preuve
sorganise autour de la référence à lécrit et reste marqué par le principe
de prééminence de lécrit. Même si le contrat est valablement formé sans écrit
du seul fait de léchange des consentements des parties, la nécessité pour les
parties de se ménager la preuve de leur contrat impose en réalité le recours à un
écrit.
Lécrit au sens
traditionnel, cest le titre original revêtu dune signature manuscrite et
matérialisé dans un document papier. Un acte écrit est exigé pour toute convention
dont lobjet vaut plus de 5 000 francs. Lorsquun écrit a été rédigé,
on ne peut apporter la preuve contraire que par un autre écrit.
La signature est
traditionnellement associée à une expression manuscrite fixée sur un document papier.
La signature nest pas
définie en droit français, même si le Code civil mentionne à plusieurs reprises
lobligation dune signature : article 1322 sur les actes sous seing
privé, article 1325 sur le contrat synallagmatique et la formalité du double original,
article 1326 sur la reconnaissance de dette.
La signature remplit deux
fonctions juridiques de base :
- identification de
lauteur ;
- manifestation de sa volonté
(approbation du contenu de lacte), adhésion personnelle du signataire au contenu du
document.
Ce principe de la preuve écrite
comporte un certain nombre dexceptions.
Notamment, et ce principe est
important pour les entreprises, les conventions de preuve sont parfaitement
valables : les dispositions relatives à la preuve nétant pas dordre
public, il est possible pour les parties de prévoir dans un contrat les questions
relatives à ladmissibilité et la valeur probante des documents numériques, et de
décider que la preuve des contrats conclus seffectuera par dautres moyens que
lécrit.
La jurisprudence a reconnu la
validité de telles conventions en matière de paiement par cartes bancaires (affaire
Crédicas, 8 novembre 1989, D. 1990, 369).
Cest ce principe qui est
utilisé pour lEDI, Echange de Données Informatisées : un contrat cadre
permet détablir les conditions juridiques et techniques dutilisation de
lEDI dans le cadre de relations commerciales et administratives. Les parties sont
assurées de la validité et des effets juridiques des messages échangés.
Cependant, la validité de la
preuve électronique et de la signature numérique reste contestable en dehors du cadre
des conventions sur la preuve.
En outre, la liberté
contractuelle nest pas absolue :
- entre professionnel et non
professionnel : la convention sur la preuve ne doit pas constituer une clause dite
abusive (article L 132-1 du Code de la consommation ; directive 93/13 du 5 avril
1993). Or, les moyens de preuve sont détenus par lexploitant du système. Une
recommandation de la commission des clauses abusives demande par exemple que soient
éliminées des contrats " porteurs " proposés par les émetteurs de
cartes, les clauses ayant pour objet ou pour effet " de conférer aux
enregistrements magnétiques détenus par les établissements financiers ou bancaires une
valeur probante en dispensant ces derniers de lobligation de prouver que
lopération contestée a été correctement enregistrée et que le système
fonctionnait normalement " (Recommandation n° 94-02 relative aux contrats
porteurs des cartes de paiement, BOCCRF 30 mai 1995, p. 182).
- le cadre de la convention sur
la preuve nécessite que les parties aient une relation préexistante :
client/banque ; partenaires commerciaux. Or, on assiste en milieu ouvert à une
dématérialisation du processus contractuel lui-même : dès laccord des
volontés, lutilisation du service vaut adhésion dématérialisée à un contrat.
En droit, le contrat peut naître du simple échange de consentements. Mais le problème
de la preuve du contrat et de létendue de laccord de consentement du
cocontractant reste entier.
- les conventions sur la preuve
ne sont pas opposables aux tiers (effet relatif du contrat). Or, il peut savérer
nécessaire dadministrer la preuve dun acte à légard dun tiers
au contrat (créancier du donneur dordre, bénéficiaire dun virement).
- certains textes imposent des
conditions de forme faisant référence explicite à lécrit. Il en est ainsi de la
directive sur les contrats à distance qui prévoit la confirmation par écrit ou sur un
autre support durable de certaines informations relatives au contrat (article 5 de la
directive). Or la définition du contrat à distance inclus les contrats conclus sur
Internet. On peut citer également le formalisme du droit cambiaire (Cass. Com. 26
novembre 1996, JCP E 97, II, 906).
Une réforme du cadre juridique
pour ladapter aux nouvelles technologies apparaît inéluctable.
1.2. Le contrat en ligne
Il nexiste pas encore de
texte définitif que ce soit au niveau européen ou en droit français, mais on tend
incontestablement vers une reconnaissance de la valeur juridique du document
électronique.
1.2.1. Le projet de directive
sur les signatures électroniques
Cette directive vise à instituer
un cadre juridique homogène et approprié à lutilisation de ces signatures dans la
Communauté. Elle définit un ensemble de critères qui constituent la base de la
reconnaissance juridique de la signature électronique. Elle institue notamment le
principe de non-discrimination entre signature électronique et manuscrite (article 5).
La signature nest pas
définie de manière abstraite, mais se rattache à des données :
La signature électronique est
définie comme :
" une signature sous
forme numérique intégrée, jointe ou liée logiquement à des données, utilisée par un
signataire pour signifier son acceptation du contenu des données, et qui satisfait aux
exigences suivantes :
(a) être liée uniquement au
signataire ;
(b) permettre didentifier le
signataire ;
(c) être créée par des moyens que le
signataire puisse garder sous son contrôle exclusif ; et
(d) être liée aux données auxquelles elle se
rapporte de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit
détectée. "
Ici, la signature
électronique est conçue comme un moyen technique de sécurisation, et nest pas
définie par rapport à ses effets juridiques.
Dans la cadre dune
transmission de données, la signature électronique permet de vérifier lorigine
des données (authentification) et de vérifier que les données nont pas été
altérées (intégrité).
La directive sapplique aux
réseaux ouverts. Elle na pas vocation à sappliquer aux " groupes
fermés " tels que réseau dentreprise ou système bancaire, dans lesquels
des relations contractuelles sont établies : pour ces utilisateurs, cest la
liberté contractuelle qui prévaut.
La directive se veut
techniquement neutre.
La directive va obliger les Etats
à modifier leur régime de preuve, puisque la directive vise à reconnaître à la
signature électronique une valeur probatoire.
1.2.2. Lavant-projet de
loi relatif à ladaptation du droit de la preuve aux nouvelles technologies
On peut signaler une première
étape vers la reconnaissance juridique de la signature électronique dans le décret
relatif à la carte professionnelle de santé :
" Pour les
applications télématiques et informatiques du secteur de la santé, la signature
électronique produite par la carte de professionnel de santé est reconnue par les
administrations de lEtat et les organismes de sécurité sociale comme garantissant
lidentité et la qualité du titulaire de la carte ainsi que lintégrité du
document signé. Ainsi signé, les documents électroniques mentionnés à larticle
L 161-33 sont opposables à leur signataire " " Pour les
applications télématiques et informatiques du secteur de la santé, la signature
électronique produite par la carte de professionnel de santé est reconnue par les
administrations de lEtat et les organismes de sécurité sociale comme garantissant
lidentité et la qualité du titulaire de la carte ainsi que lintégrité du
document signé. Ainsi signé, les documents électroniques mentionnés à larticle
L 161-33 sont opposables à leur signataire " " Pour les
applications télématiques et informatiques du secteur de la santé, la signature
électronique produite par la carte de professionnel de santé est reconnue par les
administrations de lEtat et les organismes de sécurité sociale comme garantissant
lidentité et la qualité du titulaire de la carte ainsi que lintégrité du
document signé. Ainsi signé, les documents électroniques mentionnés à larticle
L 161-33 sont opposables à leur signataire " (Décret n° 98-271 du 9 avril
1998, JO du 12 avril 1998, p. 5714, nouvel article R 161-58 du Code de la sécurité
sociale).
Une importante proposition vient
dêtre formulée par un groupe de travail dit " GIP droit et
justice " en vue dune prochaine réforme législative. Les propositions du
GIP ont été reprises par la Chancellerie.
Les principales dispositions du
projet :
(voir le texte ci-après en
annexe)
- Nouvelle définition de la
preuve par écrit qui englobe la preuve par écrit électronique ;
- Admissibilité comme mode de
preuve de lécrit électronique : la valeur probante de lécrit
électronique est toutefois soumise à certaines exigences : elle nest reconnue
quà condition que les moyens techniques utilisés donnent des assurances aussi bien
en ce qui concerne lidentité de celui dont émane cet écrit, que sur la fiabilité
de son mode de conservation ;
- Règlement des conflits entre
une preuve électronique et une preuve sur support papier : le projet prévoit la
prééminence de lécrit sur support papier ;
- Consécration de la validité
des conventions sur la preuve ;
- Définition de la signature et
de la signature électronique. La définition de la signature souligne le double rôle de
la signature : identification de lauteur et manifestation du consentement à
lacte. La signature électronique doit reposer sur lusage dun processus
fiable et permettant détablir le lien avec lacte sur lequel elle porte.
La disposition controversée de
ce projet concerne le caractère subsidiaire de la preuve électronique par rapport à la
preuve traditionnelle. Cette réserve est justifiée par le fait que les documents
électroniques seraient aujourdhui unilatéralement établis et archivés sans
garantie de sécurité. La pleine reconnaissance de la valeur juridique du document
électronique resterait subordonnée à une future intervention législative. Ceci est
dautant moins opportun que le projet prévoit que le juge a la possibilité de
déterminer entre plusieurs titres le plus vraisemblable.
Enfin, cette réserve pourrait
être incompatible avec les exigences des directives européennes sur la signature et le
commerce électronique.
1.2.3. Le contrat à distance
Le projet de directive sur la
signature électronique ne couvre pas les autres aspects du contrat en ligne, liés à la
conclusion et à la validité du contrat.
Mais un autre projet de directive
concernant le commerce électronique vient compléter les dispositions du projet sur la
signature électronique : cest la proposition de directive relative à certains
aspects juridiques du commerce électronique.
Ce projet de directive traite de
différentes questions, dont celle des contrats par voie électronique.
- traitement des contrats par
voie électronique (article 9):
Les Etats membres doivent veiller
à rendre effectivement possible le recours aux contrats par voie électronique. Il
sagit pour les Etats de faire un examen systématique de leur réglementations
susceptibles dempêcher, limiter ou dissuader lutilisation des contrats par
voie électronique.
Pour appliquer effectivement
cette obligation, les autorités nationales devront notamment :
- supprimer les dispositions qui
interdisent ou limitent lutilisation des voies électroniques ;
- ne pas donner au contrat par
voie électronique un effet juridique faible qui reviendrait à favoriser en pratique
lutilisation des contrats sur support papier ;
- adapter les exigences de forme
qui ne peuvent pas être remplies par voie électronique. Par exemple, des exigences
relatives au support du processus contractuel : être sur
" papier ", par " écrit ", envoyer une
" lettre ", utiliser un " formulaire ", avoir un
" original ", être " imprimé ".
Certains contrats pourront rester
exclus de ce dispositif : contrats notariés notamment en ce qui concerne la France
(immobilier, successions, donations, contrats de mariage).
- informations à fournir
(article 10) :
Les modalités de formation
dun contrat par voie électronique doivent être expliquées par le prestataire de
manière claire et non équivoque et préalablement à la conclusion du contrat. Il
sagit dassurer " un consentement complet et éclairé de la part des
parties. " Les professionnels peuvent déroger à cette exigence par contrat.
Larticle 11 du projet
traite également de la question du moment de conclusion du contrat en ligne.
Le projet de directive ne traite
pas des questions relatives au contenu du contrat. Il faut se référer aux autres
directives qui peuvent sappliquer aux contrats en ligne, notamment la directive 97/7
sur la vente à distance. La Commission considère que les exigences dinformation de
la proposition sur le commerce électronique , en ce quelles concernent le processus
de formation du contrat électronique, sont complémentaires des informations préalables
que doit fournir le fournisseur au consommateur avant la conclusion du contrat à
distance. De même, les obligations en matière dinformation prévues par
dautres directives ne sont pas modifiées.
II. Les services de
certification
2.1. Lébauche dun
cadre juridique pour les autorités de certification
Le projet de directive sur les
signatures électroniques couvre également la question des tiers certificateurs. Il vise
à instaurer une reconnaissance internationale des services de certification des
signatures électroniques.
Daprès une recommandation
n° 509 de lUIT-T, une autorité de certification est " une autorité
chargée par un ou plusieurs utilisateurs de créer et dattribuer leur clé publique
et leur certificat. " Il a pour fonction de formaliser le lien qui existe
entre une personne physique ou morale et une paire de clés asymétrique.
Dans la directive, les tiers
certificateurs sont appelés " prestataires de services de
certification " (PSC). Le PSC est définit comme : " toute
personne physique ou morale qui délivre des certificats au public pour vérifier la
signature électronique. "
Cette activité ne fait
lobjet daucune réglementation spécifique en droit français, hormis en ce
qui concerne la réglementation de la cryptologie. La directive, intégrée dans notre
législation, donnerait un cadre juridique à ces services.
2.1.1. La fourniture de
services de certification
La fourniture de services de
certification ne pourra être soumise à aucune autorisation préalable.
Les états peuvent prévoir un
processus de reconnaissance professionnelle, ou accréditation pour lexercice de la
mission de PSC. Cependant, la procédure daccréditation repose sur le volontariat
et naurait pas de caractère obligatoire.
Par ailleurs, lannexe II de
la directive fixe un certain nombre dexigences auxquelles doivent satisfaire les
PSC, parmi lesquelles :
- jouir du crédit nécessaire ;
- utiliser des systèmes fiables ;
- archiver les informations relatives aux
certificats ;
- disposer de ressources financières
suffisantes ;
- ne pas conserver la clé privée de signature
cryptographique.
Une des fonctions assurées par
une autorité de certification est démettre des certificats. Un certificat sert à
lidentification du titulaire de la clé privée correspondant à la clé publique
mentionnée dans le certificat pour la signature. Le projet définit le certificat agréé
comme " une attestation numérique qui lie un dispositif de vérification de
signature à une personne, confirme lidentité de cette personne ". Le
certificat doit répondre à des exigences fixées par lannexe I du projet de
directive .
2.1.2. La responsabilité des
PSC
Il doit exister des garanties
juridiques pour le cas où le PSC manquerait à ses obligations. La question de la
responsabilité du PSC est particulièrement sensible lorsque le certificat est erroné.
Le projet prévoit la
responsabilité des PSC sur lexactitude des informations certifiées par eux et sur
limputabilité de la signature (article 6).
Dune manière générale,
le PSC a lobligation dassurer la sécurité du système mis en place (voir les
Exigences concernant les PSC, Annexe II).
2.1.3. Libre circulation des
produits
Les services établis dans un
Etat et les éventuelles accréditations délivrées par un Etat devront être reconnus
dans les autres Etats. Les produits de signature électronique doivent pouvoir circuler
librement sur le marché intérieur.
2.1.4. Aspects internationaux
Dans la perspective de la mise en
place dun système de reconnaissance mutuelle des signatures et certificats avec les
pays tiers, le projet de directive prévoit les conditions pour que les certificats
délivrés par un PSC dun pays tiers soient juridiquement reconnus comme
équivalents aux certificats délivrés par un PSC établi dans la Communauté
européenne. En particulier, un PSC établit dans la Communauté pourra avaliser les
certificats dun PSC dun pays tiers.
2.2. La cohérence avec la
réglementation de la cryptographie
Il est difficile daborder
la réglementation de la signature électronique et des services de certification sans
évoquer la réglementation de la cryptographie : la cryptographie apporte la
sécurité technique nécessaire à la signature, la fourniture de services de
certification est liée aux techniques de cryptographie asymétrique.
La loi française du 26 juillet
1996 repose sur la dichotomie entre les fonctions dauthentification et
dintégrité, soumise à un régime plus libéral, et les fonctions de
confidentialité, sur lesquelles lEtat entend garder un contrôle étroit. Elle
prévoit pour lutilisation de la cryptographie forte à des fins de confidentialité
le recours au système des tiers de confiance.
Dans sa conférence de presse du
19 janvier 1999 sur la Société de lInformation, le Premier ministre a annoncé la
refonte de la législation adoptée en 1996. Il est notamment envisagé de supprimer le
caractère obligatoire du recours aux tiers de confiance. Dores et déjà, en
attendant la modification législative annoncée, deux décrets et un arrêtés publiés
le 17 mars dernier on relevé le seuil de la cryptologie dont lutilisation est libre
de 40 bits à 128 bits.
En tout état de cause, la
question de la compatibilité de la réglementation française avec le dispositif
communautaire se serait posée tôt ou tard.
2.2.1. La fourniture de
produits de signature électronique
Un PSC serait aux termes de la
loi française un fournisseur de prestation de cryptologie. Si la simple utilisation
dune signature électronique est libre, il nen va pas de même pour la
fourniture qui est soumise à la formalité de la déclaration préalable. Les
fonctionnalités utilisées pour lauthentification et le contrôle de
lintégrité ne doivent pas permettre de chiffrer dautres informations que les
données nécessaires au contrôle daccès, ni aucune autre information que celle
nécessaire à lauthentification ou au contrôle dintégrité des données
elles-mêmes. Sinon, le produit relève de la formalité de la demande dautorisation
préalable.
Du point de vue technique et de
la sécurisation des échanges, séparer lauthentification de la confidentialité
est artificiel.
Dans le projet de directive, les
deux aspects sont liés. Ainsi, les PSC doivent : " utiliser des
systèmes fiables et des produits de signature électronique qui assurent une protection
contre toute modification non autorisée desdits produits
; ils doivent
également utiliser des produits de signature électronique qui assurent la sécurité
technique et cryptographique des processus de certification pris en charge par lesdits
produits " ou encore "prendre des mesures contre la contrefaçon des
certificats, et au cas où le PSC génère des clés privées de signature
cryptographique, garantir la confidentialité au cours du processus de génération
desdites clés " (annexe II, points e et f).
De même, la fonction
dautorité de certification est liée à la technique de la cryptographie
asymétrique. Or, dans ce procédé, authentification et confidentialité sont liées sur
le plan fonctionnel.
Le projet de directive indique
que les états membres doivent veiller à ce que les produits de signature électronique
conformes à la directive puissent circuler librement sur le marché intérieur. Il
sagit dun rappel du principe de libre circulation.
Un produit de signature
électronique librement commercialisé dans un autre pays de lUnion européenne doit
pouvoir être fourni en France sans entrave.
Cependant, le nouveau décret
n°99-199 du 17 mars 1999 substitue la formalité de la déclaration à celle de
lautorisation pour les produits de cryptographie mis en uvre par un algorithme
dont la clé est inférieure ou égale à 128 bits.
2.2.2. Tiers de confiance et
autorité de certification
Le tiers certificateur joue un
rôle dans la reconnaissance et la mise en uvre juridique des signatures
numériques, alors que le tiers de confiance vise à offrir un accès légal aux clés de
chiffrement.
Il a été envisagé que les
tiers de confiance puissent proposer à côté des services de gestion et de séquestre
des clés privées, des services de certification. Or, le projet de directive sur les
signatures prévoit que les PSC ne doivent pas stocker ou copier les clés privées
de signature cryptographique à laquelle le PSC a offert des services de gestion de clés
à moins que cette personne en ait fait explicitement la demande (Annexe II, point i).
Dans le même sens, la définition de la signature électronique indique que la signature
électronique doit être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son
contrôle exclusif.
Au regard de ces dispositions, la
confusion entre les fonctions de tiers de confiance et de tiers certificateur
naurait pas été sans soulever certaines questions.
V.S.
Annexe
Avant-Projet de loi modifiant
les dispositions du Code civil sur la preuve littérale afin de les adapter à la
Société de linformation
Article 1
Larticle 1316 du Code civil
devient larticle 1315-1.
Article 2
A la Section I du Chapitre VI du
Titre III du Livre III du Code civil sont insérées les dispositions ci-après :
Article 1316
La preuve littérale ou par
écrit sentend dune suite de lettres, de signes, de chiffres ou de tous autres
symboles, dotés dune signification intelligible par autrui.
Sa nature décrit ne
dépend ni de son support physique, ni des modalités de son transfert en cas de
communication à distance.
Article 1316-1
Un écrit électronique est
considéré comme ayant une valeur probante sous réserve que soit dûment identifié
celui dont il émane et quil soit établi et conservé dans des conditions de nature
à en garantir la fiabilité.
La preuve contraire peut être
rapportée contre un écrit électronique sur le fondement de présomptions graves,
précises et concordantes.
Il ne peut pas être prouvé par
écrit électronique contre et outre un écrit rédigé sur des registres ou papiers
quelconques et signé par les parties.
Article 1316-2
Lorsque la loi na pas fixé
dautres principes, et à défaut de convention valable entre les parties, les
tribunaux règlent les conflits de preuve littérale en déterminant par tous moyens le
titre le plus vraisemblable.
Article 3
Après larticle 1322 il est
ajouté un article 1322-1 ainsi rédigé :
Article 1322-1
La signature nécessaire à la
perfection dun acte sous seing privé identifie celui auquel il est opposé et
manifeste son consentement aux obligations qui en découlent. Elle sentend de
lapposition de son nom ou dun autre signe personnel, ou de lusage
dun processus didentification, incorporé à lacte ou formant un tout
avec lui.
La signature électronique
consiste en lusage dun processus fiable et garantissant le lien avec
lacte sur lequel elle porte.
Voir également sur Juriscom.net :
- Un aperçu de la
proposition de Directive 98-586 relative à certains aspects juridiques du commerce
électronique (Espace "Professionnels"), de Yann Dietrich et Alexandre
Menais ;
- La reconnaissance juridique de la
signature électronique
(Espace "Professionnels"), d'Alexandre Menais ;
- Preuve et
formalisme des contrats électroniques : lexemple québécois
(Travaux Universitaires - Doctrine), de Vincent Gautrais ;
- L'échange
des consentements dans le commerce électronique
(Travaux Universitaires - Doctrine), de Lionel Thoumyre ;
- Aspects juridiques de
l'ouverture d'un site commercial sur Internet
(Chroniques juridiques), de Gérard Haas. |