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Janvier 2001

Rédacteur en chef / éditeur
Lionel Thoumyre



26 janvier 2001

L’Europe sera-t-elle enfin délivrée du spam ?

Une nouvelle proposition de directive européenne envisage d’inclure les courriers électroniques non sollicités dans le cadre du système de consentement préalable déjà applicable depuis 1997 aux appels téléphoniques et aux télécopies effectués en Europe (système opt-in). Il s’agit d’un changement de cap étonnant, puisque que le Parlement et le Conseil européens avaient explicitement opté dans le cadre de leur Directive du 20 mai 1997 sur les contrats à distance (97/7/EC) pour une réglementation en faveur de l’industrie du marketing direct (système opt-out), laquelle est d’ailleurs sur le qui-vive depuis l’annonce de la proposition.

Souhaité par les opérateurs Internet et leurs utilisateurs, ce changement de réglementation n’affecterait pas l’ordre juridique de tous les Etats membres. En effet, certains d’entre eux ont déjà opté pour le système du consentement préalable en vertu de l’article 14 de la Directive du 20 mai 1997 qui autorise les États membres à « introduire ou maintenir, dans les zones couvertes par cette Directive, des dispositions plus strictes et compatibles avec le Traité, afin d'assurer un meilleur niveau de protection du consommateur ». L’Allemagne (standard établi par les tribunaux depuis 1998), l’Autriche (législation du 06/07/1999), la Finlande (législation du 01/07/99), l’Italie (législation du 22/05/1999) et le Danemark (législation du 17/07/00) ont profité de cette faculté.

Si la proposition devenait effective, les utilisateurs européens bénéficieraient d’une protection jamais accordée à leurs homologues américains. Ces derniers attendent toujours de Washington l’adoption du projet de loi H.R. 3113, lequel favorise un système opt-out mais donne aux opérateurs Internet le pouvoir d’interdire l’envoi de pourriels qui leur sont destinés (système propriétaire). Par ailleurs, l’absence de réglementation américaine pourrait nuire d’une manière significative à l’efficacité de la directive proposée. En effet, le spamming est une pratique commerciale largement répandue qui a principalement cours aux Etats-Unis. L’application effective de la proposition se heurterait en conséquence à d’onéreuses procédures d’homologation.

Éric Labbé

Liens :

>Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques,
<http://www.europa.eu.int/eur-lex/fr/com/dat/2000/fr_500PC0385.html> ;

>Projet américain H.R. 3113,
<http://thomas.loc.gov/cgi-bin/bdquery/z?d106:h.r.03113:> ;

>Article de Lionel Thoumyre, "Spam : quelle réglementation ?", Juriscom.net, Internautes, janvier 2000, <http://www.juriscom.net/int/dpt/dpt23.htm> ;

>Article d'Éric Labbé, "Pourriel, pollupostage et référencement abusif : le spamming dans tous ses états", Juriscom.net, Professionnels, avril 1999,
<http://www.juriscom.net/pro/1/cns19990401.htm>.


26 janvier 2001

Un juge français condamne le tissage de liens profonds

Le Tribunal de commerce de Paris vient d’ordonner, sous astreinte de 50 000 FF (10 000 CAD) par jour de retard, à la société Keljob de cesser de présenter les pages du site « cadresonline.com » ou leur contenu, sous une autre URL que celle du site de la société demanderesse.

« Keljob.com » est un moteur de recherche d’emploi gratuit qui répertorie plus de 240 000 offres présentées sur d’autres sites, dont celui de la société Cadres On Line. Cette dernière lui a reproché de modifier et d’altérer les codes sources de ses pages Web et de les présenter par liens hypertextes profonds sous d’autres adresses que celles du site « cadresonline.com ».

A propos des liens, la société Keljob lui oppose qu’aucune disposition juridique ne l’oblige à prévenir le propriétaire d’un site Internet ou d’obtenir son autorisation préalable. Le juge rappelle néanmoins que « les dispositions de l’article L. 122-4 du Code la propriété intellectuelle, condamne le fait de représenter une œuvre sans le consentement de son auteur » et, faisant sans doute référence à la Netiquette oubliée, ajoute que le « bon usage des possibilités offertes par le réseau Internet » exige de prévenir le propriétaire du site cible.

Est-ce à dire que l’on ne pourrait plus effectuer de liens hypertextes sans autorisations ? A en croire le magistrat, ce serait presque le cas. Ce dernier précise en effet que : « s’il est admis que l’établissement de liens hypertextes simples est censé avoir été implicitement autorisé par tout opérateur de sites Web, il n’en va pas de même pour ce qui concerne les liens dits « profonds » et qui renvoient directement aux pages secondaires d’un site cible, sans passer par sa page d’accueil ». Ainsi, seuls les liens non autorisés pointant vers des pages d’accueil seraient légaux...

Gardons-nous cependant de généraliser ces formules. Il ne faut pas oublier que le tribunal devait se prononcer sur un cas particulier de liens profonds qui masquaient ou dissimulaient tant le nom du site cible que les URLs de ses pages. D’ailleurs, les attendus suivants de l’ordonnance ne qualifient en action déloyale que la création de liens hypertextes qui aurait pour effet : (1) de détourner ou dénaturer le contenu ou l’image du site cible, (2) de faire apparaître ledit site cible comme étant le sien, sans mentionner la source et (3) de ne pas signaler à l’internaute qu’il est dirigé vers un site extérieur.

Ce n’est donc pas, selon nous, l’ensemble des liens hypertextes effectués sans autorisation vers des pages internes d’un site Web qui est ici condamné. L’ordonnance du 26 décembre 2000 ne fait que décrire l’art et la manière du tissage sur un cas d’espèce. Un art contesté par la société défenderesse, laquelle entend faire appel de cette décision.

Lionel Thoumyre
Directeur de Juriscom.net

Liens (profonds) :

>Débat sur la légalité des liens hypertextes.

>Ordonnance du Tribunal de commerce de Paris du 26 décembre 2000, sur Juriscom.net,
<
http://www.juriscom.net/txt/jurisfr/da/tcparis20001226.htm> ;

>Campagne d'information et de protection sur les liens hypertextes : <http://www.lexum.umontreal.ca/cipertexte/> ;

>Article de Lionel Thoumyre, "Liens hors-la-loi", Juriscom.net, Internautes, août 1998, <http://www.juriscom.net/int/dpt/dpt07.htm> ;

>Article de Thibault Verbiest, "Liens hypertextes : quels risques juridiques pour les opérateurs de sites Web  ?", Juriscom.net, Professionnels, mai 2000,
<http://www.juriscom.net/pro/2/lh20000509.htm>.


26 janvier 2001

Logiciels de filtrage : pour ou contre ?

Un mois après son adoption par le Congrès américain, le Children’s Internet Protection Act est déjà la cible de contestations judiciaires par plusieurs groupes de défense de libertés civiles. Cette pièce législative, signée par le Président sortant Bill Clinton, oblige les écoles et les bibliothèques publiques à utiliser un logiciel pouvant filtrer le contenu de sites Web aux mœurs douteuses.

Le American Civil Liberties Union (ACLU), le American Way Foundation, ainsi que plusieurs bibliothèques et propriétaires de pages numériques préparent une procédure visant à  rendre inopérante la nouvelle législation. Le Children’s Internet Protection Act impose  la mise en place de logiciels de censure aux écoles et aux bibliothèques recevant des E-rate funds, soit des subventions publiques reliées à des programmes d’intégration de l’Internet. Ce filtre numérique doit bloquer les images de pornographie infantile et tout autre matériel jugé sexuellement obscène. Les administrateurs des institutions visées sont libres de choisir leur système de filtrage en tenant compte des sensibilités locales de leur communauté.

Selon Chris Hansen de l’ACLU, la nouvelle législation contrevient à la liberté d'expression, protégée par le Premier Amendement de la Constitution américaine. D’une part, les logiciels de filtrage finissent toujours par sur-censurer, bloquant ainsi l’accès à des pages numériques d’intérêt public, comme, par exemple, des sites Web sur l’éducation sexuelle. D’autre part, les controverses relatives à la notion même d’obscénité sont souvent réservées et évaluées par les cours : le logiciel de censure rend cette pratique aléatoire. Finalement, puisque certains internautes démunis n’ont accès au réseau que par l’entremise des bibliothèques publiques, l’effet pervers de la sur-censure vient créer des citoyens de 2ème classe n’ayant droit qu’a de l’information virtuelle partielle. Pour le Sénateur McCain, un grand défendeur de la nouvelle loi, le Children’s Internet Protection Act constitue un excellent moyen pour défendre les enfants contre la "pollution" provenant de l’Internet. Le débat est bien divisé, mais tous sont d’accord pour dire que la Cour Suprême sera l’arbitre ultime de la cause.

Charles Perreault
charlesperreault@hotmail.com

Liens :

>Ann Beeson, Chris Hansen et Barry Steinhardt, "Is Cyberspace Burning?", ACLU, 7août 1997,
<http://www.aclu.org/news/n080797a.html> ;

>Carl S. Kaplan, "Free-Speech Advocates Fight Filtering Software in Public Schools", New York Times, 19 janvier 2001,
<http://www.nytimes.com/2001/01/19/technology/19CYBERLAW.html?pagewanted=all> ;

>Children's Internet Protection Act,
<http://www.cdt.org/legislation/106th/speech/001218cipa.pdf> ;

>Nancy Coleman, "Nashua Library Board Rescinds Unconstitutional Internet Filtering Policy", PFAWF., 17 août 2000,
<http://www.pfaw.org/news/press//show.cgi?article=966545105> ;

>Opinion du juge Leonie Brinkema sur un logiciel de filtrage utilisé dans une bibliothèque : aff. Mainstream Loudoun v. Loudoun County Library Board of Trustees,
<http://www.pfaw.org/courts/loudoun_ruling.shtml>.


25 janvier 2001

La Cour d'appel de Versailles estime qu'Alifax n'a pas contrefait la marque Sony 

Par un arrêt du 14 septembre 2000 particulièrement motivé, la Cour d’appel de Versailles a partiellement infirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Nanterre du 20 mars 2000 dans l’affaire opposant Sony à la SARL Alifax. La célèbre firme japonaise et sa filiale française avaient poursuivi un de leurs distributeurs au sujet de l’exploitation d’un site Internet de commerce électronique accessible à partir de noms de domaine reprenant  les marques “Sony” et “Espace Sony”.

Bien que la Cour ait maintenu le dispositif du jugement concernant le sort des noms de domaine “espace-sony.com” (transfert) et “alifax-espace-sony.com” (annulation), l’arrêt en constitue cependant bien une infirmation. Ce n’est qu’après une analyse minutieuse des différents rapports contractuels qui se sont succédés entre les parties que la cour s’est prononcée sur le sort des noms de domaine litigieux. Pour ce faire, il faut surtout retenir qu’elle a écarté clairement les qualifications de contrefaçon, de concurrence déloyale ou encore de parasitisme, se bornant à appliquer les dispositions des conventions intervenues entre Sony et son distributeur. Elle a notamment mis en lumière la “généralité des termes employés” par le nouveau contrat de distribution s’agissant de l’utilisation des signes distinctifs de Sony dans l’ensemble de l’activité commerciale des distributeurs.

Selon la Cour d’appel, c’est à bon droit que la société Alifax a utilisé les marques pour identifier son site, en vertu de ce contrat. Il s’agissait même là d’une obligation : “Le point de vente sera exploité sous cette marque. Cette disposition vise l’enseigne commerciale, ainsi que l’ensemble de l’activité commerciale”. Ainsi, les juges ont-ils considéré que ce n’est qu’à la date où Sony a transmis à ses partenaires un document relatif à l’usage de ses marques sur Internet que le caractère équivoque des stipulations contractuelles relatives à l’usage des signes distinctifs a pu être levé et par, là même, la situation avec Alifax.

La Cour en a déduit que, si l’usage des marques à titre de noms de domaine était clairement prohibé à compter de cette date, il ne pouvait en être déduit l’existence d’une contrefaçon “ rétroactive ” de la part de la société Alifax.

Au-delà de la solution apportée à ce conflit par la Cour d’appel, cette décision remet en cause la lecture qui avait pu être faite du jugement du TGI de Nanterre concernant la nature juridique des noms de domaine. En effet, le droit d’usage conféré au distributeur sur les signes distinctifs du fournisseur avait été distingué de la licence d’exploitation : “ le droit d’usage [] ne permet au distributeur que la seule utilisation de la marque à titre d’enseigne [] il ne justifie pas l’appropriation d’un nom de domaine reprenant les marques dont le fournisseur est titulaire ”. Le débat est donc relancé.

Alexandre Nappey

Liens :

>Résumé de la décision du TGI Nanterre :
<http://www.juriscom.net/txt/jurisfr/ndm/resum.htm#sony2> ;

>Arrêt de la Cour d'appel de Versailles :
<http://www.juriscom.net/txt/jurisfr/ndm/caversailles20000914.htm> ;

>Article de Frédéric Glaize et Alexandre Nappey, "Le régime juridique du nom de domaine en question", Juriscom.net, Professionnels, 19 février 2000,
<http://www.juriscom.net/pro/2/ndm20000219.htm>.


24 janvier 2001

La France impose une "taxe" sur les CD vierges

La Commission Brun Buisson du nom de son président instituée en application de l'article L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle, a adopté le 4 janvier dernier une décision fixant la rémunération due par les fabricants au titre de la copie privée des œuvres fixées sur phonogrammes et vidéogrammes. Cette mesure vise dans un premier temps les supports analogiques (cassettes audio et vidéo) et numériques (CD, DVD) ainsi que les baladeurs MP3. Les supports d'enregistrement intégrés dans des matériels grand public (graveur CD Rom, voire disque dur) devraient également subir cette redevance dans les semaines qui viennent.

Cette décision à également pour but de rémunérer les auteurs pour les copies privées, réalisées par toute personne, physique ou morale, d'œuvres fixées sur phonogrammes et vidéogrammes. Il s'agirait donc exclusivement de rémunérations pour la copie d'œuvres musicales ou vidéos. Seulement, contrairement aux supports analogiques, les supports numériques ne sont pas destinés par nature à fixer de telles œuvres. En effet, ils permettent principalement aux personnes de fixer leurs propres logiciels ou de réaliser des copies de sauvegarde.

En se fondant sur cette erreur manifeste d'appréciation de la part de la Commission, les syndicats de fabricants ont saisi le Conseil d'Etat afin de faire invalider l'extension de cette rémunération pour copie privée à tous les supports numériques.

A noter que Catherine Tasca, ministre de la Culture, avait envisagé un court instant de taxer les disques durs des ordinateurs en leur qualité de support numérique de fixation. Elle s'est ravisée le 16 janvier dernier lors d'un débat à l'Assemblée nationale. Néanmoins, les disques durs sont encore susceptibles d'être visés, dans le cadre cette fois-ci des supports intégrés d'enregistrement.

Benoît Tabaka
Directeur éditorial de Ejuris.org
http://www.ejuris.org

Liens :

>La décision du 4 janvier 2001 de la Commission Brun Buisson,
<http://www.legifrance.gouv.fr/citoyen/jorf_nor.ow?numjo=MCCB0000005S> ;
>Débat à l'Assemblée nationale du 16 janvier 2001,
<http://www.internet.gouv.fr/francais/textesref/ctasca160101.htm> ;
>derniers développements : voir l'article de Delphine Parickmiler, "La taxe sur les PC et les disques durs n'est pas morte", ZDNet.fr,
<http://www.zdnet.fr/actu/cgi-bin/affiche.pl?ID=17861>.

Vous pouvez réagir à cette information sur le forum de Juriscom.net. 


17 janvier 2001

"Lex Electronica" fait le point sur la protection de la vie privée

Il y a bien longtemps que la protection de la vie privée sur les réseaux numériques n'avait fait l'objet d'une réflexion approfondie. Les problèmes relatifs à la collecte et l'utilisation des données personnelles ou à la surveillance des communications électroniques n'en sont pas résolus pour autant. C'est pourquoi la revue Lex Electronica consacre un numéro entier au thème "Vie privé : violations et protections à l'ère des inforoutes". 

Huit articles écrits par des chercheurs et des praticiens en droit des technologies de l'information analysent la situation dans sept systèmes juridiques différents. Sont représentés : le Canada, les États-Unis, la France, l'Italie, la République Démocratique du Congo, la Suisse et l'Union européenne. Certains auteurs dénoncent également l'existence persistante de pratiques attentatoires à la vie privée des utilisateurs des réseaux numériques.

Lex Electronica est une revue universitaire fondée par le professeur Karim Benyekhlef et éditée au Centre de recherche en droit public. Vous pouvez la consulter gratuitement à l'adresse suivante : http://www.lex-electronica.org.

Lionel Thoumyre
Directeur de Juriscom.net


17 janvier 2001

Diffamation en ligne et juridiction : première décision de la Cour de cassation italienne

Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 17 novembre 2000, le juge italien s’est déclaré compétent pour traiter d’un cas de diffamation en ligne provenant d’un site étranger. Il s’agit de la première décision rendue en cassation à propos d’un litige né sur Internet.

Les faits de l’affaire sont loin d’être virtuels. Suite à leur divorce, Madame X et Monsieur X se sont vus tous deux reconnaître un droit de garde sur leurs enfants. Mais, remariée avec le leader d’un mouvement juif ultra-orthodoxe, Madame X, devenue Madame Y, emmène ses enfants avec elle, en Israël. Ces derniers ont toutefois été rendus à leur père, en Italie, après avoir été récupérés par les autorités israéliennes. Fort mécontente, Madame Y commence alors à diffuser des messages et des photos sur Internet contre son ex-mari, invitant les juifs italiens à « libérer » ses enfants. Le 1 mars 2000, Monsieur X porte plainte contre sa femme pour atteinte à sa réputation ainsi qu’à sa vie privée.

En première instance, le tribunal juge qu’il existe une responsabilité des auteurs du serveur incriminé pour diffamation. Toutefois, le site étant édité depuis l’étranger, le juge italien se déclare incompétent pour traiter de l’affaire. Celle-ci connaît un autre sort devant la Cour cassation qui retient, tout d’abord, que la diffamation en ligne n’est pas différente de celle prévue par le Code pénal italien aux articles 594 et 595. Les juges rappellent que toute image et toute information diffusées sur le Net sont consultables par un public indéterminé de n’importe quel point de la planète. Il y a consommation du délit, non pas au moment de la diffusion du message offensant, mais lorsque que le message est lu par des tiers qui n’en sont pas ni les auteurs, ni les destinataires. La Cour de cassation retient ensuite la compétence de la juridiction italienne par application de l’article 6 du Code pénal et du principe de l’ubiquité, selon lequel le délit est considéré comme étant commis sur le territoire de l’État lorsque l’action, l’omission ou l’événement qui en est la source, se constate complètement ou partiellement sur ledit territoire.

Mais, quelques jours seulement après la décision de la Cour de cassation, une juridiction de première instance (Tribunal de Torre Annunziata, 24 novembre 2000) se déclare à nouveau incompétente, par application de l’article 600-ter du Code pénal, pour traiter cette fois-ci d’un cas de pédophilie en ligne. Selon le juge, la compétence doit être celle de la juridiction où l’auteur du délit possède son adresse ou celle où se situe l’ordinateur grâce auquel les images pédophiles ont été envoyées.

Giovanni Maria Riccio
griccio@freemail.it
Doctorant en droit privé comparé
Université de Salerne
& Lionel Thoumyre

Liens :

>L’arrêt de la Cassation (en italien) : 
<http://www.penale.it/giuris/cass_013.htm> ;

>L’arrêt du Tribunal de Torre Annunziata (en italien) :
<http://www.notiziariogiuridico.it/torreannunziata24112000.html>.


16 janvier 2001

Quand les avocats dénoncent les lois sur Internet

Une dizaine d’avocats, spécialistes du droit des nouvelles technologies de l’information et appartenant aux plus grands cabinets d’affaires (Andersen Legal, Freshields, Dubarry, Bird&Bird, Salans…), viennent de publier une « Lettre ouverte au législateur » pour dénoncer les incohérences de la loi du 1er août 2000 sur la liberté de communication et de celle du 10 juillet 2000 sur les ventes aux enchères via Internet. Cette « lettre ouverte » démontre l’inquiétude des professionnels du droit, à l’heure où le Parlement va être saisi de la Loi sur la Société de l’Information (LSI) dont les débats s’ouvriront sur fond de procédures judiciaires à répétition, faisant écho aux déboires de Yahoo!, de One Tel et de biens d’autres...

>Un problème de responsabilité

La loi du 1er août transpose en droit français certaines dispositions de la Directive européenne sur le commerce électronique. Une directive qui distingue trois prestataires de service : celui qui transporte l’information et fournit l’accès, celui qui la stocke (le « caching ») et celui qui fournit un site d’hébergement. Trois catégories dotées d’une responsabilité limitée, pour répondre à la spécificité de chaque rôle. Mais la loi française ne transcrit le principe européen de non-responsabilité que de façon imparfaite. Personne, actuellement, ne peut cerner l’exacte responsabilité du prestataire qui achemine l’information sur le Réseau sans pour autant fournir d’accès. Il en est de même pour celui qui achemine l’information tout en faisant du « caching ». La rédaction lacunaire de la loi ne permet pas de savoir s’il s’agit ou non d’une responsabilité de droit commun.

>Des rôles mal définis

La loi française, contrairement à la directive, laisse à penser que le fournisseur d’accès ne va pas bénéficier d’un régime d’exonération de responsabilité. Or, celui-ci a bien moins de moyens de contrôle de l’information véhiculée que le fournisseur d’hébergement. Paradoxalement, une lecture littérale de la loi laisse à penser que c’est ce dernier qui est déchargé de toute responsabilité pénale et civile du fait du contenu du site qu’il héberge, à la double condition « d’agir promptement pour empêcher l’accès au site » s’il « est saisi par une autorité judiciaire ».

Une rédaction si vague que les juristes y perdent leur latin ! Nul ne sait ce que signifie « être saisi » par la justice. Faut-il agir dès l’assignation, avec des risques de censure et de menace sur la liberté d’expression ? Ou bien attendre une ordonnance de référé ou un jugement au fond et, en ce cas, que faire si celui ci est frappé d’appel ?

>Enchères : la braderie !

La loi du 10 juillet 2000 réforme le système français des ventes aux enchères publiques et il semble que l’intention du législateur avait été d’autoriser les enchères sur Internet.

Cette  loi précise donc que « les opérations de courtage aux enchères par voie électronique » ne constituent pas des enchères publiques,  au motif que l’acheteur et le vendeur se mettent simplement en relation sur le Net, restant libres de traiter ou non, sans véritable adjudication.

En réalité les services en ligne, très développés à l’étranger, particulièrement aux Etats-Unis, reposent souvent sur de véritables enchères. Aucune négociation n’y est possible, ni avant ni après les opérations. Or, de par la loi du 10 juillet, ces services ne sont pas transposables en France. 

Il s’agit d’une situation difficilement admissible alors que, comme le souligne la « Lettre ouverte au législateur », dont le texte intégral est consultable sur le site www.legalnews.fr, les enchères électroniques ne sont « qu’un mode parmi d’autre de transactions commerciales ».

Communiqué


Actualités du mois précédent (décembre 2000)

> L’affaire Yahoo! étudiée par la justice américaine

> Vers une reconnaissance constitutionnelle du principe de l'inviolabilité du secret des communications électroniques au Sénégal

> Liberté de presse en péril : pas la faute à Voltaire

> Délinquants sexuels, je sais où vous trouver !

> Diffusion du droit sur le Web :  Québec ouvre les vannes

> Ebay Inc. déboutée par la Cour d’appel de Paris

> Enregistrement illimité des noms de domaine en ".ca"

> Cyber-notariat au Québec

> Nouvelle avancée pour la réglementation des technologies de l’information au Québec

> L’Ontario devance le Québec pour réglementer le commerce électronique

 

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