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Rubrique : professionnels / volume 1

An 2000

Octobre 1999


 

Nouvelle jurisprudence sur le bogue - en terrain connu

Jugement du Tribunal de grande instance d'Annecy du 6 juillet 1999

Alexandre Menais, Juriste spécialisé en droit de l'informatique

 


Texte du jugement

Forum de discussion


Nous avions déjà pu, dans nos précédents commentaires portant sur les éléments d’une jurisprudence récente relative au bogue l'an 2000, nous féliciter du pragmatisme des magistrats français. Ce jugement (pourtant interjeté en appel) confirme bien cette tendance, s'agissant en tout cas des obligations des fournisseurs de progiciels.

Une société non informatique a acquis un droit d'utilisation d'un progiciel en 1990 auprès d'un éditeur notoire.

Le licencié, après des échanges divers avec son fournisseur sur la conformité "an 2000" du progiciel en question, fait grief à ce dernier d'avoir manqué à son obligation de mise en garde d'une part, et à son obligation de maintenance d'autre part.

En ce qui concerne le premier fondement soulevé, les magistrats relèvent que les communications personnalisées de l'éditeur à son client sur l'existence d'un produit de substitution au progiciel, inapte au changement de millénaire, dès 1997, ne constituent en rien un manquement à l'obligation de mise en garde.

S'agissant de l'obligation contractuelle de maintenance, le tribunal observe que le contrat fixait une licence d'utilisation à durée indéterminée avec à l'expiration d'un délai de 12 mois, un droit de résiliation unilatérale et anticipée reconnu aux parties, dans le respect d'un préavis de 6 mois, de sorte que le concédant pouvait légitimement mettre un terme à la convention et de fait à l'évolution du progiciel.

Cette solution est une application classique et conforme du droit des contrats et spécifiquement de ceux portant sur les progiciels informatiques.

Néanmoins, nous voyons dans ce même jugement deux motivations qui pourraient selon nous apporter des réponses aux interrogations soulevées dans les litiges liés à l'an 2000.

S'agissant en premier lieu des moyens d'information utilisés par le fournisseur du progiciel : une confirmation, les réunions d'informations ne constitueront certainement pas des éléments suffisants permettant à un fournisseur de répondre à son obligation de mise en garde. Nous considérons que cette affirmation pourra certainement être étendue aux communications par site Web qui, tout comme ces réunions, ne lient pas contractuellement les clients. Rappelons en substance que les conséquences de telles affirmations sont loin d'être mineures, car la relation relève de la responsabilité délictuelle, qui est illimitée.

En second lieu, à la question de savoir si l'an 2000 relève de la maintenance qu'elle soit corrective ou évolutive les magistrats semblent s'accorder pour le moment à rejeter toute idée de prise en compte du traitement des corrections par les prestations de maintenance. Ainsi, pour la maintenance corrective, la réponse du tribunal est des plus claire : "Qu'au demeurant, on ne saurait sérieusement soutenir que cette programmation en deux digits constituerait une erreur de programmation dès lors que, non seulement ce mode de programmation n'a en rien affecté le bon fonctionnement du produit depuis sa conception mais que, loin d'être le fruit d'une erreur, il s'agissait d'un délibéré, conforme aux standards alors en vigueur dans la communauté informatique, et motivé par des contraintes techniques (souci d'économiser de l'espace mémoire" et "s'agissait d'un produit ancien, largement obsolète, fiscalement amorti, et pour lequel elle bénéficiait d'une licence d'utilisation depuis déjà 1992 s'agissant de sa dernière version…;"

Plus encore les magistrats annihilent tout espoir de maintenance évolutive : "que BRICARD invoque l'obligation de maintenance évolutive prévue par les dispositions de l'article 4.3 du contrat ; Attendu, cependant que cette obligation ne vise que les modifications de la législation, ce qui est sans rapport avec la survenance de l'an 2000".

Les caractéristiques de ce jugement, tout comme les affaires précédentes portant sur l'an 2000, démontrent que le contentieux de l'imputabilité du passage, qui devrait tendre à disparaître puisque la date critique se rapproche, n'aura pas apporté de grande révolution juridique.

A. M.


A consulter sur Juriscom.net :

- Réflexions sur les aspects juridiques du passage à l'an 2000,
(Espace "Professionnels") d'Alexandre Menais ;
- Commentaire du jugement du 16 juin 1998 - Tribunal de commerce de Créteil,
(Espace "Professionnels") d'Alexandre Menais ;
- Bug de l'an 2000 : première décision en faveur des utilisateurs - Tendance ou cas d’espèce ?
(Espace "Professionnels") d'Alexandre Menais ;
- L'audit des contrats informatiques (Espace "Professionnels"), d'Alexandre Menais ;
- Les assurances face à l'an 2000 (Espace "Professionnels"), d'Alexandre Menais et Yann Dietrich ;
- Que faire à l'aube de l'an 2000 ? (Revue de presse), de Juliette Aquilina.

 

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