ous avions déjà pu, dans nos précédents commentaires portant sur les
éléments dune jurisprudence récente relative au bogue l'an 2000, nous féliciter
du pragmatisme des magistrats français. Ce jugement (pourtant interjeté en appel)
confirme bien cette tendance, s'agissant en tout cas des obligations des fournisseurs de
progiciels.
Une société non informatique a acquis un droit d'utilisation d'un
progiciel en 1990 auprès d'un éditeur notoire.
Le licencié, après des échanges divers avec son fournisseur sur la
conformité "an 2000" du progiciel en question, fait grief à ce dernier d'avoir
manqué à son obligation de mise en garde d'une part, et à son obligation de maintenance
d'autre part.
En ce qui concerne le premier fondement soulevé, les magistrats
relèvent que les communications personnalisées de l'éditeur à son client sur
l'existence d'un produit de substitution au progiciel, inapte au changement de
millénaire, dès 1997, ne constituent en rien un manquement à l'obligation de mise en
garde.
S'agissant de l'obligation contractuelle de maintenance, le tribunal
observe que le contrat fixait une licence d'utilisation à durée indéterminée avec à
l'expiration d'un délai de 12 mois, un droit de résiliation unilatérale et anticipée
reconnu aux parties, dans le respect d'un préavis de 6 mois, de sorte que le concédant
pouvait légitimement mettre un terme à la convention et de fait à l'évolution du
progiciel.
Cette solution est une application classique et conforme du droit des
contrats et spécifiquement de ceux portant sur les progiciels informatiques.
Néanmoins, nous voyons dans ce même jugement deux motivations qui
pourraient selon nous apporter des réponses aux interrogations soulevées dans les
litiges liés à l'an 2000.
S'agissant en premier lieu des moyens d'information utilisés par le
fournisseur du progiciel : une confirmation, les réunions d'informations ne constitueront
certainement pas des éléments suffisants permettant à un fournisseur de répondre à
son obligation de mise en garde. Nous considérons que cette affirmation pourra
certainement être étendue aux communications par site Web qui, tout comme ces réunions,
ne lient pas contractuellement les clients. Rappelons en substance que les conséquences
de telles affirmations sont loin d'être mineures, car la relation relève de la
responsabilité délictuelle, qui est illimitée.
En second lieu, à la question de savoir si l'an 2000 relève de la
maintenance qu'elle soit corrective ou évolutive les magistrats semblent s'accorder pour
le moment à rejeter toute idée de prise en compte du traitement des corrections par les
prestations de maintenance. Ainsi, pour la maintenance corrective, la réponse du tribunal
est des plus claire : "Qu'au demeurant, on ne saurait sérieusement soutenir que
cette programmation en deux digits constituerait une erreur de programmation dès lors
que, non seulement ce mode de programmation n'a en rien affecté le bon fonctionnement du
produit depuis sa conception mais que, loin d'être le fruit d'une erreur, il s'agissait
d'un délibéré, conforme aux standards alors en vigueur dans la communauté
informatique, et motivé par des contraintes techniques (souci d'économiser de l'espace
mémoire" et "s'agissait d'un produit ancien, largement obsolète,
fiscalement amorti, et pour lequel elle bénéficiait d'une licence d'utilisation depuis
déjà 1992 s'agissant de sa dernière version
;"
Plus encore les magistrats annihilent tout espoir de maintenance
évolutive : "que BRICARD invoque l'obligation de maintenance évolutive prévue
par les dispositions de l'article 4.3 du contrat ; Attendu, cependant que cette
obligation ne vise que les modifications de la législation, ce qui est sans rapport avec
la survenance de l'an 2000".
Les caractéristiques de ce jugement, tout comme les affaires
précédentes portant sur l'an 2000, démontrent que le contentieux de l'imputabilité du
passage, qui devrait tendre à disparaître puisque la date critique se rapproche, n'aura
pas apporté de grande révolution juridique.