Les faits
    La clinique Monticelli a acquis en 1992 auprès dAlctatel
    Business Systems, une solution téléphonique assortie dun contrat de
    maintenance renouvelable par tacite reconduction. Le 30 septembre 1999, ce contrat est
    prorogé pour une année non renouvelable. Interrogé par son client sur la conformité an
    2000 de la solution informatique acquise, le fournisseur lui répond que la partie software,
    plus particulièrement le logiciel de taxation des communications couplé à
    lautocom, nest pas compatible an 2000. Le fournisseur propose alors une mise
    à niveau de linstallation, moyennant le paiement dune somme de 56 768 F H.T. 
    La clinique ne se satisfait pas de cette proposition, considérant que
    la mise à niveau de la solution téléphonique relève du contrat maintenance et qu'elle
    ne doit supporter aucun autre frais que la redevance annuelle déjà versée au
    fournisseur au titre de la maintenance.
    La clinique porte laffaire devant le Tribunal de grande instance
    de Marseille pour que ce dernier constate que le fournisseur est tenu, au titre du contrat
    de vente et de maintenance, dassurer la continuité de fonctionnement de son
    installation téléphonique et notamment de remédier aux éventuels dysfonctionnements
    liés à lan 2000.
    Prédominance du contrat
    Par une décision du 9 décembre dernier, les juges marseillais ont
    fait droit à la demande de la société requérante. A nouveau, les faits de
    lespèce et particulièrement le contenu du contrat liant les deux parties,
    savèrent déterminants et ce, nonobstant la volonté du fournisseur damener
    les juges à sinspirer des quelques décisions judiciaires en la matière qui, pour
    des faits apparemment similaires, ont pu considérer que lobligation
    dadaptation nétait pas à la charge du fournisseur. 
    En effet, le défendeur a pensé pouvoir sappuyer sur des
    arguments juridiques ayant fait leur preuve dans les litiges liés au changement de
    millénaire dans les systèmes dinformation. Or, non seulement les juges n'ont pas
    repris la totalité des premières solutions dégagées mais, se fondant sur certaines
    dentre elles, ont réfuté les prétentions du fournisseur.
    Il a été convenu, dans les arguments invoqués contre les
    fournisseurs informatiques dans le cadre des litiges liés à lan 2000, de rappeler
    les obligations qui pèsent sur ces derniers, notamment celles de la délivrance conforme,
    du devoir dinformation, de renseignement et de mise en garde. Dans la présente
    affaire, le fournisseur sest donc empressé de préciser au tribunal quil
    na en rien manqué aux obligations rappelées ci-dessus, tant au titre du contrat de
    vente et qu'à celui du contrat de maintenance.
    Or, les juges marseillais se sont contentés dune lecture fidèle
    du contrat. Ils soulignent le descriptif de linstallation fait référence au
    logiciel de taxation. De sorte quau titre des prestations de maintenance figurent
    celles afférentes au logiciel incriminé.
    A cela sajoute labsence dans les relations entre les deux
    parties dun quelconque manquement de la part du client dans le versement des
    redevances de maintenance. Cest pourquoi, le client " peut
    légitimement considérer que le fonctionnement de ce logiciel doit être assuré le 29
    septembre 2000 " (date dexpiration du contrat de maintenance).
    Par conséquent, les juges estiment que le fournisseur ne pouvait
    exclure de la maintenance un élément qui était couvert par le contrat et se dispenser
    dexécuter ses obligations pour manquement de la part de son client, ce dernier
    nayant pas failli.
    Le cédant avait également objecté que les prestations de maintenance
    ne couvraient que des opérations correctives et non pas évolutives et se réfère à des
    jurisprudences qui pour des faits similaires, ont pu considérer que lobligation
    dadaptation nétait pas à la charge du fournisseur (Cour d'appel de Paris,
    TGI d'Annecy).
    Or, d'une part, le tribunal de Marseille rappelle que le fournisseur ne
    démontre en rien que la licence était limitée à une utilisation jusquau 31
    décembre 1999. 
    D'autre part, le tribunal estime que les jurisprudences invoquées
    (Cour dappel de Paris le 1er juillet 1999 et le Tribunal de grande
    instance dAnnecy le 6 Juillet 1999) ne trouvent pas application aux faits de
    lespèce.
    Le tribunal souligne en effet que le client na pas participé à
    lélaboration du logiciel de taxation proposé par le fournisseur et quil
    na pas refusé la mise en place dun contrat de maintenance, à la différence
    des faits ayant donné lieu à larrêt de la CA de Paris et au jugement du TGI de
    Annecy.
    La victime nétant pas " lors de la commande du
    système un initié en informatique ", le juge rappelle les droits reconnus
    au profane face au professionnel, cest pourquoi il considère que le client
    " est en droit dattendre un fonctionnement pérenne de son installation
    tant que le contrat de maintenance est en vigueur  ".
    Enfin, le tribunal de Marseille va considérer que le fournisseur ayant
    renouvelé le contrat de maintenance le 30 septembre 1999, "
 il lui
    appartient en conséquence de garantir la continuité du fonctionnement du système
    globalement vendu 
 et de remédier aux éventuels dysfonctionnements liés au
    passage à lan 2000 ". 
    Le juge précise par conséquent que le fournisseur qui décide de
    renouveler un contrat de maintenance en assume les conséquences : garantir la continuité
    du fonctionnement du système globalement vendu. Le cas échéant, le prestataire de
    maintenance devra remédier à déventuels dysfonctionnements liées au passage à
    lan 2000. Cette obligation doit sentendre sans exclusivité et couvrir la
    solution dans sa globalité.
    Notons au passage que le jugement fait référence aux études du Cigref
    et du Syntec pour déterminer la date à partir de laquelle la modification du
    logiciel pour assurer le passage à lan 2000 doit être comprise. Il nous semble que
    l'impact de cette référence devrait rester limité, le contrat étant l'élément
    primordial dans la prise de la décision.
    La défense du prestataire a cherché à amener les juges sur le
    terrain daffaires déjà jugées en espérant que ces dernières constitueraient des
    sources du droit. S'il est vrai que lon peut douter parfois de l'aptitude de
    certains juges à trancher des litiges ayant pour objet les nouvelles technologies, on ne
    peut reprocher à ces derniers de ne savoir différencier des espèces différentes. La
    présente affaire en une illustration parfaite.
    On ne peut que se féliciter à nouveau de la constance des solutions
    jurisprudentielles. Les jugements prononcés à ce jour ont pu démontrer la volonté
    manifeste des juges de préserver les engagements contractuelles des parties.
    A. M.